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à l'héritage de leurs pères. Sur ces neuf, trois ont des enfants. Trois sœurs dont le père jouissait de 2 à 300,000 livres de rentes avaient obtenu, à ma sollicitation, du noble duc, alors ministre, ce grand maximum de la pension de 50 francs par mois, et celle-là, je me plais à le dire, avait été accordée du jour au lendemain. Apparemment que celles qui l'ont obtenue ne la perdront pas ? Apparemment que le million affecté jusqu'ici au secours vital et alimentaire de tant de malheureuses créatures sera doublé plutôt que supprimé? que le marchand, que l'armateur quelconque puisqu'ils ont le vent si fort en poupe cinglent à pleines voiles vers le rivage de leur ancienne ou nouvelle mammone; Impiger extremos currat mercator ad Indos: mais que tant de nobles et intéressantes victimes, dépuillées de leurs anciennes possessions et de leurs indemnités nouvelles, ne restent pas gisantes sur un grabat, condamnées à y mourir de faim et de désespoir. Combien d'affreux malheurs préviendrait encore l'équitable et compatissante motion à laquelle j'adhère de toutes mes facultés (1)!

M. le comte de Saint-Roman obtient également la parole en faveur de l'amendement. Déjà il a voté pour celui que la commission avait proposé, et c'est avec plus de satisfaction encore qu'il adopte celui-ci. Il ne reviendra pas pour exposer les motifs de son opinion sur des points qui déjà ont été si souvent traités; mais il demande à la Chambre la permission de lui soumettre quelques hypothèses de faits qui lui semblent propres à jeter du jour sur la question, et à faire justement apprécier la position des colons vis-à-vis de l'Etat et vis-à-vis de leurs créanciers. Supposons d'abord qu'un homme en aborde un autre à l'improviste et lui offre une somme d'argent personne ne contestera que celui à qui on l'offre n'aie le droit de refuser cette libéralité, s'il craint de compromettre ses intérêts en l'acceptant. Le colon est donc libre de repousser le présent de l'indemnité s'il le croit plus nuisible qu'utile. Supposez, en second lieu, qu'une maison devienne la proie des flammes: le devoir de l'autorité est de prêter secours au propriétaire, pour arrêter les progrès de l'incendie, et pour sauver

(1) L'amendement de M. le comte de Saint-Priest, écarté d'abord; reproduit ensuite avec diverses modifications; réduit enfin à libérer les colons de tous les arrérages moins cinq ans; soutenu alors par les nobles pairs eux-mêmes qui s'étaient opposés à l'article additionnel de la commission, par MM. le comte de Molé, comte de Ségur, baron Pasquier, baron de Barante, etc; un tel amendement a été finalement rejeté à une majorité de 83 voix contre 82! Et telle est la fatalité qui poursuit ces infortunés colons, que deux nobles orateurs, qui la veille avaient déployés tous les efforts de leur loyauté et de leur éloquence pour sauver les victimes, ont été empêchés par des circonstances imprévues de se trouver le lendemain à la séance, où l'on allait voter définitivement sur le salut ou la perte de leurs innombrables et malheureux clients. Il n'y a pas un mois que, dans un pays voisin, nous avons vu un ministre renoncer à une loi pour laquelle il n'avait obtenu qu'une majorité de 11 voix. Hier, c'est la majorité d'une voix d'une voix!) qui a consommé la perte de plusieurs milliers de Français; et, sans un accident, cette majorité d'une voix eût été pour leur salut. Que faire dans une circonstance si douloureuse? Ce ne sera pas moi qui oserai l'indiquer. Mais il doit être permis d'exprimer le désir que quelque chose puisse se faire.

de son ravage ce qui peut y échapper. Mais si quelque intérêt public exige que la propriété entiêre soit abandonnée aux flammes, si en conséquence l'autorité, loin de prêter secours, entrave les efforts du propriétaire et le réduit à l'impuissance de rien sauver de sa chose, nul doute que l'Etat ne doive une réparation au propriétaire, et que celui-ci n'ait droit d'en débattre l'importance et les conditions. Or, ici les colons sont ce propriétaire dont l'habitation est devenue la proie des flammes. L'Etat en s'interposant aujourd'hui entre lui et les possesseurs actuels de la colonie, au lieu de le protéger jusqu'à la restitution de ce qui reste de sa chose, l'abandonne en quelque sorte et lui ôte tout moyen de rien recouvrer à l'avenir; il doit donc une indemnité, et le colon a le droit d'examiner si cette indemnité est suffisante, et si les conditions qu'on y impose ne la rendent pas illusoire. Dernière hypothèse, une somme importante a été dérobée; un ami de celui qui l'a perdue lui annonce que celui qui l'avait prise vient d'en restituer une partie, mais que cette restitution est faite entre les mains d'un créancier dont elle n'éteint la créance qu'en partie, et cependant il demande pour celui qui avait dérobé la somme une quittance intégrale. Assurément celui auquel on fait une pareille proposition a bien le droit de se refuser à reconnaître un arrangement fait sans lui, et par lequel il se trouverait exposé toujours aux poursuites de son créancier, et hors d'état de poursuivre son débiteur. Telle est la position des colons. Les possesseurs actuels de Saint-Domingue offrent de restituer une faible portion de la valeur des anciennes propriétés; l'Etat accepte cette proposition; il invite par conséquent les anciens propriétaires à un abandon absolu de leurs droits, et cependant, c'est aux créanciers qu'il délégue cette indemnité partielle, de manière que les colons resteront encore engagés après avoir perdu tout espoir de recouvrement. Nul doute qu'ils n'aient le droit de repousser une pareille proposition, de demander à l'Etat ou une indemnité intégrale ou un affranchissement proportionnel de leurs dettes, ou le maintien de l'état actuel des choses. Les efforts du gouvernement d'Haïti n'étaient rien au regard des colons sans leur acceptation. Le gouvernement s'est porté fort pour eux, il y faut maintenant leur ratification, et pour l'obtenir i faut bien faire en sorte que la mesure leur soit profitable, sans quoi ils seraient en droit de la repousser pour s'en tenir aux éventualités qui leur appartiennent. Il y a dès lors nécessité de s'écarter un peu des strictes règles du droit commun, dont ici l'application serait injuste. Les auteurs du projet de loi l'avaient eux-mêmes senti, lorsqu'ils ont interdit la saisie-arrêt pour les sommes qui excéderont le dixième des créances; mais cette facilité accordée aux colons n'était pas suffisante, et l'amendement a pour but de l'étendre dans de justes limites. Le noble pair en vote l'adoption.

(L'amendement est mis aux voix et rejeté.)

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relativement au paiement desdits intérêts sortiront leur plein et entier effet. »>

M. le comte de Tournon obtient la parole pour appuyer le nouvel amendement. La Chambre, par un juste respect pour le principe de la propriété, s'est refusée à décharger en totalité les colons du poids énorme qui les accable. Mais ce fardeau se compose de deux parties bien distinctes: l'une est le capital originairement fourni par le créancier. L'obligation de rendre ce capital était sacrée et inviolable. Elle a été maintenue par le rejet des deux amendements précédemment proposés. L'autre partie se forme des intérêts dont l'accumulation ferait plus que doubler, et arriverait presque à tripler le capital. A cet égard, il faut considérer que cette créance accessoire est d'une nature toute différente de celle du capital; qu'à toutes les époques elle a été regardée moins favorablement par le législateur; que proscrite dans certains cas comme usuraire, elle a été et est encore soumise dans d'autres à des prescriptions différentes de celles qui s'appliquent au capital. On craignait, en réduisant le capital des créances, de fonder un précédent dangereux : mais ici le précédent existe dans la loi d'indemnité, dont l'article 18 a réduit à cinq années les intérêts qui seraient exigibles contre les émigrés, quoique cependant ceux-ci reçussent une indemnité qualifiée d'intégrale, tandis qu'on n'attribue au colon qu'une indemnité du dixième. La réduction proposée est donc admissible, puisque déjà elle a été admise pour un autre cas. Elle est d'ailleurs équitable et juste, parce que les intérêts étaient pour les créanciers la représentation des fruits que produisait au colon sa propriété, et que ces fruits ayant cessé par le désastre de la colonie, leur représentation a dù s'évanouir en même temps. D'un autre côté, des lois de surséance sont intervenues; elles annonçaient une loi transactionnelle entre les créanciers et les colons, elles ont, par conséquent, empêché ceux-ci de prendre des arrangements particuliers. Elles ont d'ailleurs suspendu la prescription qui courait à leur profit, elles leur deviendraient donc plus nuisibles qu'utiles si l'amendement était rejeté. Le noble pair en vote l'adoption.

M. le comte Molé insiste en faveur de l'amendement sur la considération tirée des lois de sursis. Ces lois n'auraient été qu'un piége pour le colon, elles n'auraient fait que consommer sa ruine et la rendre irrémédiable, si l'on pouvait aujourd'hui l'écraser de cette masse énorme d'intérêts, accumulés pendant près de vingt ans qu'a duré le sursis. C'est peut-être ici une preuve nouvelle des dangers que présente une dérogation quelconque au droit commun. Les sursis étaient vivement sollicités par les colons, l'équité paraissait en faire un devoir, et voilà que leurs conséquences menacent du plus affreux malheur ceux-là mêmes dans l'intérêt desquels ils ont été accordés. Evidemment il serait à souhaiter maintenant qu'ils ne l'eussent pas été; mais la faute est commise, et il faut en subir les conséquences. Ce serait sans doute les exagérer que d'affranchir les colons de la totalité des intérêts, mais il faut au moins les replacer dans la position où ils se trouvaient avant le sursis.

M. le baron Séguier observe que l'effet des sursis n'a dû être d'empêcher la prescription qu'autant que le créancier ferait les actes conservatoires nécessaires; mais ces actes il pouvait les faire

même indépendamment du sursis, le colon n'a donc éprouvé par le sursis aucun préjudice qui doive le faire relever de son obligation.

M. le comte Lanjuinais ajoute que c'est par les colons eux-mêmes qu'a été demandé le sursis; et si le gouvernement, tuteur né des créanciers, a eu tort de l'accorder, ce n'est pas au moins à ceux qui l'ont obtenu à s'en plaindre. Le législateur a agi contre les principes, en s'interposant une première fois entre le créancier et le débiteur un pareil exemple ne saurait tirer à conséquence. C'est une affaire particulière qui se traite ici; le gouvernement n'a pas à s'en occuper plus qu'il ne s'occupe des dettes de celui dont la maison a été incendiée ou la propriété détruite par quelque autre fléau. Quelques colons pourront en souffrir, ils verront s'échapper de leurs mains l'indemnité qu'ils espéraient, mais que perdrontils, en réalité ? ce qui ne leur appartient pas; car il faut toujours revenir à ce principe d'éternelle raison, bona non intelliguntur nisi deducto ære alieno. Le noble pair vote le rejet de l'amendement.

M. le comte de Villèle, ministre des finances, demande à être entendu. Il s'afflige d'avoir toujours à combattre une cause qui paraît être celle de la miséricorde et de l'humanité; mais il espère du moins que ce sera pour la dernière fois. Tout le système du projet de loi se fonde sur le respect inviolable du au principe de la propriété, et aux droits existants. Si la Chambre eùt voulu s'écarter de ce principe, peut-être les exceptions eussent dù être plus larges que celle qui est proposée en ce moment. Ainsi l'on conçoit qu'on eut voulu changer la disposition de l'article 2, qui assure l'indemnité aux héritiers que la loi appelle à quelque degré et dans quelque ligne qu'ils se trouvent, lorsque de graves considérations auraient pu faire désirer, ainsi que le proposait la commission préparatoire, de l'affecter plus spécialement à ceux que des intérêts colouiaux semblaient y rattacher plus directement. La Chambre n'a cependant pas hésité sur ce point. On aurait pu demander aussi que l'indemnité ne profitât qu'à ceux des colons ou de leurs héritiers auxquels appartenait la qualité de Français; mais la Chambre a pensé, comme le gouvernement, que l'indemnité n'étant pas fournie par l'Etat, c'était une représentation de la propriété, sacrée comme elle, et qui devait être distribuée entre les nationaux et ceux qui seraient devenus étrangers. Puisque la Chambre pour ces deux cas, et déjà pour le capital des créances, s'en est tenué au droit commun, elle jugera sans doute à propos de persévérer dans cette détermination. Mais si elle croyait devoir s'en écarter à l'égard des intérêts, elle devrait au moins peser les termes de l'exception, et peut-être y faire des dictinctions importantes. Doit-on assimiler, en effet, les créanciers anciens des colons à ceux qui ne le sont devenus que depuis la ruine de la colonie, et lorsque aucun gage ne leur était plus affecté ? à ceux-là, par exemple, qui ont prêté de l'argent aux colons au moment de l'expédition tentée pour reconquérir Saint-Domingue, et dans la vue de leur faciliter la rentrée en possession et l'exploitation de leur propriété en cas de succès? Devrait-on traiter le débiteur opulent comme celui qui ne possède pas de quoi satisfaire à ses créanciers? Ne doit-on avoir aucun égard à la misère de ceux-ci ? Quand on s'écarte de la règle commune, il faut bien se jeter dans l'examen de toutes les circons

tances particulières. C'est ce qui sans doute a déterminé la Chambre à rejeter l'amendement proposé par la commission. Il est à désirer que ce grand sacrifice fait aux principes ne soit pas perdu. Le ministre insiste donc pour le rejet du nouvel amendement; mais il doit saisir cette occasion pour déclarer hautement, en réponse à une interpellation précédemment faite, que l'intention du gouvernement est de continuer les secours accordés sur les fonds de l'Etat à ceux des colons que l'indemnité ne mettrait pas à même de s'en passer. La preuve de cette intention résulte du budget même de 1827, dans lequel figure pour la totalité la somme affectée jusqu'ici à cet emploi.

M. le baron Pasquier obtient la parole sur l'amendement. Il a voté contre les deux qui ont été proposés avant celui-ci, parce qu'il entre dans ses principes de ne s'écarter du droit commun que le moins possible, et lorsqu'il y a nécessité absolue de le faire. Mais ici peut-on méconnaître que les lois de sursis ont placé les créances de Saint-Domingue hors du droit commun? Pourquoi donc refuserait-on d'en sortir encore pour le cas le plus favorable, et lorsqu'il s'agit de modérer pour le débiteur une charge qui présente quelque chose d'exorbitant et d'usuraire? Ce qui donne, en général, au créancier le droit de réclamer des intérêts, c'est que la chose qu'il a vendue ou le capital qu'il a prêté, en produisent au débiteur; mais ici il est notoire que le colon n'a perçu aucuns fruits, n'a reçu aucun intérêt. Les créanciers eux-mêmes ont dû sentir cette différence de position, et si avant le sursis on leur eût proposé le paiement du capital sans intérêts, il n'en est pas un qui n'eût accepté cette proposition avec reconnaissance. Aucun, sans l'avertissement donné par le sursis, n'aurait fait les actes nécessaires pour conserver les intérêts, parce que tous croyaient avoir tout perdu. Le sursis accordé en faveur des colons aurait-il donc rendu la position de leurs créanciers plus favorable, et augmenté leurs droits en leur tenant lieu d'actes conservatoires? Sans doute, le droit commun est la règle la plus sûre pour le législateur, mais lorsqu'on y a admis quelques exceptions, il ne faut pas reculer devant les conséquences qu'elles entraînent. Le noble pair vote l'adoption de l'amendement.

(Avant de mettre l'amendement aux voix, M. le président en donne à l'Assemblée une seconde lecture.)

M. le baron Mounier, rapporteur de la commission, estime qu'une distinction serait nécessaire entre les créances antérieures à 1792, et qui sont nées depuis cette époque. L'intention du noble auteur de l'amendement étant sans doute de n'appliquer la réduction des intérêts qu'aux créances frappées par le sursis, il eût été convenable de l'exprimer d'une manière formelle.

M. le comte de Villèle, ministre des finances, observe que la distinction dont il s'agit aurait pour effet d'accorder plus à celles des créances qui sembleraient précisément avoir les droits les moins étendus, puisque les créanciers antérieurs à 1792 avaient dû compter sur le gage que leur offraient les propriétés des colons, tandis que les autres, ayant contracté postérieurément à la disparition de ce gage, n'ont pu acquérir aucun droit de le réclamer.

M. le comte de Ségur déclare que, dans la

commission préparatoire dont il était membre, l'affranchissement entier ou même partiel du capital des dettes avait paru tellement exorbitant du droit commun, que l'on n'avait pas cru devoir le proposer. Mais ce que l'on demande aujourd'hui est tout autre chose; c'est une mesure de commisération et d'équité, déjà autorisée par un précédent favorable, puisque les créanciers des émigrés ont vu les intérêts de leurs créances réduits à cinq années. Le noble pair ne doute pas que les créanciers des colons n'acceptassent volontiers la même réduction.

M. le baron Séguier observe que la position des uns et des autres n'est pas la même, puisque les créanciers des colons ne recevront guère par le fait que le dixième de leur capital, tandis que ceux des émigrés sont payés intégralement.

M. le baron de Montalembert répond que si les créanciers des colons ne reçoivent que le dixième, c'est uniquement parce que leurs débiteurs ne recouvreront de leur côté que cette faible partie de leur ancienne fortune. On ne peut donc se faire un argument contre les colons d'une circonstance déjà si lâcheuse pour eux.

M. le baron Pasquier estime que le principe de l'amendement est maintenant apprécié d'une manière complète; c'est sur la rédaction seule qu'il pourrait rester quelque incertitude, mais la généralité même de ses termes semble de nature à concilier toutes les opinions, et c'est d'ailleurs la règle générale qu'il s'agit de poser, les tribunaux étant là pour juger les contestations particulières auxquelles son application pourrait donner lieu.

M. le comte Molé demande, avant que la Chambre prononce, à remettre sous ses yeux le texte même du premier arrêté de sursis rendu en l'an Ix, et dont il résulte que la prescription était formellement interrompue pendant tout le temps que devait durer le sursis.

M. le Président met aux voix l'adoption ou le rejet de l'amendement proposé.

Une première épreuve, dans la forme ordinaire, laisse du doute sur le vou de la Chambre.

Quinze pairs, aux termes du règlement, demandent alors le vote par scrutin.

Avant son ouverture, M. le président désigne, suivant l'usage, par la voie du sort, deux scrutateurs pour assister au dépouillement des votes.

Les scrutateurs désignés sont MM. le marquis d'Herbouville et le marquis d'Osmond.

On procède au scrutin dans la forme accoutu. mée. Le résultat du dépouillement donne, sur un nombre total de 165 votants, déduction faite de 4 bulletins nuls, 83 suffrages pour le rejet et 82 seulement pour l'adoption de l'amendement. (L'amendement est rejeté.)

L'article 9 est ensuite adopté dans les termes du projet.

Aucune réclamation ne s'élevant contre l'article 10, il est pareillement adopté pour la teneur suivante :

« Art. 10. Il ne sera perçu aucun droit de succession sur l'indemnité attribuée aux anciens colons de Saint-Domingue.

« Les titres et actes de tous genres qui seront produits par les réclamants ou leurs créanciers, soit devant la commission, soit devant les tribunaux, pour justifier de leurs qualités et de leurs

droits, seront dispensés de l'enregistrement et du timbre. »

L'article 11 est mis en délibération. Voici comment il s'exprime:

«Art. 11. Lorsqu'il s'élèvera des contestations entre divers prétendants-droit à la succession d'un colon qui n'avait pas de domicile en France et qui n'y est pas décédé, ou entre eux et ses créanciers, elles seront attribuées au tribunal du domicile du défendeur; et, s'il y en a plusieurs, au tribunal du domicile de l'un d'eux, au choix du demandeur. »

A cet article se rattache un amendement proposé par la commission, et qui dans ses vues formerait, en tête de la disposition actuelle, un paragraphe ainsi conçu:

La déclaration d'acceptation sous bénéfice d'inventaire, de la succession d'un colon, qui n'avait pas de domicile en France, et qui n'y est pas décédé, pourra être faite au greffe du tribunal du domicile de l'héritier. »>

M. le comte de Villèle, ministre des finances, obtient la parole sur cet amendement. Il n'a guère les moyens d'en apprécier la nécessité, et ce n'est pas de lui que la Chambre doit attendre de grands éclaircissements à cet égard. Mais, en précisant la question, il lui semble qu'on peut la réduire à ces termes: Saint-Domingue est désormais pour nous un pays étranger. Y a-t-il des lois générales applicables à l'acceptation par bénéfice d'inventaire d'une succession échue en pays étranger? Le ministre a peine à croire que ce cas n'ait pas été prévu par la législation existante, et qu'une disposition spéciale soit ici nécessaire.

M. le baron Mounier, rapporteur de la commission, explique les motifs qui l'ont déterminé à présenter cette disposition, qu'elle a regardée comme un complément utile de l'art. 11. On se rappelle que déjà cet article a été amendé à l'autre Chambre par l'addition d'un cas non prévu dans le projet originaire, qui ne parlait que des contestations élevées entre les prétendan's-droit à la succession d'un colon décédé hors de France, sans s'expliquer sur celles qui pourraient s'élever entre eux et les créanciers. L'article amendé attribue, avec raison, le jugement des unes et des autres au tribunal du domicile du défendeur, et lève ainsi le doute qu'aurait pu faire naître le droit commun d'après lequel toutes les contestations relatives à une hérédité sont jugées par le tribunal du lieu où la succession est ouverte. Mais, d'après le droit commun, c'est aussi au greffe de ce dernier tribunal que doit se faire l'acceptation de la succession par bénéfice d'inventaire. Il a donc paru convenable de compléter, par une disposition analogue, le bienfait de l'art. 11, en autorisant l'héritier par bénéfice d'inventaire à faire, dans le cas prévu, sa déclaration au greffe du tribunal de son propre domicile. Si toutefois ce complément n'était pas jugé indispensable, et si l'on pensait qu'une ordonnance d'exécution put suppléer à cet égard au silence de la loi, la commission se désisterait volontiers de l'amendement qu'elle propose.

M. le vicomte Lainé estime que l'amendement proposé, quoique sans doute il rendit la loi complète, ne saurait être considéré comme indispensable. Il y a, sous ce rapport, une grande différence entre la disposition actuelle de l'art. 11 et celle qu'on propose d'y ajouter. Dans la pre

mière, il s'agit d'actions à exercer pour lesquelles il a bien fallu désigner un tribunal compétent. Dans la seconde, où il ne s'agit que d'une déclaration à faire, cette nécessité n'existe pas, car si la déclaration faite par l'héritier au greffe du tribunal de son domicile était jamais attaquée, il en ferait aisément prononcer la validité en vertu de la règle: à l'impossible nul n'est tenu. L'amendement n'est donc pas indispensable, et comme il faudra nécessairement une ordonnance pour l'exécution de la loi proposée, on pourrait, dans cette ordonnance, suppléer au silence de la loi, non que l'opinant accorde à l'ordonnance, même dans ce cas, une forme législative, mais elle fixerait la marche de l'héritier et préviendrait de sa part toute incertitude.

(Le rapporteur déclare que, d'après ces explications, la commission retire son amendement.)

M. le Président observe qu'il a été déposé hier sur le bureau, un autre amendement, applicable au même article, et destiné par son auteur à faire suite à l'amendement de la commission. Toutefois la disposition de l'un étant complétement indépendante de celle de l'autre, le retrait du premier ne peut empêcher la Chambre de s'occuper du second. En voici les termes:

Ceux qui accepteront, ou qui, avant la présente loi, ont accepté sous bénéfice d'inventaire, la succession d'un ancien propriétaire à SaintDomingue, conserveront tous les avantages attachés à cette qualité, sans qu'on puisse opposer à eux, ou à leurs représentants, la réclamation de l'indemnité comme motif de déchéance ou comme acte d'héritier pur et simple. »

La parole est accordée à l'auteur de cet amendement, pour en exposer les motifs.

M. le comte de Noé dit que ce n'est pas une exception au droit commun que le noble pair vient ici réclamer en faveur des héritiers bénéficiaires; c'est une simple explication destinée à leur garantir la puissance du bienfait que la loi leur accorde. L'article 802 du Code civil porte que l'héritier par bénéfice d'inventaire n'est tenu du paiement des dettes que jusqu'à concurrence des forces de la succession, et qu'il ne confond pas ses biens personnels avec ceux de l'hérédité. Mais l'article 803 le charge d'administrer ces der niers, et de rendre compte de son administration aux créanciers et aux légataires. Ne pourrait-on pas, en vertu de cet article, le rendre responsable de la négligence qu'il apporterait à réclainer l'indemnité? Ne pourrait-on pas, d'un autre côté, prétendre qu'en la réclamant, il a fait acte d'héritier pur et simple, et renoncé ainsi au bénéfice de la loi? Cette prétention, si elle avait quelque fondement, rendrait extrêmement fâcheuse la condition des héritiers bénéficiaires. On répondra sans doute que l'héritier bénéficiaire ne perd pas sa qualite pour avoir réclamé dans l'intérêt des créanciers les sommes dues à une succession; et que si jamais semblable prétention était élevée, les tribunaux en feraient justice. Le noble pair n'en doute pas; cependant il fera observer à la Chambre que la réclamation de l'indemnité est une sorte de transaction qu'on ne peut assimiler à la poursuite d'une créance ordinaire. Ne pourrait-on pas argumenter ici de la disposition de l'article 806 du Code, qui défend à l'héritier bénéficiaire d'aliéner les immeubles autrement que dans les formes prescrites par les lois sur la procédure? Enfin, quand la prétention serait absurde, ne convient-il pas d'épargner aux malheureux

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colons et à leurs familles les embarras et les frais d'un procès vexatoire? C'est dans cette vue que le préopinant a cru devoir soumettre à l'Asseinblée la proposition dont elle veut bien s'occuper.

M. le marquis de Lally appuie l'amendement proposé.

M. le comte de Villèle, ministre des finances, déclare que cet amendement lui paraît inutile. Comment, en présence des articles du Code, invoqués par l'auteur même de la proposition, élever contre l'héritier bénéficiaire la prétention qu'elle a pour but de prévenir? Comment jamais voir en lui autre chose que le gérant de la succession, obligé seulement d'en rendre compte? Mais, pour rassurer pleinement à cet égard le noble préopinant, il suffit de rappeler ce qui se passe relativement à l'indemnité des émigrés. Aucun héritier bénéficiaire n'a hésité à la réclamer, sans craindre de compromettre par l'accomplissement de ce devoir, les avantages que sa qualité lui assure. Le ministre peut citer entre autres l'exemple de M. le duc d'Orléans, qui la réclame dans l'intérêt des créanciers de son père.

(L'auteur de l'amendement annonce que, satisfait des explications données par le ministre, il retire sa proposition.)

L'article 11 est, en conséquence, adopté dans les termes du projet.)

Aucune réclamation ne s'élevant contre l'article 12, cet article est pareillement adopté ainsi qu'il se comporte, et pour la teneur suivante:

Article 12. « Les contestations renvoyées devant les tribunaux, dans le cas prévu par l'article 7, seront jugées comme matière sommaire, à moins qu'il ne s'élève quelque question d'état. »> La Chambre passe à la délibération de l'article 13 et dernier, ainsi concu:

Article 13. L'état des liquidations opérées contenant le nom du réclamant, le montant dé l'indemnité, la désignation et la situation de l'objet pour lequel elle est accordée, sera annuellement distribué aux Chambres. »

M. le baron de Montalembert demande que, dans l'état dont il s'agit, on conprenne aussi le montant des saisies-arrêts qui auront été formées en vertu de l'article 9, afin du moins que l'on sache où sera passée cette indemnité, stipulée en faveur des colons, et dont le triomphe du droit commun vient d'assurer le bénéfice à leurs créanciers.

M. le comte de Villèle, ministre des finances, déclare qu'à moins d'y être contraint par une disposition expresse, le gouvernement ne fera pas droit à une pareille demande.

Aucun pair ne l'appuyant, M. le président met aux voix l'adoption provisoire de l'article 13. Elle est prononcée par la Chambre.

Il est ensuile voté au scrutin sur l'ensemble du projet.

L'appel nominal constate la présence de 151 votants. Sur ce nombre, le résultat du dépouillement donne 135 suffrages pour l'adoption du projet. Elle est proclamée, au nom de la Chambre, par M. le président.

(Le ministre des finances se retire.)

M. le Président rappelle à l'Assemblée que dans son avant-dernière séance elle a ajourné à celle-ci l'audition du rapport aunuel que doit lui

faire, aux termes de l'article 114 de la loi du 28 avril 1816, la commission de surveillance de la Caisse d'amortisement. Elle s'est rendue près de la Chambre à cet effet, et demande à être entendue. M. le président annonce qu'elle va être introduite.

Les membres de la commission sont MM. le comte de Villemanzy, pair de France, président; le baron Leroy et Ollivier, membres de la Chambre des députés; le baron de Guilhermy, président de la cour des comptes, le duc de Gaëte, gouverneur de la Banque de France, et François Delessert, président de la Chambre de com

merce.

Avec les membres de la commission est introduit le directeur général de la Caisse d'amortissement, en présence duquel, aux termes de la loi, doit être fait le rapport dont il s'agit.

Les membres de la commission et le directeur général prennent place dans le parquet en face du bureau.

M. le comte de Villemanzy, président, obtient la parole, et au nom de la commission présente à la Chambre le rapport suivant:

RAPPORT

fait par la commission de surveillance (1) de la Caisse d'amortissement et de celle des dépôts et consignations, en exécution des articles 114 et 115 de la loi du 28 avril 1816.

Messieurs, nommé depuis peu de temps par le roi, président de la commission de surveillance de la Caisse de l'amortissement et de celle des dépôts et consignations;

N'ayant d'ailleurs pris aucune part aux opérations qui ont eu lieu dans l'administration de ces deux caisses, pendant le cours de l'année dernière, je dois aux lumières de la commission et à la connaissance qu'elle a bien voulu me donner des faits qui se sont passés durant cet exercice, d'avoir l'honneur de venir vous présenter aujour d'hui, conformément à l'article 114 de la loi du 28 avril 1816, au nom de cette commission, le rapport annuel sur la direction morale et sur la situation financière de ces deux établissements pendant l'année 1825.

Service de l'amortissement.

Les comptes que nous mettons sous vos yeux, ainsi que vous le disait dans son rapport de 1825, le noble pair auquel j'ai succédé, M. le comte Mollien, vous retracent l'action annuellement progressive de l'amortissement depuis son origine.

«Ils vous offrent, en outre, les effets de son intervention journalière et les détails distincts et séparés des rachats de dette publique 5 et 3 0/0 qu'il a effectués en 1825.

« Le service de l'amortissement est tellement bien organisé que la France qui supporte les sa

(1) Cette commission est composée de MM. le comte de Villemanzy, pair de France, président; le baron Joseph Leroy et A.-S. Ollivier, membres de la Chambre des députés; le baron Guilhermy, président de la cour des comptes; le duc de Gaëte, gouverneur de la Banque de France; et François Delessert, président électif de la chambre de commerce de Paris.

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