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de méfiance injurieuse, mais pour vous-mêmes, pour vos commettants, à qui vous prouverez que notre confiance dans le gouvernement est franche et éclairée, et que loin de repousser les moyens de connaître la vérité, vous nous les conservez avec une inquiète sollicitude.

Je ne m'étendrai pas davantage sur cette partie de la question, je me rappelle, Messieurs, l'impression produite par un beau talent, et c'est avec une juste méfiance que je lui opposerai quelques considérations.

La guerre d'Espagne rappelle toujours parmi nous des idées de gloire, elle les portera aux siècles les plus reculés. Mais cette gloire est tout entière au prince qui justifia notre amour pour son auguste race: elle appartient à ces guerriers généreux qui, après avoir combattu sous différents drapeaux, heureux de se trouver réunis autour du panache de Henri IV, ne rivalisaient plus que d'ardeur et de dévouement, et dont l'émulation semblait agrandir le courage.

Mais l'affaire d'Espagne... Če qu'on appelle affaire d'Espagne ne remplit-il pas nos esprits de toutes autres pensées? Nous ne confondrons pas des choses si distinctes, l'intervalle qui les sépare est immense. La guerre d'Espagne lixe l'époque la plus mémorable de notre histoire; l'affaire d'Espagne... Ah! ma raison et mon cœur se refusent à un parallèle que vous ne supporteriez pas et que je sens qu'il suffit d'indiquer.

Qu'on ne me suppose pas, Messieurs, le vain désir d'amener des obstacles, de faire naître des embarras nouveaux. Non, je ne joue point avec un pareil sujet de discussion. Ah! que ne pouvonsnous l'étouffer dans cette enceinte, mais il n'y mourrait pas tout entier, un procès fameux se traînant longuement devant les tribunaux, un procès plus solennel, entouré de l'appareil et de l'éclat de la Chambre des pairs, le ferait revivre dans toute sa force, et vous auriez inutilement accepté une pesante responsabilité.

Dans les circonstances graves et difficiles, la seule route sûre est le dévoir. Je vote pour les réserves.

M. Nicod de Ronchaud. Messieurs, au point où la discussion est parvenue, après les éclaircissements donnés dans la dernière séance, et lorsque vous avez gardé une impression profonde d'un discours où de généreux sentiments ont été noblement exprimés, il me reste peu de choses à dire pour combattre l'amendement présenté par notre honorable collègue M. Casimir Périer, je me bornerai à relever quelques-uns des moyens qui ont pu échapper aux orateurs qui m'ont précédés à cette tribune, et pour ne point abuser de l'attention que vous voudrez bien m'accorder; je m'efforcerai de réduire la question à ses plus simples termes.

Et d'abord, Messieurs, j'ai quelque peine à concevoir comment on a pu avoir la pensée de remettre instamment en délibération, sous l'apparence d'une rédaction différente, une question qui déjà venait d'être jugée par la Chambre. Il y a peu de jours, en effet, notre honorable collègue, M. le marquis de Cambon, vous a proposé de soumettre de nouveau à l'examen d'une commission, le compte de la liquidation des dépenses de la guerre d'Espagne; vous avez rejeté cette proposition en vous appuyant sur cette considération que le chiffre des dépenses de l'année 1823, avait été définitivement arrêté par vous dans la dernière session, et que par une conséquence nécessaire l'article 4 de la loi du 21 mai 1825, qui imposait

aux ministres l'obligation de présenter à la session suivante, le compte de leurs opérations relatives à la guerre d'Espagne, et de la liquidation des dépenses de cette guerre, ne pouvait plus avoir pour objet un compte matériel, mais seulement un compte moral, cette interprétation de la loi dont il est ici question, était en effet la seule raisonnable, la seule qui pût concilier et mettre en harmonie ses différentes dispositions.

Eh bien, Messieurs, le compte que vous aviez demandé vous a été distribué, et l'on vous a soumis les éléments qui pouvaient vous mettre à portée d'apprécier dans tous leurs détails les opérations de la guerre d'Espagne et la liquidation des dépenses auxquelles elle a donné lieu.

La commission chargée par vous de l'examen des comptes de 1824 ne s'est pas trouvé qualité suffisante pour s'occuper d'un objet qu'elle a considéré comme étranger à ses attributions; elle vous a fait connaître néanmoins les différentes opinions qui s'étaient à cet égard élevées dans son sein. Je suis loin de croire que le scrupule par lequel elle s'est laissée arrêter puisse être fondé; je pense, au contraire, que puisque les recouvrements qui auraient pu être opérés sur l'exercice de 1815 eussent dù, s'il en eût existé, figurer naturellement dans le compte de 1824. Cette considération donnait à la commission le droit d'en faire la recherche, et devait la porter à étendre ses investigations jusqu'à la liquidation des dépenses de la guerre d'Espagne, j'aurais désiré, je l'avoue, qu'il lui fût possible de présenter, relativement à l'ensemble de cette liquidation et à ses différentes parties, des aperçus qui eussent mis la Chambre à portée de se former une opinion motivée sur un objet qui intéressait aussi essentiellement la morale publique. C'était là ce qu'on pouvait raisonnablement attendre de la commission; mais je suis loin de partager la manière de voir de ceux qui voudraient lui faire un grave sujet de reproche de n'avoir pris sur cet objet aucune conclusion positive; son silence à čet égard a été le résultat nécessaire du partage qui s'est opéré entre ses membres. Cette position, Messieurs, n'est point nouvelle pour la Chambre, et M. le président vous a fait connaître un antécédent qui parait n'avoir excité dans le temps aucune réclamation. S'il est, d'ailleurs, une circonstance où les conclusions d'une commission ne me paraissent pas d'une indispensable nécessité, c'est lorsqu'il s'agit d'une question de moralité que la Chambre entière peut seule et doit seule apprécier. Et ne serait-il pas absurde de supposer que toutes les fois que dans un cas semblable les opinions se balanceraient dans le sein d'une commission, la Chambre devrait ellemême rester dans l'indécision jusqu'au moment où un neuvième commissaire viendrait lui apprendre de quel côté elle devrait pencher?

Je reviens, Messieurs, aux éclaircissements qu'on aurait désiré obtenir de la commission, et je ne puis me dissimuler les difficultés presque insurmontables qu'elle aurait rencontrées dans l'accomplissement de cette tâche, la liquidation des dépenses de la guerre d'Espagne est chargée de détails: elle contient nécessairement un grand nombre de marchés qui ne sont point, au même degré, susceptibles de blâme, l'urgence des circonstances pouvant justifier ou du moins excuser, dans certains cas, ce qui porterait dans d'autres le cachet d'une coupable dilapidation; il fallait distinguer tous ces marchés, et faire en quelque sorte un rapport séparé sur chacun d'eux; il fallait connaître les prix des divers objets de con

sommation dans les différents temps et les différentes localités, apprécier les difficultés des transports, l'urgence plus ou moins grande des approvisionnements. Et pouvait-on de bonne foi exiger des membres de la commission plus de notions positives sur tous ces objets que n'ont pu s'en procurer individuellement chacun des membres de la Chambre? Sans doute, ceux qui réclament avec tant d'ardeur un nouvel examen de la liquidation des dépenses de la guerre d'Espagne, ont dů se livrer particulièrement à la recherche des abus auxquels elle a donné lieu qu'ils signalent du baut de cette tribune, ainsi qu'ils y ont été invités; qu'ils précisent leurs observations, qu'ils provoquent des éclaircissements, et en se plaçant sur ce terrain aux yeux de la France attentive à nos délibérations, ils se montreront, selon moi, défenseurs plos zélés des intérêts da pays, qu'en renouvelant sans cesse des attaques générales qui, n'ayant ancun objet déterminé, ne peuvent évidemment avoir aucun résultat. Ah! si nos investigations devaient réellement conduire à la réparation des atteintes qu'ont pu recevoir dans les circonstances qui nous occupent la fortune et la morale publiques; quel est celui de nous qui ne se livrerait avec ardeur à l'accomplissement d'une tâche qu'il mettrait au nombre de ses premiers devoirs? Mais vous le savez, Messieurs, de semblables réparations ne pourraient résulter aujourd'hui que de jugements qui VOUS sont étrangers et sur lesquels vous ne devez méme exercer aucune influence.

En résumant ce qui vient d'être dit, je prie la Chambre de se rappeler qu'on voulait, il y a peu de jours, commencer la discussion qui nous occupe, à l'occasion de la fixation du jour où elle devrait s'ouvrir; dès lors on vous a demandé, et c'est l'objet de l'amendement que je combats, de la renvoyer à l'année prochaine, comme si on s'était proposé de choisir succcessivement pour cette même discussion tous les temps, à l'exception du seul où l'on pût régulièrement s'y livrer. Quel pourrait être, dans la situation des choses, le but de l'ajournement sollicité? Serait-ce le renvoi à une nouvelle commission? Mais vous avez rejeté cette proposition. Serait-ce de provoquer, pour l'année prochaine, une nouvelle discussion en assemblée générale? Mais la réserve qu'on vous propose est sous ce rapport tout à fait superflue, puisqu'ainsi que vous l'a fait remarquer hier M. le ministre de la guerre, la portion des dépenses de la guerre d'Espagne, reportée sur l'exercice 1825, ramènera nécessairement dans la discussion des comptes de cet exercice, la question que vous agitez en ce moment. Mais si l'amendement qu'on vous propose est tout à fait inutile, il aurait à mes yeux le grave inconvénient de mettre la Chambre en contradiction avec elle-même; et si nous reconnaissons, Messieurs, que les reproches journaliers dont elle est l'objet sont trop dénués de fondement et partent de trop bas pour pouvoir l'atteindre; reconnaissons aussi qu'elle ne peut éviter avec trop de soins de donner à ses décisions la plus légère apparence de versatilité : c'est donc surtout dans l'intérêt des convenances et dans l'intérêt de la dignité de la Chambre que je vote le rejet de l'amendement.

M. Agier. Messieurs, ainsi que vous, j'ai été vivement touché par l'éloquent discours que vous avez entendu dans votre séance d'hier. Je dois même avouer que j'ai été un instant ébranlé dans ma conviction. Mais en y réfléchissant, c'est pré

cisément dans ce discours que j'ai trouvé des
motifs de revenir à ma conviction première, qui
est qu'on ne peut pas se dispenser ou de renvoyer
à une nouvelle cotomission, ou de remettre à la
prochaine session, comme le propose M. Casimir
Périer dans son amendement.

Ce n'est pas seulement dans le disccurs de
notre bonorable et très éloquent college. M. de
Martignac, que je trouve des motifs de revenir à
ma première conviction, c'est encore dans tous
les discours que vous avez entendus à cette
tribune. Mais quant à M. de Martignac, qu'a-t-i
dit? Il a exprimé des sentiments que, comme lui
et comme moi, vous sentez vivement; il vous a
reporté à la gloire du prince généralissime de
l'armée d'Espagne; mais, en définitive, il vous a
répété ce qu'il avait dit l'année dernière, c'est-à-
dire que vous avez tout droit d'investigation.
Vous avez demandé des renseignements, a-t-il
ajouté, on vous les apporte. Si vous avez des
questions à faire, on y répondra. Mais sur le point
de savoir si ces renseignements sont suffisants,
notre honorable collègue n'a pas donné uze opi-
nion positive et certaine. Par conséquent, sous c
rapport qui est le plus important, la question est
restée dans le premier doute.

M. d'Andigné de Mayneuf, président de la com mission, dont l'absence qui avait des motifs louables..... (On rit.) Messieurs, j'ai entendu dire que notre honorable collègue avait été rendre des soins touchants à sa femme malade. (On rit de nouveau.) Je ne vois pas pourquoi j'ai le malheur d'exciter votre rire. Mais enfin il n'en est pas moins vrai que c'est lui qui, par son absence, est cause de la discussion qui nous occupe en ce moment. Eh bien, que vous a-t-il dit hier à la fin de son discours? Ceux qui, comme moi, s'étaient approchés de la tribune afin de pouvoir l'entendre, savent qu'il a ainsi conclu: Vous avez le droit de faire une investigation, et même une investigation très sévère; mais je vous engage à ne pas la faire. Je conclus de là que si notre honorable collègue avait été dans le sein de la commission, il aurait été de l'avis de la minorité. (On rit.)

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Plusieurs membres: Il n'y a point de minorité!..

M. Agier. Je sais qu'il y a partage. Mais la commission, au lieu de se trouver quatre contre quatre, aurait eu cinq membres de la même opinion.

Les mêmes membres : Eh bien, il aurait été le cinquième...... Il aurait été de la majorité!...

M. Agier. Notre honorable collègue M. Dudon, dans un discours très détaillé, vous a donné des raisons pour et contre l'amendement de M. Casimir Périer; mais il a soulevé des questions extrêmement graves; il vous a rapporté des faits non moins graves, qui ont dû vous apprendre que vous ne pouviez vous décider sans avoir plus de lumières que vous n'en avez, sans avoir un avis de la commission que vous aviez nommée.

Je n'ai remarqué dans le discours de M. Dudon qu'un seul argument contre l'amendement, auquel il faille répondre. Il vous a dit je ne rejette pas cet amendement parce que qu'il n'est pas bon en soi, mais parce que ce n'est pas un amendement, mais une proposition. Il me semble qu'un mot seul suffit pour répondre à cette objection. L'amendement de M. Casimir Périer n'est pas plus une proposition cette année que ne l'était l'amen

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dement qu'on fit l'année dernière pour renvoyer à la session où nous sommes en ce moment.

Après avoir ainsi écarté cette objection de M. Dudon, restent tous les raisonnements qu'il a présentés, et tous les faits qu'il a rappelés pour prouver que l'amendement était bon en soi, et qu'outre la forme, il l'adoptait entièrement.

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M. le ministre de la guerre, comme l'honorable M. de Martignac, vous a dit : « demandez des renseignements, c'est votre droit, et on vous en donnera. » Mais, Messieurs, serait-il bien parlementaire de demander ainsi subitement des renseignements à M. le ministre, et avec toute sa sagacité, sa facilité, sa mémoire, sa bonne volonté, pourrait-il les donner à l'instant même ? Mais pour demander des renseignements, il faudrait que chacun de nous eut pu comparer le compte du ministre avec les pièces probantes: pour que chacun de nous pût asseoir son jugement, il faudrait qu'il eût pu faire cette comparaison; et je vous le demande, Messieurs, cela est-il humainement possible? car vous savez par l'expérience des jours derniers, combien il est difficile d'établir à la tribune et d'y faire comprendre une discussion de chiffres. Par exemple, Messieurs, j'aurai à vous démontrer que, dans les quatorze premiers jours de la campagne, il y a eu une dilapidation de 4,161,059 fr. 33 c. Mais pour cela, il faudrait entrer dans les détails de chiffres, et je ne pourrais raisonnablement me promettre de me faire entendre.

Quel est donc le moyen de ne point se perdre dans un pareil travail? évidemment de le faire élaborer, préparer par une commission; d'avoir un avis, un projet de décision présenté par cette commission. Eh bien, Messieurs, on ne peut sans nier l'évidence, refuser de reconnaître que, dans l'état actuel des choses, vous n'avez point d'avis de votre commission, puisque sur la question de savoir si vous deviez examiner les comptes de la guerre d'Espagne, les membres de la commission ont été quatre contre quatre, et que sur le reste de la loi des comptes, la commission ne vous a présenté aucun avis.

M. le ministre de l'intérieur vous a dit : Eh de quoi vous plaignez-vous ? Vous demandez un avis, et au lieu d'un, on vous en donne deux !

Gertes, la plaisanterie est très spirituelle; aussi a-t-elle excité toute votre hilarité; mais en matière aussi grave surtout, les plaisanteries ne sont pas des raisons. Le jurisconsulte savant, l'avocat distingué, l'orateur parlementaire sait bien mieux que moi que lorsque dans un tribunal, dans une cour il y a partage, il n'y a point de jugement, il n'y a point d'arrêt, et qu'il faut appeler de nouveaux magistrats pour vider le partage.

Evidemment c'est bien la position dans laquelle nous nous trouvons. Partage, deux avis ; par conséquent, point d'avis, point de point de départ, point de moyens de guider nos jugements dans ce labyrinthe, point de motifs de rassurer nos consciences. Et cependant, Messieurs, ce n'est point une affaire que nous puissions examiner légèrement. Certes, Messieurs, je le confesse, j'aurais désiré qu'elle se terminât aussi vite que la glorieuse campagne dont elle a été la déplorable suite; certes, comme notre honorable collègue M. de Martignac, comme vous tous, Messieurs, je suis contristé des détails qu'elle entraîne; mais elle est parvenue à un point où le seul moyen de dégager nos cœurs du chagrin qui les oppresse, est évidemment de la terminer clairement et nettement. A cette occasion, je crois devoir faire remarquer qu'on se préoccupe sur les diverses po

sitions dans cette affaire, et qu'on les confond. L'honorable général Sébastiani nous a exprimé hier les mêmes idées, les mêmes sentiments que l'éloquent général Foy avait fait entendre dans cette enceinte à la session dernière, les sentiments que la France entière n'a cessé d'éprouver pour le prince généralissime. Mais bien que nous aimions à entendre l'éloge d'une si glorieuse campagne, de la bouche d'un officier général si capable de l'apprécier, je prendrai la liberté de faire remarquer que le nom de l'auguste prince ne peut et ne doit se trouver dans toute cette affaire que pour ce qui est gloire et vertu. Tout ce qui n'est pas gloire et vertu est à une distance de lui si incommensurable, qu'il ne peut même l'aperce

voir.

Sa mission était, non pas comme l'a dit l'honorable général, de faire une conquête, mais d'aller étouffer une révolution, d'aller remettre un Bourbon sur son trône; et pour cette grande mission, l'auguste prince a rendu ses comptes sur le rempart du Trocadéro; il les a rendus au roi d'Espagne en lui remettant la couronne sur la tête; au roi de France, en déposant à ses pieds les lauriers de la victoire et les palmes de la paix. Tout le reste lui est étranger. Je me trompe, Messieurs, il y a quelque chose encore qui ne lui est pas étranger: c'est la reconnaissance de la France qui est inépuisable parce qu'elle est éternelle.

J'irai plus loin encore que l'honorable général. Tout avait été préparé par un illustre guerrier et une armée digne de son noble chef, et le matériel nécessaire à cette armée. Mais je ne sais quel mauvais génie accumula les obstacles à l'exécution des ordres du ministre, et jeta sur ses préparatifs un voile épais qui lui fit croire un instant à lui-même que rien n'était prêt. Le prince dut croire la même chose, et dut prendre toutes les mesures d'urgence nécessaires pour assurer son entrée en campagne. Tout le reste ne le regarde plus, et n'est plus qu'un compte à régler entre le ministère et les Chambres; et quand, au milieu de neuf personnes, on n'a pu émettre une opinion sur ce compte, on veut que chacun de nous puisse s'en faire une au milieu d'une Chambre nombreuse et d'une discussion vive!

Il y a donc de fortes raisons pour renvoyer à une nouvelle commission.

Il y en a une prépondérante pour renvoyer à la prochaine session: c'est notre position; et ici qu'on y prenne garde, les positions sont différentes, les objets sont distincts. Premier objet : accusation de dilapidations sur les 50 millions; celui-ci est soumis à la Chambre des pairs, ou sera renvoyé par elle aux tribunaux. Deuxième objet examen de l'emploi des trois cents autres millions; celui-ci vous regarde exclusivement. Je sais très bien que les pouvoirs de la société agissent dans le cercle de leurs attributions avec une parfaite indépendance les uns des autres ; mais il est une dépendance, une influence qui est indépendante elle-même des volontés, des Voeux de chacun, et qui est le résultat de la nature des choses.

Ainsi, Messieurs, s'il arrivait que la décision de la cour des pairs ou celle des tribunaux infirmât la vôtre, ou fùt en contradiction avec elle, dans quelle position vous trouveriez-vous aux yeux de la France ?

Il y a donc une sorte de convenance et de prudence à attendre la décision de la Chambre des pairs ou des tribunaux, car la question de dilapidation sur les 50 millions est étroitement

liée à la question de l'emploi des 300 autres millions.

Certes, Messieurs, et il n'y a à cet égard qu'une opinion en France, la campagne d'Espagne est à jamais admirable. C'est pour cela qu'il faut que cette affaire soit pure comme la vertu du prince généralissime. Certes, cette belle campagne est un beau diamant de la couronne de France. Dégageons-le, Messieurs, ce beau diamant, de tout ce qui peut empêcher d'apercevoir sa pureté et son éclat. Transmettons sans aucune tache à nos neveux cette belle, cette consolante page de notre histoire. Transmettons-la telle qu'elle a été tracée par la glorieuse épée de l'auguste dauphin de France!

Je vote pour l'amendement de notre honorable collègue M. Casimir Périer.

M. le Président. M. le chevalier Dubourg a la parole pour présenter un article additionnel.

M. le Chevalier Dubourg. Messieurs, dans la dernière session, plusieurs membres de la Chambre pensaient qu'il n'était pas convenable d'adopter et de clôturer définitivement la partie des comptes de 1823 relative au marché Ouvrard; leur opinion était fondée sur la crainte d'agréer prématurément des comptes dont les éléments pouvaient être bouleversés sous le poids des accusations qui les menaçaient. Cette opinion fut rejetée; les comptes, d'après l'avis de la commission, furent adoptés par la Chambre il me paraît impossible de revenir aujourd'hui sur une décision revêtue du caractère législatif.

Mais, Messieurs, quel devoir la Chambre doitelle remplir encore, après avoir obtenu une enquête sur ce déplorable traité, après que ses commissions successives ont vérifié les comptes de 1823, et vous proposent d'adopter celui de 1824. Il ne reste aux députés de la France que d'attendre avec confiance la décision de la cour des pairs et celles de la cour royale de Paris. Ces jugements dérouleront à vos yeux le tableau des auteurs et fauteurs de ces dilapidations, et leur influence sur la validité des marchés et la légalité des dépenses. C'est éclairé par le flambeau de la justice que le ministre de la guerre viendra dans la session prochaine vous présenter le résultat de ces jugements, à l'égard des accusés, et les modifications qu'ils apportent aux divers comptes de l'armée d'Espagne. L'article additionnel que j'ai l'honneur de vous proposer atteint ce double but il est comme une sentinelle placée par la Chambre pour veiller à l'accomplissement de ses devoirs jusqu'au terme d'une affaire qui devra parcourir toutes ses phases.

Article additionnel. « Dans la session prochaine, je ministre de la guerre rendra compte aux Chambres du résultat des jugements qui seront rendus par la cour des pairs et la cour royale de Paris, relativement au marché Ouvrard, et de leur influence sur les comptes de la guerre d'Espagne. »

M. Bourdeau, Messieurs, ne craignez pas que le rentre dans les faits relatifs aux dépenses de la guerre d'Espagne, ni que traitant la partie matérielle ou morale de cette comptabilité, je veuille m'en prévaloir pour décider la question législative qui nous occupe.

Cette question est sérieuse et importante, autant par les résultats qu'elle peut avoir aujourd'hui dans son application aux faits, que par la jurisprudence que sa décision pourrait consacrer.

Elle intéresse à la fois, et les devoirs du ministère, et les droits et les privilèges de la Chambre.

L'article 4 de la loi, réglant les comptes de l'exercice de 1823, veut que les ministres présentent, à la session de 1826, « les comptes de leurs opérations relatives à la guerre d'Espagne, et de la liquidation définitive des dépenses de cette guerre.

La loi porte toujours avec elle un caractère de dignité et de solennité qui ne peut pas se réduire à de vaines et insignifiantes solutions. Ainsi, quand l'article 4 du règlement de l'exercice de 1823 a commandé aux ministres de présenter les comptes de la guerre d'Espagne, ce n'est pas une simple correspondance qu'il leur a prescrite, ni un billet de faire part qu'il leur a demandé.

L'obligation imposée à un comptable de présenter ses comptes emporte, de fait, de droit et par la force des choses, la faculté et le devoir aux mandataires chargés de recevoir ces comptes, de les examiner, vérifier et en régler le résultat.

Ce point, qui domine toute la contestation, a été démontré hier par M. Dudon avec trop d'avantage pour qu'il puisse s'élever une raisonnable contradiction.

Mais les conséquences qu'il en a tirées sontelles exactes, ses solutions sont-elles justes et légales? Je ne le pense pas, Messieurs, et il est impossible d'admettre avec lui que la Chambre doive demander aux ministres où attendre d'eux la proposition d'un règlement particulier de ces comptes.

Il me semble que ni le ministère ni la commission déléguée par la Chambre n'ont fait ce que l'article 4 du réglement de 1823 exigeait.

Le ministère, en présentant ce compte spécial, devait y ajouter l'envoi et la remise des procèsverbaux de liquidation et des motifs justifiant le compte; car il faut bien le reconnaître, c'était le moyen de saisir la commission et de provoquer une vérification convenable et régulière.

De son côté, la commission, investie des pouvoirs de la Chambre, devait, si elle n'était pas faite, requérir cette communication, pénétrer dans le matériel et le moral des comptes, et du moins nous garantir par son suffrage l'approbation que la Chambre eût donnée avec plaisir, même dans l'opinion qu'il y aurait eu des fautes commises.

Qu'il me soit permis de le dire en passant, ce n'est point un retour minutieux, amer, hostile sur cette comptabilité que la Chambre peut désirer, du moins si j'en juge par mes propres sentiments; non, ce n'est pas les fautes commises par l'administration supérieure ou inférieure qu'elle aurait le dessein de scruter et de reprendre. Mais il importe à sa dignité, à la nature et à l'étendue de ses droits et de ses pouvoirs, que les choses soient examinées et connues à fond, pour que la tolérance et l'indulgence,qui peuvent couvrir le passé, ne réagissent pas sur l'avenir. Enfin, en exprimant ma pensée entière pour que tous ministres présents ou futurs, administrateurs, intendants, traitants, gérants, fournisseurs, munitionnaires, sentent bien que ceux qui paient, et leurs représentants, ont le droit et se font un devoir de contrôler les dépenses, de rechercher les malversations et les abus, et, selon les circonstances, d'en provoquer la punition.

Maintenant quelles sont, quelles peuvent être les voies légales et régulières d'exécution de la loi de 1825, quant aux comptes réservés de la guerre d'Espagne?

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En honneur et en conscience, ce ne sont pas ces investigations individuelles sur les articles du compte qui en seraient susceptibles, dont les ministres avouent le droit et provoquent l'exercice, qui pourraient remplir le but désiré. Interrogez, nous dit-on, et l'on vous répondra; si les explications données sont suffisantes, il n'y aura plus rien à éclaircir; si elles sont insuffisantes, fa Chambre nommera une commission pour examiner les points contestés.

Ce n'est pas seulement à nos usages parlementaires, mais au règlement de la Chambre et à la Charte elle-même qu'on veut faire violence.

L'article 45 de la Charte prescrit le partage de la Chambre en bureaux pour discuter les projets qui lui sont présentés. Le règlement a organisé, avec sagesse, cette discussion toujours transportée dans une commission de neuf membres, et dans nos usages, il n'y fut jamais dérogé.

Et pourquoi ces utiles précautions, ces raisonnables lenteurs, ces méditations réfléchies et approfondies! il serait aisé de leur assigner des motifs politiques et d'ordre supérieur, mais arrêtons-nous à un seul, celui qui convient le mieux à notre situation. Un corps nombreux comme la Chambre des députés, composé de 430 membres, ne peut pas opérer en masse sur des choses de détail, telles que des comptes ou autres matières compliquées. Les individus ne le peuvent pas davantage, parce que l'exactitude matérielle et morale d'un compte ne résulte pas de simples indications de dépenses et des énonciations de chiffres, mais de l'examen des pièces justificatives de leur régularité et de leur concordance.

Il y a donc nécessité d'avoir des examinateurs spéciaux délégués, en assez petit nombre, pour s'entendre et procéder méthodiquement, mais choisis par le corps auquel ils rendent la confiance qu'il leur à donnée. Voilà, Messieurs, le moral de toutes vos commissions dont l'autorité doit être, a été, et sera toujours imposante.

Par une interversion de nos règles protectrices et conservatrices, on nous propose de discuter d'abord individuellement, de signaler les articles qui nous sembleraient douteux, et si nous ne sommes pas contents des explications, de nommer une commission pour examiner; c'est-àdire qu'on voudrait finir par où le règlement ordonne de commencer, sans s'inquiéter, pour cette fois, des abus et des graves inconvénients d'une semblable procédure.

En appelant nos censures individuelles, on sait bien que nous serions hors d'état de les motiver, parce que les documents qui pourraient faire naître des doutes, ne sont pas dans les comptes, mais dans leurs éléments que nous ne connaissons pas, et sur lesquels nous ne pouvons être éclairés que par une commission ad hoc.

Voyez, Messieurs, l'inconséquence des concessions qu'on semble faire. Citez des faits, notez des erreurs, signalez des fautes, et on vous donnera des explications. Nous avons entendu un de nos honorables collègues articuler un mauvais paiement de 1,600,000 francs. Qu'a-t-on répondu? que l'intendant militaire s'était trompé, mais qu'on l'avait fortement improuvé ».

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S'est-on plaint de ce que le munitionnaire général n'avait pas versé son cautionnement, et de ce que, devant souffrir la retenue d'un douzième, jusqu'à liquidation, il était étonnant qu'il se trouvât surpayé de 2,252,000 francs. M. le ministre de la guerre a répondu que le cautionnement se prélevait sur les valeurs exigibles dues au fournisseur, ce qui ne nous apprend

pas comment le fournisseur se trouve surpayé et débiteur.

Ces exemples, mieux que tous les raisonnements, démontrent la nécessité d'examiner et l'impossibilité de le faire convenablement par des explications fugitives, comme le sont toutes celles non vérifiées par une commission.

Attendrions-nous, comme nous y invite un des orateurs qui a si bien traité la question de fait, qu'il plût au ministère de faire une proposition à laquelle il le croit engagé par l'article 4 de la loi de 1825.

Mais, Messieurs, je ne comprends pas quelle proposition le ministère aurait à faire à la suite de ses comptes présentés, ni comment il y pourrait être contraint. La proposition est dans les comptes eux-mêmes et dans leur résumé. M. le ministre de la guerre a eu raison de vous dire que ses comptes étaient présentés tels qu'ils les croyait justes, que vous les redemanderiez derechef, qu'il les reproduirait de la même manière et en résultats égaux.

Le ministre est dans son droit pour remplir le vôtre, examinez si ses comptes sont justes en effet, si les dépenses sont valablement constatées, si des erreurs, des fautes, des malversations, qui ne lui seraient d'ailleurs pas imputables, n'ont pas été dissimulées. C'est là, Messieurs, le maté riel et le moral du compte dù à la Chambre, qu'elle s'est expressément réservé par la loi de 1825.

Ne nous éloignons pas du point principal et dominant cette grave discussion. Le droit qu'a la Chambre d'examiner les comptes rendus des dépenses de la guerre d'Espagne est avoué et reconnu; les ministres ne le contestent pas, puisqu'ils nous invitent à leur demander des explications et à leur adresser des interpellations sur les articles qui en paraîtraient susceptibles. Une fois le droit reconnu, il faut que la Chambre en ait le plein exercice, qu'elle l'ait avec fruit et de manière à arriver à d'honorables résultats.

Impossible, et pour elle et pour l'opinion, que ces résultats soient obtenus autrement que par les formes légales et régulières de son organisation constitutionnelle et politique, desquelles, pour les moindres choses, on ne s'est jamais écarté.

Les seules formes légales et régulières sont la discussion des bureaux, l'examen dans une commission, un rapport qui puisse fixer la Chambre, lever ses incertitudes, éclairer ses doutes. Rien ne prouve mieux l'indispensable besoin de ces préalables, que l'embarras que nous éprouvons tous d'avoir et d'émettre un avis, pour ainsi dire improvisé, dans une matière qui ne se juge pas par les sentiments, mais par les actes et les faits.

La position est délicate et difficile, il en faut convenir: d'une part, votre commission des comptes de 1824 divisée, non sur le fond, qu'elle n'a pas regardé, mais sur sa compétence; d'autre part, le ministère prétendant qu'une commission n'est pas nécessaire, et que des observations et réclamations individuelles suffisent; d'autre part, encore une session avancée, et la crainte de retards qui la prolongeraient ou ajourneraient de tristes débats.

En cela, consultez votre conscience, votre honneur et quelques inconvénients qu'il puisse y avoir à suivre une voie plutôt que telle autre, que les considérations ne vous arrêtent pas. Avant tout et surtout que notre mission soit exécutée, notre droit exercé, et nos devoirs accomplis.

Oui, Messieurs, un orateur distingué, joignant admirablement l'énergie à la grâce du discours, yous l'a dit hier, les parts de l'honneur et de la honte sont faites. C'est sur le champ de l'honneur,

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