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Si à l'époque du règlement du compte de chaque | budget on nivelle les recettes et les dépenses en couvrant les déficits lorsqu'il s'en présente; alors on n'a grevé réellement l'Etat que des intérêts au paiement desquels cette suite d'opérations a donné lieu, et nullement d'un capital.

Ici, M. le ministre des finances a et doit avoir une latitude très grande, car il est indispensable qu'il subvienne à toutes les nécessités du service public.

Mais notre dette flottante n'est pas d'une nature si simple. On y a laissé des débets que je qualifierai, si je puis m'exprimer de la sorte, de débets permanents. Tel est le déficit sur le service antérieur à 1814; telle est encore toute somme représentant une créance restée due sur un exercice, et que l'on aurait fait figurer comme recette réalisée au compte du budget. Dans ce cas, l'Etat est débiteur d'un véritable capital; cela est incontestable mais par ce motif même, parce qu'il y a débet permanent, l'intervention de la puissance législative est indispensable lorsqu'il s'agit d'aug menter ou de diminuer ce capital. En supposant que la situation du Trésor permette de laisser avec avantage même des débets de cette nature à la dette flottante, ils ne perdent point par ce seul motif, leur véritable caractère. L'Etat est réellement débiteur, et il faut décider comment il fera face au paiement de cette dette. Or, une semblable question ne peut être résolue que par le concours des pouvoirs politiques de l'Etat, ou il y aurait méconnaissance du principe du gouvernement.

Si une marche contraire était adoptée, on pourrait, après avoir fermé à grande peine ce qu'on a si justement appelé le gouffre de l'arriéré, ouvrir à un nouvel arriéré un refuge dans la dette flottante.

L'autorisation d'émettre des bons royaux est donnée à M. le ministre des finances pour agir uniquement dans le cercle qui vient d'être déterminė. Aussi est-elle non seulement limitée, mais temporaire. Liée au vote de l'impôt, elle n'existe que pendant la durée d'un exercice. Le ministère le sait si bien qu'il propose dans la loi du budget le remboursement annuel des dispositions qui la lui confèrent.

S'il arrive que les recettes faites sur les ressources affectées au service d'un exercice soient insuffisantes pour subvenir aux dépenses de ce même exercice régulièrement autorisées, il n'en faut pas moins sans doute que M. le ministre des finances solde ces dépenses. It le fait alors, lorsque les fonds existant au Trésor ne suffisent pas, par des émissions de bons royaux. Mais il faut aller ici au fond des choses. Une émission de bons royaux constitue un emprunt et non une recette. Dire que l'on a reçu lorsqu'on a emprunté pour remplacer une recette qui n'a pas eu lieu encore, c'est articuler un sophisme financier.

Il y a donc là une certaine mesure à garder une limite qu'on ne saurait dépasser. Ainsi, lorsqu'il existe, comme dans le présent cas, un déficit au compte, les Chambres doivent être appelées à délibérer sur ce point; et cela doit d'autant plus avoir lieu, qu'il y a plusieurs voies à prendre pour couvrir ce déficit. La solution de cette question exige une disposition spéciale dans la loi des comptes, et ne saurait se glisser, en quelque sorte à la dérobée, dans un état annexé à cette loi. Il faut faire ici une distinction essentielle. Un état semblable est une conséquence de la loi, et non la loi elle-même. Agir différemment, ce serait trancher une question sans l'avoir posée.

Je blâme ensuite ce mode de procéder parce que l'emploi en est inutile, parce qu'il met de la complication dans la comptabilité, et qu'il conduit à un résultat autre que celui qu'il fallait attendre, c'est-à-dire à l'emprunt de plus de 3 millions, tandis qu'il fallait couvrir uniquement les dépenses de l'exercice.

Au résumé, la marche suivie par M. le ministre des finances est attaquable, principalement sur deux points:

1. On ne peut porter en recette au compte définitif d'un budget que les sommes réellement reçues. La faculté donnée à M. le ministre des finances d'émettre les bons royaux, ne l'autorise pas à agir directement sur le Trésor, et à remplacer à volonté telle ressource de l'Etat qui ne serait pas réalisée. Ainsi les 24 millions ne devraient pas tenir place au compte;

2° Toutes les fois qu'il s'agit de faire figurer à la dette flottante un débet permanent, il doit être statué sur cet objet par une mesure législative; car il s'agit alors de grever l'Etat d'un capital fixe, déterminé, et nul doute que, dans ce cas, le concours des trois pouvoirs ne soit indispensable.

L'amendement que j'ai l'honneur de proposer à la Chambre a pour but de faire disparaître de la loi ces irrégularités.

Premièrement, la créance de 24 millions, constituée sur le gouvernement espagnol, serait retranchée des recettes de l'exercice 1824. Mais alors il n'en faut pas moins régulariser les paiements effectués sur des crédits législatifs, et suppléer à l'insuffisance des recettes.

Je crois qu'il peut être sans inconvénient prochain, dans notre position financière actuelle, de laisser quelques débets permanents à la dette flottante; mais alors il ne faut augmenter cette dette que de la somme rigoureusement nécessaire pour couvir le déficit du compte: ce déficit n'est que de 20,454,831 francs; pourquoi la dette flottante serait-elle accrue de 24 millions? Cette surcharge est inutile et il faut l'éviter.

Par mon amendement ensuite, l'augmentation de la dette flottante résulte d'une disposition positive de la loi, et la Chambre rentre ainsi dans l'exercice d'un droit qui lui appartient.

Quant aux 24 millions dus par le gouvernement espagnol, ils feraient partie de l'actif du Trésor, comme les 10 millions dus pour 1825, et ils seraient affectés, conformément à l'article 7 du

Lorsque le moment arrive de faire le compte, il est indispensable qu'un tel état de choses soit soumis explicitement aux Chambres. Voyez les conséquences d'une marche contraire. Je suppose. par exemple, que l'on fasse figurer dans le règlement définitif de plusieurs budgets quelques-projet de loi, à l'exercice courant, au moment où unes des créances portées au compte de l'agence judiciaire, et que l'on remplace ces créances par des émissions de bons royaux. Dira-t-on que M. le ministre des finances agirait de la sorte dans le cercle légal, tant qu'il ne serait pas obligé de faire des émissions de bons royaux supérieures à la somme fixée par la loi. Mais alors il y aurait là une source féconde d'excédents; l'Etat paraîtrait riche et accroîtrait sa dette en réalité.

le recouvrement en sera effectué. La législation les retrouvera dans le compte de cet exercice; elle pourra alors, selon les circonstances, diminuer la dette flottante ou donner à cette somme toute autre destination.

Ainsi mon amendement, sans toucher au fond du système de M. le ministre des finances, exclut une recette fictive, donne à ce système le caractère de légalité qui lui manque, le renferme dans

les bornes où il doit rester circonscrit, et maintient intacts les droits de la Chambre.

Je n'ai nullement l'intention de mêler des considérations politiques à cette discussion purement financière. Cependant, il en est une que je ne saurais me dispenser d'indiquer ici, et qui m'a paru de quelque poids.

Les ministres du roi, animés du désir de faire respecter la dignité de la couronne et de la France, de dégrever nos finances d'un fardeau qui devrait leur être étranger, emploieront sans doute les moyens les plus efficaces pour que le gouvernement espagnol remplisse, ou bien au moins commence à remplir ses engagements. Mais il peut. n'être pas inutile que la loi des comptes témoigne combien la France a besoin des ressources qu'elle attend de ce gouvernement, et vienne fortifier les justes réclamations du ministère français. Sous ce rapport, ma proposition me semble préférable également à celle qui nous est faite, tendant à augmenter notre dette d'une manière indirecte, inaperçue, ou du moins dont on ne se rend compte qu'après un assez long examen.

tre le désordre à la place de l'ordre et rendre ir-
régulière une comptabilité tout entière.

La régularité des chiffres ne fait ni la bonne
situation financière, ni la bonne comptabilité;
c'est le fond des choses qu'il nous faut. La ba-
lance exacte des recettes et des dépenses par des
chiffres ne représente rien; et si le chiffre de
la recette est une fiction qu'on ne peut réaliser
que par les emprunts ou par la banqueroute, ce
n'est pas une situation véritable que celle qui est
exprimée par vos chiffres. C'est cependant là que
nous entraîne M. le ministre des finances, ainsi
que je vais essayer de le démontrer.

M. Casimir Pérler. Messieurs, je partage entièrement les opinions et les principes qui viennent d'être émis par M. Martin de Villers; mais je voudrais scinder son amendement, afin de rendre la question plus simple et plus facile à saisir. Je scinde donc cet amendement, sauf à voter ensuite sur la deuxième partie, et je demande que les 24 millions soient d'abord retranchés des recettes de l'exercice 1824, dont on vous propose d'approuver définitivement les comptes. Il sera facile, Messieurs, de fixer votre opinion. à cet égard.

Les 24 millions n'ont pas été payés, tout le monde le reconnaît; cette créance reste à recouvrer sur le gouvernement espagnol, et cependant on nous représente l'exercice 1824 comme ayant été entièrement soldé. Il ne l'a pas été, ou ce qui revient au même, il ne l'a été que par des bons du Trésor. C'est donc un emprunt, un déficit, car nous n'avons pas payé avec nos ressources. Voyez ce qui en résulte: l'exercice 1824 s'appuie sur l'exercice 1823 que vous avez déjà soldé de la même manière. Personne de vous n'a perdu de vue que pour balancer les comptes de 1823, M. le ministre des finances a fait figurer parmi les recettes une somme de 34 millions due par le gouvernement espagnol. Cette somme n'a pas plus été payée par nos ressources que ne l'ont été les 24 millions de 1824 : les deux sommes ont été payées par des emprunts. Il en résulte qu'au lieu d'un solde définitif, nous avons pour 1823 un déficit de 34 millions; pour 1824 un déficit de 24 millions; total: 58 millions.

Le total des recettes des comptes s'élève à 994 millions. Dans ce montant figure une somme de 24 millions formant la nouvelle créance constituée, dans l'année 1824, sur le gouvernement espagnol. Un débat a eu lieu à ce sujet dans votre commission. Quelques-uns des membres ont prétendu que ces 24 millions n'étaient pas une recette effectuée; que les recettes de 1824 présenteraient par conséquent un déficit réel du montant de cette avance. La majorité de la commission a soutenu au contraire que ces 24 millions ayant été versés, quoique ne provenant point du gouvernement espagnol, le versement au Trésor suffit pour qu'ils doivent être regardés comme une recette effective, sauf le recours contre le gouvernement espagnol.

Le ministre des finances, dit la majorité de la commission, a payé cette somme par une émission de bons royaux, ainsi qu'il y est autorisé par les lois de finances. La somme a donc été versée, dit toujours la commission, la dépense payée; le compte est soldé. Il n'y a donc pas déficit dans le compte de 1824.

Mais, Messieurs, dans quelle circonstance peuton établir qu'il n'y a pas de déficit dans un exercice? C'est quand toutes les ressources affectées par la loi à cet exercice ont été recouvrées, et qu'elles ont suffi à faire face à toutes les dépenses. Si, comme dans le cas dont il s'agit, une rentrée de 24 millions n'a pas eu lieu, et qu'on ait fait face aux paiements qu'elle devait couvrir par une autre rentrée, il n'y a pas eu défaut de paiement, il est vrai, mais il y a un déficit dans les recettes.

Il faut, une fois pour toutes, se mettre bien d'accord sur les principes, sans cela, il y a impossibilité de s'entendre. Ici la moindre erreur peut entraîner les conséquences les plus graves, met

Poursuivons ce système. Déjà nous voyons dans la situation du Trésor une créance de 10,800,000 francs sur le gouvernement espagnol. L'année prochaine, on vous proposera de solder l'exercice 1825, et l'on vous portera cette créance comme soldée. Nous aurons donc, en 1825, 70 millions dus par l'Espagne. En 1826, le système, à l'égard de l'Espagne, n'aura pas changé; nous aurons la même somme à payer. Il en résultera que nous aurons quatre exercices qui seront soldés, alignés par des chiffres, et qu'en définitive, nos dépenses, au lieu d'avoir été payées, nous présenteront débiteurs de 80 millions.

Mais, dira-t-on, les créances sur le gouvernement espagnol sont là. En bonne foi, Messieurs, qu'est-ce que ce gouvernement, dans l'état des choses, peut vous payer? Il vous donnera des provinces, des colonies peut-être (Sensation); mais, pour de l'argent, il y a impossibilité du moins pour longtemps. Pourquoi aligne-t-on. ainsi des exercices, quand nous avons une dette considérable? Remarquez, je vous prie, le système que suit la commission; elle vous dit: Quant à nous; nous n'avons pas à nous occuper de la manière dont ces 24 millions ont été payés. Peu nous importe. Il est de fait que le ministre a payé avec de l'argent qu'il était autorisé à emprunter. Il nous suffit que la somme ait été versée, que la dépense ait été acquittée, pour que nous n'ayons pas à nous occuper de cette créance, et que nous affections comme rentrée effective cette somme aux paiements de l'exercice 1824; et cela, parce que le ministre des finances a été autorisé à créer les bons du Trésor.

Mais, Messieurs, au lieu de payer 24 millions par ce système, vous auriez pu en payer jusqu'à 125, car le ministre est autorisé à créer des bons royaux pour 125 millions; et, par ordonnance, il peut en créer autant qu'il lui plaît. C'est là la législation qui nous régit, et à laquelle nous nous

sommes opposés de toutes nos forces. Cependant, non seulement la commission entre dans le système du ministre des finances, elle veut encore le corroborer, en disant que nous devons être satisfaits, que l'exercice est soldé, parce que nous avons payé une dépense par un emprunt. Je vous le demande, Messieurs, est-il plus raisonnable de dire qu'un emprunt soit une recette qu'il l'était de dire qu'un droit de tonnage n'est pas un impôt? (Mouvement.)

Mais ce n'est pas tout. Si nous n'avions que ce reproche à faire au système qu'on établit dans notre comptabilité, je me contenterais de dire que c'est une mauvaise manière d'établir les comptes, que c'est se faire riche quand on a des dettes, et qu'il serait beaucoup plus simple de dire Nous n'avons pas de fonds pour solder notre exercice; il nous manque 80 millions. Mais, Messieurs, on vous fait des illusions qui ne sont pas sans danger, car c'est sur ces illusions qu'on veut établir un système de dégrèvement. Vous avez lu le budget du ministre des finances. En faisant successivement l'énumération des ressources de 1823, 1824 et 1825, avec tous les crédits supplémentaires qui ont couvert les dépenses, il vous dit: Nous arriverons à la fin de 1826 à un excédent de 18 à 20 millions. Je ne vois pas, ajoutet-il, pourquoi nous ne profiterions pas de cet excédent pour faire un dégrèvement sur la contribution foncière, car c'est un mauvais système que de garder des fonds stagnants; il vaut beaucoup mieux rendre aux contribuables et à la circulation ce qui resterait sans profit dans les caisses du Trésor.

Or, Messieurs, ce prétendu excédent est fondé sur l'assurance que les 80 millions dus par l'Espagne seront remboursés. Il est évident qu'ils ne le seront pas, et qu'au lieu d'un excédent de 20 millions, vous aurez un déficit de 60 millions, car vous aurez des bons du Trésor à rembourser pour 80 millions.

Jusqu'à présent on nous a conduits perpétuellement d'illusions en illusions. Il est temps cependant que cela finisse. Qu'est-ce qu'un minisire des finances? C'est un homme d'ordre, d'économie, de prévision, un homme qui doit arrêter les nations, comme les rois, dans les dépenses qu'ils pourraient être entraînés à faire. Loin de leur présenter leur situation comme exagérée en bien, et d'avoir des dettes en avant, il devrait avoir des économies en réserve. On nous pousse, Messieurs, dans un système tout opposé à celui de l'ordre et de l'économie. Il est temps de nous arrêter, au lieu de corroborer et de régulariser le système des illusions et de la dette flottante. Les bases sur lesquelles M. le ministre des finances s'est fondé pour présenter un excédent sont complètement inexactes: c'est un déficit de 60 millions que vous aurez à la fin de 1826, au lieu d'avoir un excédent.

Je conclus à ce que les 24 millions soient rayés de l'exercice 1824, et que pour l'avenir nous rentrions définitivement dans la voie positive d'où l'on nous a fait sortir pour nous entraîner dans la route des illusions.

M. de Villèle, ministre des finances. A entendre l'auteur de l'amendement, et surtout l'orateur qui descend de cette tribune, on croirait que le ministre arrive avec un système nouveau pour vous, avec un système à lui. On n'a pas craint de le qualifier de système de ministre en opposition avec les droits de la Chambre. J'en suis bien fâché pour les deux orateurs, mais rien de tout cela

n'existe. Les faits dont on vient de vous entretenir sont les résultats des lois que vous avez rendues; ce système est le vôtre. Au surplus, ces orateurs vous ont prouvé qu'ils n'en connaissaient pas d'autre; car ni l'un ni l'autre, dans tout ce qu'ils ont dit, ne sont pas sortis de ce système. Et l'amendement que vous discutez est lui-même un nouveau cachet mis au système que l'on combat. En effet, que présente l'amendement? On vous dit seulement: ne portez pas les 24 millions de telle manière; ajoutez-y telle autre chose; et cette autre chose était déjà dans vos lois.

L'année dernière nous nous sommes trouvés dans la nécessité de régler le premier compte de la situation compliquée dans laquelle nous nous trouvons vis-à-vis de l'Espagne. Peu de mots sur cette situation feront sentir à la Chambre combien est dénué de fondement tout ce qu'on vient de lui dire.

En parlant des dépenses de la France, on y a compris les 34 millions de 1823 et 1824, et les 24 millions de 1825. On n'a pas fait attention que c'était une dépense à la charge d'un gouvernement étranger, et pour laquelle la France faisait seulement des avances. (Mouvement à gauche.) Vous savez que ce ne sont pas des dépenses de la France relativement à l'Espagne. Dans les frais d'occupation, une partie est restée à la charge de l'Espagne, et ce sont ces dépenses, pour lesquelles une convention diplomatique a stipulé un remboursement. Vous aviez à pourvoir à ces 34 millions sur l'exercice 1823; le gouvernement vous a dit: cette somme vous est due par l'Espagne, nous vous proposons de la faire supporter par la dette flottante jusqu'à ce que l'Espagne ait pu la rembourser. (Nouveaux mouvements à gauche.) Je rapporte des faits prouvés par la loi que vous avez rendue.

M. Dupont (de l'Eure). Ces faits là ne valent pas de l'argent.

M. de Villèle, ministre des finances. Je conçois, Messieurs, que dans la discussion du budget de cette année, vous puissiez revenir sur cet objet, et vous élever contre ce système, mais ce ne peut être en ce moment où il est question de régler les comptes de 1824, d'après les crédits que vous avez ouverts. Vous avez donné au ministre des finances la faculté de créer des bons royaux pour couvrir une dette flottante de 140 millions, et dans cette dette flottante se trouvaient les avances faites à l'Espagne. C'est donc conformément aux lois, c'est d'après le système fondé et régularisé par la loi qu'ont été faites les opérations qu'on a présentées comme propres à soustraire les dépenses publiques à la connaissance des Chambres, et à amener la dissimulation dans notre situation.

Ce système reconnu légal, est-il tel qu'il doit être? La question est simple. Devez-vous considérer comme une dépensé définitive pour l'Etat, et donner aux ministres les moyens d'y pourvoir? Devez-vous traiter de la même manière, pour la régularité de votre comptabilité, une dépense qui est une avance faite à un gouvernement étranger et les dépenses de l'Etat? Nous ne l'avons pas pensé. Il nous a semblé que, dans l'intérêt de la créance et d'une bonne comptabilité, il devait y avoir une ligne tracée entre les dépenses réelles de l'Etat et les avances que l'Etat faisait accidentellement à un gouvernement étranger. Vous avez autorisé l'émission des bons royaux pour pourvoir à la dépense.

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Je ne pense pas, Messieurs, que ni l'une ni l'au-
tre de ces combinaisons vous paraissent préfé-
rables à celle dans laquelle vous êtes entrés. Je
suis convaincu, et la Chambre peut le reconnaître,
que le système dans lequel nous sommes est le
seul vrai. Ainsi, quand on vient nous dire qu'il y
a une illusion, je réponds que c'est dans le sys-
tème contraire qu'il y aurait illusion. C'est en
comprenant dans les dépenses définitives de l'Etat,
des dépenses qui, par des stipulations diplomati-
ques, doivent être supportées par un autre Etat,
qu'il y aurait illusion et dommages pour le pays.
Ce qui vous prouve qu'il n'y a point illusion
dans les résultats que nous vous présentons, c'est
que, dans le budget de l'année courante, 27 mil-
lions de produits excéderont probablement les
dépenses que vous avez allouées et celles qui
seront faites. Sur ces 27 millions il se trouvera
sans doute 8 à 10 millions qui pourront couvrir
cette nouvelle avance. En un mot, il n'y a point
illusion, il n'y a point illégalité. Nous sommes
dans le vrai et nous avons agi conformément aux
lois.

Maintenant pourrait-on entrer dans un autre système? Les orateurs ne se sont pas expliqués sur ce point; ils ont contrôlé le système dans lequel nous sommes, mais ils n'en ont pas présenté d'autre. Cependant le préopinant nous a dit que marchant ainsi de fictions en fictions, nous serions obligés de finir par un emprunt ou par une banqueroute. Par une banqueroute! L'orateur sent comme moi que ce mot n'a pas besoin de réponse. Par un emprunt! Je ne le nie pas, nous avons emprunté pour faire face au prêt que nous faisions; reste à savoir s'il y a lieu à consolider un emprunt en rentes perpétuelles ou à continuer le prêt que nous faisons au moyen de la dette flottante. C'est ce qui a été longuement discuté devant vous quand vous êtes entrés dans cette voie. Alors que nous avons fait voir qu'étant dégagés, par l'emprunt des 23 millions de rentes, des sommes que vous supportiez avec des bons royaux, des reconnaissances de liquidation et des annuités, non seulement il n'y avait aucune crainte à concevoir en portant dans votre dette publique le prêt que vous faisiez à l'Espagne, mais que, si ce prêt vous était remboursé, il y aurait lieu de la part du ministre à se présenter devant vous pour demander une destination à cette rentrée extraordinaire. La dette flottante, dans les limites où elle est placée, se trouve utile et même nécessaire à l'Etat. L'émission des bons royaux a dû vous en fournir la preuve. Ainsi, par exemple, dans le cours de 1825 l'émission moyenne des bons royaux est de 38 millions. Si l'Espagne vous payait en ce moment tout ce qu'elle vous doit, vous auriez près de 70 millions dans vos caisses; car les services publics ont amené ce résultat: que 38 millions de bons royaux ont suffi dans le Cours de l'année qui vient de s'écouler. Et c'est ce système, Messieurs, qu'on voudrait renverser sans y rien substituer! C'est cette position qu'on n'a pas craint de représenter comme amenant la France à une prochaine banqueroute! C'est avec une pareille situation qu'on vient à l'avance attaquer les projets de dégrèvement qui vous ont été soumis dans ce budget!

Je le répète, je comprends que, dans la discussion du budget, on entre dans le fond de la question qu'on soulève en ce moment. Je comprends qu'on cherche alors à vous prouver qu'au lieu de dégrever les contribuables, il faut anéantir cette dette de l'Espagne et réduire votre dette flottante. Alors nous reviendrons aux arguments que je n'ai fait que toucher devant vous, et vous verrez de nouveau, comme vous l'avez reconnu en adoptant le systéme qu'on attaque aujourd'hui au sujet de son exécution, s'il convient de continuer à effectuer la recette par l'émission de bons royaux.

Je pense, Messieurs, que, d'après ces considérations, vous n'accepterez pas l'amendement qui vous est proposé; il ne me paraît présenter aucune espèce d'avantage. L'orateur s'est trompé quand il a cru que le système qu'il combattait était en opposition avec nos lois; il est au contraire la conséquence positive et de vos lois réglementaires des comptes, et de vos crédits supplémentaires, et des voies et moyens que vous avez mis à la disposition du ministre pour subvenir aux dépenses de cette nature.

Cette année, il s'est trouvé 10 millions de plus qu'il ne fallait pour les dépenses de l'Etat on s'est bien garde de vous proposer de faire un emprunt pour une somme que vous aviez déjà; et alors on est entré tout naturellement dans le système qui seul peut être opposé à celui dans lequel nous nous trouvons. Il est tout simple que quand il y a des excédents de recette, on n'aille pas créer une double valeur. La question est donc celle-ci Voulez-vous reconnaître dès à présent que les 58 millions qui sont portés dans vos budgets comme devant être recouvrés par l'Espagne sont irrécouvrables, et qu'on doit demander aux contribuables des impôts pour les payer? ou bien faut-il que, nonobstant votre situation, qui rend pour ainsi dire nécessaire la dette flottante, telle qu'elle existe aujourd'hui, y compris les 58 millions, créer un emprunt pour payer cette créance?

M. Casimir Périer. Rétablissons, s'il est possible, les fails, et par là nous rétablirons la question.

M. le président du conseil vous a dit qu'on avait parlé du système qu'on a combattu comme étant celui du ministre, tandis qu'il était le vôtre. Messieurs, je vais vous rappeler ce qui s'est passé, et vous verrez si ce système n'appartient pas tout entier à M. le président du conseil.

Vous vous souvenez, Messieurs, qu'à l'époque où fut présentée la première ou la seconde loi relative aux 3 0/0, on avait besoin d'établir une situation extrêmement prospère des finances, et on présenta un état de situation duquel il résultait que les budgets des différents exercices qui devaient s'accumuler dans le budget qu'on nous présentait, formaient un excédent considérable. Je conviens que les chiffres, dans cette circonstance, étaient parfaitement balancés, et qu'il y avait excédent. Vous n'avez pas sans doute oublié que lorsque M. le ministre des finances chercha à établir le système que je combats aujourd'hui, je fis remarquer qu'on avait omis de retrancher de cet excédent précisément ces mêmes 34 millions que vous voyez figurer dans les comptes de 1823; ces 34 millions étaient portés à l'actif comme une créance active. Je montai à cette tribune et je dis : Comment estil possible qu'on présente à la nation des situations propres à lui faire des illusions comme celle-là? Comment un ministre des finances ne sent-il pas qu'il s'engage dans une voie périlleuse, en faisant illusion à la nation sur sa véritable situation financière ? Il est donc évident que c'est à M. le président du conseil que doit appartenir tout l'honneur de ce système. Je n'avais donc pas tort de l'appeler le système du ministre. Il n'y a pas de doute que nous n'ayons pas payé, et comment? En créant une dette.

Je ne viens pas vous dire que vous avez eu tort de payer les 34 millions avec des bons du Trésor. Vous avez très bien fait de payer, puisque c'était une dette reconnue; mais je viens vous dire: Vous nous faites illusion, car vous nous présentez ces sommes comme remboursées, tandis qu'en définitive, nous les devons comme bons au Trésor. C'était donc dans le système que vous suiviez alors.

M. de Villèle, ministre des finances. J'ai dit que la Chambre avait adopté ce système, car il est dans la loi.

M. Casimir Périer. Je m'empare des paroles de M. le ministre des finances pour vous dire : Voyez combien Royer-Collard avait raison lorsqu'il vous a dit : « Si l'on fait des fautes, prenezVous-en à vous-mêmes, car vous avez les moyens d'empêcher qu'on ne les commette. » Vous avez adopté le système que vous a proposé M. le ministre des finances. Ce système est mauvais, il le sent bien, et vient vous dire pour sa justification C'est vous qui avez fait la faute; c'est vous qui avez adopté ce système. Murmures.) C'est comme si aujourd'hui on venait vous dire Mais vous avez adopté le 3 0/0, et faire ainsi tomber sur vous les conséquences fâcheuses qui pourraient en résulter, lorsqu'il est évident que ces conséquences doivent retomber sur leur auteur. (Nouveaux murmures.) Mais revenons à la discussion.

J'ai dit qu'on établissait un système dans lequel on cherchait à vous faire illusion. Quel est leur but? On vous propose un dégrèvement pour 1827. Or, sur quoi est basé ce dégrèvement de 20 millions? sur un excédent de recette. Mais cet excédent n'existera réellement pas, puisque nous devrons 80 millions. On nous a demandé si nous voulions payer cette somme avec un emprunt ou avec des bons royaux. Je réponds que ce n'est pas à nous à le savoir. On vient nous consulter sur ce point. Mais qui est chargé de faire les affaires de la France? Ce sont MM. les ministres. Vous ne nous avez pas dit voulez-vous le dégrèvement ou voulez-vous payer? Cependant il eût été plus simple de dire vous devez commencer par payer. (Murmures.) Il me semble que j'ai parfaitement raison, car en définitive on nous fait illusion en nous présentant un système de dégrèvement. Quel parti faut-il donc prendre? Il me semble qu'avant de dégrever, il faudrait commencer par payer ses dettes. On m'a reproché de m'être servi du mot banqueroute. Je ne sais, Messieurs, sous quelle administration cela arrivera, mais il est évident que si vous continuez à dépenser et à dégrever, vous finirez par la banqueroute. C'est le sort qui vous attend si vous ne mettez pas bientôt un terme au système que vous suivez; système qui appartient à M. le président du conseil, et qui vous entraîne dans une mauvaise voie.

M. Martin de Villers. Je ne me propose pas de suivre M. le ministre des finances sur un terrain qu'il connaît si bien, mais comme les raisons dont il s'est servi pour combattre mon amendement ne m'ont pas convaincu, vous me permettrez de présenter quelques observations.

M. le ministre des finances vous a dit que le système que je combattais résultait de la loi. C'est sur ce point, Messieurs, que je suis en dissentiment avec lui. Je ne disconviens pas que la somme de 24 millions dont il s'agit en ce moment, ne soit entrée dans les prévisions du budget; mais

il s'agit de savoir si cette ressource s'est réalisée. Or, il est de fait qu'elle ne s'est pas réalisée. Ce que je demande, c'est la régularisation de la dette flottante. Nous sommes en ce moment dans un système d'exception. Il me sera facile de vous le prouver en suivant les conséquences de ce système.

Nous avons 34 millions portés à la dette flottante de 1823, et 24 millions sur l'exercice 1824. Si nous continuons ainsi à augmenter notre dette flottante, il arrivera que la faculté donnée au ministre des finances d'émettre des bons royaux suffira à peine pour couvrir nos dépenses. Il y a donc une mesure à garder dans ce système ; c'est à vous à savoir dans quelle proportion la dette flottante doit être augmentée. Il ne semble que j'ai suffisamment établi dans mon opinion que la solution de cette question entrait dans les attributions de la puissance législative. Vous devez la considérer sous toutes ses faces. M. le ministre des finances nous a dit que nous ne présentions pas un système nouveau. Mais, Messieurs, nous n'avons pas besoin d'en présenter un, puisqu'il ne s'agit que de régulariser le système qui existe. Qu'ai-je, en effet, proposé dans mon amendement? C'est que la somme de 24 millions, nécessaire pour couvrir les dépenses de l'exercice 1824, soit portée à la dette flottante. Je pense que cela doit être ainsi, d'après la manière dont j'entends le gouvernement représentatif. Je me borne à cette simple observation, et je persiste dans mon amendement.

M. de Villèle, ministre des finances. Il est bon que la Chambre sache ce qu'il y a de vrai dans les prétentions qui viennent d'être développées devant elle. Est-ce un système légal, ou est-ce un système qui soit créé par le ministre? J'ai sous les yeux l'exposé des motifs d'après lesquels vous êtes entrés dans ce système. Il vous était dit alors: « Il faut considérer qu'au moyen de l'emprunt des 23 millions, qui a été négocié en juillet dernier, et qui sera consommé au mois de mars prochain, nous allons nous trouver dans une position toute nouvelle. Les reconnaissances de liquidation et les annuités seront retirées de la circulation...., les divers états de la situation des finances qui sont joints chaque année au budget. » (J'établissais la situation de la Trésorerie, je vous disais :)« Je crois avoir suffisamment démontré que la fixation que nous proposons de 140 millions de dette flottante n'a rien d'exagéré. Mais je dois fixer l'attention de la Chambre sur l'utilité de déterminer désormais chaque année dans le budget la somme pour laquelle le ministre est autorisé à émettre des bons royaux. » Voilà, Messieurs, quant au système; le vote de la Chambre vint l'appuyer. La création des bons royaux, loin d'aller en croissant, comme l'a dit l'orateur, a été en diminuant. En 1825 nous vous demandions 140 millions de bons royaux, et en 1826 leur émission est réduite à 125 millions. Les lois de règlement des comptes vinrent à l'appui de ce système. M. Casimir Périer a raison; ce n'est pas son système; il l'a combattu. Aussi n'ai-je entendu parler que de ce que la Chambre a adopté, et non de l'opinion de tel ou tel membre.

M. Martin de Villers a fait une confusion sur laquelle je crois devoir éclairer la Chambre. Il y a deux sortes de dettes flottantes. La dette flottante de la Trésorerie, qui est le résultat de la position dans laquelle vous saisissez les divers imouvements de fonds qui sont faits par le Trésor; et la dette flottante qui résulte de dépenses que

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