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des écoles secondaires a l'avantage, etc... Et sans la prendre au mot la chose ressort bien assez d'elle-même.

Dès lors, l'initiative royale se trouve entièrement écartée et la prérogative atteinte. Je ne pense pas que telle puisse être l'intention de la Chambre. Serait-ce les pairs du royaume qui donneraient ce funeste exemple d'enfreindre les droits exclusifs de la couronne? Qui plus que nous est intéressé à les soutenir, et s'il le fallait à les défendre ? Ceux qui s'élèvent si haut avec le trône sont aussi ceux qui les premiers tombent avec lui, c'est bien assez en dire ici.

Le premier besoin de la société monarchique, c'est le maintien de l'intégrité du pouvoir unique et protecteur institué pour la dominer; les autres pouvoirs servent à la maintenir, comme toutes nos lois, auxquelles nous avons l'honneur de concourir et que nous devons garder. Le premier pas fait dans la voie d'usurpation où l'on nous voudrait conduire, peut nous mener à la perte entière de ces mêmes droits et à la ruine de notre pays; car aucun peuple ne doit durer, ne peut garder ses libertés, sans subordination, sans respect religieux de toutes les limites posées, de toutes les supériorités légitimes, de tous les droits d'autrui.

Par toutes ces considérations qu'il est de mon devoir d'exposer à la Chambre, je suis résolu à ne prendre aucune part par mon vote à la discussion des articles soumis à votre délibération, à moins que vous ne les rejetiez tous, ainsi que la loi tout entière, comme je le désire, comme jo l'espère, comme je le ferai.

Plusieurs membres réclament contre la doctrine qui vient d'être exposée. Dans leur opinion, la question soulevée par le noble pair devait rester étrangère à la discussion actuelle où il ne s'agit que d'un amendement présenté à la Chambre et qui ne sort point des limites de sa prérogative.

M. le comte Molé observe qu'avec une pareille doctrine toute participation des Chambres à la confection des lois serait impossible; et restreindre ainsi le droit d'amendement serait en réalité prononcer l'abolition du gouvernement représentatif.

M. le due de Sabran déclare qu'il n'a pas cru s'écarter de l'objet de la discussion en rendant compte à la Chambre des motifs qui le déterminent à voter le rejet de l'amendement, et dans lesquels il persiste malgré l'observation qui vient d'être faite.

M. le Président accorde la parole à un orateur inscrit pour défendre l'amendement.

M. le marquis de Rougé dit que la principale objection faite au système qu'il vient soutenir, consiste à dire que la Chambre, en adoptant l'établissement de trois Facultés nouvelles, a par là rejeté implicitement les écoles secondaires. Mais cette conséquence peut-elle être rigoureusement déduite du vote exprimé par la Chambre? Que s'est-elle proposé si ce n'est d'adopter le mode d'enseignement le meilleur possible? Tout système qui tend à ce but rentre donc dans la place qu'elle s'est tracée la décision qu'elle prise ne porte que sur l'établissement des Facultés; on doutait s'il fallait en créer de nouvelles : il est maintenant arrêté que leur nombre doit

être porté à six, mais si des facultés ne suffisent point aux besoins de l'enseignement, pourquoi exclurait-on aujourd'hui les écoles secondaires? On a beaucoup discuté sur la question de savoir s'il existait où non de ces écoles: il est à la connaissance personnelle de l'opinant qu'il en existe, notamment à Amiens, et dans d'autres villes, qui verraient avec peine leur destruction. On a ensuite critiqué ces écoles comme pouvant servir tout au plus à former des demi-médecins, qui ne seraient bons que pour des demi-malades: mais, suivant l'opinant, cette qualification de demimalades convient fort bien à ceux que l'on rencontre dans les campagnes. Les maladies des paysans sont, en général, simples comme leur geure de vie; elles se rapportent à un petit nombre de causes qu'on peut expliquer sans peine. Enfin, les remèdes qu'ils employent sont aussi de la plus grande simplicité; leurs recettes se composent de quelques herbes des champs, de quelques drogues communes: les médicaments chers et précieux n'ont point cours dans les villages. De temps en temps, il est vrai, il peut survenir des épidémies qui nécessitent des secours plus puissants: mais l'administration ne sait-elle point alors pourvoir aux besoins des campagnes? Ne dirige-t-elle point sur les lieux des docteurs habiles, qui rassemblent les officiers de santé et leur donnent les instructions dont ils ont besoin? On s'est beaucoup occupé des moyens de procurer aux étudiants des amphithéâtres, des laboratoires, des jardins botaniques, mais qu'importent tous ces accessoires si la volonté de s'instruire manque aux élèves; si faute de surveillance ils peuvent se livrer à tous les excès. Parmi tant d'étudiants combien en est-il qui montrent du travail et de l'intelligence? Croit-on que les quinze cents élèves en médecine de Paris soient tous destinés à devenir des Laennec, des Boyer, des Yvan? Les Facultés n'enverront dans les campagnes que le rebut de leurs élèves, qui, à défaut de science en rapporteront beaucoup de présomption, et qui, entêtés des systèmes qui leur auront été inculqués, seront un fléau plutôt qu'un bienfait pour les malheureux paysans qui leur tomberont entre les mains. Enfin, l'auteur de l'amendement a demandé avec raison cù l'on trouverait des élèves pour le service des hôpitaux, lorsque les écoles secondaires seront détruites enverra-t-on des étudiants des Facultés? Mais ce serait les forcer à rétrograder dans la science, à redescendre, pour ainsi dire, de rhétorique en sixième. Le besoin de conserver les établissements qui existent se fait donc sentir de toutes parts; l'opinant pense que leur maintien ne peut avoir que des avantages: il appuie en conséquence l'amendement en discus

sion.

M. le comte Cornet, membre de la commission, combat, au contraire, l'amendement proposé. C'est avec surprise qu'il a entendu un des préopinants se jeter dans des considérations politiques, à l'occasion d'une discussion qui repose uniquement sur un objet d'économie intérieure. Les mêmes intentions dirigent ici la commission, le gouvernement et l'Assemblée. Comment prétendre que la prérogative royale soit intéressée dans la question qui s'agite? La proposition faite par la commission ne sera jugée, pour ainsi dire, qu'en première instance par la Chambre. Si le gouver nement ne la trouve pas à son gré, ne pourra-t-il point s'abstenir de là porter à l'autre Chambre, ou, même après cette seconde épreuve, lui refuser

encore sa sanction? La commission n'avait donc pu concevoir aucun scrupule à cet égard; et en proposant à la Chambre le résultat de ses longues meditations sur un projet d'intérêt public, elle était loin de prévoir qu'elle s'exposerait au reproche de violer les droits du trône? C'est donc avec toute liberté que le noble pair croit pouvoir s'exprimer sur l'amendement nouveau soumis en ce imoment à la discussion. Cet amendement a pour but, dit-on, de conserver ce qui existe mais les écoles secondaires existent-elles? On a cité des faits; l'opinant peut en citer aussi quelques-uns dont il a personnellement connaissance on croit qu'il existe à Nantes une école secondaire; c'est une erreur cette ville possède seulement une Société académique dans laquelle se trouve une section de médecine. Orléans renferme aussi des hôpitaux importants, des médecins habiles, et cependant aucune école n'y est établie; mais le service des hôpitaux se fait par le moyen d'élèves que les médecins prennent avec eux, et qu'ils envoient ensuite dans les Facultés pour s'y perfectionner dans la science. Ce qui s'est pratiqué jusqu'ici continuera à se pratiquer encore si le système de la commission est adopté; mais charger du soin de former les officiers de santé des établissements qui jusqu'ici en ont été reconnus incapables, ce serait, suivant l'opinant, retomber dans un cercle vicieux. Il vote, en conséquence, le rejet de la proposition.

M. le baron Cuvier, conseiller d'Etat, commissaire du roi, obtient la parole pour une simple observation. Ce n'est pas sans quelque étonnement qu'il voit mettre encore en doute après un an écoulé depuis la première présentation du projet, le fait mêine qui lui sert de base, puisque l'on persiste à contester l'existence légale des écoles secondaires, il faut bien rappeler qu'un arrêté du 20 prairial an XII, a formellement reconnu cet enseignement secondaire donné dans les grands hôpitaux des principales villes de France et dans les établissements qui s'y étaient formés. Il a même fixé la proportion suivant laquelle la fréquentation de ces écoles compterait dans le temps d'études exigé pour le doctorat, et chaque jour encore les Facultés reçoivent des docteurs qui n'ont pas suivi d'autres cours. Des arrêtés des décrets particuliers ont fixé le mode et les conditions de l'enseignement dans ces écoles, ils ont réglé que chaque année les recteurs des Facultés enverraient au grand-maître de l'Université les noms des élèves, ils attribuent au grand-maître la nomination des professeurs; enfin l'organisation de ces écoles serait complète si quelques-unes des dispositions qui manquent encore n'étaient du ressort exclusif de la loi. Les écoles secondaires existent donc de droit, mais elles existent aussi de fait, et le commissaire du roi donne connaissance à la Chambre de la liste des lieux où elles sont établies. Tel est le fait qu'il importait de rétablir pour que la Chambre put prononcer en connaissance de cause.

M. le due de Broglie demande à combattre l'amendement. Il ne rentrera pas dans une discussion étrangère à ses connaissances personnelles, et que la délibération précédente de la Chambre aurait du interdire à tous les orateurs, mais il ne peut se dispenser d'observer que ce qu'on propose en ce moment est précisément le système proposé par le gouvernement et déjà repoussé par la Chambre, auquel on aurait seulement ajouté la superfétation bien gratuite de

trois Facultés entièrement inutiles si l'on crée des écoles secondaires, el qui, par conséquent, ne seront point établies. C'est un moyen indirect de revenir sur ce qui a été décidé dans la dernière séance que veulent en effet et les ministres et les adversaires du projet? leur but commun est non pas de former un grand nombre de médecins, mais de former de bons et sages médecins pour les campagnes; pour atteindre ce but, le gouvernement proposait d'établir des écoles secondaires : la commission a pensé que ce mode d'enseignement était vicieux, elle a proposé d'y substituer la création de trois Facultés nouvelles plus propres, suivant elles, à donner une instruction plus solide aux médecins du second ordre; les avantages et les inconvénients de ces deux systèmes ont été débattues, et c'est après deux jours de discussion que la Chambre s'est prononcée pour le système de la commission. Le noble pair u'examine pas si ce parti était le meilleur; mais maintenant qu'il est adopté, on propose de créer des écoles secondaires à côté des Facultés : on veut donc réduire celles-ci au rôle que jouaient les écoles secondaires; et cela parce que celles-ci, dit-on, sont préférables pour l'enseignement. N'est-ce pas là revenir sur une décision pure, sur un choix arrêté? Le noble pair le demande pareil retour est-il donc de l'honneur de la Chambre? ne contrarie-t-il pas tous les usages reçus? ne compromet-il pas le sort de toutes les délibérations? et si l'on croit qu'il est possible, pourquoi ne pas demander franchement le rapport de la première décision au lieu d'y arriver par une voie oblique et détournée? Le noble pair vote par ce motif, et sans s'occuper même du fond, le rejet de l'amendement.

un

M. le comte de Saint-Roman soutient l'a mendement et déclare y trouver un moyen heureux d'accorder les deux systèmes du gouvernement et de la commission: il désire, autant que qui que ce soit, les progrès de la science; mais la médecine, comme les autres branches des connaissances humaines, offre aujourd'hui tant de faits à examiner, tant d'éléments à combiner, que les esprits spéculatifs ont mille moyens de se faire des systèmes absolus dont ensuite ils ont beaucoup de peine à se départir. Ces systèmes enseignés par des hommes habiles dans les chaires des Facultés, ne s'emparent que trop souvent de l'imagination des jeunes gens auxquels leur âge n'a pas permis d'acquérir l'expérieuce nécessaire pour les apprécier. Ces jeunes gens, devenus médecins, emportent dans les campagnes les idées qui les ont enthousiasmés à l'école, et compromettent souvent, par une présomptueuse impéritie, la santé, la vie même de ceux qui leur accordent confiance. Dans les écoles secondaires, ils reçoivent un enseignement moins sublime, mais plus approprié aux circonstances dans lesquelles ils doivent se trouver. Ils sont moins instruits, mais ils sont peut-être plus sages, et sous ce rapport l'avantage des écoles secondaires est incontestable. L'amendement, en conservant ces écoles, soumet en même temps l'enseignement qu'elles donnent au juste contrôle des Facultés, en astreignant les élèves à un examen devant elles; il réunit donc les avantages de l'un et de l'autre mode. Le noble pair insiste pour son adoption.

M. le baron Boissel de Monville combat, au contraire, l'ameudement mais au terme où la discussion est parvenue,il croit devoir se borner à une seule

considération. La principale base de l'enseignement médical, c'est l'anatomie; c'est par cette étude seule que peut se former et le médecin et le chirurgien. Mais comment s'y livrer avec fruit autre part que dans les grandes villes? Dans celles qui sont moins peuplées, le petit nombre des décès ne fournirait aucun moyen de pourvoir aux besoins des laboratoires d'anatomie; l'opinion publique flétrirait d'ailleurs quiconque abandonnerait au scalpel le corps d'un de ses parents, et à peine les médecins peuvent-ils obtenir qu'on examine après la mort les organes intérieurs du malade qu'ils ont soigné, malgré l'intérêt dont il peut être quelquefois pour la famille, et même pour l'humanité tout entière de bien connaître la nature de la maladie, afin de pouvoir une autre fois y porter remède. Dans les petites villes où les écoles secondaires seraient nécessairement placées, pas d'étude anatomique possible sur la nature, par conséquent pas de véritable enseignement médical. Cette seule raison devrait, aux yeux du noble pair, faire écarter l'amendement, et il n'en ajoutera, en conséquence, aucune autre; mais avant de quitter la tribune, il croit devoir manifester le vœu de voir le gouvernement établir une des nouvelles Facultés de médecine dans une ville maritime. Ce serait un vrai service rendu à un corps à qui la France doit tant déjà, et à qui par la suite elle peut devoir plus encore; ce serait en même temps un véritable bienfait pour la science. Les marins, à raison du genre de vie auquel ils se dévouent, ont leurs maladies particulières; certaines affections chroniques, résultat de l'habitation dans les vaisseaux et de la nourriture qu'on y reçoit, viennent presque toujours compliquer les autres maladies qu'ils éprouvent; leur tempérament a besoin d'une étude spéciale; il faut pour les soigner une connaissance exacté du régime qu'ils suivent et des habitudes de leur vie, connaissance qui ne peut s'acquérir qu'en vivant au milieu d'eux; d'un autre côté, les habitants de l'intérieur sont peu disposés, en général, à se confier aux chances de la mer, et le voisinage des côtes peut seul fournir des officiers de sauté pour les bâtiments; ce serait favoriser puissamment cette branche de l'art médical que d'établir une Faculté dans une de nos grandes villes maritimes, à Bordeaux par exemple ou à Nantes; cette dernière ville offrirait surtout l'avantage d'être à portée de plusieurs de nos grands ports; elle deviendrait donc avec avantage le siége d'une des Facultés nouvelles. C'est une pensée que le noble pair soumet à la sagesse du gouvernement.

M. le marquis de Maleville obtient la parole. Malgré tout le regret que lui avait causé, dans la dernière séance, l'adoption d'un amendement qui semblait proscrire les écoles secondaires, il avoue qu'il n'avait pas osé prévoir l'amendement nouveau par lequel on propose de les maintenir à côté des Facultés; mais il prévoyait encore moins les objections qui viennent d'ètre faites contre cette proposition. Comment peut-on soutenir, par exemple, qu'en votant la création de trois Facultés nouvelles, la Chambre a exclu par cela même les écoles secondaires? Non, sans doute, la Chambre n'a pas entendu supprimer ce qui existait légalement: elle s'est refusée à établir de nouvelles écoles, mais elle n'a pas voulu priver les villes du fruit des sacrifices qu'elles se sont imposés, et les hospices de l'utile coopération des élèves qui fréquentent les écoles secondaires; c'eût été se presser trop de détruire avant

de savoir si ce qu'on proposait en remplacement. pourrait produire le résultat qu'on en attendait. Mais, dit-on, si les écoles secondaires sont conservées, les trois Facultés nouvelles deviennent inutiles. C'est une erreur: elles seront d'abord nécessaires dans le système de l'amendement pour l'admission aux grades; elles recevront ensuite les élèves qui, ne se trouvant à la portée d'aucune école secondaire, préféreront l'enseignement de la Faculté à un enseignement moindre, et qu'il faudrait aller chercher aussi loin. Tout peut donc s'accorder dans le système de l'amendement, et son adoption à laquelle conclut le noble pair, n'entraîne de la part de la Chambre aucune contradiction.

M. le comte Portalis, membre de la commission, demande à être entendu. Après la brillante discussion du ministre, après les déductions savantes du commissaire du roi, le noble pair était loin de s'attendre à voir produire contre la commission un reproche que les organes du gouvernement n'avaient pas cru pouvoir lui faire: on l'accuse d'avoir porté atteinte à la prérogative royale: aucun de ses membres ne s'attendait assurément à une pareille accusation; aucun d'eux ne peut l'entendre sans la repousser à l'instant même avec toute l'énergie dont il est capable. Que l'amendement de la commission, qui est aujourd'hui celui de la Chambre, soit en opposition directe avec le projet du gouvernement, c'est ce qu'on ne saurait contester; mais n'est-ce pas le but de la loi qu'il faut considérer plutôt que les moyens adoptés pour y parvenir? Or, le bul est commun au projet et à l'amendement adopté, c'est l'amélioration de l'enseignement pour les médecins de second ordre. L'année dernière, comnie cette année, le gouvernement avait proposé de contier cet enseignement, ainsi que la réception des élèves, ainsi formés, aux écoles secondaires: la commission croyant trouver dans ce mode des inconvénients graves, avait proposé, dès l'année dernière, une modification qui consistait à n'attribuer aux écoles secondaires que l'enseignement, en laissant les réceptions aux Facultés. Appelée de nouveau à donner son avis sur la même proposition, elle n'a pu changer d'opinion sur les inconvénients du projet ministériel; mais elle a dû croire que le mode proposé par elle pour y être substitué renfermait quelque vice caché qui le rendait impraticable, puisque le gouvernement l'avait cru indigne même d'une réfutation sérieuse et s'était borné à le passer entièrement sous silence; elle a dù, dès lors, en chercher un autre, et elle a proposé l'établissement de trois Facultés nouvelles semblables à celles dont l'expérience avait démontré les avantages. Ce système a été discuté au fond par le ministre; il a été adopté par la Chambre. Assurément on ne voit pas quel reproche cet usage si simple du droit d'amendement pourrait attirer à la commission et à la Chambre. Mais il faut bien en convenir, le système adopté et celui que proposait le gouvernement sont exclusifs l'un de l'autre. Les écoles secondaires ont été jugées moins propres que les Facultés à donner même l'enseignement secondaire: c'est sur ce point que la discussion a roulé; c'est sur ce point qu'a porté la délibération de la Chambre; c'est parce qu'on rejetait les écoles secondaires comme moyen légal d'enseignement qu'on a dù proposer l'établissement de trois Facultés nouvelles. On veut maintenant établir quinze écoles à côté des trois Facultés : c'est vouloir concilier ce qui est

incompatible; c'est rétablir dans l'enseignement une division qui a paru vicieuse; c'est revenir sur une décision arrêtée: la Chambre n'en a pas le pouvoir; toute délibération prise doit être maintenue, sans quoi la dignité de la Chambre est compromise, et le principe de toute assemblée délibérante violé. Depuis qu'on délibére dans cette enceinte, bien des pairs ont vu des amendements adoptés ou repoussés contre leur opinion; mais ils ont toujours respecté la chose jugée, ce principe conservateur sur lequel repose aussi le. maintien et la stabilité des gouvernements: le noble pair insiste pour qu'un exemple contraire ne soit pas donné. Mais il doit repousser, en terminant, un reproche fait au système de la commission, et qu'elle lui parait n'avoir pas mérité. On se plaint de ce qu'elle détruit, sans motif, des établissements utiles; mais telle n'a pas été son intention: elle n'a entendu rien changer à l'état actuel des élèves: les écoles secondaires demeureront ce qu'elles sont aujourd hui: elles conserveront les droits qui leur appartiennent en ce moment; mais la commission n'a pas cru qu'il fût utile de leur en conférer d'autre. Cette observation était peut-être superflue dans l'état où se trouve la discussion; mais le noble pair n'a pas cru devoir l'omettre ce serait un moyen de plus de repousser l'amendement nouveau, s'il n'était pas jugé à l'avance par une délibération formelle,

M. le comte d'Argout obtient la parole. Si la proposition qu'il a faite lui paraissait avoir le caractère d'un retour sur une délibération prise, non seulement il s'empresserait de l'abandonner, mais il eut été le premier à la combattre. Mais où donc est la contradiction qu'on lui reproche avec la disposition adoptée dans la dernière séance; existe-t-elle dans les termes ou dans l'intention? Ce n'est pas assurément dans les termes, car l'amendement de la commission ne s'occupe que des Facultés; et il y a si bien incompatibilité matérielle entre l'augmentation du nombre des facultés et l'existence des écoles secondaires, que l'année dernière la commission elle-même, en proposant le maintien des écoles secondaires, proposait en même temps d'autoriser, par un article additionnel, l'établissement de deux nouvelles facultés. La contradiction serait-elle plus dans l'intention? non, sans doute. La commission déclare elle-même qu'elle n'a pas voulu détruire les écoles secondaires; elle reconnaît d'ailleurs, dans l'article 4, que l'enseignement médical peut être donné ailleurs que dans les Facultés: puisqu'elle consent à faire compter pour les grades celui que reçoivent les élèves des hôpitaux militaires, pourquoi les élèves des hôpitaux civils de nos grandes cités n'obtiendraient-ils pas le même privilège. L'enseignement, dit-on, pourra continuer dans les écoles secondaires, et le projet de loi ne les supprime pas. Mais si, par le silence même du projet à leur égard, l'enseignement qu'on y recevra devient sans résultat et sans fruit, quels parents voudront consentir à y envoyer leurs enfants, quels élèves voudront s'assujettír à les fréquenter? Si l'amendement est rejeté, des établissements utiles et par l'enseignement qu'ils donnent et par les services qu'ils rendent aux hôpitaux, sont perdus pour jamais. Le noble pair insiste donc pour l'adoption de l'amendement; mais il avoue que peut-être il serait plus convenablement placé à la suite de l'article 4, qui consacre un autre moyen d'enseignement secondaire. Dans cette supposition, it suflira peut-être d'accorder aux élèves des écoles secondaires les

T. XLVII.

mêmes avantages que la commission propose d'accorder aux élèves des hôpitaux militaires et de marine.

M. le baron de Barante estime que si l'amendement devait en effet être mieux placé à la suite de l'article 4, ce serait le cas de remettre la délibération au moment où la Chambre votera sur cet article.

M. le comte d'Argout déclare qu'il est prêt, si la Chambre le désire, à retirer son amendement pour le reproduire sur l'article 4.

M. le baron Pasquier observe que ce changement n'aurait d'autre résultat que d'amener une troisième discussion sur un point déjà discuté deux fois. Puisque la question est en ce moment éclaircie, pourquoi ne pas la résoudre sur le champ, sauf à replacer ensuite l'amendement, s'il est adopté, au lieu qui serait le plus convenable?

Aucune réclamation ne s'élevant contre cet ordre de délibération, M. le président, après avoir donné à la Chambre une seconde lecture de l'amendement, annonce qu'il va le mettre aux voix. Quinze pairs, aux termes du règlement, réclament le vote par scrutin.

M. le Président désigne en conséquence, par la voie du sort, deux scrutateurs pour assister au dépouillement des votes.

Les scrutateurs désignés sont MM. le marquis de Brézé et le duc de Brissac.

On procède au scrutin dans la forme accoutumée. Le résultat du dépouillement donne un nombre total de 122 votants; 65 voix pour le rejet, et 57 seulement pour l'adoption de l'amendement.

L'amendement est rejeté.

La délibération s'établit sur l'article 3 du projet. Voici les termes de l'article originaire :

« Art. 3. Les étudiants pourront, à l'âge de vingt-cinq ans, y recevoir le grade d'officier de santé, après quatre ans d'études, et celui de pharmacien de deuxième classe, après deux ans d'études et cinq années de stage dans une pharmacie.

« Pourra néanmoins le gouvernement accorder des dispenses d'âge aux étudiants âgés de vingt ans, qui auront achevé leur cours d'études, et qui se destineront à faire, à bord des bâtiments, le service d'officiers de santé.

«Des dispenses d'une ou de deux années d'âge pourront aussi être accordées, sur la demande des professeurs, à ceux des élèves qui se scraient distingués pendant le cours de leurs études.

« Les élèves des hôpitaux d'instruction militaire et de marine pourront être admis aux examens, et recevoir le grade d'officier de santé dans les écoles secondaires, lorsqu'ils auront été attachés pendant six années à ces établissements, et qu'ils en auront suivi les cours pendant le même temps. En retirant leur diploine, ils acquitteront la totalité des inscriptions exigées pour le cours complet dans les écoles secondaires. >>

Aux trois premiers paragraphes de cet article, la commission propose d'abord de substituer les quatre paragraphes suivants, qui formeraient l'arti cle 3 amendé.

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« Pour recevoir le grade de docteur, les élèves devront justifier des titres de bachelier és lettres et de bachelier ès sciences.

« Les dispositions de la loi du 10 mars 1803, relativement aux études, examens et réception des docteurs en médecine et en chirurgie sont maintenues.

« Le mode des inscriptions à prendre, la nature et l'époque des examens, ainsi que les frais d'études qui n'excéderont pas 600 francs, seront, en ce qui concerne les licenciés, déterminés par un règlement d'administration publique. »

La commission propose ensuite de modifier, conformément à son système, le quatrième paragraphe de l'article originaire, et d'en former l'article 4, qui serait ainsi conçu :

Art. 4 de la commission.

Les élèves des hôpitaux d'instruction militaire et de marine, lorsqu'ils justifieront avoir été attachés à ces établissements et en avoir suivi le cours pendant six ans, seront admis aux examens dans les Facultés, et pourront y recevoir le grade de docteur ou celui de licencié.

Ils acquitteront la totalité des inscriptions. L'article originaire ne pouvant subsister dans les termes du projet, après l'adoption de l'article 2 proposé par la commission, M. le président soumet d'abord à la délibération de l'Assemblée le nouvel article 3, formé de quatre paragraphes que la commission propose de substituer aux trois premiers du projet.

On a vu que par le premier des paragraphes substitués, les élèves âgés de 22 ans sont admis à recevoir, après trois ans d'études dans les Facultés, le grade de licencié en médecine ou en chirurgie. Un orateur entendu dsns la discussion générale, a proposé de reculer d'un an l'admission à ce grade, et de statuer en conséquence qu'il ne pourrait être conféré, après trois ans d'études, qu'aux élèves âgés de 23 ans accomplis. M. le président consulte l'Assemblée pour savoir à laquelle de ces deux propositions, elle veut accorder la préférence.

M. le comte de La Villegontier qui a proposé de reculer d'un an le terme d'admission, insiste sur les motifs qu'il a donnés de cet amendement dans la discussion générale.

M. le comte Chaptal, rapporteur de la commission, observe qu'en fixant à 22 ans l'âge auquel un élève qui fait trois ans d'études pourrait être admis au grade de licencié, la commission s'est proposé un double but. Elle a voulu premièrement empêcher que le droit d'exercer l'art médical ne fût confié à des jeunes gens qui n'auraient pas encore la maturité requise. Elle a voulu, en second lieu, prévenir l'abus qu'à un âge où les passions se développent, au milieu de la corruption des grandes villes, pourraient faire de leur temps, s'ils en avaient de reste, les jeunes gens qui, ayant terminé leurs cours d'études, attendraient dans l'inaction l'âge requis pour obtenir un grade.

L'amendement est mis aux voix et rejeté.

La discussion s'engage sur l'article 3 de la commission.

M. le baron Cuvier, commissaire du roi, sans combattre la disposition de cet article, observe qu'un changement de rédaction est nécessaire

dans le second paragraphe. On pourrait en effet conclure de sa rédaction actuelle, que l'élève n'est tenu de justifier des titres de bachelier ès lettres et de bachelier ès sciences qu'au moment de sa réception au doctorat. Cette interprétation aurait deux graves inconvénients que la commission n'a pas prévus. D'abord l'élève, qui aujourd'hui est obligé de justifier de ces titres, préalablement à toute inscription sur les registres de la Faculté, serait dispensé de cette obligation et arriverait aux cours de médecine sans études préliminaires, ce qui serait dégrader les Facultés. Ensuite cet élève se verrait forcé de partager son temps entre les études médicales et les connaissances littéraires et scientifiques qu'il aurait jusqu'alors négligées, et qui lui seraient nécessaires pour obtenir le double titre de bachelier és lettres et de bachelier ès sciences. D'après cette observation dont la Chambre sentira toute l'importance, le commissaire du roi propose de rédiger ainsi le second paragraphe de l'article 5:

«Les étudiants qui n'aspireront qu'au grade de licencié seront dispensés de justifier des grades de bachelier ès lettres et de bachelier ès sciences. >>

M. le comte Chaptal, rapporteur de la commission, déclare qu'elle adopte la rédaction proposée. Il profite de la parole qu'il vient d'obtenir pour observer que la commission, dans le dernier paragraphe de l'article 3, a cru devoir renvoyer au gouvernement, pour être par lui réglé comme objet d'administration publique, le mode des inscriptions à prendre, la nature et l'époque des examens, ainsi que les frais d'études, dont elle a seulement déterminé le maximum. Tout ce que le projet originaire contenait à cet égard lui a paru étranger aux attributions de la Chambre. Elle doit toutefois applaudir en passant à la suppression des droits d'examen et de réception proposée dans l'article 7.

Aucune autre observation ne s'élevant contre le nouvel article 3, cet article est mis aux voix et adopté moyennant le remplacement du second paragraphe par la rédaction qu'a proposée lecommissaire du roi.

La délibération s'établit sur le nouvel article 4, formé du dernier paragraphe de l'article 3 du projet originaire, modifié conformément au système de la commission. M. le président remet sous les yeux de l'Assemblée, par une seconde lecture, les termes de cet article.

M. le vicomte Dubouchage propose d'y rattacher, par une simple énonciation, le principe maintenant reconnu de l'existence légale des écoles secondaires, qui tout à l'heure a été proposé sur un autre article, avec lequel on a jugé qu'il n'avait pas de connexion. Il suffirait pour l'établir dans celui-ci, d'ajouter après ces mots : les élèves des écoles d'instruction militaire et de marine, ces autres mots et les élèves des écoles secondaires.

M. le baron Pasquier observe que cette disposition est précisément celle que la Chambre vient de rejeter, pour la seconde fois, après une discussion approfondie; celle que, dans la précédente séance, elle avait rejetée une première fois, en adoptant l'article 2 de la commission. Il ne pense pas qu'on veuille condamner la Chambre à revenir éternellement sur le même objet.

M. le marquis de Rougé propose de faire partager aux élèves des hospices civils dans les

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