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DE L'ENREGISTREMENT.

OBSERVATIONS PRATIQUES.

N.

Responsabilité des conservateurs. - États d'inscriptions. 2888 - Inscriptions omises. Inscriptions inutiles. Ques

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II. L'inscription a été prise sur un immeuble autre que celui
désigné dans la réquisition d'état.

Quand un état est requis non-seulement contre un individu désigné, mais encore sur un immeuble spécialement indiqué, par exemple, à l'occasion de la transcription d'une vente, il semble qu'alors les énonciations ne laissent rien à désirer et que le conservateur doive avoir tous les renseignements utiles à son travail; malgré cela, les erreurs sont encore possibles.

En effet, un immeuble peut avoir changé de nature depuis qu'il a été désigné pour la première fois sur les registres hypothécaires; une maison peut, à raison de nombreuses et importantes transformations, se trouver indiquée dans une inscription et dans un contrat de vente postérieur de manière à ne pas permettre au conservateur de la reconnaître pour le même immeuble (2).

(1) V. Revue, n° 2758.

(2) Bourges, 14 déc. 1847, D.r. 48.5.67.

Une vaste prairie peut avoir été divisée en plusieurs parcelles de terres labourables et vice versa (1).

Une maison servant d'auberge, et portant en premier lieu l'enseigne de la Femme sans tête peut, plus tard, changer de dénomination et porter pour simple enseigne : A la Bonne femme (2).

Nous ne saurions prévoir toutes les espèces qui peuvent se présenter dans la pratique des affaires. Toutefois ces différences ne nous paraissent pas de nature à excuser toujours et en tous cas le conservateur. Elles sont d'ordinaire détruites par les énonciations relatives au vendeur ou aux précédents propriétaires, et MM. les conservateurs doivent rechercher hors du contrat, s'il y a lieu, dans les autres actes transcrits antérieurement, toutes les indications qui peuvent prévenir une erreur. Si donc, après avoir eu en leur possession les renseignements suffisants, ils ont négligé de les consulter et ont délivré des inscriptions ne grevant pas les immeubles désignés, on peut demander et obtenir, non-seulement qu'ils retranchent ces inscriptions inutiles, mais aussi qu'ils réparent le préjudice que ce retard a pu causer.

C'est ce qu'ont très-justement décidé les deux jugements déjà cités du tribunal de Montluçon, du 24 février 1865, confirmés en cassation le 20 janvier 1867 :

« Attendu, dit l'un de ces jugements, en ce qui touche le «< conservateur Kolmann, qu'il n'a pas apporté l'attention suffi<< sante dans la confection de l'état délivré par lui le 22 mars « 1864; que les documents qui étaient en sa possession, et qui «< consistaient, d'une part, dans l'extrait du jugement du 5 dé«cembre 1862, transcrit sur ses propres registres le 4 février « 1863, et, d'autre part, dans la réquisition de la Compagnie « du chemin de fer d'Orléans, étaient surabondants pour pré<< venir l'erreur qu'il a commise, et l'auraient certainement em<< pêché, s'il les eût examinés avec le soin nécessaire, de con« fondre les immeubles appartenant au sieur Durin, entrepre«neur, avec les propriétés de son homonyme, qui exerce la « profession de cafetier, et de relever les inscriptions existant «sur tous les immeubles que ce dernier et sa femme possèdent

(1) Tribunal de Segré, 2 juill. 1862.

(2) Paris, 13 fév. 1813.

« dans la rue des Bains, à Montluçon, tandis qu'il était requis « de constater seulement celles qui pouvaient grever une par<< celle de terre en nature de jardin, sise au lieu dit le Pâtural « de la ville; qu'il n'y avait donc apparence ni d'identité de << propriétaire ni surtout d'identité d'immeubles; que, dans la « supposition d'un doute quelconque, il eût été de son devoir de « s'entourer de tous les renseignements propres à lever son incertitude, et qu'il pouvait, à cet égard, être aidé par l'indica«tion du précédent propriétaire contre lequel avait commencé << la procédure en expropriation terminée contre Jean Durin, « indication qui se trouvait dans l'extrait du jugement du «5 décembre 1862... >>

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Cette décision, conforme aux vrais principes, est appelée assurément à faire jurisprudence; aussi ne croyons-nous pas utile d'insister davantage sur cette seconde face de notre question.

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Nous arrivons maintenant au point le plus vivement débattu de la difficulté. Les inscriptions comprises dans l'état ont été délivrées, non plus par suite d'un doute sur l'identité du débiteur ou des immeubles hypothéqués, mais parce que le conservateur n'a pas voulu se faire juge de la portée de l'inscription et de la situation légale; en un mot, il y a un principe de droit à appliquer, une question juridique à résoudre. Le conservateur a-t-il mission à cet effet?

Il faut tout d'abord poser deux principes, qui sont, je crois, généralement admis c'est qu'en premier lieu si la sévérité dont la loi arme chacun de nous contre les conservateurs est toujours inséparable, comme le dit M. Dalloz, d'une exacte justice, il n'est pas moins exact de dire que leurs obligations sontde droit rigoureux. La responsabilité des conservateurs est grave, mais il ne faut pas perdre de vue que c'est en raison même de cette responsabilité que la loi leur accorde des avantages pécuniaires considérables. « En les favorisant par l'admission systématique de circonstances atténuantes, on n'atteindrait plus le but de la loi, qui veut ne pas laisser les particuliers souffrir de dommages dont il leur est impossible de se préserver, la surveillance directe et la vérification matérielle des registres leur étant interdites. » Quand donc il y a eu négligence, ou inatten

tion, ou impéritie, il n'y a pas lieu de rechercher s'il y a eu ou non intention de nuire. Le conservateur est répréhensible et responsable par cela seul qu'il n'a pas exécuté ou qu'il a mal exécuté les actes de son ministère.

En second lieu, les fonctions de conservateur ne sont pas, dans tous les cas, celles d'un simple copiste; il exerce aussi un ministère d'intelligence et de raison qui lui impose le devoir d'apprécier la valeur des demandes qui lui sont faites et la portée des renseignements qu'il doit fournir. C'est ainsi que la loi et la jurisprudence, en le déclarant responsable des radiations et des subrogations qu'il opère le laisse juge de la capacité des parties qui consentent ces divers actes et de la régularité des titres qui lui sont présentés dans ce but. Pourquoi n'en serait-il pas ainsi dans la délivrance des états d'inscription; n'est-il pas responsable de toute omission, lorsque les parties lui ont fourni des renseignements suffisants? Nous ne saurions nous expliquer qu'il en fût autrement pour les erreurs en sens contraire; un pareil système serait vraiment inadmissible; il aurait pour conséquence d'obliger les parties à engager des instances souvent très-dispendieuses pour faire constater par jugements des choses le plus souvent incontestables.

C'est ce qu'ont jugé le tribunal d'Auxerre le 29 décembre 1847, la Cour d'appel de Paris le 30 mai 1849 (1), la Cour de Rouen le 16 mars 1848, et la Cour de Cassation le 4 avril 1849 (2); c'est encore ce qu'a décidé très-explicitement, le 19 avril 1866, le tribunal de Montpellier, dans une espèce où le conservateur, dans un état sur transcription, s'était cru le droit de délivrer l'inscription d'hypothèque légale prise par la femme de l'un des précédents propriétaires, alors que cette inscription avait été prise postérieurement à l'expiration des délais de la purge accomplie par le précédent acquéreur (3). Ce fonctionnaire prétendait en effet que l'inscription ayant été réquise, il ne lui appartenait pas d'en apprécier le mérite et la portée; que sa responsabilité exigeait qu'il fît mention sur les états qu'il délivrait de toutes les inscriptions qui avaient été

(1) S.-V.1849.2.686.

(2) S.-V.1849.1.511; 1848.2.478.

(3) Revue du Notariat, no 1655.

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