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s'abstiennent de les garder à part, parce qu'elles veulent pouvoir employer en temps opportun toutes leurs ressources dans les luttes qu'elles peuvent engager.

Il est à remarquer que, tandis que les Acts relatifs aux Sociétés de construction et aux Sociétés professionnelles déclarent que ces Sociétés acquièrent la personnalité après leur enregistrement, les Acts relatifs aux Sociétés amicales. et aux Trade Unions ne prévoient rien de semblable. On se trouve avoir ainsi créé des organismes inconnus à la Common Law, à savoir des associations ayant un nom et un bureau enregistrés, capables d'agir par l'entremise d'agents, et de posséder, sous le nom d'administrateurs, sans que ces associations soient cependant ni des corporations ni des indivi dualités juridiques. Jusqu'à une époque toute récente, la responsabilité de ces associations pour le préjudice causé aux étrangers par leurs agents était douteuse et mal établie.

La question s'est posée en septembre 1900, quand la Compagnie des chemins de fer de..... demanda qu'il fût enjoint, tant à la Société des employés de chemins de fer, qui formait une Trade Union enregistrée, qu'à ses employés et agents, de surveiller et cerner la station de Cardiff ou toute autre où pourraient se trouver les ouvriers de ladite Compagnie, dans le but d'empêcher ceux-ci de travailler pour la Compagnie. Dans la procédure, la Trade Union fut assignée comme défenderesse sous le nom qu'elle avait fait enregistrer. La Trade Union objecta qu'elle ne pouvait être assignée de cette façon, et qu'aucune injonction ne pouvait être adressée à la Société collectivement. Néanmoins, M. Justice Farwell décida que l'action était recevable et délivra l'injonction. Son jugement fut confirmé en juillet 1901 par la Chambre des Lords. (Le cas est rapporté dans les Law Reports, 1891, Appeal, p. 426.) Quelques uns des considérants du jugement de M. Farwell, qui sont de grande importance quant à la situation de ces Sociétés et autres Sociétés non personnifiées, ont été adoptés par la Chambre des Lords. Voici comment il s'exprimait, p. 427 : « La Société défenderesse a formé appel pour faire effacer son nom de l'assignation, alléguant qu'elle n'est ni une corporation, ni une individualité, et qu'elle ne peut être assignée comme personnifiée ou en toute autre qualité. Il est indubitablement vrai qu'une Trade union n'est ni une corporation, ni un individu, ni une partnership entre individus.

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Mais cette observation ne tranche pas la question. Quoiqu'une corporation (p. 429) et un individu ou des individus constituent les seules entités connues de la Common Law qui puissent poursuivre ou être poursuivies, il est loisible au législateur de donner à un groupe d'individus qui n'est ni une corporation, ni une partnership, ni un individu, la capacité de posséder des biens et d'agir par l'intermédiaire de ses agents, et une telle capacité implique pour ce groupe, en l'absence de disposition contraire, comme corrélatif nécessaire, la responsabilité des actes et fautes de ses agents jusqu'à concurrence des biens qu'il possède..... Le principe d'après lequel une corporation est tenue pour responsable du préjudice causé par ses agents ou serviteurs dans leur service, et pour le bénéfice de la corporation qui sentit commodum sentire debet et onus est applicable aux Trade Unions tout comme aux corporations. Si la prétention de la Société défenderesse était fondée, le législateur se trouverait avoir autorisé la création de nombreux groupes capables de posséder de grandes richesses et d'agir par leurs agents avec une irresponsabilité complète pour les torts qu'ils pourraient causer à autrui par l'usage de ces richesses ou l'emploi de ces agents..... L'esprit des statuts en cette matière est qu'en l'absence de dispositions contraires le législateur entende que le groupe ainsi créé ait précisément les devoirs et la responsabilité pécuniaire que les principes généraux de la loi imposent à un individu particulier dans les mêmes circonstances..... Les actes dont on se plaint sont les actes de l'association. Ce sont les actes commis par ses agents dans le cours de l'administration et la direction d'une grève; cette administration et cette direction constituent un des principaux objets de la Société défenderesse et sont choses parfaitement. légales; mais la Société, en manifestant ainsi son activité, a encouru une responsabilité pour la manière dont la grève est menée. » Le juge, en conséquence, délivrait l'injonction, demandée contre la Trade Union, sous le nom porté à l'enregistrement.

La Cour d'appel réforma cette décision (Voy. Law Reports, 1901, K. B. p. 170), sur ce motif que des termes exprès étaient indispensables pour constituer une personne capable d'être assignée la circonstance que les administrateurs ou agents pouvaient intenter une action ou y défendre relative

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ment aux biens de la Trade Union établissait la volonté de la loi que l'Union elle-même poursuivit ou fut poursuivie.

Mais la Chambre des Lords revint au jugement de M. Justice Farwell (Voy. Law Reports, Appeal, 1901, p. 436). Le Lord chancelier et Lord Macnaghten adoptèrent expressément les raisons données par M. Justice Farwell. Lord Lindley ajoutait (p. 443) : « Les règles relatives aux assignations ont été depuis longtemps appropriées aux difficultés résultant de la multiplicité des personnes intéressées à un procès. Quelques-unes de ces personnes peuvent intenter une action ou y défendre tant pour leur propre compte que pour le compte d'autres personnes qui ont le même intérêt. Je ne doute pas un instant que si la Trade Union ne pouvait pas être poursuivie sous le nom qu'elle a fait enregistrer, quelques-uns de ses membres (spécialement ceux de sa commission exécutive) pourraient être poursuivis pour leur propre compte et celui des autres membres de la Société, et on pourrait obtenir ainsi, avec une procédure de ce genre, une injonction et un jugement pour les dommages que la Société aurait causés. Il est de plus évident à mes yeux que si les administrateurs sur la tête de qui sont placés légalement les biens de la Société figuraient dans l'assignation, il pourrait leur être enjoint, en même temps, de payer avec les fonds sociaux les indemnités et les frais alloués au demandeur par le jugement. Après avoir établi que la question par conséquent était de pure forme, Sa Seigneurie ajoutait (p. 445) : <«< L'Act me paraît indiquer avec une clarté suffisante que le nom déclaré à l'enregistrement peut servir à désigner l'Union comme Société non personnifiée aussi bien dans la procédure que dans les affaires et à tout autre point de vue. L'emploi de ce nom dans une procédure judiciaire n'impose aucun devoir et n'altère aucun droit. C'est tout simplement un mode de procéder, plus commode que celui auquel il faudrait recourir si le nom de la Société ne pouvait être employė.... Je dois ajouter d'ailleurs que s'il y a lieu de prescrire, par un jugement ou une ordonnance, le paiement d'une somme d'argent, l'exécution n'en peut, à mon avis, être obtenue que sur les biens de la Trade Union, et que pour saisir ces biens on peut juger indispensable de poursuivre les administrateurs.

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La conséquence de cette décision, c'est que le législateur a créé, semble-t-il, quelque chose qui prend place entre les

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corporations et des associations plus spontanées d'individus, spécialement des Sociétés qui, bien que non personnifiées, possèdent plusieurs des principaux attributs des corporations. Ainsi les membres qui les constituent peuvent agir collectivement par l'entremise de gérants, utilisant le nom commun et possédant des biens ; ils peuvent être, sous ce nom commun, poursuivis en dommages-intérêts les changements survenus parmi les membres de la Société n'affectent ni les droits de propriété de celle-ci, ni la procédure d'une action intentée par elle ou contre elle. D'autre part, les biens de la Société doivent, pour la forme, reposer sur la tête d'administrateurs, et il semble qu'en ce qui concerne ces biens, les administrateurs seuls peuvent agir en justice. Les membres de la Société ne sont pas, semble-t-il, individuellement responsables des dettes sociales.

Il faut remarquer que le législateur, pour aucune des associations étudiées ci-dessus, n'a pris l'initiative. Dans chaque cas et pour chaque classe, les associations qu'il vise existaient et avaient acquis une certaine importance avant que le législateur intervînt et que des Acts eussent été promulgués pour régulariser des Sociétés qui s'étaient formées sans le secours de la loi. Il n'a été fait non plus aucune tentative pour systématiser les dispositions de la loi : chacun des Acts se borne à viser la classe particulière des Sociétés dont l'importance a attiré l'attention du législateur.

Il reste ensuite de très nombreuses Sociétés qui ne sont le sujet d'aucune disposition législative. Ce sont les Clubs ou Cercles et les groupes, qui, constitués en associations volontaires, ne sont ni personnifiés ni enregistrés en conformité des actes ci-dessus indiqués. Quleques-uns d'entre eux pourraient être enregistrés comme Sociétés amicales; mais, en pratique, ils restent sans organisation bien déterminée et ne sont gouvernés que par la Common Law. Dans cette catégorie rentrent beaucoup de Sociétés de bienfaisance, qui recueillent de l'argent et l'appliquent à un but charitable, opérant par l'entremise d'un trésorier et d'une commission. Il y faut aussi comprendre en pratique tous les Clubs. Au cours et pour les besoins du présent article, nous les désignerons sous le nom de « Clubs. »

Les clubs sont ordinairement soit des « proprietary clubs », soit des « members clubs ». Dans le premier cas, les choses

utilisées par le club, c'est-à-dire l'ameublement, les vins et les provisions, sont la propriété d'un individu ou d'une société, qui permet aux membres d'en user, et administre l'affaire à ses risques et périls : cet individu (ou cette société) paie les domestiques, pourvoit aux repas et procure les fournitures qu'on lui demande en les payant de ses deniers; il perçoit les droits d'entrée et les cotisations, et encaisse pour lui-même le prix des vins et de la nourriture. En ce cas, les lois sur les patentes n'autorisent pas le propriétaire à vendre aux membres des liqueurs alcooliques; mais, en pratique, les Clubs qui se tiennent bien n'ont à subir aucune inquisition relativement à ce point.

Dans les « members clubs », les choses appartiennent aux membres du Club. Ils achètent ou prennent à bail l'immeuble où siège le club, au nom des administrateurs, et paient les frais d'installation, les droits d'entrée et les cotisations. C'est une commission qui est chargée d'administrer, et dans ce cas il n'y a pas infraction aux dispositions de la loi sur les patentes pour les vins ou spiritueux qui peuvent être achetés par la Société et vendus aux membres individuellement envisagés (Graff c. Evans, Law Reports, 8; Q. B. D., 373). Mais, si la justice vient à découvrir que le prétendu « members Club >> n'est qu'une sorte de déguisement destiné à couvrir la vente de spiritueux par des particuliers, les pénalités encourues sont graves (Evans c. Henningway 52. Justice de paix, 134.)

Un Club n'est pas une Société à but pécuniaire. Par suite il ne tombe pas sous le coup de prohibitions de l'Act sur les Sociétés de 1862, lequel défend à plus de vingt personnes de s'associer dans un but lucratif sans faire enregistrer leur association. Un Club ne peut, du reste, se former sous le régime des Companies Acts (Affaire du Club Saint-James, 2. De Gex Macnaghten et Gordon 363); mais un Club peut être dissous par ses membres à leur gré, et si c'est un « members club »>, ses biens peuvent alors être répartis entre les personnes qui en font partie au moment de la dissolution, par parts égales (Brown c. Dale, Law Reports 9, Chancery Division, 98).

Un Club n'est pas une Société en nom collectif, et un membre n'a pas le pouvoir d'engager le crédit. des autres. Même la commission n'a pas le pouvoir d'engager le crédit des membres du club, à moins d'y être spécialement autorisée

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