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ture du testament, ni le statut réel de la situation de l'hérédité réclamée ; Att. que la loi du 2 septembre 1847, applicable en l'espèce, n'admet point et écarte même péremptoirement tout mode de reconnaissance d'une paternité naturelle autre que la reconnaissance par acte authentique ou dans le testament du père; — Att., à cet égard, que Alexandre Villar fit deux testaments,l'un à Rio-deJaneiro, le 2 août 1888, et l'autre à Oliveira de Azemeis (Portugal), le 28 août 1889; que, dans le premier, il déclare « être célibataire et n'avoir ni filles ni fils naturels », et ajoute qu'«< il désapprouve ce que la médisance pourra élever contre cette déclaration qui est saine et véritable, et n'ayant ni ascendants, ni descendants, il peut disposer librement de sa fortune »>; Att. que dans le second testament, fait un an après, il dit : « Pour qu'il n'y ait pas de doute plus tard, je déclare que je n'ai de descendants ni de sexe masculin ni de sexe féminin », et il confirme son testament précédent « fait au Brésil où j'ai vécu beaucoup d'années. » — Qu'il ressort avec évidence de ces deux actes qu'Alexandre Villar non seulement ne reconnaît pas les demanderesses pour ses filles, mais encore déclare d'une façon expresse, claire et positive, par acte solennel de dernière volonté, qu'il n'a pas de descendants, ni légitimes, ni naturels, ni du sexe masculin, ni du sexe féminin, quoi qu'en puisse dire la médisance; Att. que les demanderesses avouent qu'il n'y a jamais eu de la part de leur prétendu auteur un acte de reconnaissance authentique; mais qu'elles prétendent trouver cetle reconnaissance dans des billets signés par Alexandre Villar et dans un certificat du secrétariat de l'évêché de Rio-de-Janeiro constatant que ledit Alexandre Villar avait donné au chanoine greffier de l'archevêché l'autorisation verbale de procéder au mariage de sa fille, la demanderesse Maria das Dores; Att. qu'aucun de ces documents ne saurait suppléer à la reconnaissance authentique de paternité faite par le père et inscrite, avec les formalités légales, par le notaire dans ses minutes; Att. que les demanderesses allèguent que si ces documents n'ont aucune valeur aux yeux de la loi brésilienne, elles peuvent au contraire s'en prévaloir d'après la loi portugaise qu'elles prétendent être leur statut personnel; Qu'en effet l'art. 133 Code civil portugais autorise l'action en réclamation de filiation naturelle, après la mort du père, lorsque le fils peut produire un document écrit et signé du père, dans lequel la paternité de celui-ci est reconnue; Att. qu'en admettant que la loi portugaise soit applicable en l'espèce, les documents produits par les demanderesses n'ont aucune valeur probante;

Qu'en effet, Alexandre Villar est mort le 9 septembre 1892 et que lesdits documents étaient déjà connus des demanderesses, en leur pouvoir ou à leur disposition depuis longtemps; - Qu'en outre, pour que de pareils documents aient un effet probatoire, le Code civil portugais exige : 1o qu'ils révèlent la paternité; 2o qu'ils soient écrits et signés par le père ; Att. que lesdits documents ne sont écrits ni signés par le de cujus Alexandre Villar et qu'ils ne prouvent pas sa paternité; Qu'ainsi, soit au regard de la loi brésilienne, soit au regard de la loi portugaise,les demanderesses n'ont pas établi leur qualité de filles naturelles d'Alexandre Villar; - Par ces motifs, Les déboute et les condamne aux dépens. »

NOTE. Le journal O Direito mentionne, à la suite de l'arrêt ci-dessus, les différentes opinions qui se firent jour devant le tribunal suprême. Nous résumons les deuxprincipales, particulièrement intéressantes parce qu'elles constituent le commentaire complet de l'arrêt ci-dessus et aussi parce qu'elles invoquent, l'une et l'autre, on le verra, l'autorité d'aute urs français.

La première s'appuie tout d'abord sur Demolombe, Traité de la paternité, n. 480, cité par le docteur Clovis Bevilaqua, dans son Droit de famille, p. 439. D'après cet auteur, dit-elle, la possession d'état prouve la filiation naturelle tant maternelle que paternelle et elle est supérieure au titre qui ne prouve pas l'identité comme la possession; le titre est, en effet, l'œuvre d'un instant et peut être le fruit de surprises ou d'obsessions, tandis que la possession d'état est une reconnaissance continue et durable, aussi sincère que spontanée; le titre est souvent inconnu et secret, la possession d'état est, au contraire. une reconnaissance publique et notoire.

Le remarquable commentateur du Code civil français démontre que la possession d'état prévaut même en présence de l'art. 340 de ce Code qui interdit la recherche de la paternité, malgré le silence que la loi, au chapitre Des enfants naturels, garde à l'égard de cette possession d'état. A la vérité, celui qui a une possession d'état n'intente pas réellement une action qui n'a sa raison d'être qu'à défaut de possession constante; si cette possession, indépendamment d'un commencement de preuve par écrit, est valable pour la maternité, elle doit l'être également pour la paternité. C'est au cas de trouble de cette possession d'êtat que naît l'action en réclamation de filiation contestée, et le demandeur ne fait pas alors une recherche de paternité, comme tel autre qui intente une action fondée sur un titre de reconnaissance contestée. Demolombe ajoute que les motifs invoqués contre la légitimité de la possession d'état ne sont pas concluants, car ils ne peuvent soulever de scandale puisque toute la situation est déjà connue ; il ne peut y avoir d'incertitude en face d'actes certains, positifs et connus.

Dans notre droit, la loi du 2 septembre 1847 n'empêche pas, selon des auteurs considérables, comme Perdigão Malheiros et Lafayette. une demande en pension alimentaire fondée sur une recherche de paternité naturelle. Mais il ne convient pas d'accepter aveuglement l'opinion de Texeira de Preitas (Consolidation, note sur l'art. 212), selon laquelle

l'art. 3 de la loi de 1847 précitée exigerait un acte authentique pour la reconnaissance, non ad probationem, mais ad solemnitatem. Si, en effet, cet article permet la reconnaissance par le moyen de toute espèce de testaments, y compris le testament mystique qui n'est pas un acte authentique (en ce sens, Demolombe, nos 404 et 405), la logique exige qu'on admette également à cette fin les écrits non authentiques; la loi, dans son art. 3, ne paraît donc exiger l'écrit que ad probationem. Perdigão Malheiros, en son Commentaire, Teixeira de Preitas (loc. cit.), comme Lafayette, Droit de famille, § 122, et Clovis Bevilaqua (op. cit., p. 419) affirment unanimement que la reconnaissance peut se faire légalement par testament nuncupatif, même verbal. Notre droit ne contient pas de disposition analogue à celle de l'art. 331 Code civil français, que la légitimation par mariage subséquent se fait seulement à l'égard des enfants naturels, soit avant, soit lors du mariage des parents. A cet égard, Lafayette (Droit de famille, § 111) dit : « La preuve s'établit ordinairement par la possession d'état et l'enfant est maintenu en cette possession tant que le contraire n'est pas déclaré par voie d'action régulière.»

Or, rarement une espèce a présenté des preuves aussi fortes, aussi nombreuses et aussi convaincantes de possession d'état que celles qui sont offertes au procès. Si la nationalité du de cujus et celle de la première demanderesse qui est mariée à un étranger [loi du 10 septembre 1860] exigent l'application du Code civil portugais, le droit de cette demanderesse est manifeste en présence du texte des art. 115 et 130, et malgré le texte de l'art. 133 du même Code qui prescrit que l'action en réclamation de filiation naturelle soit intentée durant la vie des parents supposés, saufau cas de minorité de l'enfant ou de découverte d'une pièce nouvelle. Cette disposition, quand elle est appliquée à la possession d'état, ne peut être invoquée qu'au cas où la continuité de cette possession a été interrompue pendant la vie des parents; mais, en l'espèce, la possession d'état des demanderesses a été troublée seulement après la mort de leur père par deux testaments qui ne pouvaient être connus de qui que ce soit puisqu'ils ne devaient être ouverts qu'après la mort du testateur. Durant sa vie, personne n'avait prétendu qu'il était le père des demanderesses qualification qui ne lui fut attribuée qu'après sa mort. L'action des demanderesses n'est donc née que depuis l'ouverture du testament; elle ne pouvait être intentée avant. Étendre les dispositions de l'art. 133 Code civil portugais au cas où la possession d'état n'est interrompuc que par le fait d'un testament resté secret, négliger les droits acquis à la succession du défunt, rendre la volonté du testateur supérieure à la loi et aux liens du sang, constitue une exhérédation arbitraire, tyrannique et déloyale. »

Une seconde solution, un peu différente de celle-ci et qui ne triompha pas non plus devant la Cour, fut soutenue dans les termes suivants : « L'urgente nécessité d'éviter les scandales que ne manquent pas de provoquer les réclamations de successions formées par des personnes que leur père n'a pas reconnues d'une manière authentique, a déterminé la promulgation de la loi du 2 septembre 1847 qui, inspirée par d'impérieuses considérations d'ordre et de morale publics, défend expressément la recherche de la paternité et déclare que la preuve de la filiation naturelle ne pourra résulter que d'une reconnaissance authentique ou testamentaire. Cela posé, il paraît hors de doute que les demanderesses ne

pouvaient invoquer leur statut personnel pour intenter devant les tribunaux brésiliens une action en recherche de paternité.

M. Weiss, commentant l'art. 340 Code civil français, qui consacre une disposition identique à celle de la loi de 1847, s'exprime en ces termes : « L'art. 340 est une disposition d'ordre public international, ainsi qu'il ressort des motifs qui l'ont inspiré. En effet, le législateur a reculé devant les difficultés et le scandale d'une preuve toujours incertaine, devant les spéculations immorales dont elle n'eût pas manqué d'être l'occasion. Ces scandales réapparaîtraient, accompagnés des mêmes dangers, s'il était permis de rechercher la paternité naturelle... Par conséquent, l'intérêt général repousse une pareille action, et l'art. 340 s'applique aux étrangers comme aux nationaux sur le sol français. » [Weiss, Manuel, p. 409]. Dans le même sens, on lit dans MM. Surville et Arthuys, Droit intern. privé, p. 319 : « Le caractère d'ordre public de la disposition de l'art. 340 nous parait devoir l'emporter sur l'idée de personnalité du statut. » Dans le même sens, V. Bertauld, Conflit des lois françaises et des lois étrangères, t. I, n. 27; Durand, Essai de droit intern. privé, p. 345; Rougelot de Lioncourt, Du conflit des lois personnelles françaises et étrangères, p. 239; et Rivier, Droit intern, privé, p. 2 et 127 qui citent à l'appui de leur opinion diverses décisions de tribunaux français. Merlin et Fœlix remarquent aussi que le jugement qui porte reconnaissance forcée de paternité ne peut être exécuté dans un pays qui ne permet pas la recherche de la paternité, comme contraire à l'ordre public et aux bonnes mours. C'est l'opinion adoptée également par les tribunaux italiens, suivant Fiore, Droit intern. privé, p. 248, qui s'exprime ainsi : « Pour des motifs de moralité et d'ordre publics, un enfant naturel né en Italie ne peut être admis à prouver la paternité devant nos tribunaux. » L'écrivain argentin, Amancio Alcorta, étudiant cette délicate question, déclare, dans son Derecho intern. privado, t. II, p. 182: « La reconnaissance est régie par la loi personnelle des parties, et si celles-ci sont de nationalité différente, par la loi de l'enfant, sauf au cas où l'ordre public se trouverait compromis. Cette opinion se fonde sur ce que le droit qui s'exerce se rapporte essentiellement à la personne et à l'organisation de la famille, et doit suivre, par conséquent, la loi de la personne et de la famille, c'està-dire la loi personnelle; mais, comme il est possible que la prohibition édictée par le législateur ait pour objet d'éviter les procès scandaleux qui compromettent la morale et troublent la tranquillité des familles, elle constitue une exception qui entre dans le genre de celles qui s'imposent, à tous, même aux étrangers, sur le territoire d'un pays. » L'opinion de ces auteurs se rapproche le plus des tendances de notre droit. Il en résulte que la loi du 20 novembre 1894, en défendant de donner l'exequatur aux jugements étrangers qui seraient contraires à l'ordre public ou au droit public de l'Union, ne peut évidemment permettre que l'on introduise devant les tribunaux des affaires de cette nature portant atteinte à la loi nationale et offensant la morale publique. »

Consulter, sur la bibliographie relative à la matière, Clunet, Tables générales, II, Bibliogr. systémat., p. 605 et s.

BELGIQUE

BULLETIN DE LA JURISPRUDENCE BELGE

Charte partie.

Langue anglaise. Barratry. Sens donné

à ce mot dans la langue anglaise.

Prés. M. Messiaen. - - Lagermaek
Jurisprudence du port

Cour d'appel de Bruxelles (4 ch.), 25 octobre 1901. c. Stoltenberg. — Av. pl. MMes Maeterlinck et G. Leclercq. d'Anvers, 1901, p. 293. L'interprétation d'une charte partie passée en Belgigue et entièrement conçue en langue anglaise doit être faite en donnant aux mots employés leur sens dans la langue anglaise ainsi, lorsque la charte partie exonère le capitaine de sa Barratry ou de celle de son équipage, il y a lieu d'attacher à ce mot le sens restreint qu'il comporte dans la langue anglaise et non pas le sens général et d'ailleurs détourné par l'usage que le mot barratry a atteint dans la langue française.

NOTE. p. 122.

V., dans le même sens, Bordeaux, 14 juin 1899, Clunet 1900,

Compétence. Traité franco-belge du 8 juillet 1899. - Election de domicile. Effets. Compétence du juge élu à l'égard de l'action en résiliation ou en rescision.

compétence.

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Principe général de Tribunal du domicile du défendeur. Droit

pour les Belges en France d'invoquer l'art. 420 Code procédure Droit pour les Français en Belgique d'assigner devant

civile.

le forum contractûs ou forum solu tionis.

--

Tribunal de commerce de Liège, 8 janvier 1902. Prés. M. Ortmans. Dumoulin c. Société du bassin de Vichy Av. pl. MM Lebeau et Bounameaux. — - Jurisprudence du port d'Anvers, 1902.2.23.

1. L'art. 3, § 1er, de la Convention franco-belge du 8 juillet 1899 stipule que lorsqu'un domicile attributif de juridiction a été élu dans l'un des pays pour l'exécution d'un acte, les juges du lieu du domicile élu sont seuls compétents pour connaître des contestations relatives à cet acte.

2. Le juge du domicile élu a compétence pour statuer sur l'action en résiliation ou en rescision.

3. Le principe général de compétence, dans les rapports de la France et de la Belgique, est la règle du domicile du défendeur, principe qui, en vertu de l'art. 2, § 2, et 19, § 3, de la Convention de 1899, n'empêche cependant pas les Belges en France d'invoquer l'art. 420 Code procédure civile et les Français d'assigner un

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