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tionnés, selon les cas, dans l'art. 10 ci-dessus, pourvu que le fait servant de base à l'extradition soit compris dans la présente Convention et ne rentre pas dans les dispositions des art. 5 (délits politiques ou faits connexes) et 7 (prescription de l'action ou de la peine). » Quoique le cas prévu dans l'article transcrit soit exceptionnel et qu'il soit requis de procéder avec la plus grande activité pour satisfaire aux buts que les parties se sont proposés, il n'est pas inutile de faire remarquer que, si la Belgique appuyait quelque demande sur l'art. susdit, la solution de la difficulté appartiendrait, comme dans des circonstances ordinaires, à la Haute-Cour fédérale, laquelle, tout en faisant abstraction, pour la décider, de la procédure générale que lui prescrit le Code d'instruction criminelle, devrait pourtant observer le précepte qui y est établi à l'égard des délinquants dont le délit ou crime est punissable de la peine capitale par la loi du requérant, précepte qui, du reste, est consacré, ainsi que nous l'avons fait voir, dans l'art. 17 et dans le protocole additionnel du traité que le Vénézuéla a conclu avec la nation belge.

Il nous reste à signaler, pour terminer l'analyse de ces Conventions, que, conformément aux art. 18 et 16, respectivement, des traités conclus avec la Bolivie et l'Espagne, le Vénézuéla s'est engagé envers les nations susnommées à faire arrêter et à livrer à leurs fonctionnaires consulaires respectifs, sur une demande écrite émanée de ceux-ci, et pour qu'ils soient reconduits dans leurs pays respectifs, les officiers, matelots et autres personnes appartenant à l'équipage des navires de commerce ou de guerre desdits Etats, toutes les fois qu'ils seront suspects ou accusés d'avoir déserté leur navire. Le Vénézuéla a contracté une obligation semblable par l'art. 24 du traité d'amitié conclu avec l'Italie, par l'art. 9 du traité de commerce conclu avec l'Espagne, par l'art. 35 du traité d'amitié conclu avec la Belgique, et par l'art. 29 de la Convention consulaire conclue avec le Salvador.

Nous devons nous occuper maintenant de la clause concernant l'extradition, qui est insérée dans le traité conclu avec la Colombie.

Etant donné le voisinage des deux pays, il serait naturel qu'ils eussent déjà conclu une convention en forme qui rendît plus facile la punition de tous ceux qui, après avoir commis un fait délictueux dans l'une des deux nations, vont se réfu

gier sur le territoire de l'autre. Si dès 1842, date à laquelle fut conclu le traité d'amitié, de commerce et de navigation, la remise des délinquants fugitifs s'est opérée d'une manière réciproque entre les deux pays, il n'en est pas moins vrai que l'insuffisance de l'article dont il s'agit est si nuisible aux véritables intérêts de la justice des deux États, qu'on a fait plus d'une fois les démarches nécessaires pour formuler un traité dont la Colombie a empêché la conclusion par son refus de reconnaître le principe avancé par le Vénézuéla, selon lequel, au cas où le délinquant serait punissable de la peine de mort, on lui imposerait une peine moindre.

Quant aux causes qui peuvent donner lieu à la demande d'extradition, l'article dont il s'agit établit que les parties contractantes << sont convenues de se rendre réciproquement les coupables d'incendie, empoisonnement, falsification, rapt, stupre, viol, piraterie, larcin ou vol, homicide ou blessures, ou contusions graves, avec préméditation, perfidie, avantage, ou avec une circonstance spéciale d'atrocité; les déserteurs de l'armée et de la marine, les débiteurs du trésor public et les débiteurs banqueroutiers ou frauduleux des particuliers ».

La procédure y indiquée pour la capture et la remise des délinquants est sans doute très expéditive. « Pour cette remise, dit l'article mentionné, les tribunaux ou les cours se mettront d'accord au moyen de réquisitoires, avec spécification de la preuve ou du commencement de preuve qui, d'après les lois du pays où le fait ou le délit aura été commis, suffira à justifier l'arrêt et la poursuite, et, au besoin, les deux gouvernements recourront l'un à l'autre pour obtenir l'extradition du délinquant ».

Il est à désirer que le jour où les deux États réussiront à conclure le traité d'extradition dont ils ont si graud besoin, ils ne feront pas abstraction de la règle précédente, du moins pour les cas qui requièrent la célérité et où l'on a des motifs fondés pour craindre la disparition de l'accusé.

Angel-César RIVAS,

Professeur de droit international à l'Université de Caracas.

Trad. par M. D. Abzueta, interprète au ministère des Relations

extérieures des Etats-Unis du Vénézuéla.

La preuve judiciaire et le rôle de l'avocat aux
États-Unis.

Le Nouveau-Monde fait beaucoup parler de lui. Outre nos financiers, nos ingénieurs, nos fabricants et même certains artistes du turf qui ont attiré sur eux l'attention du public, il convient de ne pas oublier l'avocat américain qui se singularise de son confrère européen, et surtout de son confrère français par bien des côtés.

Chez nous, le défendeur de la veuve et de l'orphelin..... et du capitaliste affronte l'audience avec des armes autrement puissantes que celles dont il dispose ici. Au lieu du simple dossier souvent incomplet avec lequel les avocats en France et dans plusieurs pays européens se présentent à la barre, les nôtres sont entourés du client, d'un groupe de témoins et des tiers détenteurs de pièces susceptibles d'éclairer le tribunal.

La grande préoccupation de notre législateur a été de fournir tous les éléments capables d'éclairer la justice, d'épuiser tous les moyens de faire la preuve', de façon à ce que le tribunal se prononce en pleine connaissance de cause.

La preuve se fait surtout par deux moyens :

1° Par témoin ;

2o Par écrit.

Ces deux genres de preuve sont obligatoires (sauf pour les affaires qui ne comportent que des points de droit) et dans chaque procès on entend les témoins des parties; toutes les pièces, tant celles qui sont en la possession des parties que celles qui se trouvent en d'autres mains, sont soumises au tribunal.

Les débats, en France notamment, se réduisent aux simples plaidoiries des avocats, puis chacun d'eux passe son dossier au tribunal et les juges se prononcent. Aux États-Unis, on procède différemment. Le demandeur et ses témoins sont d'abord interrogés par l'avocat de celui-ci (examination), et chaque question et réponse sont recueillies par le sténographe du tribunal. Quand l'avocat a terminé son interrogatoire, le témoin est mis à la disposition de l'avocat de la partie adverse qui lui fait subir un autre interrogatoire (cross-examination).

1. V. Bentham, Traité des preuves judiciaire, trad. E. Dumont, 2 vol. in-8. Paris, Bossange, 1823.

Aucune pièce ne peut être passée au tribunal avant qu'elle n'ait été identifiée et déclarée authentique par un témoin, et l'avocat adverse a toujours le droit d'en contester la valeur dans le contre-interrogatoire qu'il fera subir au témoin. Il est souvent important de savoir quand une pièce a été créée, depuis combien de temps le tiers la détient, s'il connaît bien l'écriture de la personne dont elle émane. Le contre-interrogatoire fera ressortir toutes ces circonstances, quelquefois pour arriver à la vérité.

Lorsque l'avocat du demandeur a interrogé tous ses témoins et qu'il a fait admettre comme pièce à l'appui tous les écrits que les divers témoins ont vérifiés, l'adversaire procède de la même façon à l'audition de ses témoins et à la production des pièces dont il entend se servir. A la suite des interrogatoires, chaque avocat plaide, en se basant sur les témoignages et les écrits, mais il ne peut faire aucune affirmation personnelle et l'affaire sera jugée sur les déclarations toutes assermentées des personnes entendues à l'audience et des pièces vérifiées sous la sauvegarde du contre-interroga

toire.

Me contredira-t-on, si je dis que ce système est plus complet que celui qui se pratique en France et dans la plupart des pays de l'Europe; qu'on arrive ainsi à mieux connaître le fond des choses et que les juges appuient leur décision sur un fondement positif, tandis que sans la preuve testimoniale, ils en sont souvent réduits à deviner le point de fait. J'entends bien que le serment est fort discrédité en France. Pourquoi alors s'en servir en police correctionnelle et en cour d'assises, lorsqu'on a souvent affaire, devant ces juridictions, aux gens les moins recommandables ? Le meilleur argument en faveur du serment est qu'on est obligé de l'employer lorsqu'il s'agit de porter atteinte à la vie, à la liberté et même aux biens des gens. Car devant les juridictions pénales françaises, la victime peut se porter partie civile et obtenir des dommages-intérêts contre le prévenu ou l'accusé.

Pourquoi le serment est-il plus dangereux dans des affaires où, pour la plupart du temps, on ne se dispute que pour de simples questions d'argent. Enfin, il n'est pas toujours facile de commettre un parjure lorsqu'on est exposé à subir un contreinterrogatoire et que d'autres témoins peuvent vous contredire.

Il se produit certainement des parjures partout; la preuve testimoniale a aussi ses dangers. Soit. Mais, réglementez-en l'usage, comme celui de la dynamite; et, comme cet explosif, elle vous rendra des services inestimables.

On m'objectera que les interrogatoires sur faits et articles' et les enquêtes sont suffisants pour éclairer le tribunal dans les affaires qui les comportent. Quand on a vu fonctionner les deux systèmes, il est difficile d'être de cet avis. Peut-on comparer les quelques réponses résumées par un juge qui ne connaît pas l'affaire en dehors de l'audience, à l'interrogatoire direct par l'avocat à l'audience? Souvent l'avocat arrive à découvrir par un interrogatoire ou un contre-interrogatoire savant des faits nouveaux qui peuvent avoir une grave influence sur le résultat du procès.

L'attitude du témoin, sa façon de répondre sont un précieux élément d'appréciation par les juges: ils se pénètrent mieux des circonstances de l'affaire; on arrive pour ainsi dire à la faire revivre devant eux, en un mot, ils peuvent mieux la juger.

C'est à l'avocat qu'il appartient de faire la preuve du bien fondé des prétentions de son client. Pour qu'il puisse remplir son rôle, il faut que la loi lui permette de produire toutes les preuves qui existent sans l'ingérence de la justice. Si vous le privez de la faculté d'interroger directement ses témoins et de contre-interroger ceux de l'adversaire, vous lui enlevez son moyen le plus efficace de faire la lumière, vous le paralysez,

1. La procédure «d'interrogatoire sur faits et articles » prévue par les art. 324 et s. du Code de procédure civile et qui permet d'essayer d'interroger son adversaire sur les faits du procès, est, révérence gardée pour le législateur de 1806, presque puérile.

D'abord, il faut demander au tribunal la permission de le faire. Le Tribunal l'accorde par jugement ou la refuse, à son gré.

Enfin les questions, que posera le juge commis, ignorant d'ailleurs de l'affaire, devront être notifiées à l'avance, avant le jour de l'interrogatoire à la partie adverse, qui a tout le loisir de combiner avec ses conseils les réponses à faire, et même de les apprendre par cœur.

L'inefficacité d'une telle procédure a même amené les praticiens à remettre, au Juge commis, une note. lui suggérant des questions secrètes qu'il pourra soumettre à la partie interrogée.

C'est là un correctif de la loi. Mais, nous connaissons beaucoup de juges, qui, avec raison, se refusent à l'adopter. Cette pratique est en effet contraire à la loi; la loi est mauvaise; le remède consiste à la réformer et non à la tourner. (N. DE LA RÉD.)

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