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nouvelles tel est le traité de Montevideo'. Et si les vœux des Congrès ont un écho, malgré les résistances au sein de leurs assemblées ou au dehors, des stipulations de ce genre, avec des variantes, semblent appelées à inspirer peu à peu l'avenir, au fur et à mesure qu'une confiance et une... cordialité réciproques animeraient les États dans leurs relations judiciaires.

34. C'est une direction dans laquelle il ne faudrait pas, à mon avis, s'engager imprudemment, sans mûre réflexion.

M. Renault écrivait en 1879 : « Nous regardons comme irréfutable le raisonnement de la Commission anglaise (cité supra), et nous pensons fermement que sa conclusion sera un jour adoptée par la plupart des pays civilisés. Quant à présent, il pourrait y avoir inconvénient à l'ériger en règle générale, parce que les rapports internationaux ne sont pas actuellement dans l'état où il serait à désirer qu'ils fussent. Les peuples n'ont pas encore les uns pour les autres les sentiments qui seraient nécessaires pour que l'extradition par un État de ses ressortissants n'eût pas d'inconvénients 2. » Est-ce que les choses ont bien changé depuis lors, et les rap

1. On pourrait ajouter, comme une indication dans le même sens, une certaine tendance à reconnaître, en matière civile et commerciale, la compétence ordinaire et complète des tribunaux étrangers. V., par exemple, l'art. 1er de la Convention entre la France et la Belgique du 8 juillet 1899 : << En matière civile et en matière commerciale, les Français en Belgique et les Belges en France sont régis par les mêmes règles de compétence que les nationaux. » (Clunet 1900, p. 899.) Mais il ne faudrait pas exagérer l'argument. Malgré l'importance des procès civils, on reconnaîtra sans nul doute la nature autrement grave des procès criminels avec mainmise préventive et répressive sur la personne. Et surtout les questions ne sont pas les mêmes. Par exemple, le privilège des nationaux (ou non-extradition) est en leur faveur, dans les matières répressives, puisqu'il a pour but de les soumettre aux tribunaux de la patrie. Il existe aussi un privilège des nationaux, en matière civile, qui veut être en leur faveur, mais qui se trouve souvent inutile ou nuisible: ainsi le Français peut assigner l'étranger en France en vertu de l'art. 14 du Code civ.; il obtient, supposons-le, un jugement de condamnation; mais lorsqu'il veut l'exécuter sur les biens de l'étranger à l'étranger, il y a des chances pour qu'il se heurte à un refus d'exequatur. Et, par rétorsion, il pourra être à son tour assigné, en vertu d'un article analogue à notre art. 14, à l'étranger, loin de son domicile. (V. Etude sur la Convention franco-belge, par Maurice Bernard, Clunet 1900, p. 942.)

2. Renault, Etude sur l'extradition en Angleterre (Bull. de la Soc. de lég. comparée, 1879, p. 189.).

ports internationaux sont-ils sensiblement ou durablement améliorés ?

Mais, de plus, et malgré les savants travaux que la matière a suscités, il ne serait pas superflu d'approfondir encore les théories d'extradition des nationaux peut-être laissent-elles dans la pénombre un côté du sujet. Elles considèrent les États et leurs rapports; elles pèsent leurs droits et leurs devoirs; mais elles ne considèrent pas assez les individus eux-mêmes, dans leurs rapports avec l'État. C'est ce que je voudrais expliquer. Je me trouve ainsi contraint de discuter à mon tour la question, trop longuement sans doute, mais cependant sans m'astreindre à examiner tous les arguments qui se disputent la solution.

(A suivre.)

A. LE POITTEVIN,

Professeur à la Faculté de droit de l'Université de Paris.

De la situation des sociétés commerciales étrangères dans la province de Québec (Canada)'.

SOMMAIRE I. Généralités.

:

- II. Principe.

Restriction acquisition d'immeubles. — III. Reconnaissance des sociétés étrangères sociétés minières opérant au Yukon et dans les territoires du Nord-Ouest, dans la province de Québec. IV. Dispositions spéciales à diverses sociétés : a) sociétés de télégraphie électrique; b) sociétés d'assurances; c) sociétés de chemins de fer; d) banques. — V. Déclaration de commerce. - VI. Procédure droit d'action caution judicatum solvi assignation. VII. Conflit des lois. Immeubles. Compétence. VIII. Taxes et impôts. IX. Liquidation et faillite.

Conclusion.

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GÉNÉRALITÉS

X.

Le Canada est une confédération autonome, dont les lois sont édictées par un parlement. Chacune des provinces qui composent la fédération canadienne a cependant un pouvoir législatif, défini et exclusif, qui lui est accordé par la loi établissant la confédération canadienne.

Les sociétés de commerce, autres que les sociétés par

1. V. Taschereau, Condition légale des étrangers au Canada, Clunet 1895, p. 55; Beullac, Condition des étrangers au Klondyke (Yucon), notamment au point de vue minier, ibid. 1898, 633. Les éléments de ce travail ont été présentés dans leur forme primitive, en août 1900, au Congrès de législation comparée, auquel M. Surveyer assistait en qualité de délégué de l'Association du jeune barreau de Montréal. Le travail

actions, sont régies exclusivement par les lois provinciales. Les sociétés par actions tiennent leurs pouvoirs, soit de l'autorité fédérale, soit des provinces, selon le champ de leurs opérations; en matière de procédure cependant, les lois provinciales reprennent leur empire absolu.

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En principe, les sociétés de commerce étrangères jouissent, dans la province de Québec (ou Bas-Canada), de tous les droits qui leur sont conférés par la loi de leur pays, et qui ne sont pas en désaccord avec les lois de cette province, et ce, sans la nécessité d'une autorisation du pouvoir administratif ou judiciaire. Elles peuvent y contracter valablement, ester en justice et contraindre leurs co-contractants à exécuter leurs engagements, tout comme une personne naturelle '.

Il leur est même permis d'émettre ou de négocier des actions, sans avoir à remplir aucune formalité préalable.

Dans l'affaire de The Birbeck Investment and Savings Co. c. Brabant, jugée en 1899 par la Cour d'appel, le juge en chef, Sir Alexandre Lacoste, dit :

Je crois qu'une compagnie étrangère peut, quand sa charte le lui permet expressément ou implicitement, consentir dans cette province tout contrat que notre loi ne lui défend pas de faire..... Ainsi les compagnies étrangères peuvent faire ici des prêts et accepter des hypothèques.

que nous publions aujourd'hui est revu, corrigé et mis au courant du dernier état de la législation et de la jurisprudence canadiennes.

Abréviations employées dans cet article:

CC. Code civil de la province de Québec.

C. P. Code de procédure civile de la province de Québec.

D. T. B. C. Décisions des tribunaux du Bas-Canada (Lower Canada Reports).

R. L. Revue légale.

R. de J. Revue de Jurisprudence.

R. J. O. Rapports judiciaires officiels.

C. S. Cour Supérieure.

B. R. Cour du Banc de la Reine (Appel).

L. C. J. Lower Canada Jurist.

L. N. Legal News.

M. L. R. Montreal Law Reports.

Q. L. R., Quebec Law Reports.

1. Larocque c. The Franklin County Bank, Cour d'appel, 1858, 8 D. T. B. C., 328; The Connecticut et Passumpsie Railway Co. c. Comstock. Cour d'appe 1870, I. R. L., 589.

Par application des mêmes règles, il a été jugé qu'un contrat d'assurances fait à Montréal par le représentant d'une compagnie d'assurances constituée sous l'empire des lois de l'État de New-York, et dont la charte et les règlements décrètent qu'elle ne peut contracter qu'à New-York et par son président ou son vice-président, est radicalement nul, et que l'assuré même ne pouvait en demander l'exécution. La Cour a jugé que l'assuré était tenu de connaître la capacité de son co-contractant, comme dans le cas d'une femme mariée ou d'un mineur '.

Il peut même arriver que des sociétés étrangères exercent des droits qui sont refusés aux sociétés indigènes. Ainsi, bien que l'art. 365 du Code civil de la province de Québec interdise de confier, aux corporations qui n'ont pas reçu de la législature de la province une autorisation spéciale à cet effet, l'exécution des testaments, ou aucune autre administration dont l'exercice nécessite la prestation du serment et fait encourir une responsabilité personnelle, il a été permis à une société de ce genre autorisée par les lois de son pays (dans l'espèce, la province d'Ontario), d'administrer des successions ouvertes dans cette province, de reprendre une instance commencée dans la province de Québec, par la partie décédée, dont la succession, ouverte dans la province d'Ontario, était administrée par cette société 2.

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Restriction Acquisition d'immeubles. Le principe de la non-nécessité d'une autorisation préalable reçoit cependant quelques exceptions. Ainsi une société étrangère ne peut, pas plus qu'une corporation indigène (Art. 366 Code civil), acquérir des immeubles dans la province de Québec sans avoir obtenu au préalable la permission de la Couronne ou la sanction de la législature. Une société étrangère évincée d'un immeuble qu'elle aurait acquis, sans autorisation préalable, ne peut en conséquence appeler en garantie son vendeur 3.

3

1. Redpath c. The Sun Mutual Life Ins. Co. Cour supérieure Montréal, 1869 14 L. C. J., 90. (La Cour supérieure est le tribunal de première instance.) V. aussi l'ouvrage de M. Lafleur, Conflict of Laws, pp. 104, 105 et 106.

2. Greenshields c. Aitken, Cour supérieure, Montréal, 5 avril 1897, R. J. O., 11 C. S., 137.

3. The Chaudière Gold Mining Co. c. Desbarats, Cour supérieure, 13 L. C. J., 182; Cour d'appel, 15 L. C. J., 44; Conseil privé (Angleterre), 17 L. C. J., 275.

Cependant, les statuts refondus de Québec (1888) ont donné des pouvoirs plus étendus. Ainsi, d'après l'art. 4762 de ces statuts, toute compagnie, constituée en corporation, et existante dans la Grande-Bretagne (une loi du 25 février 1899 - 62 Victoria, ch. 42, a décidé que ce terme comprenait les îles de la Manche et l'île de Man), dans les Etats-Unis d'Amérique ou au Canada, a le droit d'acquérir et de posséder, dans la province de Québec, sans autorisation, des terrains et immeubles, pour les occuper ou y poursuivre ses affaires.

Il est clair qu'il ne s'agit ici que de corporations, et non de sociétés proprement dites. Les étrangers associés pour la vente d'immeubles pourraient fort bien faire dans la province de Québec, sans autorisation, le même genre d'affaires; mais ce serait là une société civile, et non une société de commerce1.

L'art. 4764 des statuts refondus de Québec (1888) déclare de plus ce qui suit : « Dans le cas où une corporation, constituée en vertu des lois du Parlement impérial de la GrandeBretagne et d'Irlande, fait ou désire faire des affaires dans la province de Québec, le lieutenant-gouverneur en Conseil peut, par lettres patentes sous le grand sceau de la Province, accorder à telle compagnie, et cette dernière peut alors exercer, dans les limites de la Province, tous les pouvoirs, privilèges et droits stipulés par les lettres patentes et requis pour faire les affaires de la compagnie, que le lieutenant gouverneur 2 en Conseil a le droit d'accorder à une compagnie... >>

Le § 1er de l'art. 5470 des mêmes statuts contient aussi une disposition spéciale à l'égard des compagnies de prêts et placements. Ce paragraphe, avant l'amendement du 10 mars 1899, se lisait comme suit :

Toute corporation, institution ou société de prêts et placements, régulièrement constituée, en vertu des lois du Parlement de la Grande-Bretagne et d'Irlande ou de la puissance du Canada, dans le but de prêter ou de placer de l'argent, et autorisée par statut, charte ou acte corporatif, à prêter de l'argent, dans cette province, peut obtenir un permis du secrétaire de la province, à l'effet de lui permettre d'y exercer des opérations.

1. Girard c. Trudel. Cour d'appel, 1876, 21 L. C. J., 295. 2. Le lieutenant-gouverneur est le chef de l'exécutif.

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