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Les tribunaux et le barreau de l'État de NewYork'.

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New-York possède aujourd'hui plus de trois millions d'habitants, une infinité de tribunaux de police et de juges de paix, d'une réputation douteuse, dispersés dans toute l'agglomération, et enfin, au centre du quartier d'affaires, trois palais de justice le palais des tribunaux civils, celui des Cours criminelles et celui de la section d'appel de la Cour suprême. Il y a encore une juridiction plus élevée la Cour des appels; mais celle-là ne siège pas à New-York. Elle tient audiences au siège du gouvernement de l'Etat, à Albany. L'organisation de ces juridictions est curieuse, mais aussi terriblement compliquée. Essayons de l'esquisser.

ses

Les simples juges de police n'ont aucune juridiction civile. Leur compétence ne s'étend qu'aux contraventions et à l'instruction préliminaire au renvoi devant le grand jury dans toutes les autres causes criminelles.

La plupart des arrestations se terminent par une mise en liberté sous caution. Trop souvent c'est l'occasion pour le juge de se faire graisser la patte, afin de ne pas fixer le chiffre de la caution à un taux trop élevé ou pour accepter la caution d'un individu peu solvable. Car, en droit strict, le juge peut se contenter de l'affirmation assermentée de la solvabilité de la caution qui s'offre. On devine ce que valent ces serments!

Les petites affaires civiles jusqu'au taux de 500 dollars appartiennent à la juridiction des Cours municipales; mais à partir de 250 dollars, le défendeur et même parfois le demandeur peuvent déférer la cause à une juridiction supérieure, en déposant caution pour les frais plus élevés.

A partir de 500 dollars les procès appartiennent à la juridiction civile, qui correspond à notre tribunal de première instance, mais qui s'appelle la Cour suprême. Comme partout où le régime anglo-saxon a été implanté ou adopté, ces tribunaux siègent avec l'aide du jury dans un bon nombre de procès civils. Le jury n'est supprimé que dans les causes d'équité et dans les affaires par défaut. Un détail curieux à ce

1. Journal des tribunaux de Bruxelles, 22 janvier 1903.-V. Stocquart, La vie judiciaire à New-Vork, Clunet 1901, p. 273; Cachard, La preuve et le rôle de l'avocat aux Etats-Unis, supra, p. 258.

propos dans un procès en divorce, lorsque la partie défenderesse fait défaut, le juge, afin de s'assurer qu'il n'y a ni collusion ni fraude, prend le rôle de conseil du défendeur, interroge les témoins après le défendeur et enfin oblige l'avocat de la partie demanderesse à déposer sous serment que la procédure a été absolument régulière et de bonne foi, que l'adversaire n'a pas fait valoir la moindre objection et n'a notifié aucun exploit, etc.

Autrefois les procès allaient directement de la Cour suprême de New-York à la Cour des appels à Albany, et celle-ci jugeait ces recours en fait et en droit. Comme tous les procès civils et commerciaux de la place de New-York passent dans ces Cours, le nombre infini des affaires de NewYork avait rapidement amené dans la Cour d'Albany un déluge d'arriérés. Il fallait absolument remédier à un état de choses qui équivalait trop souvent à un véritable déni de justice. Suivant une idée bien anglo-saxonne, on imagina de créer une Cour d'appel intermédiaire entre la Cour d'Albany et la Cour de New-York, mais qui serait composée des juges de cette même Cour de New-York, siégeant pour la circonstance au nombre de cinq et sans jury. A l'origine, cette division d'appel de la Cour suprême de New-York siégeait dans le même palais de justice et les juges d'appel fraternisaient avec leurs collègues en déjeûnant, d'autant plus qu'ils étaient à tour de rôle juges en première instance et juges d'appel. On prétend qu'ils s'entendaient si bien, que, pour ne pas troubler leurs aimables relations, ils évitaient régulièrement de réformer les jugements de leurs collègues. Il fallut les séparer. Aujourd'hui les juges d'appel sont désignés par le gouverneur de l'Etat pour un terme prolongé, parmi les juges de la Cour suprême, mais ils siègent dans un superbe palais d'onyx, de marbre blanc et de bronze doré, tout récemment construit à une bonne distance de celui où siège la Cour suprême. Reste à voir si les revisions seront plus fréquentes. Cette Cour d'appel connaît du fait et du droit, en sorte qu'elle peut même réformer un verdict du jury civil. Et comme conséquence de l'institution de ce nouveau degré, la Cour des appels d'Albany a été limitée à la seule compétence en droit pour les recours qui lui arrivent de cette Cour d'appel inter

médiaire.

Cependant l'arriéré n'a pas diminué. Il y a en ce moment

environ 150.000 procès pendants devant la Cour suprême de New-York, et il faut en moyenne de quatre à cinq ans pour amener une cause du rôle à l'audience. Le nombre des juges est ridiculement inférieur aux besoins de ce tribunal, mais la législature de l'Etat ne veut pas entendre parler d'une augmentation de sièges. Le seul motif de ce refus, c'est que la majorité de la législature de l'Etat de New-York est républicaine, tandis que la majorité électorale dans la ville de New-York est démocratique. Et comme tous ces magistrats sont élus par les justiciables de leur juridiction, c'est en règle générale à des avocats du parti démocratique que sont attribuées les places de cette magistrature.

Bien qu'élus, ces juges sont aujourd'hui à l'abri de tout reproche. Leurs fonctions leur sont conférées pour de longs termes, et ils sont toujours réélus ; ils jouissent d'un traitement d'à peu près 100.000 francs, et cela équivaut au bénéfice que leur laisserait, s'ils étaient avocats, un chiffre d'honoraires d'environ 250.000 francs par an, à cause des énormes frais généraux qu'entraîne le maintien d'un cabinet d'affaires au cœur de la cité, dans le voisinage des Cours de justice. En sorte que des avocats d'un certain talent, surtout dans les Barreaux de province, sont disposés à accepter ces nominations et sont capables de les exercer avec dignité.

Le barreau de New-York compte quinze mille avocats! Quand je dis le Barreau, j'emploie une expression impropre; je devrais dire à l'américaine: the profession; cela se traduirait assez exactement par le métier.

Il y a, en effet, trois espèces d'hommes de loi, dont une seule constitue, à proprement parler, le Barreau, au sens où nous l'entendons. Dans la plupart des bureaux d'avocats on trouve plusieurs associés; quelques-uns s'occupent des affaires à l'audience, d'autres ne quittent jamais l'étude. Leur besogne consiste, soit à faire œuvre de notaire, soit à préparer les dossiers pour la plaidoirie de l'autre associé. Ces avocats consultants sont très nombreux à New-York et il paraît que certains d'entre eux se sont fait une telle réputation que leur part dans les bénéfices de la firme atteint dans les bonnes années un million de francs.

Ils ont cependant perdu depuis quelques années tous les contrats immobiliers, qui étaient une source abondante d'honoraires. Toutes les affaires immobilières sont aujourd'hui

traitées par des sociétés anonymes qui, pour un prix fixe, exécutent le contrat et assurent l'acheteur ou le prêteur hypothécaire contre tous les risques d'invalidité ou de défectuosité de son titre.

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La troisième espèce d'avocats ne fréquente que les cours de police et les juridictions criminelles c'est le rebut, l'écume, non pas du Barreau, mais de la grande ville entière, renfermant les ratés des autres carrières. On les appelle ici d'un mot très juste: « les requins ». Ces gens-là ont des émissaires dans la police, dans les bouges, dans les prisons et les amigos; ils sont à la piste des accidents, pour s'emparer des victimes comme instrument de chantage contre les propriétaires des équipages, des tramways et des camions de service. Il faut connaître l'intensité, la fièvre affolante de la circulation à New-York pour ne pas rejeter comme incroyable le nombre des accidents qui arrivent chaque jour.

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On me dira mais pourquoi ne pas rayer ces fripons? Pour la simple raison qu'il n'y a ni ordre des avocats, ni conseil de discipline, et que pour être admis à plaider devant les juridictions criminelles, il ne faut pas même la formalité de l'agréation ou du serment comme devant les juridictions civiles.

Il y a a bien une association du Barreau de New-York, mais elle est libre, constituée à la manière d'un club élégant, fournie d'une superbe bibliothèque, et elle ne compte qu'environ 1.500 membres des plus distingués et des plus riches parmi les avocats. Les autres sont abandonnés à l'esprit commercial qui gangrène toujours davantage la profession : ils annoncent dans les journaux, font de la réclame, pratiquent le traité sur honoraires, etc.

En rentrant à l'hôtel, hier soir, mes regards furent attirés par une enseigne lumineuse, fort semblable à celle d'un cabaret, faisant saillie au-dessus d'une porte dans le voisinage d'un grand carrefour; je lis : « X..., avocat, bureau ouvert à toutes heures, rentrées de créances assurées dans le plus bref délai et toutes autres affaires generally, à un taux très raisonnable. »

New-York, 6 décembre 1902.

A. NERINCX.

Questions de droit maritime traitées à la Conférence de Hambourg (25-27 septembre 1902)...

Abordage. Assistance et sauvetage.

Responsabilité des armateurs

La cinquième session' du Comité maritime international s'est tenue à Hambourg, les 25, 26 et 27 septembre 1902, sous la présidence du Dr Sieveking, président de la Cour supérieure hanséatique 2.

Des trois questions portées à l'ordre du jour des travaux de la Conférence Code international de l'abordage et de l'assistance; Compétence en matière d'abordage; Droit réels, privilèges et hypothèques, les deux premières seules ont été discutées.

Nous reproduisons ci-après le texte des résolutions votées à Hambourg. Ces quelques notes présenteront un aperçu très bref des débats du Congrès.

I.

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Code international de l'abordage et de l'assistance. La discussion sur ce premier point s'est ouverte par une proposition assez inattendue du Dr Gütschow, secrétaire de la Chambre de commerce de Hambourg, invitant la Conférence

1. Les sessions précédentes s'étaient tenues à Bruxelles (juin 1897), Anvers (septembre 1898), Londres (juillet 1899), et Paris (octobre 1900). Clunet, 1898, p. 273, p. 277; 1900, p. 233; 1901, p. 65.

2. Le bureau de la Conférence de Hambourg était composé comme suit Président : M. Sieveking, président de la Cour supérieure hanseatique à Hambourg. Vice-présidents: MM. Woermann, armateur, président de la Chambre de commerce de Hambourg (Allemagne); sir Walther Phillimore, l'un des juges du Banc du Roi, Londres (Angleterre); Dr Martinolich, avocat, secrétaire de l'Association autrichienne de droit maritime (Autriche); Ch. Le Jeune, vice-président de l'Association belge, à Anvers (Belgique); L. Simonsen, avocat à la Cour d'appel, Copenhague (Danemark); Wheeler, avocat à New-York (États-Unis); Rahusen, membre du Sénat, président de l'Association néerlandaise, Amsterdam (Hollande); Coloman de Fest, président de l'Association hongroise, Fiume (Hongrie); Kato, vice-président de la Nippon Yushen Kaisha, Tokio (Japon); Platou, professeur à l'Université de Christiania (Norvège); de Valroger, avocat la Cour de cassation de France, président de l'Association française, Paris (France); duc Mirelli, vice-président du tribunal de Naples (Italie); E. de Günther, président de l'Association suédoise de droit maritime, Stockholm (Suède). Secrétaires généraux : MM. Autran, avocat, à Marseille; L. Franck, avocat à Anvers; C. Stubbs, avocat au barreau de Londres; A. Sieveking, avocat à Hambourg. Secrétaires généraux adjoints: H. Boddaert, avocat à la Cour d'appel de Gand; H. Fincke, avocat à Brême; L. Hennebicq, avocat à la Cour de Bruxelles ; O. Ruperti et G. Sieveking, avocats Hambourg.

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