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de faire valoir leurs droits et constituerait ainsi un refus de justice contraire à toutes les règles du droit international en matière commerciale; Qu'il est à peine besoin de faire remarquer, pour répondre à l'objection tirée du caractère national de l'institution des tribunaux français, que dans bien des cas les tribunaux français sont aussi dans l'obligation de faire application des lois étrangères; Qu'il y a donc lieu de confirmer l'appréciation des premiers juges; Att. que l'appelant soulève, devant la Cour, un moyen nouveau ; Qu'il soutient que, dans tous les cas, l'art. 407 est inapplicable parce que le port du Havre où est venu aborder le vapeur Amboto était son port de destination, qu'il n'était pas le port le plus voisin du lieu du sinistre et qu'il ne saurait, par suite, être considéré comme étant le port de refuge prévu par F'art. 407, pour attribuer compétence au tribunal du Havre; Mais att. que de ce que le port du Havre était en même temps le port de reste du vapeur Amboto, on ne saurait en conclure qu'il n'est pas le port de refuge, autrement il faudrait aller jusqu'à décider que le premier port de refuge qui se trouverait être le port de reste ne serait pas attributif de juridiction, ce qui n'est pas admissible comme étant contraire aux termes de la loi; Qu'il importe peu, dès lors, que le port de refuge soit aussi le port de reste, de même qu'il n'est pas nécessaire, parce que la loi ne le dit pas, que le port de refuge soit le plus rapproché du lieu de la collision, et qu'il suffit, pour satisfaire à l'esprit comme à la lettre de l'art. 407, que le port où s'est rendu l'abordeur ou l'abordé soit celui au delà duquel on ne pouvait naviguer sans un danger imminent et en même temps celui qui présente, en raison de sa proximité du lieu du sinistre, toutes facilités pour l'instruction de l'affaire ; - Et att. que le port du Havre, en l'espèce, réunit cette double condition; · Qu'en premier lieu, en effet, l'Amboto ayant reçu des avaries à son pic-avant, par suite de l'abordage, ne pouvait rester à la merci de sa cloison étanche et se trouvait dans la nécessité d'entrer dans un port de refuge pour aveugler sa voie d'eau et se rendre un compte plus exact de ses avaries, après avoir débarqué sa cargaison; Qu'en second lieu, l'abordage ayant eu lieu le 25 août 1901, vers deux heures du matin, à 12 milles ouest des Basquets, et le port de Cherbourg étant un des plus rapprochés de la collision, le port du Havre qui est à peu de distance du port de Cherbourg, et où l'Amboto, guidé par son pilote, a pu aborder le même jour, vers cinq heures du soir, présentait toutes les garanties attributives de juridiction

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prévues par l'art. 407; Qu'il y a donc lieu de repousser le

Par ces motifs, et

moyen nouveau soulevé par l'appelant ;
ceux des premiers juges non contraires, la

firme. »

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NOTE. La chambre des requêtes a, par arrêt du 18 février 1903 (J. le Droit, 20 février 1903), déclaré recevable le pourvoi formé contre l'arrêt de Rouen. V. Paris, 15 novembre 1500 (Clunet 1901, p. 132), Questions et solutions pratiques, 1901, p. 97; Lyon-Caen et Renault, Traité de droit commercial, t. 6, n. 1012; Cohendy et Darras, Code de commerce an noté, art. 407, n. 118 et s.

Eaux françaises.

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Maintien

Abordage. Pilote à bord. de la responsabilité du capitaine du navire abordé. Navire étranger. Législation étrangère exonérant le capitaine du navire piloté au cas d'un pilote obligatoire à bord.

Tribunal de commerce de Cherbourg. 17 octobre 1903.-Prés. M. Legranché.-Bouétard c. Grégory et Châtel, Av. pl. MMes Lecarpentier, Favier et Agneray. Droit du

1er décembre 1902.

1. La présence d'un pilote à bord d'un navire ne diminue pas la responsabilité du capitaine qui doit prendre toutes les mesures de précaution et de surveillance nécessaires à la sûreté du navire, et qui, par conséquent, est responsable vis-à-vis du navire abordé des suites d'un abordage dû à une fausse manoeuvre de son navire.

2. En est-il ainsi alors même que le navire abordeur appartient à un pays étranger, à l'Angleterre dans l'espèce, dont la législation supprime la responsabilité du capitaine au cas où un pilote obligatoire se trouve à bord? Question non posée. - V. la

note.

NOTE.

1. La jurisprudence française se prononce le plus souvent en ce sens ainsi d'ailleurs que les auteurs. V. Cohendy et Darras, Code de commerce annoté, art. 216, n. 35 et s., art. 227, n. 2 et s., art. 407, n. 64 et s.; Trib. comm. Bordeaux, 10 juin 1886, Clunet 1889, p. 91.

2. Il ne semble pas que, dans l'espèce, pour échapper à la responsabilité dont il était menacé, l'armateur ait invoqué cette circonstance que le navire était anglais et que, d'après la loi anglaise, la responsabilité du capitaine du navire piloté disparaît lorsqu'un pilote se trouve à bord et que la présence de ce pilote à bord est imposée par la loi ou par les règlements; cette objection n'aurait eu de valeur que si l'on admet que la responsabilité incombant à un navire, pour abordage survenu dans les eaux territoriales françaises, est déterminée, non pas par la loi française, mais par la loi du pavillon. On sait que cette question est particulièrement délicate, V. supra, Rouen, 28 janvier 1903, p. 584, la note et les renvois ainsi que la consultation de M. Charles Lyon-Caen.

Accidents du travail. Loi du 9 avril 1898. Contrat de

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louage d'ouvrage passé en France entre patrons français et ouvriers étrangers. Accident survenu dans une colonie française. Impossibilité d'appliquer les règles de procédure édictées par la loi de 1898. · Application des dispositions de fond

de la loi de 1898.

Cour d'appel de Rennes (1 ch.), 22 décembre 1902.

Prés. M. de Savignon-Larombière. Min. publ. (concl. conf.) M.Caunac,-De la Brosse et Fouché c. veuve Le Ray,ès-qua'. Av. pl. MM Le Borgne et Maulion. — Gazette du Palais, 1903.1.

1. La loi du 9 avril 1898 s'applique, non seulement aux accidents survenus dans l'établissement ou dans l'usine qui sont le siège principal de l'industrie, mais aussi aux accidents dont l'ouvrier est la victime dans les diverses succursales ou les chantiers où son patron peut l'employer; il importe peu que ce chantier soit établi dans la même ville, en France, ou même dans un pays étranger, pourvu que le contrat soit intervenu en France et entre Français.

2. L'art. 34 de cette loi du 9 avril 1898, d'après lequel un règlement d'administration publique doit déterminer les conditions dans lesquelles la loi pourra être appliquée à l'Algérie et aux colonies, se réfère uniquement aux industries locales; on ne saurait, sans apporter dans la loi une restriction qui n'est pas entrée dans l'esprit du législateur, en étendre l'application aux ouvriers français qui travaillent dans une colonie française en vertu d'un contrat de louage de services passé en France.

3. Il en est ainsi, malgré l'impossibilité où l'on peut se trouver d'appliquer dans certaines colonies la procédure organisée par la loi de 1898.

NOTE. La décision de la Cour d'appel de Rennes pourra être utilement rapprochée d'un arrêt de la Cour suprême du Michigan (Clunet 1901, p. 613) qui, statuant au sujet d'un accident survenu au Canada à un ouvrier employé par un entrepreneur américain, a fait application de la loi canadienne. La solution de la Cour de Rennes nous paraît préférable il nous semble conforme à la volonté des parties que les rap. ports entre patrons et ouvriers soient régis toujours par une mème loi, par celle que les intéressés ont eu particulièrement en vue, c'est-àdire par la loi du lieu où le contrat a été passé.

La Cour de Rennes a cru nécessaire de relever la circonstance que le patron ainsi que l'ouvrier étaient de nationalité française; cette constalation était inutile; la loi du avril 1898 sur les accidents du travail appartient, en effet, à cette catégorie de lois qui, comme par exemple les lois relatives aux marques de fabrique, aux dessins de fabrique, etc., et, d'une façon générale, les lois d'ordre industriel, sont applicables à tous les établissements situés en France, quelle que soit d'ailleurs la nationalité des directeurs de ces établissements; pour ces lois, la nationalité de

l'établissement détermine le régime qui lui est applicable, abstraction faite de la nationalité de ses propriétaires.

Sur la loi de 1898, envisagée au point de vue des droits des étrangers, V. Serre, Les ouvriers étrangers et la législation française sur les accidents du travail, Clunet 1902, p. 977.

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Cour d'appel de Douai (1r ch.), 26 mars 1902. - Prés. M. Gheerbrant. -
Min. publ.
(concl. conf.) M. Schuler. Epoux Guerrier-Capstick c. Arthur Guerrier, - Av. pl.
MM. P. Allaert et Bergeret (de Boulogne).

1. La loi anglaise n'oblige pas les parents à fournir des aliments à leurs enfants dans le besoin.

2. A raison du trouble social qu'elles pourraient y provoquer, ces dispositions de la loi anglaise ne sont pas applicables en France aux Anglais qui ont trouvé convenable, utile ou agréable, d'y fixer leur résidence.

3. Au surplus, et d'une façon générale, les lois concernant l'obligation alimentaire constitueut en quelque sorte des lois de police et de sûreté primant les intérêts personnels et privés des étrangers; ceux-ci ne peuvent se prévaloir à leur encontre des lacunes ou des insuffisances de la législation de leur pays d'origine.

Par arrêt du 18 novembre 1901 (Clunet 1902, p. 1043), la Cour de Douai avait jugé que les tribunaux français sont compétents pour statuer sur l'action alimentaire formée par un Anglais contre ses parents Anglais, ayant acquis en France un domicile de fait.

A l'audience du 27 décembre 1901, le tribunal civil de Boulogne statua au fond sur ce litige, et condamna les époux Guerrier solidairement à payer à leur fils Arthur une pension alimentaire mensuelle de 300 francs.

Appel fut formé de ce jugement par les époux Guerrier-Capstick, qui ne conclurent devant la Cour que sous réserve du pourvoi en cassation par eux formé contre l'arrêt du 18 novembre 1901, précité.

La Cour d'appel de Douai statua comme suit, le 26 mars 1902: « La Cour : Att. que l'arrêt de la Cour de Douai du 18 novembre 1901, statuant dans l'affaire actuelle sur la compétence, a déclaré que, les époux Guerrier demeurant en France depuis plus de quarante ans et n'ayant fait que de courts séjours

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en Angleterre, il n'était point établi qu'ils y aient conservé un domicile; qu'ils avaient pu se créer en France un domicile de fait, la loi anglaise ne s'y opposant pas; que l'acquisition d'un domicile de fait avait comme conséquence de les soumettre à la juridiction des tribunaux français dans les litiges n'intéressant point l'état des personnes, et cela au point de vue d'une bonne et prompte administration de la justice sur le territoire français; que le même arrêt a reconnu à la demande de Guerrier fils un caractère d'urgence; qu'il reconnaît que la prolongation d'un débat de cette nature existant entre habitants du territoire français constituerait un véritable trouble dans l'ordre social, et que l'obligation est à exécuter, non à l'étranger, mais en France; Att. que ces considérations invoquées à l'appui de la compétence des tribunaux français perdraient toute leur efficacité et resteraient sans effet si la loi anglaise devait être appliquée, dans le cas d'action en pension alimentaire, au fond même de la demande; qu'il a été allégué en plaidoirie et non contesté entre les parties que la loi anglaise n'obligeait pas les parents à fournir des aliments à leurs enfants dans le besoin; que, seulement dans le cas d'indigence absolue, ceux-ci pouvaient être internés dans un « Workhouse », ou maison des pauvres, aux frais de leurs ascendants; Att. que ces dispositions de la loi étant, en fait, inapplicables en France, le trouble social qu'a voulu prévenir la jurisprudence à laquelle l'arrêt du 18 novembre s'est conformé, persisterait indéfiniment si les tribunaux français statuaient en appliquant la loi anglaise comme le demandent les époux Guerrier; que s'agissant d'éviter un trouble social dans l'État français, il est naturel et logique de prévenir ce trouble en appliquant les dispositions de la loi qui ont été prises à cet effet dans ledit État; que celui-ci est d'ailleurs seul et souve rain juge dans les matières d'ordre public vis-à-vis de tous les individus qui ont trouvé convenable, utile ou agréable, de fixer leur résidence sur son territoire; qu'il y a là en quelque sorte une loi de police et de sûreté primant les intérêts personnels et privés des étrangers; que ceux-ci ne peuvent se prévaloir à son encontre des lacunes ou des insuffisances de la législation de leur pays d'origine, et tenir en échec des lois d'intérêt général; — Att., s'il en était autrement, que les pères et mères étrangers seraient plus favorisés que les parents français, qu'il leur serait loisible, en cas de mécontentement, de laisser leurs enfants sans ressources et dans le déuûment, ce qui mettrait ceux-ci à la charge d'autrui et augmenterait le nombre des indigents, créant ainsi un trouble

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