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est dépourvu de toute valeur légale, alors que le nouveau Code civil, promulgué le 1er janvier 1866, a désormais conféré à l'auto rité civile le soin de recevoir les déclarations en matière d'état civil.

2. Si la possession d'état peut suppléer, en matière de filiation légitime, l'acte de naissance, et même en certains cas l'acte de célébration de mariage des parents, c'est à la condition qu'elle ne soit pas contredite par l'acte de naissance lui-même.

3. L'art. 363 Code civil italien édicte que les actes de l'état civil régulièrement tenus font foi jusqu'à inscription de faux de ce que l'officier de l'état civil atteste s'être passé en sa présence et que les déclarations des comparants font foi jusqu'à preuve contraire; il appartient donc à la personne que concerne un acte de l'état civil de combattre, par l'un de ces moyens, les déclarations de l'acte qui lui sont opposées; à défaut d'une offre de preuve de cette nature, il y a lieu de tenir pour sincères et véritables les mentions d'un tel acte.

4. La possession d'état ne peut être invoquée en France par une personne née à l'étranger, en Italie dans l'espèce, pour établir la filiation naturelle, la recherche de la paternité étant interdite.

a Le Tribunal : Att. que le sieur Théophilo Pictory, baron de Sormery, est décédé à Toulouse le 25 juillet 1899, après avoir fait divers testaments, ouverts et déposés aux formes de droit, par lesquels il disposait de certains legs particuliers en faveur de la dame Berdony, épouse du sieur Eugène Doumenjou, et de ce dernier qu'il instituait, en outre, son exécuteur testamentaire, de concert avec Me Lambry, avocat; Att. que le sieur E. de Montozon s'étant fait connaître, comme cousin du défunt, habile à lui succéder, les époux Doumenjou l'ont assigné en même temps que Me Lambry en délivrance des legs à eux faits; que, sur cette assignation, le tribuual a rendu, le 23 juin 1900, un jugement de défaut profit-joint, contre ledit sieur de Montozon, défaillant; que les documents versés aux débats, que Françoise Ghigo était appelée, en famille, Fanny ; qu'il s'agit, dans les deux actes, d'un enfant né à Turin à la même heure et à une date sensiblement la même, ne différant que par les indications superficielles fournies en pareil cas; que Fanny Ghigo donne à l'enfant, dans l'acte de reconnaissance, cinq prénoms, dont les trois premiers sont exactement ceux qu'on relève dans l'acte de baptême et se trouvent énumérés dans le même ordre; que sur les deux autres il en est un, celui de Gaston, dont le demandeur actuel se revêt dans les actes de sa

procédure; qu'enfin Fanny Ghigo se disait âgée de 28 ans, alors que l'acte de décès de Françoise Ghigo lui donne approximativement cet âge à l'époque de la reconnaissance, on est amené à conclure que la femme dont Gaston Pictóry se réclame dans son acte de baptême comme étant sa mère est la même que celle qui le reconnaissait pour son fils naturel;-Att., d'ailleurs, que l'art. 363 du C. civ. italien édicte que les actes de l'état civil régulièrement tenus font foi jusqu'à inscription de faux, de ce que l'officier de l'état civil atteste s'être passé en sa présence et que les déclarations des comparants font foi jusqu'à preuve contraire; qu'il appartient donc à Gaston Pictory de combattre par l'un de ces moyens les déclarations des actes qui lui sont opposés et qu'à défaut d'une preuve rapportée et dont il ne fait même pas l'offre, il y a lieu de tenir pour sincères et véritables les mentions de ces actes, lesquels sont, au surplus, réguliers en la forme et dûment légalisés ; Att. que de tout ce qui précède il résulte que l'action du demandeur en réclamation d'état et, en particulier, la possession d'état dont il offre de rapporter la preuve, n'est pas recevable; — Qu'en effet, d'une part, la possession d'état ne peut être invoquée pour établir la filiation naturelle, la recherche de la paternité étant interdite; que, d'autre part, la filiation légitime ne peut être prouvée par la possession d'état qu'en l'absence de l'acte de naissance si elle n'est pas contredite par l'acte de naissance (art. 320); Or, att. que, l'acte de naissance du demandeur lui attribuant l'état civil d'enfant naturel de père inconnu, il ne peut être admis à prouver, contrairement à cet acte, sa légitimité dont l'acte de naissance est la dénégation formelle (art. 197); Que l'adoption de ce moyen suffit à faire repousser son action sans qu'il soit besoin de rechercher, en outre, si les faits de possession d'état qu'il allègue ou offre de prouver ne sont pas pertinents comme se trouvant dès à présent démentis par les faits et documents acquis aux débats; Par ces motifs : - Joint l'instance en délivrance de legs dirigée par la dame Berdony, épouse Doumenjou, et ce dernier, tant comme mari qu'en son nom personnel, contre les sieurs de Montozon et Lambry ès qualités à l'instance diligentée par le sieur Gaston Pictory de Sormery, suivant exploit du 19 décembre 1900; Ce faisant, déclare irrecevable l'action dudit sieur Pictory et les demandes tant principales que subsidiaires qui l'assortissent; Spécialement déclare que l'acte de baptême par lui produit est dépourvu de valeur légale; que son acte de naissance, tel qu'il est inscrit à l'état civil de la ville de Turin, contredit for

et que

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mellement la possession d'état d'enfant légitime qu'il revendique et rend inadmissible son offre de preuve; Et vidant le jugement de défaut profit-joint du 23 juin 1900; Ordonne que les sieurs de Montozon, héritier naturel, et Lambry, ès qualité, délivreront aux époux Doumenjou respectivement les legs particuliers dont ils sont bénéficiaires, en vertu des testaments du 10 mars 1898 et 24 mars 1899, savoir : à la dame Berdony, épouse Doumenjou, le jardin de la rue Lejeune, 24; la villa « Simple Bagatelle », aux Sept-Deniers, et la ferme qui est presque en face, ainsi que tous les albums de musique; au sieur Doumenjou tous les bijoux, les couverts d'argent, tout ce qui est en or ou en argent, l'argent nécessaire pour payer les frais d'héritage et au cas où les meubles ne seraient pas recueillis par la Caisse des écoles, tout le mobilier délaissé par le de cujus; Dit que le présent jugement tiendra lieu de délivrance; Met à la charge du sieur de Montozon, comme ayant été occasionnés par sa faute, les frais du jugement du défaut-joint et de réassignation; Dit que le sieur Gaston Pictory devra supporter les frais de l'instance en pétition d'hérédité et la succession, ceux en délivrance de legs, jusqu'au jour du présent jugement; Dit que ceux relatifs audit jugement et à sa signification seront mis en masse, comme conséquence de la jonction prononcée, pour être supportés à concurrence de 4/5 par le sieur Gaston Pictory, et de 1/5 par la succession, à l'exception toutefois des droits d'enregistrement afférents à la délivrance des legs, lesquels seront exclusivement acquittés par ladite succession. »

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Hypothèque légale. Femme mariée. Droit civil, Femme suisse. Traité d'établissement franco-suisse de 1882. Système de réciprocité. Femme vaudoise. Garantie organisée par la loi vaudoise sous le nom d'assignat. - Différences avec l'hypothèque. - Refus de l'hypothèque légale aux femmes vaudoises.

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Cour de cassation (Ch. des Requêtes), 27 janvier 1903. Prés. M. Tanon,
Cons. rapp.
M. George Lemaire. - Min. publ. M. Feuilloley.-Monnet c. Pinget et autres. — Av.
pl. M. Bressolles.

Cour d'appel de Chambéry, 10 juillet 1900.
Min. publ. M. Page.

et Bourgeois.

Monnet e. Pinget.

Prés. M. de Labusquette, 1 prés.
Av. pl. MMes Baron (de Saint-Julien)

1. L'hypothèque légale au profit des femmes mariées ne relève pas du droit des gens; elle confère un droit civil aux femmes investies de cette garantie.

2. Une femme suisse ne peut, en vertu des art. 1 et 2 du traité d'établissement franco-suisse du 23 février 1882, exercer sur un

immeuble situé en France l'hypothèque légale créée par la loi française en faveur de la femme mariée que si cette hypothèque est également établie par la législation de son canton et peut être par suite invoquée dans ce canton par une femme française.

3. Le système de garantie organisée sous le nom d'assignat par le Code civil du canton de Vaud, en faveur de la femme mariée, est essentiellement différent de celui de la loi française.

A la date du 10 juillet 1900, la Cour de Chambéry avait rendu un arrêt ainsi conçu :

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<< La Cour: Att. que dans un ordre ouvert au tribunal de Thonon pour la distribution du prix d'immeubles situés en France, l'appelante, femme suisse du canton de Vaud, qui n'a pris aucune inscription sur lesdits immeubles, demande à être colloquée au même rang que si elle était une femme française, faisant valoir son hypothèque légale; Att. que, suivant une jurisprudence aujourd'hui constante, l'étrangère ne peut bénéficier en France de son hypothèque légale que si elle jouit des droits civils en vertu soit de son admission à domicile, soit d'un traité international; — Att. en outre que les étrangers, jouissant des droits civils en France, n'en restent pas moins soumis aux lois de leur pays pour tout ce qui concerne l'état et la capacité des personnes; Que l'incapacité de la femme mariée et l'hypothèque légale qui en est la conséquence logique dérivent de son statut personnel; Que, pour triompher dans sa prétention, l'appelante doit donc démontrer : 1o qu'elle jouit des droits civils; 2o que la législation de son pays lui assure pour ses reprises matrimoniales des garanties analogues à l'hypothèque légale de la femme française; Att. que le traité du 23 février 1882 tranche la 1re question en faveur de l'appelante; Att., sur la seconde question, que le Code civil vaudois dans les art. 1090 et suivants a organisé en faveur de la femme un système de garantie, qu'il nomme assignat, essentiellement différent de la loi française, non seulement en ce que l'hypothèque de la femme doit être inscrite et consentie par le mari dans des délais et avec des formalités particulières, mais encore en ce qu'au lieu d'être générale elle ne frappe que les immeubles sur lesquels elle a été inscrite; Att. que si, à la rigueur, on peut considérer le concours du mari et l'inscription comme des formalités négligeables en France, par application de la règle locus regit actum, il en est autrement de la spécialité de l'hypothèque qui touche au fond même du droit et en restreint l'étendue; Que, dans l'espèce, assimiler l'assignat de la lọi vaudoise

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à l'hypothèque légale de la femme française ce serait accorder à l'appelante un avantage que lui refuse son état personnel; Att. que l'appelante a cherché à appuyer sa prétention sur l'art. 6 du traité du 15 juillet 1869 entre la France et la Suisse, traité en vertu duquel les créanciers hypothécaires doivent être colloqués à leur rang sans distinction de nationalité, mais que ce texte, qui suppose des droits préexistants dont il réglemente l'exercice, est sans application possible à l'espèce où la question est précisément de savoir si l'appelante a un droit hypothécaire; Att. que l'argument tiré de l'art. 6 du traité du 23 février 1882 qui assure réciproquement aux Suisses et aux Français le traitement de la nation la plus favorisée serait plus sérieux, s'il ne manquait pas en fait; Mais que parmi les nombreux traités qui ont été cités devant la Cour, il n'en est aucun qui puisse être utilement invoqué; Que si, dans le traité franco-espagnol du 12 mai 1882, et dans le traité franco-serbe du 18 janvier 1883 qui paraissent les plus favorables à la thèse de l'appelante, on lit que : « les Français en Espagne et les Espagnols en France (ou les Français en Serbie et les Serbes en France) jouissent réciproquement d'une constante et complète protection pour leurs personnes et leurs propriétés, et auront les mêmes droits (excepté les droits politiques) et les mêmes privilèges qui seront accordés aux nationaux, à la condition toutefois de se conformer aux lois du pays » : le sens des mots droits et privilèges » est expliqué dans la suite des traités; que ces droits et privilèges consistent pour l'étranger à avoir libre accès devant tous les tribunaux, à pouvoir se faire représenter par des avocats ou avoués, à disposer de ses biens par vente, échange, donation ou testament, à retirer ses capitaux du pays, à prendre possession des biens dont il pourrait hériter même ab intestat, sans payer d'autres droits que les nationaux, et en outre (pour les Serbes) à être admis au bénéfice de l'assistance judiciaire, tous les autres droits énumérés étant relatifs au commerce et à la navigation ; · Que, dans aucun de ces traités, on ne trouve une clause d'où l'on puisse inférer que les hautes parties contractantes aient entendu soustraire leurs nationaux aux règles de leur statut personnel; Par ces motifs, - Confirme le jugement dont est appel rendu le 10 janvier 1900 par le tribunal civil de Thonon. »

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Sur pourvoi formé par la dame Monnet, la question vint devant la chambre des requêtes de la Cour de cassation: M. l'avocat général Feuilloley a présenté les observations suivantes :

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