Page images
PDF
EPUB

gnant est la partie lésée et que l'emprisonnement va de huit jours à deux ans.

On conçoit qu'il n'était pas facile de concilier toutes les législations qui, ainsi qu'on l'a vu, ont admis des principes si variés quant à la répression pénale de l'adultère. Le législateur suisse eût été bien inspiré, à mon avis, en retranchant l'adultère du nombre des délits prévus par le futur Code pénal, d'autant plus que, si je suis bien informé, cet article n'a pas été admis avec grand enthousiasme. La plupart des experts reconnaissaient que le vent poussait à la non-répression pénale de l'adultère, et le principe de la répression n'a passé qu'à une voix de majorité, non pas pour des raisons juridiques, morales ou sociales, mais pour des motifs de pur opportunisme. Il faut reconnaître qu'une fois le principe de la répression admis, le législateur a combiné un système aussi bon qu'il peut l'être dans une matière aussi délicate. La poursuite ne peut avoir lieu que sur plainte de l'époux offensé, seulement après la dissolution du mariage, et dans les trois mois à partir du jour où le jugement de divorce est devenu définitif.

Nous ne savons quel sort réserveront les Chambres fédérales, et peut-être le peuple, au projet de Code pénal, et spécialement à la disposition relative à l'adultère, qui peut être supprimée (ce que je souhaite) ou modifiée (notamment la peine prévue pourra être celle de l'amende). Quoi qu'il en soit, les divergences d'opinions qui se sont manifestées dans les législations cantonales à l'égard de l'adultère se retrouveront dans l'application de la peine. Tandis que, dans certains cantons, les tribunaux frapperont impitoyablement les coupables, dans d'autres, l'indulgence, avec le système des circonstances atténuantes et l'institution du jury, ira jusqu'à l'impunité. Et si le législateur suisse venait à remplacer pour ce délit la peine de l'emprisonnement par celle de l'amende, il s'établirait sans doute devant certains tribunaux un tarif uniforme; le coup de canif à la charte conjugale serait à tout jamais taxé comme l'est le premier accroc au tapis d'un billard. Je vois bien ce que la dignité de la justice y perdrait; je ne vois pas ce que la dignité du mariage y gagnerait.

Alphonse GRAZ,

Juge à la Cour civile, criminelle et correctionnelle de Genève.

Le droit d'association aux États-Unis '.

Le sujet du droit d'association aux Etats-Unis et de la situation légale des associations sans but lucratif est si étendu qu'il est difficile d'en donner un aperçu complet.

Ce vaste pays, grand comme l'Europe et qui n'a qu'une population de 78 millions d'habitants, est divisé en 40 états et 3 territoires, tous autonomes et ayant des lois souvent fort dissemblables. Il ne saurait être question d'analyser une pareille diversité de lois, et je devrai me contenter d'indiquer quelques principes généraux.

Aucune nation civilisée du monde n'a laissé une plus grande latitude aux aspirations de liberté des hommes, et le droit d'association a reçu tout l'essor qu'il pouvait attendre d'un continent entrant le dernier dans la civilisation du monde, et exempt de tous préjugés et de toutes traditions encombrantes.

Libre cours a été donné à l'intelligence humaine et à l'initiative privée, et le nombre de sectes, de groupes, de confréries, de clubs, de sociétés de tous genres qui se sont formés dans ce grand et beau pays est incalculable.

Qu'il me soit permis de rappeler que les Etats-Unis ont un gouvernement fédéral, dont les pouvoirs, fort limités, sont établis par la Constitution. Les intérêts privés se trouvent donc régis d'une façon générale par les lois des divers Etats de l'Union.

Toutefois, avant d'entrer dans l'examen d'aucune loi spéciale, je tiens à citer un arrêt de la Cour suprême des EtatsUnis à Washington, qui fixe la jurisprudence et contient un véritable exposé de principes, et dont je fais les extraits suivants : « Octobre 1876. Les Etats-Unis c. Cruikshank U. S. Rep. sup. Court. Vol. 92.

et autres.

[ocr errors]

«..... Le droit du peuple de s'assembler paisiblement et pour des objets non contraires aux lois existait bien avant l'adoption de la Constitution des Etats-Unis. En fait, ce droit est, et a toujours été, un attribut de la qualité de citoyen sous un gouvernement libre. Il « prend sa source », comme l'a dit, dans l'affaire Gibbons c. Ogden, M. Marshall, président de

1. V. Gore Brown, Des associations sans but lucratif en Angleterre, Clunet 1903, p. 5; Clunet, Associations (cercles, clubs, etc.), Paris, 1903 (sous presse).

la Cour suprême des Etats-Unis, « dans ces lois dont l'autorité est reconnue sur toute la terre par tous les hommes civilisés ». Ce droit existe partout où il y a civilisation. Il n'a pas, par conséquent, été accordé au peuple par la Constitution. Lors de sa formation, le gouvernement des Etats-Unis a trouvé ce droit existant, ainsi que l'obligation, pour les Etats, de lui accorder leur protection. Aucun pouvoir à ce sujet n'ayant été accordé au Congrès, il demeure soumis, conformément aux règles posées dans l'affaire Gibbons c. Ogden, aux lois particulières des Etats. Il n'a été confié par le peuple à la protection du Congrès que les droits existants, rentrant dans les limites de l'autorité conférée au gouvernement national.

Le premier amendement à la Constitution défend au Congrès de diminuer « le droit du peuple de se réunir et de demander au gouvernement une réparation d'abus ». Cet amendement, comme les autres qui furent proposés et adoptés à la même époque, n'avait pas pour but de restreindre les pouvoirs des gouvernements privés des Etats vis-à-vis de leurs propres citoyens, mais ne devait opérer que sur le gouvernement national seul.

"..... Le droit du peuple de se réunir pacifiquement dans le but d'adresser des pétitions au Congrès pour la réparation d'un abus, ou pour toute autre chose se rapportant aux pouvoirs et aux devoirs du gouvernement national, est un attribut de la qualité du citoyen et, comme tel, placé sous la protection et la garantie des Etats-Unis. L'idée même d'un gouvernement de forme républicaine implique le droit pour ses citoyens de se réunir paisiblement pour délibérer sur les affaires publiques, et pour demander la réparation d'abus... >>

Dans notre pays, le vote est la base même du système gouvernemental. Le premier magistrat du pays, le président des Etats-Unis, est, en réalité, élu par le peuple, car, si le vote n'est pas direct et si ce sont des délégués qui nomment le président, ceux-ci reçoivent un mandat impératif, et on peut les considérer comme de simples intermédiaires. C'est à peine si les électeurs les connaissent et ils sont choisis simplement pour enregistrer un vote.

Au début de chaque campagne présidentielle, les deux grands partis politiques, les Républicains et les Démocrates,

tiennent une convention pour arriver au choix d'un candidat. D'immenses assemblées de dix à quinze mille personnes se réunissent habituellement dans une ville du Centre, Chicago ou Saint-Louis, et, après avoir entendu les discours des plus grands orateurs du pays, on procède au vote du candidat à la présidence.

Une fois les deux candidats choisis, la campagne électorale se poursuit avec frénésie; des réunions publiques s'organisent dans toutes les villes, les clubs politiques déploient la plus grande activité pour assurer la victoire; et le pays entier traverse une période de surexcitation et de préoccupation.

En dehors du Président, un grand nombre de fonctionnaires sont élus, tels que les gouverneurs, les sous-gouverneurs et les secrétaires des Etats, les juges, les procureurs des parquets, les greffiers et les sheriffs, les maires et la pluparts des chefs des divers services municipaux.

Toutes ces élections sont préparées par les clubs politiques qui fixent le choix des candidats et dirigent les campagnes électorales.

Toute restriction chez nous au droit de réunion ou d'association heurterait l'essence même de notre organisation politique et viendrait enrayer le fonctionnement de nos institutions.

Chaque fois qu'un abus se fait sentir dans une ville, les citoyens organisent des mass-meetings (réunions en masse) où l'on vient discuter en commun et chercher un remède.

Il faut se pénétrer de cet état de choses, il faut se rendre compte du libéralisme de nos institutions pour apprécier toute la latitude qui est accordée aux associations de tous genres, qu'elles aient un but lucratif ou désintéressé, qu'elles visent un objet politique, religieux ou social.

J'ai déjà indiqué qu'aux Etats-Unis, les différents Etats étaient autonomes; chaque Etat a une Assemblée et un Sénat qui détiennent le pouvoir législatif, le gouvernement de l'Etat ayant, comme le président des Etats-Unis, un droit de veto.

Ces assemblées se renouvellent très fréquemment, et pour donner une idée du peu de durée du mandat de député chez nous, je signalerai que les membres du Congrès des EtatsUnis à Washington ne sont élus que pour deux ans.

Ceci explique la vigueur, la souplesse, l'esprit d'initiative et l'énergie de ces assemblées composées d'hommes recrutés.

en grand dans les milieux d'affaires, et qui apportent dans leurs nouvelles fonctions tout le feu et le zèle de l'individu

qui a l'habitude d'une lutte quotidienne dans un pays où la concurrence est si étendue.

Tout ce qui est nouveau, tout ce qui est progrès est sûr d'être bien accueilli par ces législateurs, et la loi qui doit sanctionner un pas en avant ne se fait pas attendre.

Nos assemblées passent peut-être autant de lois que vos Cours rendent d'arrêts.

Dans un voyage récent aux Etats-Unis, j'ai eu à m'occuper d'intérêts privés très importants. En examinant l'affaire, il a été découvert que les lois existantes contenaient une lacune ou plutôt offraient des dispositions gênantes. Un projet de loi a été présenté, et la chambre de l'Etat, reconnaissant qu'elle améliorait la situation sans aucun inconvénient pour qui que ce soit, a promptement voté la loi, qui a également passé au Sénat et a été approuvée par le gouverneur.

On se rendra peut-être un peu mieux compte, après ces explications, de ce qu'a produit aux Etats-Unis le pouvoir législatif soucieux d'encourager toutes les entreprises, de donner plein effet à toutes les libertés et d'aider au développement et à l'enrichissement de ce merveilleux pays à ressources si multiples. Dans les circonstances les plus graves, aucune hésitation ne vient retarder un progrès ou ajourner une réforme.

Dès que l'usage de l'électricité a été mieux compris, on s'est rendu compte qu'elle pouvait servir à raccourcir les souffrances des condamnés à mort, et depuis vingt ans la machine électrique a été substituée à la pendaison dans l'Etat de New-York.

Si je me reporte à la législation de ce même État, je trouve d'innombrables lois sur les sociétés, dont je fais une courte nomenclature :

Sociétés commerciales, banques, sociétés d'assurance, sociétés de chemins de fer, sociétés pour transports, bacs, diligences, tramways, conduits souterrains, eau, gaz, lumière électrique, télégraphe, téléphones, routes, ponts, sociétés religieuses, société sans objet pécuniaire ayant pour seul but la réunion de leurs membres, sociétés de bienfaisance comprenant les francs-maçons et la grande armée de la République, sociétés anonymes et autres.

Il existait un si grand nombre de lois s'appliquant à ces

« PreviousContinue »