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tion des intérêts et dividendes. Le droit est perçu, pour les actions, sur les dividendes fixés par les conseils d'administration et les assemblées d'actionnaires. C'est seulement à défaut de documents de cette nature que l'impôt est calculé sur un revenu fictif, évalué à 5% du capital. Pour les obligations, le droit est perçu sur les intérêts distribués.

Tout ceci est applicable aux Sociétés étrangères. Mais l'administration de l'enregistrement, partant du principe que l'impôt est calculé sur les distributions, soutient qu'il est dû, par les Sociétés étrangères, sur toutes les distributions effectuées après l'un des événements rendant exigibles les taxes globales, alors même que les distributions se rapportent à des exercices ou des fractions d'exercices antérieurs à ce même événement. Les actionnaires et obligataires supportent ainsi, après la première distribution, un impôt afférent à une époque où les taxes globales n'étaient pas encore exigibles. A la vérité, si, en revanche, des distributions sont faites après que les titres ont été rayés de la cote ou ont cessé de circuler en France, la régie renonce à réclamer la portion des sommes distribuées afférentes aux bénéfices réalisés pendant la période de circulation en France'; mais ce n'est pas là une compensation pour les porteurs français, car lorsque les titres étrangers cessent d'être soumis à l'impôt en France, c'est à la suite de la concentration de tous les titres, ou à peu près, entre les mains de porteurs étrangers.

La théorie de la régie, il faut en convenir, n'est pas irréprochable. Si la loi du 29 juin 1872 soumet les Sociétés étrangères à l'impôt sur le revenu « pour les titres cotés en Bourse ou émis en France », et si le décret du 6 décembre 1872 les y soumet aussi « pour les biens situés en France », cela tient à ce que ces titres et ces biens sont réputés être l'indice de bénéfices réalisés en France; le législateur a voulu frapper les Sociétés étrangères à raison de ces bénéfices. Il semble donc que l'impôt doit atteindre exclusivement la portion des bénéfices de la Société réalisés depuis que les titres de la Société circulent en France ou qu'elle y possède des biens. Mais nous n'avons pas à insister sur ce point; il nous

1. V. Sol. du 19 octobre 1892, Clunet 1893, p. 417, p.528, S. 95.2.120. Dans le même sens, Trib. de Belley, 6 février 1901, Rép. périod. de l'Enreg., n° 10244.

suffit de remarquer que la solution de la régie est désavantageuse aux porteurs de titres étrangers.

25. On a pu croire que les valeurs étrangères présentaient une supériorité sur les valeurs françaises au point de vue de la liquidation de l'impôt sur le revenu, dans le cas où la Société prend à sa charge cet impôt ou le droit de transmission. Dans les Sociétés françaises, il y a là certainement un supplément de bénéfices attribué aux porteurs de titres, et ce supplément doit être ajouté aux bénéfices distribués pour la liquidation de l'impôt sur le revenu'. Dans les Sociétés étrangères on a soutenu qu'il en est autrement. La régie avait même, pendant un certain temps, admis cette opinion 2. Mais elle l'a finalement repoussée et a été approuvée par la Cour

de cassation 3.

Il n'y a pas, en effet, de doute sérieux: la raison pour laquelle, dans une Société française, l'engagement par la Société de payer les droits de transmission et l'impôt sur le revenu constitue un supplément de dividendes et d'intérêts, c'est que ces impôts sont, d'après la loi, à la charge des porteurs de titres; ils constituent, en effet, l'un un droit de mutation et l'autre un droit sur les ressources annuelles des actionnaires et obligataires. Or, il en est ainsi dans les Sociétés étrangères comme dans les Sociétés françaises; c'est ce que nous montrons plus loin 1.

26. Tous ces impôts doivent être ajoutés exclusivement aux titres qui sont frappés, en France, des taxes globales; il n'y a pas lieu de liquider les droits comme si les taxes étaient supportées par tous les titres faisant partie de la même émission; car nous montrerons que, théoriquement, c'est seulement contre les porteurs de titres circulant en France que la Société a un recours.

f) Tarifs et modes de payement.

27. Les titres des Sociétés françaises sont assujettis à un droit de transmission; ce droit est de 50 cent. par 100 francs,

1. Cass. civ., 6 juill. 1880, S., 80.1.478; Cass. civ., 5 déc. 1899, S., 1900. 1.465; Trib. de la Seine, 18 déc. 1896, Clunet 1898, p. 543, et sous Cass., 19 nov. 1901, Rép. périod. de l'Enreg., n. 10095.

2. V. la décision citée dans une solution du 28 février 1893, S., 96.2.22. 3. Cass civ., 5 déc. 1899, précité.

4. V. infra, no 36.

5. Sol., 14 déc. 1893, S. 96.2.22.

sans décimes, pour les titres dont la mutation ne peut s'effectuer sans un transfert sur les registres de la Société; il est converti, pour les autres titres, en une taxe annuelle de 20 cent. %.

Pour le Trésor, ce dernier droit est beaucoup plus avantageux que le premier; la preuve en est que, dans les instances qui ont été élevées au sujet de l'application respective des deux taxes, c'est toujours la seconde que réclamait le fisc '. Il serait surtout plus avantageux si la loi l'étendait aux titres nominatifs; ces titres changent rarement de mains, et, dans la plupart des cas, les porteurs de titres choisissent la forme nominative lorsqu'ils entendent en garder longtemps la propriété; le droit de 50 cent. % a donc rarement l'occasion d'être perçu.

Or, lorsque le droit de transmission sur les titres étrangers devient exigible par l'émission, la cote, etc., c'est-à-dire par l'un des faits qui mettent ces droits à la charge de la Société, c'est la taxe annuelle qui est toujours due, sans distinction entre les titres nominatifs et les titres au porteur (Décret 17 juillet 1857, art. 10). Il ne pouvait, d'ailleurs, en être autrement d'une part, comme la taxe est due sur un nombre de titres fixé à forfait, et non pas sur des titres individuellement déterminés, on ignore généralement (sauf si les statuts admettent exclusivement soit des titres nominatifs, soit des titres au porteur) quelle est, parmi les titres soumis aux droits, la proportion des titres au porteur et celle des titres nominatifs. D'autre part, le transfert des titres nominatifs s'opérant sur des registres tenus en pays étranger et dont la régie ne peut pas obtenir communication, le droit de 50 cent. % échapperait presque toujours au fisc. Il n'y en a pas moins là une cause de sensible infériorité des porteurs de titres étrangers vis-à-vis des porteurs de titres français.

La même observation doit être faite pour les titres des villes, provinces, corporations et établissements publics étrangers. Quant aux rentes sur les États étrangers, elles échappent, comme d'ailleurs les rentes sur l'État français, à tout droit de transmission.

28. Lorsqu'il se produit l'un des faits isolés qui rendent exigible le droit de transmission sur des titres déterminés, et

1. V. notre Traité de droit fiscal, t. 1", no 326.

obligent les parties seules, et non la Société, à payer l'impôt, il ne peut plus être question de percevoir la taxe annuelle. La taxe annuelle suppose des moyens d'action que la régie ne possède pas dans les cas de cette nature; la Société n'a pas eu à désigner de représentant responsable, et, par conséquent, le recouvrement de la taxe annuelle est impossible; d'autre part, le décret du 17 juillet 1857, qui fixe le « mode d'établissement des droits sur les titres étrangers, ne mentionne la taxe annuelle qu'en parlant des obligations des Sociétés elles-mêmes.

Il est donc certain que les titres nominatifs' ne sont pas soumis à la taxe annuelle. Le droit qui les frappe-semble être le droit de transfert établi sur la transmission des titres de même nature émis par un établissement français 2. Cependant, l'opinion qui domine exige le droit de cession de part sociale, lequel est également de 50 cent. %, mais à la différence du droit de transfert, s'augmente du quart par l'addition de décimes 3. Ce système paraît être contraire à l'art. 9 de la loi du 23 juin 1857, qui frappe seulement les titres étrangers de droits << équivalents » aux droits établis sur les titres français; il ne semble pas que cette formule permette de soumettre les titres étrangers à des droits plus élevés que ceux des titres français, et surtout à des droits de nature différente. Au surplus, les textes qui proclament l'exigibilité de l'impôt sur les titres étrangers dont il est fait usage portent qu'ils ne peuvent être négociés, en France, qu'en se soumettant à l'acquittement des droits de transmission >>; il ne peut donc être question que du droit établi sur la transmission des titres français. Cela est conforme, enfin, au droit commun, puisque, d'après l'art. 58 de la loi du 28 avril 1816, les actes passés à l'étranger, et dont il est fait usage en France, sont soumis aux mêmes droits que s'ils étaient passés en France. Il faut néanmoins tenir compte, dans la pratique, de l'opinion que nous

1. Nous désignons brièvement par titres nominatifs les titres qui, émis par un établissement français, sont soumis au droit de 50 cent. %, c'està-dire ceux dont la mutation ne peut s'effectuer que par un transfert sur les registres de l'établissement émetteur.

2. V. notre Tr. de dr. fiscal, t. 1, n. 931.

3. Trib. civ. Valenciennes, 18 juin 1874, Rép. périod. de l'Enreg., n° 3925; Naquet, Tr. des dr. d'Enreg., 2o éd., t. 2, no 591.

4. L. 23 juin 1857, art. 9; L. 29 juin 1872, art. 4, al. 2.

venons de réfuter. En fait, les titres étrangers sont donc, à cet égard encore, dans une situation plus défavorable que les titres français.

Quant aux titres au porteur, il faut bien se résoudre à admettre qu'ils sont frappés de la taxe annuelle, et non pas du droit de transfert s'il en était autrement, ils ne seraient plus assimilés aux titres français. La perception de la taxe annuelle se heurte, toutefois, aux mêmes difficultés pratiques. que si les titres étaient nominatifs.

29. Les Sociétés françaises sont soumises, d'autre part, à un droit de timbre, qui est, pour les actions, de 50 cent. % ou de 1% du capital nominal, suivant que la durée de la Société n'excède pas ou excède dix ans (L. 25 juin 1850, art. 14), et de 1 % du montant du titre pour les obligations (même loi, art. 27).

:

Le droit de timbre est le même pour les titres étrangers. Mais, tandis que les rentes sur l'État français échappent à tout impôt, les rentes sur les États étrangers sont soumises au droit de timbre, qui, après avoir été de 50 cent. % (L. 13 mai 1863, art. 6'), après avoir été élevé à 1 % (L. 8 juin 1864, art. 7), après avoir subi une atténuation considérable (L. 25 mai 1872, art. 1 droit fixe de 75 cent. pour les titres n'excédant pas 500 francs, .de 1 fr. 50 jusqu'à 1.000 francs, de 3 francs jusqu'à 2.000 francs, puis augmentation de 1 fr. 50par 1.000 francs ou fraction de 1.000 francs), après avoir encore été élevé à 50 cent. % (L. 28 décembre 1895, art. 3), a été porté à 1 % sans décimes (L. 23 avril 1898, art. 13). Le droit est réduit de moitié pour les fonds étrangers cotés à la Bourse officielle, dont le cours, au moment où le droit devient exigible, sera tombé au-dessous de la moitié du pair par suite d'une diminution de l'intérêt imposé par l'État débiteur (Même texte).

Le droit de timbre, qui frappe, au taux de 1%, les obligations des villes, départements et établissements français, a été étendu, avec le même taux, à celles des villes, provinces, corporations et établissements publics étrangers. (L. 30 mars 1872, art. 1); mais s'il n'a pas varié pour les premiers, il a été porté pour les seconds à 2 % sans décimes (L. 13 décembre 1895, art. 3).

1. Auparavant, elles n'étaient pas soumises au timbre.

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