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anneaux multipliés, le corps focial fera bientôt infecté de coupables individus qui, fans toi, auraient été vertueux, & même, après un nombre de fiecles, naîtront encore des hommes vicieux par toi.

Mais ne cherchons pas fi loin les malheurs qui font ton ouvrage.Je te fuis dans cette maison, afyle à préfent refpectable de la paix & de la vertu; mais où tu traîneras après toi le crime & le trouble. Quel fpectacle touchant! Une épouse adorée d'un époux qu'elle adore, une confiance mutuelle, des careffes également partagées, une amitié auffi vive, & fur-tout plus précieufe que l'amour même, ce calme de deux cœurs qui n'ont point de reproches à fe faire! Couple à préfent fortuné, vous allez éprouver la fois tous les tourments!

L'époux fans défiance préfente à l'épouse fon ami. Quel ami! Sous ce titre augufte & faint, il eft admis dans l'intimité d'une femme dont l'ame eft trop pure pour connaître la défiance. Il reçoit

dans fon traître fein le dépôt des faibles chagrins qui ne font qu'affaifonner le bonheur d'un ménage bien uni : mais il fait les exagérer. Il fait remarquer dans l'époux qu'on aime, de ces légers défauts dont l'humanité ne peut être exemte; il s'étudie à fe parer des qualités contraires; il fe rend aimable pour perdre celle qu'il attaque; il n'épargne aucune de ces complaifances infidieuses, armes toujours fortes contre un fexe faible: femblable à ces ferpens cruels qui lechent d'abord la proie qu'ils s'apprêtent à dévorer. Comment une femme innocente pourrait-elle résister à tant d'embûches? Elle fe rend, & perd en même temps fa tranquillité.

Femme honnête, ce n'eft pas encore notre fexe que tu dois craindre le plus. Il faura te respecter fi tu te montres refpectable. Timide devant toi, il n'ofera te confier un fentiment qui t'outrage; &, pour défendre ta vertu, tu n'auras befoin d'autres armes que de l'empreinte augufte de cette vertu même, qui brille fur ton front. Crains les femmes fur

tour

tout. Crains cette amie dangereuse qui te familiarifera d'abord, par des faillies agréables, avec l'image du vice; qui t'accoutumera infenfiblement à ne point regarder comme un malheur affreux la perte de l'innocence. Bientôt elle ofera te faire confidence de fes plaifirs furtifs: elle rira de ta rougeur, pour t'apprendre à ne rougir que de ta vertu. Sa voix lafcive enhardira l'amant timide qui tremble devant toi; fes plaifanteries écrasantes lui feront une honte de fa retenue; & fes confeils impurs l'encourageront à des libertés dont tu n'oferas t'offenfer devant elle audacieuse dans fon ignominie, elle te rendra, s'il le faut, témoin de fon opprobre, pour te rendre comme elle infenfible à la honte: elle par lera en fecret au féducteur qu'elle protege; elle lui fera part de tes aveux, lui apprendra les moyens de t'attaquer, lui indiquera tes faibles, & l'accablera même de fon mépris, jufqu'à ce qu'il puiffe lui témoigner que toi-même enfin es devenue méprifable.

F

Des fuites de l'Adultere.

S1, par le mariage, deux familles n'en compofent plus qu'une feule, & forment, en quelque forte, une maffe d'appuis, de facultés, de reffources: l'infidélité conjugale porte dans les familles la divifion, y fait naître les trames fourdes & les guerres ouvertes.

L'époux offenfé fupporte impatiemment fon outrage; l'époufe infidelle protefte de fon innocence; les parents prennent parti: le féducteur & ceux qui lui font attachés augmentent encore le trou'ble. Le partage d'intérêt, d'amitié, d'opinions, attife les haines. L'infulte, le farcafme ne font point épargnés; les querelles naiffent, les inimitiés pullulent. On fe calomnie, on fe déchire, on fe traverfe; nombre de citoyens font troublés par le crime d'un homme corrompu & l'abandon d'une femme qui s'eft laiffé corrompre.

Au milieu de tant de citoyens qui fe

haïffent, qui pourra maintenir la paix ? Les loix, dira-t-on. Eh quoi ! toujours des loix, & jamais de mœurs!

mais

trop

Qu'on ne pense pas que le vice foit favorable à la propagation de l'efpece. Un amant adultere croit n'employer jad'efforts, & craint de ne prouver jamais affez fon amour aux maîtresqui le fatiguent de leurs faveurs. Rien n'eft plus contraire à la vigueur féconde que cette ardeur voluptueufe, qui diffipe elle-même fes moyens, qui veut reffembler à la force & qui bientôt amene la faibleffe.

fes

L'époux, content de jouir, s'inquiete peu de fe fignaler. Il ne cherche le plaifir que lorfque la nature elle-même lui en indique le moment, & elle l'indique toujours avec sûreté moins il fe livre fouvent à l'amour, & plus les fins de l'amour font sûrement remplies.

Dans tout pays où il y aura beaucoup. d'habitants, il y aura beaucoup d'infidélités conjugales. Eh! je le fais. Je fais aufi que, dans toute ville fort peuplée, il

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