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Les études et réformes de Monsieur le Gouverneur général Jonnart, l'organisation du service qu'il avait instaurée et qui existait encore lors du voyage de Mr Woolsey, en 1912, sont ainsi appréciées :

<< En Algérie la simplicité, l'économie, le rendement (efficiency) de « l'administration forestière a un intérêt tout particulier pour nous, et « de même le rapport de la commission d'études forestières qui recon« naît le maintien du couvert comme ayant une importance vitale re" porte la pensée de tout forestier américain vers les forêts nationales, garnies de broussailles, qui sont si efficaces pour sauvegarder les « réserves en eau de la Californie. »><

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Cette appréciation sur une organisation actuellement disparue après un fonctionnement de dix ans est particulièrement intéressante au moment où les questions de réorganisation du service sont l'objet des préoccupations de tous.

Mr Woolsey a choisi pour ces études, l'Algérie, la Tunisie et la Corse, car, dit-il :

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« Les étudiants forestiers peuvent trouver des observations d'une application directe en Amérique surtout dans les pays ou la foresterie « n'est pas organisée de façon intensive. Un administrateur aura plus << d'observation à faire dans le Nord de l'Afrique et la Corse qu'en « France, et plus en France qu'en Allemagne...

« ... En effet les méthodes de culture intensive sont systématique<<ment réglées en France depuis plus d'un siècle et des changements << importants sont rarement nécessaires. Dans le Nord de l'Afrique, les « conditions de milieu, les difficultés de transports, le bas prix des << produits amènent forcément l'abandon de beaucoup de mesures syl« vicoles usitées en France, et des modifications qui sont d'un grand « intérêt. »>

Nous sommes heureux de faire connaître aux forestiers de France ces appréciations qui ne sont pas la formule banale de politesse d'un voyageur bien accueilli, mais sont déduites d'une étude approfondie et complète.

D'autre part, il ne peut qu'être utile aux forestiers français ou coloniaux de connaître les remarques d'un observateur judicieux.

Tous les agents liront avec intérêt et profit les études de Mr Woolsey sur la fixation des Dunes dans le Sud Tunisien, sur l'exploitation et l'aménagement, la régénération des forêts de pin d'Alep dans la province d'Oran, sur les reboisements en Algérie, sur les réformes de Monsieur le Gouverneur Général Jonnart et l'influence bienfaisante de celles-ci.

Nous ajouterons que, suivant la louable pratique du Forest Service américain le livre de Mr Woolsey est accompagné de photographies artistiques par l'auteur, de planches, cartes, tableaux qui en rendent la lecture attrayante. Il se termine par un index alphabétique très complet des matières qui y sont traitées. La forme répond de tous points au fond.

Ne pouvant toutefois entrer dans le détail de cet ouvrage, nous nous bornerons à reproduire les conclusions de Mr Woolsey pour chacune des régions étudiées.

Tunisie.

« Il y a beaucoup à apprendre en Tunisie en ce qui concerne : les <«< idées directrices d'une organisation décentralisée, les améliorations, <«<le reboisement, la défense contre les sables, les vents et les climats, << la défense contre l'incendie, particulièrement en ce qui concerne les << tranchées garde-feu, les modifications au système usuel des coupes << rendues nécessaires par le manque de transports.

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« Il y a en Tunisie deux types d'administration, l'une, intensive, << pour les forêts de chêne-liège d'un revenu important, l'autre, écono«< mique, pour les forêts de pin d'Alep qui n'ont de valeur que comme protection contre les érosions, ou contre les dunes, ou comme res<< sources pour l'alimentation en chauffage des populations. L'organi«<sation n'est pas surchargée par le haut. Elle est simple et s'attache <«< aux principes fondamentaux de la foresterie plutôt qu'à la minutie. << Il suit de là que les dépenses pour protection contre l'incendie sont << beaucoup plus fortes dans les forêts de chêne-liège que dans les forêts « de moindre valeur.

<< La protection des oasis du Djerid a un intérêt tout particulier pour <«<les Américains car la théorie et la pratique de ces travaux ont une application directe aux Etats-Unis. Ces oasis forment des propriétés « irriguées, de grande valeur, qui doivent être protégées contre les sa<«<bles mouvants, contre les excès de pâturage et les érosions.

<< En raison de la présence de populations indigènes les lois relatives « à l'usage du feu en forêt ou à côté des forêts sont particulièrement << sévères, mais l'administration admet que les installations à l'intérieur « des forêts ont une valeur comme défense contre l'incendie car ces << terres cultivées forment d'admirables lignes de défense contre le feu. « Ces habitants à l'intérieur des forêts sont une ressource quand il faut << combattre un incendie.

« Le pâturage est interdit sur les surfaces incendiées pendant 6 ans < après l'incendie.

«< Chaque côté des voies ferrées doit être débroussaillé et débarrassé « de toute matière inflammable. Si cela est reconnu nécessaire, des « tranchées contre l'incendie doivent être établies parallèlement à la « voie. Certaines forêts sont réservées. Aucune exploitation ne doit « être faite. Seul peut être coupé le bois nécessaire pour les travaux << de défense contre les érosions, ou pour la fixation des sables mou

<< vants.

« Les méthodes de réglementation du pâturage, quoique présentant << un réel intérêt sont beaucoup moins développées qu'aux Etats-Unis. « La caractéristique de l'exploitation des forêts de chêne-liège est la << simplicité. C'est comme si le forestier exploitait une récolte de valeur « sur des arbres fruitiers donnant des fruits périodiquement. Les cou«pes annuelles sont sensiblement égales et parcourent chaque année la « même surface, mais une forêt est démasclée seulement une fois tous «<les trois ans.

« L'enseignement le plus important que fournit une étude forestière en région sèche et aride est la difficulté de reboisement après des<«<truction de la forêt primitive, principe qui doit être appliqué avec « une égale rigueur dans nos régions du Sud-Ouest des Etats-Unis « Cette difficulté est certaine lorsque la période de sécheresse survient << pendant les mois d'été, alors que les plants sont moins aptes que pen« dant la période des froids à résister au défaut d'humidité. Les mé«thodes de reboisement employées seront d'une excellente application << dans le Sud de la Californie où les périodes de pluies d'hiver corres<< pondent exactement à celles de Tunisie.

<< Dans les endroits favorables on préfère la méthode de semis directs, << en potets. Dans les parties plus difficiles on a recours aux plantations, « malgré le supplément de dépenses. En vue de réduire la dépense «<est officiellement recommandé d'espacer les potets de 6 à 8 pieds, << mais, en pratique, il y a rarement plus de 250 potets par acre.

« La règle invariable est de semer ou de planter dès le début, et pen<< dant la période des pluies d'hiver.

<< Jusqu'à présent le développement de ces reboisements en Tunisie << est si peu important que ceux-ci doivent être considérés plutôt << comme expériences.

« Ce qui a été accompli en Tunisie depuis 1885 est considérable, sur« tout si on considère les petits crédits acordés.

L'administration est essentiellement simple, économique et prati

« que. Les dépenses sont fixées d'après le revenu plutôt que d'après « une règle idéale. »

Algérie.

« Les traits essentiels de l'administration forestière en Algérie sont : << les malheureuses ventes de forêts domaniales de chêne-liège faites << par Napoléon; les difficultés pour empêcher les délits et les vols, la << protection contre l'incendie (bien qu'elle n'ait pas un égal succès par<< tout); les reboisements; le code forestier algérien.

« Les progrès accomplis par la foresterie algérienne depuis 1900 sont << dus à la commission forestière qui a fait une étude très approfondie << de la question et a suggéré des améliorations radicales dans les << méthodes administratives et dans les lois. Le résultat de ces études «< a été le code forestier algérien de 1903, qui est traduit à la fin de << ce volume.

<«< Il est très significatif que cette commission ait reconnu l'impor<< tance de la conservation des forêts existantes pour la salubrité, la prospérité, l'habitabilité de l'Algérie. Les difficultés rencontrées au « début de l'administration sont les caractéristiques de tout début << d'administration forestière présence de terrains cultivés inutiles et « nuisibles à l'intérieur des forêts; incompréhension des questions << forestières; défaut d'éducation locale dans un sens favorable à la «< conservation des forêts; rigueur des premiers textes de loi qui ne pouvaient être mis en pratique, et qui dans beaucoup de cas étaient

«

<< mal adaptés à une véritable vigueur administrative. Une organisation << administrative doit être pratique plutôt que théorique. Cela est par<< faitement démontré par l'abandon en Algérie de l'organisation clas<< sique en vigueur en France 1.

« Cette organisation a été trouvée trop onéreuse, et ne pouvant << procurer des situations convenables à des agents d'un grade relative<<ment peu élevé mais trop avancés cependant pour s'occuper unique«ment des opérations administratives, simples, que comporte une << exploitation extensive des forêts. En conséquence le Conservateur, << actuellement, dirige directement des « chefferies » ou petites subdi« visions forestières qui correspondent exactement aux unités gérées aux << Etats-Unis par un « Forest supervisor >>.

<«< Une autre innovation intéressante est la création d'un Inspecteur

1.- L'organisation qu'etudie Mr Woolsey et qui était en vigueur lors de son voya. ge en Algérie, a été depuis supprimée en 1915 (Note des traducteurs).

<< contrôleur dans chacune des Conservations d'Oran, Alger, Constan« tine.

« Cet agent vérifie les agents d'un grade inférieur au sien. Les règles « de la hiérarchie militaire étant employées, il suit de là que le contrôleur, <«< qui dans l'organisation régulière a le grade d'Inspecteur ne peut véri« fier une chefferie si celui qui la gère a lui-même le grade d'Inspec<«<teur, sauf en cas d'urgence. Il est intéressant de signaler que comme « compensation à sa vie pénible le personnel forestier algérien, agents « et préposés, reçoit une rémunération supplémentaire, la gratuité des << traversées et des allocations pour éducation des enfants. Il a « droit à 30 jours de congé par an, qui cumulent (deux mois tous les « deux ans). Il a droit au passage gratuit pour lui et sa famille entre « la France et l'Algérie. Les préposés sont logés fréquemment loin des << centres et doivent placer leurs enfants dans les villes pour qu'ils «aillent à l'école, et le service forestier les défraye, pour partie, de ces « dépenses supplémentaires d'éducation.

<< L'administration est incontestablement en progrès. Le développe« ment d'une industrie nouvelle comme la mise en valeur par le gem« mage des forêts de pin d'Alep de la province d'Oran est digne de « l'esprit de progrès et de l'ingéniosité des Américains. Le traitement appliqué à ces forêts paraît pratique et en même temps suffisamment << conservateur pour assurer la régénération.

<< Peut-on voir quelque chose de plus simple et d'une application plus <«< facile que le tableau d'exploitation étudié et reproduit page 71 1.

« Une autre différence entre les méthodes de France et celles d'Algé << rie existe en ce qui concerne la vente du liège. Dans la pratique fran<< çaise le bois est vendu sur pied après arpentage et martelage et l'ex<< ploitation est entièrement aux frais et aux risques de l'acquéreur << assujetti d'ailleurs à un cahier des charges concernant l'exploitation « des coupes. Dans les forêts de chêne-liège d'Algérie la récolte du << liège est faite par l'Etat et le liège n'est mis en vente que lorsque il a a été transporté aux places de dépôt.

I.

« Les préoccupations forestières sont les mêmes que celles existant

Celui qui a le plaisir de traduire ces appréciations a reçu, en 1913, alors qu'il était encore Conservateur à Oran, une lettre de Mr Woolsey lui disant que « son exploitation methodique des forêts de pin d'Alep était ce qu'il avait vu de plus re« marquable et de plus intéressant dans son voyage en Algérie ».

Malheureusement tous ces travaux sont devenus inutiles à la suite d'incendies survenus le 2 août 1914, au lendemain de la déclaration de guerre, et en 1916 et qui ont détruit environ 50.000 hectares de forêts dans la région du Télagh. (Note du Traducteur).

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