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fense aux roturiers de chasser dans les garennes du seigneur, d'où l'on doit présumer que hors de ces garennes la chasse était permise.

Les Coutumes de Beauvoisis, rédigées en 1283, portent que ceux qui dérobent des lapins et autres bêtes sauvages dans la garenne d'autrui, s'ils sont pris de nuit, seront pendus, et si c'est de jour ils seront punis par amende d'argent, savoir: de soixante livres si c'est un gentilhomme, et de soixante sous si c'est un roturier.

La Somme rurale ou grand Coutumier général de pratique nous dit : « Du droit naturel dois savoir que les bêtes sauvages et les oyseaux qui phaonnent en l'air, c'est-à-dire aux champs communs et aussi qui phaonnent en terre commune par le droit aux gens sont à celui qui prendra les peut, ne en ce n'a nulle différence si on les prend sur la terre, si on l'a ou en la terre d'autre car où qu'on les prend par celle même raison et droit sont à celui qui premier les peut prendre. »

Ces autorités irrécusables prouvent qu'en France la chasse fut très-long-temps libre et qu'on ne pouvait en excepter que les domaines royaux et seigneuriaux. Mais chacun avait le droit de chasser sur sa propriété.

Encore n'est-il pas sans exemple que les rois aient autorisé les habitans des campagnes chasser dans leurs forêts pour détruire les bêtes fauves qui s'y refugiaient après avoir ravagé les moissons et détruit les espérances des cultivateurs. On trouve dans le recueil des ordonnances des rois de France (a) des lettres de 1357 par lesquelles les consuls, le syndic et les conseillers du bailliage de Revel, dans la sénéchaussée de Toulouse, représentent au maître et enquêteur général des eaux et forêts de tout le royaume, que Revel a été bâtie environ seize ans auparavant par les ordres du roi à qui elle est immédiatement soumise, auprès d'une grande forêt nommée alors Vaur (Lavaur), que le roi en a tiré de grosses sommes d'argent, tant par rapport à la fondation que par rapport à l'inféodation d'une partie de la forêt et à l'imposition d'un marc qui lui a été payé par ceux des habitans qui ont négligé de bâtir des maisons dans le temps qui leur avait été marqué; que cette ville a d'abord été très-peuplée; mais que, dans la suite, le nombre des habitans a été considérablement diminué, soit par la mortalité, la famine ou par les guerres qu'ils ont souffertes et les impôts qu'ils ont payés; que d'ailleurs cette ville est voisine de plusieurs grandes forêts appartenantes tant au roi qu'à différens seigneurs, dans lesquelles il y a des sangliers, des loups, etc., qui causent de grands dominages aux habitans, qui n'osent pas aller à chasse sans la permission du maître des forêts du roi. C'est pourquoi ils lui demandent permission d'aller jour et nuit, avec des chiens et des domestiques, à la chasse des sangliers, cerfs, chevreuils, loups, renards, lièvres et lapins et des autres bêtes, soit dans les bois qui leur appartiennent, soit dans la forêt de Vaur, sous la condition cependant que lorsqu'ils chasseront dans les forêts du roi, ils seront accompagnés d'un des deux forestiers ou gardes des forêts, à moins que ceux-ci ne refusent d'y venir. Ces habitans demandaient aussi que si, lorsqu'ils chasseraient, leurs chiens entraient dans des forêts royales autres que celle du Vaur, ils ne pussent être condamnés à l'amende, à moins qu'ils n'eussent suivi leurs chiens. Ils demandaient aussi qu'en allant visiter leurs terres, et étant dans les chemins pour d'autres raisons, ils pussent chasser lorsque l'occasion s'en présenterait, sans appeler les forestiers, ou des gardes des forêts; et ils offraient de donner au roi cent cinquante florins d'or, une fois payés, de payer tous les ans une redevance de dix sous pour le droit d'usage et de donner au maître des forêts royales de la sénéchaussée de Toulouse, la tête avec trois doigts du col au-dessous des oreilles, de tous les sangliers qu'ils prendraient, et la moitié du quartier de derrière avec le pied des cerfs et chevreuils qu'ils prendraient. Le maître général des eaux et forêts leur accorda tout ce qu'ils demandaient, et le roi Charles V confirma son ordonnance.

Ces lettres sont extrêmement curieuses, car elles prouvent qu'avant l'ordonnance de 1366 dont nous allons parler tout à l'heure, les propriétaires roturiers n'avaient pas le droit de chasser sur leurs terres, puisque les habitans de Revel sollicitaient la faveur non-seulement de pouvoir chasser dans une forêt royale, mais encore dans les bois qui leur appartiennent.

Quoi qu'il en soit, la plus ancienne loi qui paraisse avoir défendu la chasse aux roturiers est une ordonnance du mois de janvier 1366. Un article de cette ordonnance porte: «< Aucune personne non noble de notre royaume, s'il n'est à ce privilégié, ou s'il n'a aveu ou expresse commission à ce, de par personne qui la lui puisse ou doive donner, ou s'il n'est personne d'église, ou s'il n'est bourgeois vivant de ses possessions et rentes, etc., se

(a) Tome 4, page 447.

enhardie de chasser, ne tendre grosses bêtes ne oiseaux, ne d'avoir pour ce faire chiens, furets, cordes, etc. »>

On voit, par cette ordonnance, la transition graduelle que l'on suivit pour arriver ensuite à une prohibition plus étendue. En effet, on n'excluait encore que ceux qui exerçaient des arts mécaniques et des professions illibérales, comme on parlait alors, puisque les bourgeois vivant de leurs possessions et rentes se trouvaient sur ce point assimilés aux

nobles.

Ce fut sous François Ier, ce monarque chevalier qui a détruit tant de libertés frauçaises que parut l'ordonnance de 1515, l'une des plus sévères de toutes celles qui sont relatives à la chasse. Le préambule porte : « Informés que plusieurs n'ayant droit de chasse ne privilége de chasser, prennent bêtes rousses et noires, comme lièvres, faisans, perdrix... en quoi faisant, perdent leur temps qu'ils devraient employer à leur labourage, arts méchaniques ou autres, selon l'état ou vocation dont ils sont, lesquelles choses reviennent au grand détriment de chose publique.

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Henri IV, par son édit de 1601, défendit aussi la chasse aux gens du peuple. L'article 8 porte: « Et quant aux marchands, artisans, laboureurs, paysans et autres telles sortes de gens roturiers, leurs avons fait défense de tirer de l'arquebuse, etc. »

Malgré les termes généraux telles sortes de gens roturiers, il est des auteurs qui pensent que le droit de chasse fut expressément réservé par les ordonnances de 1515 et 1601, aux bourgeois vivant noblement (sans rien faire).

Quoi qu'il en soit, l'ordonnance de 1669 ne peut laisser prise à aucune interprétation de ce genre Par son art. 14, elle ne permet la chasse qu'aux seigneurs, c'est-à-dire aux propriétaires de fiefs et aux nobles : « Permettons, y est-il dit, à tous seigneurs, gentilshommes et nobles de chasser noblement à force de chiens et oiseaux dans leurs forêts, buissons, garennes et plaines, pourvu qu'ils soient éloignés d'une lieue de nos plaisirs; même aux chevreuils et bêtes noires dans la distance de trois lieues. >>

L'art. 28 la défend, indistinctement à tous les roturiers et non nobles de quelque état et qualité qu'ils soient, sauf à ceux qui sont propriétaires de fiefs, lesquels, en cette qualité, avaient droit de chasse dans toute l'étendue de leurs fiefs; à peine, pour les délinquans, de cent livres d'amende pour la première fois, du double pour la seconde, et pour la troisième d'être attachés pendant trois heures au carcan du lieu de leur résidence, à jour de marché, et bannis pendant trois années du ressort de la maitrise, sans que pour quelle cause que ce fût les juges pussent modifier la peine.

D'après les publicistes de ces temps, la chasse était un droit du roi en sa qualité de souverain, et c'était par des concessions émanées de lui que les seigneurs et les nobles pouvaient jouir de ce privilege qu'il daignait partager avec eux (b).

Il est facile de contester cette opinion.

La chasse, ce nous semble, est inhérente au droit de propriété. Les animaux qu'elle a pour but de détruire sont un produit de la terre dont il est permis de s'emparer, d'abord pour assurer l'abondance des récoltes, et ensuite même pour en profiter comme d'un revenu accessoire aux autres productious du domaine.

Sans doute, sous le régime féodal, on devait avoir d'autres idées. Le propriétaire foncier ne jouissait que du domaine utile; par une fiction bizarre, le monarque avait aussi un droit occulte dans la propriété.

Aussi, les jurisconsultes étaient-ils fort embarrassés de savoir si le droit de chasse appartenait aux seigneurs féodaux, et s'il était le partage de tous les deux, lorsque ces divers droits appartenaient à deux personnes différentes (c).

Dans quelques parties du royaume, on regardait le gibier comme une épave de la terre, et, sous ce point de vue, la chasse était devenue un droit de haute justice. Mais dans d'autres provinces, et c'était le plus grand nombre, on croyait voir dans ce même gibier un fruit de la terre; et, comme cette espèce de fruit n'est attachée à aucune partie du territoire en particulier, on l'avait donnée à celui qui en avait le domaine direct, la propriété universelle; dans ces provinces, la chasse était un droit de fief: cette prérogative des fiels formait notre ancien droit coutumier: qui a fief, a droit de chasse, dit Loysel.

Les feudistes envisageaient encore la chasse sous un autre point de vue, comme droit honorifique; et, sous ce troisième rapport, ils pensaient que, même dans les provinces où

(b) Puffendorf, iv, 4.

Lebret, Traité de la Souveraineté, chap. 4 du liv. 3.

propriété, partie 1re, chap. 2.
(c) Henrion de Pensey, Dissertations féodales.

Pothier, Traité de la

ce droit était féodal, l'exercice en devait être permis au seigneur haut-justicier. En effet, dit M. Henrion de Pensey, tous les honneurs d'un territoire appartiennent éminemment à celui qui en a la puissance publique.

Il résulte de toutes ces autorités qu'en France, depuis le quatorzième siècle, la chasse était un privilége dont la grande masse de la nation était exclue sous des peines

sévères.

Si nous jetons maintenant les yeux sur la législation anglaise, nous verrons qu'elle est loin de regarder la chasse comme une suite indispensable du droit de propriété.

D'abord on fit aussi une distinction entre les forêts du roi et les domaines des francstenanciers.

Sous la domination saxonne, chaque franc-tenancier avait entière liberté de chasser sur ses propriétés, sous l'obligation de s'abstenir de chasser dans les forêts du roi. Les lois de 'Canut et d'Edouard-le-Confesseur portent expressément : « Sit quilibet homo dignus venatione sua, in sylvá et in agris sibi propriis, et in dominio suo, et abstineat omnis homo a venariis regiis, ubicumque pacem eis habere voluerit. » Telle était aussi l'ancienne loi des Scandinaves Cuique enim in proprio fundo quamlibet feram quoque modo venari permissum (d). »

Ce droit subit un notable changement sous la domination normande. En effet, l'introduction du régime féodal dut amener à croire que le roi étant propriétaire en dernier ressort de toutes les terres du royaume, à lui seul était réservé le droit de chasse.

Alors les abus les plus graves s'introduisirent dans l'administration anglaise. Non seulement il fut défendu de chasser dans les anciennes forêts, mais encore dans celles qu'établit le conquérant, en dépeuplant pour ce but de vastes étendues de terrains contigus qui forent réservés exclusivement pour les chasses et plaisirs du roi. « On y commit, dit Blackstone, les actes les plus horribles de tyrannie et d'oppression, sous prétexte de faire exécuter les lois forestières pour la conservation des bêtes de chasse. Tuer un de ces aninaux dans les limites de la forêt, c'était encourir la même peine que pour le meurtre d'un homme. Par suite du même principe, le roi Jean défendit la chasse sur les animaux ailés, de même que sur les quadrupèdes capturam avium per totam Angliam interdixit (Mat. Paris, 303). Il résultait de ces lois forestières des vexations cruelles, insupportables pour les sujets; et nos ancêtres en vinrent à désirer aussi vivement leur réformation que la diminution et l'adoucissement des rigueurs du système féodal et autres exactions introduites par des princes normands. Aussi voit-on qu'ils insistent avec autant de chaleur pour les immunités de la carta de foresta que pour celles même de la magna carta, et qu'il ne leur fut pas moins difficile d'amener le roi y consentir. Par cette charte, confirmée en parlement dans la neuvième année du règne de Henri III, plusieurs forêts cessèrent d'être sous le régime des lois forestières, ou furent dépouillées de leurs priviléges oppressifs; des règles modifièrent les dispositions relatives aux forêts qui furent conservées; en particulier, ce ne fút plus un crime capital que de tuer un cerf du roi; et la peine de ce délit fut réduite à une amende ou à la prison ou au bannissement hors du royaume (e). »

Encore aujourd'hui, on connait la rigueur et la bizarrerie des lois anglaises en matière de chasse ainsi que les priviléges qu'elles ont consacrés.

En Angleterre, il faut avoir un revenu de cent livres sterlings par an provenant d'un fonds territorial, ou être fils ainé d'un esquir, ou d'une personne d'un plus haut degré dans la hiérarchie sociale, pour posséder le droit de chasse. Il résulte de cette singulière loi, que l'esquir lui-même, s'il n'a pas le revenu indiqué ci-dessus, ne peut exercer le droit de chasse, tandis que cette conditon n'est pas exigée pour son fils aîné.

Il est facile de voir qu'une aussi grande prohibition d'un plaisir qui a un attrait si puissant pour la plupart des hommes, fait commettre un grand nombre de délits de cette nature. Les peines sont très-variées, et on assure que le tiers peut-être des individus détenus dans les prisons d'Angleterre le sont pour avoir contrevenu aux lois prohibitives de la chasse. Nous devons ajouter, en effet, que les poursuites exercées contre les braconniers rentrent dans les attributions des juges-de-paix, qui sont eux-mêmes propriétaires très-jaloux de la chasse, et intéressés, par conséquent, à mettre la plus grande rigueur dans ces poursuites; aussi le passage suivant de Blackstone a-t-il conservé toute sa justesse : « A la vérité, les lois forestières sont aujourd'hui tempérées, ou même par degrés elles ont absolument cessé d'être en usage; mais de cette même racine, et d'après le même principe est sortie une espèce de

(d) Stiernhook, de jure sucn., liv. 2, chap. 8.

(e) Blackstone, chap, 27, tome 3, page 382, de la traduction de M. Chompré

branche bâtarde connue sous le nom de Code des chasses (Game laws), aujourd'hui dans toute sa force et suivi en toute occasion. Les notions déraisonnables d'un prétendu droit de propriété permanente sur des animaux sauvages, notions qui étaient le fondement des lois forestières, sont aussi la base du Code des chasses, et ce Code est encore un moyen pour exercer sur le peuple une tyrannie pareille; mais avec cette différence que les lois forestières n'établissaient qu'un seul chasseur puissant, exerçant partout le droit de chasse, tandis que les lois actuelles sur la chasse ont établi un petit Nemrod dans chaque manoir (ƒ). »

D'après tout ce qui précède, on peut dire que, dans le moyen âge, la chasse était devenue le partage des classes élevées de la société. Car si les lois paraissaient l'autoriser pour tous les petits propriétaires, il n'en est pas moins vrai que les grands seuls usaient dans toute sa plénitude de cette faculté, qui était devenue pour eux, une passion aveugle et sans frein. Sous le nom de fauconnerie, les seigneurs féodaux se livraient à une occupation devenue pour eux le plus impérieux de tous les besoins (g). Ils avaient ainsi introduit dans l'amusement de la chasse une division systématique inconnue aux anciens. Toutes leurs pensées étaient si tournées vers les objets nécessaires pour cette passion dominante, que, dans le langage du temps, on appelait quelquefois les mystères des bois et des rivières. Il était rare qu'un chevalier sortit sans avoir le faucon sur le poing, ou son lévrier derrière lui. Les monumens des arts s'offrent en foule pour fournir le témoignage de l'importance immense que l'on mettait alors à tout ce qui était relatif à la chasse ou à la fauconnerie. Harold et ses compagnons, dans la fameuse tapisserie de Bayeux, sont ainsi représentés avec les attributs dont nous venons de parler. Les statues des seigneurs placées sur leurs tombeaux sont accompagnés du lévrier couché aux pieds de son maître, ou du faucon reposant sur son poing.

Les ecclésiastiques eux-mêmes, malgré la rigueur des saints canons, ne restèrent point étrangers à la passion dominante de ces siècles demi-barbares. Les défenses réitérées des conciles ne produisaient presque aucun effet. Quelquefois des monastères obtinrent une dispense particulière. Celui de Saint-Denis, par exemple, représenta à Charlemagne, en 774, que la chaire des animaux tués à la chasse était bonne pour les moines malades, et que peau de ces mêmes animaux servirait à relier les livres de la bibliothèque. L'édit de 1669 était encore en vigueur, lorsque la fameuse nuit du 4 août 1789 vit s'écrouler le privilége de la chasse avec tous les autres droits féodaux.

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Dès lors une législation nouvelle prit naissance et présenta des principes beaucoup plus conformes à la raison et à l'équité naturelle. On reconnut que le droit de chasse est inhérent à la propriété, et que tout individu a la faculté de l'exercer sur ses possessions. La loi du 30 avril 1790 régularisa la grande mesure adoptée dans la nuit du 4 août. Lors de sa discuscussion, le parti démocratique de l'Assemblée constituante voulait aller beaucoup plus loin. Il prétendait, , par l'organe d'un de ses membres, « que la chasse n'est point une faculté qui dérive de la propriété. Aussitôt, ajoutait-il, après la dépouille de la superficie de la terre, la chasse doit être libre à tout citoyen indistinctement. Dans tous les cas les bêtes fauves appartiennent au premier occupant. » Partant de ce principe, on réclamait la liberté illimitée de la chasse.

Mais le rapporteur répondit avec beaucoup de raison que si, par le droit naturel, le gibier n'appartient à personne, il ne s'ensuit pas rigoureusement que tout le monde ait le droit de le poursuivre partout. « Autant vaudrait dire qu'on a le droit de venir chercher chez vous les animaux malfaisans qui infestent vos maisons. Une autre considération doit fixer vos regards, disait-il encore à l'assemblée : vous devez faire des lois non pour l'homme dans l'état de nature, mais pour l'homme de la société. Deux principes sont reconnus par les lois romaines :

« 1o Le gibier est la propriété de celui qui s'en empare;

2o Chacun a le droit d'empêcher un étranger d'entrer sur sa propriété pour chasser le gibier. La loi qui n'aurait pas le droit d'autoriser un propriétaire à empêcher qu'on ne vint sur sa propriété, n'aurait pas davantage le droit d'assurer les propriétés (h), »

La loi du 30 avril 1790 renferme des principe très-sages sur le droit de chasse ; elle en a fait une condition de la propriété, parce que tout individu a la faculté naturelle de défendre l'entrée de son domaine à autrui. S'il est vrai que les animaux sauvages sont rangés parmi

(f) Blackstone, chap. 33, tome 6, page 366, de la traduction de Chompré.

(g) Muratori, Dissert. 23, tome 1or, page 506 (éd.

litalienne). Beckman, hist. of inventions, tome 1er page 319; vie privée des Français, tome 2, page 1. (h) Moniteur du 22 avril 1790.

les choses appartenantes au premier occupant, il est également vrai que la loi politique a pu restreindre une faculté naturelle dans l'intérêt social. Il serait difficile de nier que les plus graves abus pourraient accompagner la liberté illimitée du droit de chasse. D'abord, propriété de la terre sur laquelle on entend chasser, ou du moins consentement du propriétaire; et ensuite obtention du port d'armes, sans lequel on ne saurait exercer le droit attaché à la qualité de propriétaire.

L'intérêt de l'agriculture a dû ensuite donner à l'autorité civile la possibilité de tracer les limites de l'époque durant laquelle la chasse est ouverte.

Ces principes sont trop simples et trop vrais pour pouvoir être contredits.

Sans doute, ils établissent des restrictions à la liberté naturelle. Mais il ne faut point oublier que l'homme entrant en société a dû faire l'abandon d'une partie de la liberté illimitée qu'il peut posséder comme être abstrait et isolé.

Une bonne législation se reconnaît à l'absence des priviléges insurmontables, tels que ceux qui proviennent de la naissance ou de l'exception à la loi commune. Mais lorsqu'un droit est attaché à une position à laquelle tout citoyen peut atteindre, il n'y a plus privilége, et la loi cesse de faire outrage aux idées premières que l'auteur de toutes choses a placées dans le cœur de l'homme (i).

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Décret des 4, 5, 7, 8, 11 août 1789, relatif à l'abolition du régime féodal, des droits de chasse, etc. Art. 1er. L'Assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal, et décrète que, dans les droits et devoirs tant féodaux que censuels, que ceux qui tiennent à la main-morte réelle ou personnelle et à la servitude personnelle, et ceux qui les représentent sont abolis sans indemnité (a) et tous les autres déclarés rachetables, et le prix et le mode de rachat seront fixés par l'Assemblée nationale. Ceux desdits droits qui ne sont point supprimés par ce décret continueront néanmoins à être perçus jusqu'au remboursement.

2. Le droit exclusif des fuies et colombiers est aboli : les pigeons seront enfermés aux époques fixées par les communautés, et, durant ce temps, ils seront regardés comme gibier, ' et chacun aura le droit de les tuer sur son terrain (b).

3. Le droit exclusif de la chasse et des garennes ouvertes est pareillement aboli, et tout propriétaire a le droit de détruire et faire détruire, seulement sur ses possessions, toute espèce de gibier, sauf à se conformer aux lois de police qui pourront être faites relativement à la sûreté publique (c).

Toutes capitaineries, même royales et toutes réserves, de chasses, sous quelque dénomination que ce soit, sont pareillement abolies, et il sera pourvu par des moyens compatibles avec le respect dù aux propriétés et à la liberté, à la conservation des plaisirs personnels du roi.

Lettres patentes du Roi, des 21, 22, 28 et 30 avril 1790, concernant la chasse (d). L'Assemblée nationale, considérant que, par ses décrets des 4, 5, 7, 8 et 11 août 1789, le droit exclusif de la chasse est aboli, et le droit rendu à tout propriétaire de détruire ou faire détruire, sur ses possessions seulement, toute espèce de gibier, sauf à se conformer aux lois de police qui pourraient être faites relativement à la sûreté publique (e); mais

(i) Cette Dissertation appartient à M. Taillandier, conseiller à la Cour royale de Paris.

(a) 1. Les droits exclusifs de pêche sont également abolis (Décret, 30 juillet 1793).

2. La suppression du droit seigneurial de chasse donne lieu à la réduction d'une rente formant le prix d'un usufruit acquis avant la révolution, et dans lequel était compris un droit de chasse (Loi du 15 mai 1790, tit. 2, art. 38; Cass. 26 pluviose an 12; S. t. 7, 2o par, P. 825).

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(b) Code civil, 564. (c) Code civil, 715.

(d) Un fermier n'a pas qualité pour porter plainte à raison du délit de chasse commis sur le terrain qui lui

est affermé, lorsque le droit de chasse n'est pas compris dans son bail (Paris, 10 mars 1812; M. Dupin, Lois forestières, p. 783); il n'a qu'une action civile pour réparation des dommages causés à ses récoltes (Angers, 14 août 1826; S. t. 27, p. 4).

(e) La clause par laquelle le vendeur d'un fonds se réserve le droit de chasse sur ce fonds, pour lui, ses héritiers ou ayant cause, à perpétuité, est-elle obligatoire pour le premier acquéreur et même pour lé tiers détenteur? Cette question est controversée. Un arrêt infirmatif de la Cour d'Amiens, du 2 décembre 1835, la décide affirmativement, attendu que tout propriétaire a le droit de chasser sur son terrain; que la transmission de la propriété, par contrat, est suscep

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