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» pour tout ce qui vous regarde ". Sur cette déclaration, ayant pris une cafsete, il le mena au fond d'une.double cave, où, fans autre témoin, ils se mirent à creuser la muraille; & ayant fait un trou affez grand, ils y déposerent la caffete, & le refermerent si proprement, qu'il faloit absolument être du secret pour le deviner. L'expédition faite, il voulut gratifier fon Confident d'une double pistole, qu'il refusa généreusement, difant, qu'il se croyoit trop recompenfé de la confiance particuliere qu'il venoit de lui marquer. Le Maître, charme des nobles sentimens de fon domestique, ne pouvoit affez se féliciter. Sa surprise égala sa fatisfaction, lorfque deux jours après il vit entrer chez lui des Commissaires, qui demanderent à faire la vifite de sa maison, prétextant qu'il y avoit caché fon argent, au lieu de le porter aux bureaux du Rci. Il n'étoit pas difficile de déviner d'où partoit le coup. Son valet en rougit: mais l'espoir d'une grosse somme, qui alloit passer dans sa poche, le ranima si bien, qu'il reprit contenance. Les Visiteurs cependant se mirent à visiter le haut de la maison, pour tâcher de donner le change fur le Dénonciateur. Après avoir

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avoir fouillé par-tout, ils defcendirent dans la cave. Ils étoient trop bien instruits pour s'y méprendre; aussi furent-ils droit à la cache, qu'ils firent ouvrir par des maçons, qui se tenoient d'ordinaire à portée pour de semblables opérations. La bréche faite, la cassete parut: les Commissaires en tressaillirent de joye; le valet feignit d'en être fort en peine; & il n'y eut que le seul Maître du logis qui paroissoit tranquille. Mais voyant que ces Messieurs commençoient à le prendre sur un ton un peu trop haut: » Messieurs, leur dit-il, je ,, commence à me lasser de vos maniè» res: de quoi s'agit-il? Faites votre commiffion au plus vîte. Après avoir „ respecté les ordres du Roi, je sçau„ rai à mon tour me faire rendre се » qui m'est dû; & pour vous le prou» ver, soyez, je vous prie, les témoins » de l'expédition que je vais faire ". Là-dessus ayant pris un gros bâton, il le cassa sur le dos du perfide domeftique; de quoi les Visiteurs s'embarasserent fort peu. Uniquement attentifs à la cassete, ils en firent l'ouverture; mais quel fut leur étonnement, de n'y trouver que du plomb, & quelques petites monnoyes de cuivre. Quoiqu'inter

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dits à une vision si peu attendue, ils s'efforcerent de faire à mauvais jeu bon visage; ils en rirent, mais ce ne fut que du bout des levres; & tandis qu'ils tiroient leur révérence, le valet, mettant le tems à profit, décampa au plus vîte, crainte que fon Maître ne revînt à la charge après le départ de ces Mefsieurs; & l'on s'imaginera aisement qu'il n'cut garde de retourner.

Ce n'étoient pas seulement les Monopoleurs d'argent qui étoient allarmés, beaucoup d'honnêtes Commerçans & de gens de bien le furent comme eux. La convoitise de l'or s'accrût prodigieufement dans tous les esprits fans exception, fur le principe qui nous fait défirer, avec plus de passion, les chofes qui nous font défendues. Parmi ces derniers, les uns furent moins timides que les autres. Il y en eut même d'assez hardis, pour s'exposer en faveur de leurs amis, en se chargeant de leurs Especes. Le Sr. Duguenay, aujourd'hui Receveur général des Finances n'hésita point de demander la préférence à un des siens, qu'il vit résolu de porter fon or & fon argent à la Banque. Une pareille démarche ne doit point cepen

dant prévenir contre lui. Tous ceux qui

Quelques

qui le connoiffent véritablement, conviendront du zèle & de l'attachement qu'il a toûjours eu pour le service du Roi: & l'on peut dire de lui avec juftice, que c'est un des plus sages parmi les gens d'affaires, un ami fidèle & constant, aimant à faire plaifir, fur-tout à ceux qu'il connoît être dans le besoin, & joignant à toutes ces belles qualités une capacité peu commune. C'est-là fon vrai portrait en abregé.

Revenons à la Déclaration du Roi. Mini- Quoiqu'elle fût parfaitement bien raisonpiens née, il se trouva néanmoins plusieurs en petit nombre contredisans, affez hardis même pour se fou- infinuer au public, que l'esprit des Armettent à ticles de cette Déclaration ne tendoit

la Décla

ration. qu'à fatisfaire l'avidité de ses auteurs, en épuisant les coffres des particuliers, par des prétextes qu'il étoit très-facile de retorquer. L'on ne pourroit faire une plus juste comparaison de la prévention où ils étoient, qu'en la mettant en parallele avec l'obstination des Méxicains, lorsque Fernand Cortez les eût fubjugués. On eut beau leur prêcher que tout ce qu'on faifoit, ne tendoit qu'à les rendre plus heureux, ces Indiens n'en voulurent jamais rien croire; persuadés qu'il n'y avoit que l'avidité de l'or l'or qui faisoit agir ce Conquerant: de forte que quelques récherches que Cor tez fit faire, quelques promesses ou menaces qu'il employật, pour obliger les esclaves à dénoncer les Trésors cachés de leurs maîtres; rien ne put jamais les engager à devenir perfides, & les Efpagnols ne purent jamais parvenir à la découverte des richesses immenfes qu'ils s'étoient promis. Il en arriva tout autant à l'auteur du Systeme du Miffiffipi, Colonie voisine du Mexique. Parmi le grand nombre d'Indiens difficiles à perfuader, Cortez en trouva néanmoins quelques-uns disposés à le croire: Law, à son tour, malgré tout ce que ses ennemis purent faire, ne laissa pas que de voir quelques Mississipiens se détacher de la foule, pour porter à la Banque, fi-non tout, du moins une gran de partie de l'or qu'ils avoient amassé. Le Sr. Bragouze fut un des premiers. On dit même qu'il fit les choses de trèsbonne grace, & qu'il s'acquit par cette démarche une réputation qui lui a été d'un grand fecours pour obtenir l'agrément pour la Charge de Trésorier général de la Maison du Roi, dont il est actuellement revêtu, & qu'on affure

même qu'il exerce avec beaucoup de

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