ruë font pour la plupart des lieux où l'on enferme de jeunes gens que les Enrolleurs attrapent par force ou par fubtilité. Il y a grande apparence que le prétendu Lyonnois ayant quitté son emplâtre, se métamorphofa, à la faveur des ténèbres, de manière à pouvoir même se mêler dans la foule que les cris du Courtier y avoient enfin attirés, & y voir impunement l'ouverture que l'on fit des facs remplis de balles de plomb, applaties en façon de Louis d'or de Noailles. Tout ce vacarme à la fin s'appaisa, & le Courtier, malgré fon étonnement, prit le parti de faire sçavoir à l'Agioteur l'avanture qui lui étoit arrivée. Celui-ci, accoûtumé sans doute aux intrigues & aux mauvais tours, in separables du métier qu'il faisoit, jugea à propos de passer celui - là sous filence, & de reparer cette perte par les gains que le Systême & fa profession de Chan geur pouvoient lui procurer dans la vos gue où il étoit. Je reviens à l'Arrêt du 27. Février Malgré les 1720. que cette grande avidité pour les défenses, especes avoit forcé le Sr. Law à deman les achats der. Il y étoit défendu principalement terie con à tout particulier, d'avoir chez lui plustinuent. de cinq-cens livres, à peine de confif cation. en argen Exemple de Brignaud. cation. Mais malgré cet Acte & la Déclaration qui l'avoit précedé pour défendre la fabrication & la vente de la vaiffelle d'argent, ceux qui n'avoient pas fait provifion d'Argenterie, se donnerent la torture pour en trouver, à quelque prix que ce pût être, parce qu'il s'agissoit de se débarasser d'un Papier qui les inquiétoit beaucoup. Les Orfèvres, dont les émissaires convertissoient les gros Billets en petits, alloient enfuite les réaliser à la Banque: & c'est ce qui facilitoit encore les achats qu'on faifoit en Argenterie, malgré les défenses. Il s'en fit un dans ce goût-là qui méri te d'être rapporté. De Brignaud, Mississipien du second ordre, fils d'un Boulanger des environs de Toulouse, sur le bruit des fortunes qu'occasionnoit le Systême, quitta la boutique où il étoit en apprentissage, pour marcher sur les traces de plusieurs de ses compatriotes jusques dans la ruë Quinquempoix. Il y entra en connoiffance avec Bragouffe, natif de Montpellier; & ce Millionaire dès ce temslà employa de Brignaud à retirer des Actions fur les Fermes, dont il prévoyoit apparemment la fuppreffion, & qu'il fit convertir dans des marchés à : à Prime qui lui ont réüffi: de forte qu'il doit à ce négoce sa fortune qu'il ⚫ a rendu brillante, par la Charge de Trésorier de la maison du Roi, qu'il trouva moyen d'acheter. Mais revenons à de Brignaud, puisque c'est à fon occafion que je fuis entré dans cette petite digression. Il suffifoit, comme on l'a dit plusieurs fois, qu'un Actionaire du premier ordre donnât quelque intervalle avant que de demander compte des Actions qu'il confioit à fon Courtier, pour que celui-ci fit son coup, en faififfant le moment favorable, où quelqu'une de ces variations inopinées arrivoit par rapport au négoce du Papier. De Brignaud, que fon bonheur fit profiter de pareilles conjonctures, gagna en deux mois sept-à huit-cens mille livres; il les tripla en moins de tems, & fit monter le tout jusqu'au décuple. Ce Toulousain, qui à la fin de Décembre 1719. se vit riche de plusieurs millions, se rangea parmi les Mississipiens de sa classe: ils lui applaudirent sur ses talens & fa hardiesse, sans laquelle il n'auroit jamais réüffi. De tels complimens flatterent sa vanité. Il lui prit envie de faire voir aux plus fameux Miffiffipiens, qu'il n'avoit pas eu moins d'industrie qu'eux pour se tirer du néant, quoiqu'il s'y fût pris beaucoup plus tard. Il envoya à Toulouse, où il défiroit faire parade de ses richeffes, des ameublemens superbes de toute espece. Il y fit passer des fonds confiderables, tant pour l'achat d'une Terre seigneuriale & maison en ville, que pour l'acquisition d'une Charge de Trésorier de France. Il ne lui manquoit que de la vaisselle d'argent, qui étoit devenue d'une rareté extrême. Envain se donnoit-il des mouvemens pour en avoir; tous les Orfèvres à qui il s'addressoit, lui répondirent qu'il étoit venu trop tard. Enfin, après bien des récherches, il trouva certaine connoifsance, qui, sous l'espoir d'une bonne recompense, engagea un Orfèvre à lui en vendre secretement. En consequence, ayant été introduit dans une arriereboutique, il y en trouva une assez grande quantité. Ebloui du brillant de ce métal, il ne fongea qu'à en faire promptement l'achat, fans aucun examen ni rabat sur la façon des pieces; il lui suffisoit qu'elles fussent d'argent.,, Com„bien voulez-vous de tout votre > fonds"? dit-il d'abord au Marchand. Celui-ci, quoique surpris de la proposition, n'hésita point à profiter de l'avidité du Mississipien; il composa sur le champ une espece d'inventaire, & mit le prix à chaque article, faisant parade d'une fausse intégrité, par la juste proportion de la valeur de ses façons; & après avoir feint d'examiner scrupuleusement le mémoire & l'Argenterie piéce à piece, suivant le prix courant, il demanda au Mississipien, qui commençoit à trouver l'opération trop longue, quatre-vingt mille écus. Ils lui furent d'abord accordés & payés en Billets de Banque. L'Orfèvre les remit, pour ainsi dire, de la main à la main à quinze ou vingt personnes de sa connoissance ou amis, qui, sans perdre un moment, furent s'en faire payer à la Banque. Tandis que celui-ci faisoit cette manœuvre, de Brignaud faisoit enlever sa vaisselle; enjoignant à sa femme d'en garnir promptement plusieurs Bufets, en attendant qu'il iroit prier quelques personnes à souper. La Miffiffipienne, qui n'avoit jamais été à portée de connoître une pareille marchandise, arrangea, comme elle put, & fans aucun difcernement, toute cette prodigieuse quantité de pieces, dont la plus grande partie avoit été faite à l'uTome III. fage D |