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qu'un belligérant met sur les bâtiments de son ennemi, ou qu'il arrête par mesure de prudence dans la prévision d'une guerre prochaine. Mais il est une autre espèce de détention, désignée également par le terme d'embargo, à laquelle les navires neutres n'échappent pas toujours. C'est quand un belligérant, au commencement d'une guerre, s'empare des vaisseaux marchands neutres, qui se trouvent dans ses ports, et les emploie, en les payant, au transport de troupes ou d'autres objets servant aux opérations militaires. Il est hors de doute que c'est là un acte de violence, contraire au droit et constituant une infraction très directe du respect dû au neutre, mais il est très certain aussi que de pareils actes ont été très souvent commis. L'ancienne école du Droit des Gens allait même jusqu'à enseigner : « que le simple » besoin autorise un souverain à mettre un embargo, sur tous » les navires marchands qui se trouvent dans ses ports et dont > il veut se servir pour quelque expédition, pour quelque trans» port ou pour quelque autre usage. L'usage de l'embargo est » aujourd'hui si généralement établi chez toutes les Puissances » maritimes de l'Europe, qu'il est tourné en droit. On le met (l'embargo) dans tous les cas où l'on en a besoin, précisément » et uniquement parce qu'on en a besoin. Chaque souverain >> peut le pratiquer. Comme l'usage est le même partout, il est réciproque et aucun État n'a droit de s'en plaindre (1). »

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Il n'existe qu'un moyen de prévenir les inconvénients et les dangers qui résultent pour le neutre d'une pareille mesure, même dans le cas le plus favorable, quand le belligérant accorde et paie effectivement une indemnité pécuniaire aux propriétaires des navires qu'il emploie ainsi contre leur gré à ses fins de guerre.

(1) Voyez RÉAL, Science du Gouvernement, t.V, Droit des Gens, p. 556-540. y cite des exemples d'embargo très-remarquables, mis par l'Espagne, l'Angleterre et la France.

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C'est celui de stipuler dans les traités de commerce ou de navigation conclus avec les nations maritimes, que jamais un service forcé de cette nature ne pourra être demandé aux navires neutres. Depuis le milieu du siècle dernier la plupart des Puissances maritimes de l'Europe ont contracté de pareils engagements, et nommément l'Espagne et la Porte Ottomane, la Hollande et les États-Unis d'Amérique, la Russie et le Danemarck en 1782, la Suède et les États-Unis en 1783, l'Autriche et la Russie en 1785, la France et la Russie et le Portugal et la Russie en 1787 (1). Les stipulations les plus explicites et les plus complètes se trouvent dans le traité du 3 Avril 1783 entre la Suède et les États-unis d'Amérique. Voici ce que porte l'art. XVII de ce traité : « Une des

parties contractantes étant en guerre et l'autre restant neutre, >> - les marchands, patrons et propriétaires des navires, mate» lots, gens de toute sorte, vaisseaux et bâtiments, et en géné» ral aucune marchandise ni aucuns effets de chacun des alliés » ou de leurs sujets ne pourront être assujettis à aucun embargo, >ni retenus dans aucun des pays, territoires, iles, villes, places, » ports, rivages ou domaines quelconques de l'autre allié, pour quelque expédition militaires, usage public ou particulier de qui que ce soit, par saisie, par force ou de quelque manière » semblable (2). »

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Il nous semble que la Belgique dans la position que lui fait sa neutralité perpétuelle, a un intérêt et un devoir tout particuliers, à introduire des dispositions analogues dans tous les traités de commerce ou de navigation, qu'elle peut conclure avec les Puissances maritimes de l'Europe et de l'Amérique.

Les immeubles, que les sujets d'une Puissance neutre pos

(1) Voyez NAU, Vælkerseerecht, § 258.
(2) Voyez MARTENS, Recueil, III, p. 573.

sèdent dans le territoire de l'un des belligérants, y sont affectés par les charges de la guerre. Tous ces principes sont également applicables aux propriétés tant mobilières qu'immobilières que le gouvernement neutre possède lui-même sur le territoire d'un État faisant la guerre (1).

En raison des droits et des immunités qui se rattachent à la qualité de << sujet neutre », les nations belligérantes ont toujours demandé, qu'en temps de guerre cette qualité fût établie par des preuves particulières et autres que celles à l'aide desquelles dans les temps et les cas ordinaires la nationalité d'un individu est constatée. Ces preuves sont surtout exigées quand il s'agit de la propriété d'objets meubles, tels que navires et marchandises dont le régime est affecté par le caractère de sujet neutre du propriétaire. Dans ces cas on ne se contente pas des documents qui établissent la nationalité de ce dernier, il faut encore, pour assurer à un navire les droits du pavillon neutre, qu'une certaine partie de l'équipage soit également composée de sujets neutres. Les différentes législations maritimes varient dans la fixation du chiffre, mais toutes sont d'accord à exiger que tous les officiers du bord et pour le moins la moitié de l'équipage — quelques-unes demandent jusqu'aux deux tiers-appartiennent par leur naissance ou par leur domicile permanent aux pays neutres. De la part des neutres on a toujours considéré cette prétention comme fondée, et les règlements de neutralité contiennent tous dans leurs parties relatives à la navigation, des dispositions formelles dans ce sens. Il est reconnu que la présence à bord d'un nombre d'individus sujets d'un belligérant, plus grand que ne comportent ces règlements, entraîne pour le navire la perte du caractère de neutre (2).

(1) Voyez KLUBER, Droit des Gens, § 286.

(2) Voyez MENO POEHLS, Seerecht, § 514, p. 1077-1083.

Il faut en outre que tout navire neutre naviguant en temps de guerre, soit pourvu de certains papiers nécessaires pour compléter la preuve de sa nationalité. Ces papiers sont de trois espèces, selon qu'ils se rapportent au navire même, à la cargaison ou à l'équipage. Les traités généraux ou les règlements particuliers des Puissances maritimes spécifient le nombre et la nature de ces documents. Une des stipulations les plus explicites à cet égard se trouve dans le traité de commerce conclu entre la France et la Grande-Bretagne en 1786 et dont l'art. 24 porte (1): << Pour éviter et prévenir la discorde et toutes sortes d'inimitiés » de part et d'autre, il a été convenu, qu'en cas que l'une des >> deux parties se trouvât engagée en guerre, les vaisseaux et les » bâtiments appartenant aux sujets de l'autre partie (restée neutre), » devront être munis de lettres de mer, qui contiendront le nom, » la propriété et la grandeur du vaisseau, de même que le nom et >> le lieu de l'habitation du maître, ou du capitaine de ce vaisseau, >> en sorte qu'il paraisse que ce vaisseau appartient véritablement » et réellement aux sujets de l'une ou de l'autre partie; ces lettres » de mer seront accordées et conçues dans la forme annexée au » présent traité. Elles seront aussi renouvelées chaque année, s'il >> arrive que le vaisseau revienne dans le cours de l'an. Il a été » aussi convenu, que ces sortes de vaisseaux chargés ne devront pas seulement être munis des lettres de mer ci-dessus mentionnées, mais encore de certificats contenant les espèces de la » charge, le lieu d'où le vaisseau est parti et celui de sa destina» tion, afin que l'on puisse connaître s'il ne porte aucune des » marchandises défendues ou de contrebande, spécifiées dans >> l'art. 22 de ce traité; lesquels certificats seront expédiés par les » officiers du lieu d'où le vaisseau sortira, selon la coutume (2). »

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(1) MARTENS, Recueil IV, p. 170.

(2) Les dispositions particulières des différentes Puissances maritimes

II.

La question de savoir jusqu'à quel point la guerre restreint de droit la liberté commerciale du neutre, est une des plus difficiles que présente le Droit des Gens. Cette difficulté provient principalement d'un conflit, inévitable aussitôt que l'état de paix a cessé, entre les intérêts et les droits des belligérants et ceux des neutres. Le commerce étant nécessaire pour le développement de ses ressources et le bien-être de ses sujets, l'État neutre a un droit parfait à le faire avec qui il veut et comme il l'entend; une guerre à laquelle il ne prend pas part, ne peut limiter ou restreindre ce droit, sans porter atteinte à la liberté et à la souveraineté de la nation neutre, et le Droit des Gens doit repousser comme injuste tout principe ou toute mesure qui tendrait à imposer au neutre le sacrifice d'un intérêt ou d'un

relativement aux papiers de mer des neutres, se trouvent exposées dans MENO POEHLS, Seerecht, § 514, a, p. 1083-1091.

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