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Quand d'après le résultat de la visite, il y a lieu de croire que le navire neutre pourrait être sujet à condamnation, le commandant du vaisseau belligérant a le droit de l'amener et de le conduire ou de le faire conduire dans un port de son pays pour l'y soumettre au jugement des cours de prises. Anciennement la compétence dans ces cas était souvent attribuée par les traités aux tribunaux du neutre, dans les temps modernes l'usage a prévalu de reconnaître la juridiction du belligérant, soit qu'on la considère comme motivée par la saisie même ( forum arresti), soit qu'on pose en principe que le propriétaire de la prise en qualité de demandeur doit poursuivre le défendeur devant ses propres tribunaux. Il est plus difficile de déterminer la question de la compétence quand la prise, au lieu d'être dirigée sur un port du pays du capteur, a dû être conduite, par suite d'accidents de mer ou pour un autre motif quelconque, dans un port appartenant à un autre pays. Si c'est dans le territoire d'un État allié du belligérant, l'usage admet la compétence des tribunaux maritimes de ce pays, si c'est dans un port d'un gouvernement neutre autre que celui dont relève le navire capturé, la compétence des tribunaux de ce pays a souvent été contestée. En 1796 le gouvernement français investit ses agents consulaires dans les ports neutres du droit de juger les prises amenées par des vaisseaux français dans ces ports, mais l'Angleterre refusa de reconnaître cette juridiction, et en effet elle ne paraît admissible que dans les cas où elle résulte de stipulations internationales particulières. Quand la prise a dû être amenée dans

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» bâtiments qui navigueraient sans convoi; il suffira lorsqu'ils seront convoyés, que le commandant du convoi déclare verbalement et sur sa parole » d'honneur que les navires placés sous sa protection et sous son escorte appartiennent à l'État dont il arbore le pavillon, et qu'il déclare lorsque » les navires seront destinés pour un port ennemi, qu'ils n'ont pas de con»trebande de guerre. »

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un port de son propre pays, la compétence des tribunaux locaux est hors de doute (1).

La procédure en usage dans les différents pays maritimes devant les cours des prises présente dans ses principales dispositions assez d'uniformité (2). Quand la prise est arrivée dans

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(1) Il existe sur cette matière un travail très remarquable et réellement classique, publié par M. WURM, dans le Staatslexicon de Mrs WELCKER et ROTTECK, à l'art. Prise, Prisengericht, Bd XIII, 158-163.

(2) La procédure anglaise présente quelques différences dignes d'être remarquées. Comme dans certains cas donnés il peut devenir fort important de connaître cette procédure nous allons en résumer les principales dispositions telles qu'elles ont été réglées par les lois, surtout par George III, cap. 67, st. 17, 18, 27. « Le juge doit dans l'espace de cinq jours après la déclaration » du capteur, finir le premier interrogatoire de l'équipage du capteur et de celui de la prise et avertir trois jours après ceux qui voudraient se porter » réclamants. Si dans l'espace de vingt jours il ne se présente personne pour » réclamer ou si le réclamant qui s'annonce ne fournit point dans les cinq jours » caution suffisante de payer le double des frais du procès en cas que la prise » soit jugée bonne, les juges de l'amirauté doivent sur l'interrogatoire préparatoire et sur les papiers du bord qui leur ont été remis, porter immé»diatement une sentence soit de relâchement soit de condamnation. S'il se présente un réclamant fournissant la caution requise, et s'il n'est pas né» cessaire de recevoir la déposition de témoins éloignés, l'interrogatoire des » témoins doit être fini dans l'espace de dix jours, et la sentence prononcée » aussitôt après. Si le cas paraît douteux et que le juge croit nécessaire de » permettre aux parties de plaider ou d'interroger des témoins éloignés, cités » à la demande des parties, on doit procéder à l'estimation de la valeur de la » prise par des experts jurés, nommés par les parties et autorisés par le » tribunal. A cet effet, la cargaison après que l'inventaire en aura été fait, » sera déchargée dans un magasin public, ensuite on demandera aux récla>> mants due caution qu'ils payeront en cas de condamnation, la valeur entière » de la prise ainsi que les frais, sur quoi le juge prononcera sentence interlo» cutoire et délivrera la prise aux réclamants. Si les réclamants refusent de >> fournir due caution, le juge la demandera sur le même pied au capteur, » en cas que la prise serait jugée non confiscable; après quoi la prise sera dé» livrée au capteur. Quand après le prononcé de la sentence définitive une des parties se croit lesée, il lui est libre d'appeler dans l'espace de quinze jours >> aux commissaires que le roi nomme à cet effet dans son conseil privé sous le grand-sceau du royaume. L'appelant doit donner caution qu'il poursuivra » son appel et qu'en cas de confirmation de la première sentence, il payera » de triples frais. Le juge pourra alors à la réquisition du capteur ou du ré

un port du pays du capteur, celui qui l'a amenée, doit se présenter au tribunal compétent et délivrer entre les mains des juges l'équipage du navire capturé, et tous les papiers qu'il a trouvés à bord, il doit en outre déclarer les circonstances dans lesquelles la prise a été faite ainsi que les prétentions qu'il forme sur le navire et la cargaison. Le juge, après s'être transporté sur la prise et après avoir, en présence des deux parties, dressé procès-verbal et apposé les scellés à la cargaison, procède à l'information sommaire, en interrogeant les gens du navire capturé et ceux de l'armateur. Il peut alors, si le droit paraît évident, prononcer, sans autre procédure, ou la main levée du navire et de la cargaison, ou la condamnation de la prise, selon l'exigence du cas. Lorsqu'il y a des réclamants, comme cela arrive le plus souvent, quand le navire capturé est neutre, et que les parties ne peuvent point s'arranger à l'amiable, il faut instruire un procès en forme, et alors ce procès traîne presque toujours en longueur. Si le délai peut devenir préjudiciable à la cargaison, le juge, sur l'instance de l'une ou de l'autre partie et même d'après son propre mouvement peut faire décharger les marchandises en des magasins publics, et procéder à la vente publique d'une partie de la cargaison ou même de la cargaison entière, à condition de déposer en lieu de sûreté le produit de la vente. Chacune des parties peut se pourvoir en appel ou en révision devant les tribunaux désignés ad hoc par les lois du pays, généralement l'appel ou la révision ne sont pas absolument suspensifs, de sorte que si le capteur a obtenu gain

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» clamant, non-obstant l'appel interposé, procéder à l'extradition de la prise » à celui qui aura fait due caution, ou bien si cette caution souffre des difficultés, il pourra procéder à la vente publique de la prise, en ayant soin » que le produit en soit déposé dans la banque sur le nom d'une personne » dont le capteur et le réclamant conviendront ensemble. Voyez MARTENS, Essai sur les Prises, etc. p. 87 suiv.

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de cause, il peut, en prêtant caution, obtenir sur le champ la cession de la prise; les réclamants, si la première sentence accordait main levée de la prise, peuvent demander de même son relâchement, à condition de prêter caution à leur tour.

En rendant leur jugement les cours des prises sont tenues à suivre les dispositions des traités publics applicables à la matière et à défaut de traités, les principes du Droit des Gens. Les frais de la procédure sont réglés ordinairement d'après les lois particulières du pays.

VII.

IL résulte des développements qui précèdent, qu'il n'existe point de principes uniformes et généralement admis déterminant avec précision les droits et les devoirs du neutre, relativement au commerce et à la navigation pendant la guerre. Aucune loi universelle, aucun droit commun, aucun usage devenu coutume par la pratique constante et unanime de toutes les nations maritimes, ne vient en aide au législateur ou au publiciste, qui cherche des solutions aux nombreuses questions, soulevées par l'antagonisme des intérêts et que la diversité des opinions complique et obscurcit plutôt qu'elle ne les éclaire. Tout est abandonné à des stipulations particulières de nation à nation, les droits les plus certains, les plus incontestables du neutre ont besoin d'être consacrés par des traités spéciaux, ses prétentions les plus fondées ne sont écoutées, ses intérêts les plus légitimes ne sont respectés que quand il peut invoquer à leur appui la lettre d'une transaction internationale. Dans aucune autre partie du

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