Page images
PDF
EPUB

245614

Int 2632.1

1852, Feb.6.

Gray Fund.
31.37/2

N

AVANT-PROPOS.

Ox s'est souvent occupé en Belgique de la condition politique particulière que les grandes Puissances ont assignée à ce pays, lors de sa reconnaissance en 1831. Les avantages de la neutralité perpétuelle et ses inconvénients, ses bénéfices et ses dangers ont été discutés à la tribune, les opinions les plus diverses sur son utilité, sur la possibilité de la maintenir, ont été produites dans la presse., Selon les uns la neutralité belge n'a rien de bien sérieux, ce n'est qu'un expédient choisi entre divers autres, pour prévenir des embarras et écarter des complications qui auraient pu compromettre le succès de l'œuvre commencée et faire de la régénération de la Belgique une cause de guerre générale pour l'Europe. D'autres croient cette neutralité bonne, mais seulement aussi longtemps que dure la paix. D'après eux, aussitôt que la guerre éclate, le pays devra reprendre ses droits d'Etat indépendant et se déclarer libre de suivre le parti qu'il croira le plus conforme à ses intérêts. D'autres encore, comprenant parfaitement le puissant et immense avantage qu'il y a pour la Belgique à rester neutre, dans une conflagration générale, acceptent la neutralité comme un bienfait, mais comme un bienfait qu'on ne conservera guère. Depuis trois siècles, disent-ils, la Belgique a été le champ de bataille, où les grandes questions qui divisaient l'Europe, se sont vidées;

elle le sera encore, si jamais la lutte s'engage de nouveau. Cette destination fatale, le pays la doit à sa situation et il en subira les conséquences quelque forte que soit sa volonté de s'y soustraire. D'autres enfin, passant d'un extrême à l'autre, considèrent la neutralité comme une position assurée et si bien définitive que, si on les écoutait, le pays pourrait se reposer dans la sécurité de son avenir avec une confiance telle, que toute mesure de précaution qui aurait pour but de le mettre en état de défendre énergiquement envers et contre tous sa neutralité, deviendrait superflue.

Il est juste de reconnaître, qu'au milieu de cette confusion d'idées le Gouvernement et les Chambres n'ont jamais varié sur le sens dans lequel la neutralité doit être comprise. Lorsque dans une occasion récente, la paix parut menacée le Gouvernement proclama sans hésiter son intention d'observer, dans la lutte qui semblait se préparer, une neutralité loyale, sérieuse et forte, et les Chambres ratifièrent par une adhésion unanime, cette déclaration.

Cependant, même en présence d'une manifestation si rassurante, la diversité des opinions que nous venons de signaler, constitue un véritable mal, surtout quand on considère que si jamais la neutralité doit être mise à l'épreuve, le salut du pays dépendra en grande partie de l'unité des vues et de la force des convictions qui existeront alors à ce sujet dans la nation.

Si aujourd'hui ni l'une ni l'autre de ces dispositions ne se trouve dans la majorité des esprits en Belgique, leur absence provient, ce nous semble, de ce que l'on n'a pas assez approfondi la matière dont il s'agit. Les Puissances étant tombées d'accord dès le principe sur la neutralité et la Belgique l'ayant acceptée sans d'autres observations, l'occasion a manqué d'appeler sur sa nature, ses motifs et sa portée ces lumières que la discussion publique et solennelle au sein de nos Chambres a jetées sur les autres grandes questions soulevées par la constitution du pays comme État indépendant. Faute d'y avoir été provoquée par les

événements l'opinion en Belgique ne s'est guère sérieusement occupé de la neutralité. On s'est contenté dans le public de quelques notions superficielles basées sur des arguments dont la force et la raison ne sont le plus souvent qu'apparentes, et l'on en est resté là sans aller au fond des choses, sans rechercher les raisons dernières, la nature réelle et véritable d'une situation qu'on avait acceptée sans trop en sonder la portée et les obligations.

Il nous semble qu'on a surtout négligé un côté de la question qui pourrait bien être le plus important de tous, nous voulons parler des conséquences de droit public que la neutralité entraîne. Cette condition politique impose à la nation qui l'a acceptée un régime par lequel ne sont pas seulement modifiées ses relations avec les belligérants, mais qui porte encore sur ses intérêts les plus essentiels. Le commerce, la navigation, l'industrie, en un mot tout ce que l'on appelle aujourd'hui les intérêts matériels, en sont affectés. On conçoit aisément l'importance que présente pour ces intérêts la connaissance exacte et approfondie des conditions de ce régime. Cette connaissance devient encore plus indispensable quand on considère que les droits du neutre et ses devoirs sont loin d'être généralement bien établis, que presque toutes les questions, résultant de ses rapports avec les belligérants, ont reçu dans la pratique des solutions différentes, souvent même contradictoires, que dans l'absence d'un droit commun, d'une règle uniforme, tout dépend de traités particuliers. Le passage par le territoire, l'assistance et les secours à prêter aux belligérants, le régime de la contrebande de guerre, les droits du pavillon neutre, voilà des matières, qui, dans la position particulière où se trouve la Belgique, constituent pour elle des questions aussi importantes que celles d'organisation intérieure ou de législation douanière.

On dira peut-être, tout en reconnaissant l'intérêt et la gravité qui se rattachent à ces matières, qu'au milieu d'une paix qui semble se raffermir de jour en jour davantage, elles ne présentent aucune actualité, et que d'ail

leurs le moment d'y songer n'est pas venu. Mais il nous semble qu'il est toujours actuel et opportun de s'occuper de questions dont la solution peut devenir, dans une situation donnée et possible, un moyen de salut ou une cause de perte pour l'État.

Frappé de l'importance qu'offre ce sujet, l'auteur de cet Essai a voulu y appeler l'attention et en faciliter l'étude et l'intelligence. A cet effet il s'est attaché à examiner la nature propre et le caractère de la condition politique dans laquelle la Belgique a été placée par l'Europe, il a ensuite exposé l'état de la doctrine du Droit des Gens à l'égard des principales questions que la neutralité fait naître, et il a essayé, en dernier lieu, d'appliquer les résultats de ses recherches à la situation et aux intérêts particuliers de la Belgique. Afin de donner à son travail un caractère d'utilité plus immédiate et plus pratique, l'auteur a eu soin d'y ajouter un recueil des principaux traités et règlements relatifs à la neutralité et publiés depuis le milieu du 18me siècle par les Puissances européennes; il en a reproduit les textes tels qu'ils se trouvent dans la grande collection de MARTENS (1).

Du reste l'auteur a intérêt à ce qu'on n'oublie point que son livre est un essai. Il désire vivement que d'autres fassent mieux. Son ambition à lui sera pleinement satisfaite, du moment où l'on voudra bien reconnaître que ce premier travail sur un sujet difficile et peu traité en Belgique, n'est pas entièrement dépourvu d'utilité pour le pays.

LOUVAIN, JANVIER 1843.

(1) L'auteur saisit ici l'occasion d'offrir à M. le Chevalier B. DUBUS, ancien questeur de la Chambre, un témoignage public de sa vive reconnaissance pour l'empressement que M. Dubus a mis à l'aider dans ses recherches à la bibliothèque de la Chambre des Représentants. Ce recueil si parfaitement disposé renferme les ressources les plus variées et les plus précieuses pour les études législatives et politiques, et constitue, grâce aux soins intelligents qui ont présidé à sa formation et qui dirigent son entretien, une collection de la plus

haute utilité.

« PreviousContinue »