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teur armoricain caractérisé par la fraîcheur et l'humidité de l'atmosphère assez régulière en toute saison. Quelques fougères, quelques plantes herbacées fragiles et très sensibles à la sécheresse marquent ce climat particulièrement propice à la végétation des chênes et des hêtres. Au sud vient mourir le secteur ligérien avec les dernières vignes que rappelle le nom d'un canton de la forêt, le Vignage, et avec le pin maritime non spontané, d'ailleurs, mais qui réussit encore bien au pied du versant méridional. Ce secteur est caractérisé au point de vue forestier par la végétation exceptionnellement vigoureuse du chêne et le maintien du hêtre à l'état subordonné. A l'Est, le massif d'Ecouves confine au Porche qui, avec un climat moins doux et un développement de plus en plus vigoureux du hêtre, s'achemine vers la basse Seine et ses magnifiques hêtraies. Enfin, au Nord-Est d'Ecouves, s'étale l'ilôt curieux du sapin de Normandie possédant un climat sensiblement plus froid avec des chutes de neiges hivernales plus fréquentes, plus abondantes et moins éphémères, où se retrouvent avec le sapin quelques espèces à affinités boréales ou montagnardes, telles que Aconitum napellus, Vaccinium Vitis idea, Luzula maxima, Alchimilla vulgaris.

Cette situation au centre de climats variés rend tout spécialement intéressantes et applicables à une région étendue les observations que l'on peut faire dans le massif d'Ecouves.

Historiquement la forêt d'Ecouves a fait d'abord partie de divers fiefs seigneuriaux dans le haut moyen âge. La majeure partie du massif fut cédée à la Couronne en 1220 sous Philippe-Auguste et le surplus en 1355. Depuis cette époque la forêt a fait partie tantôt du domaine royal et tantôt des apanages princiers jusqu'en 1790, date à laquelle elle fut réunie au domaine de l'Etat. En 1667, les Commissaires réformateurs en firent la reconnaissance, la délimitation et l'abornement, et lui imposèrent une division en coupes réglées variant suivant les triages de 1 à 100 ans, à 60, à 30 à 20 et à 12 ans. Les taillis à courte révolution occupaient une partie importante de la forêt, leurs produits étant recherchés pour l'industrie locale des ferrières et des verreries très florissantes pendant le xvine siècle et au début du xix. L'installation de ces industries en forêt ou à proximité avait d'autres inconvénients. Les ouvriers commettaient des délits aux alentours et surtout les bêtes de somme, abandonnées généralement sans surveillance, dévastaient véritablement les jeunes coupes. Les exploitations plus ou moins interrompues à diverses époques ne furent pas très régulières.

I.

Bulletin de l'Office Forestier du Centre et de l'Ouest, août 1912, C.G. Aubert, Récolte des glands de chêne rouvre et chêne pédonculé.

Les aménagistes de 1867, et plus tard ceux de 1880 se trouvèrent donc en présence de peuplements extrêmement divers, certains massifs étant parvenus à l'état de jeunes futaies plus ou moins issues de semences, la majeure partie de la surface restant occupée par des taillis tantôt en bon état, tantôt parvenus à tous les degrés de dégradation jusqu'à la lande de bruyères stériles.

Sous l'empire des idées alors régnantes, l'aménagiste de 1867 soumit d'emblée toute la forêt au régime de la conversion en futaie régulière, quel que fût l'état des peuplements; les plus mauvais devant être remplacés par des peuplements artificiels de pin sylvestre; les plus âgés au contraire étant groupés dans les affectations à mettre en régénération par la méthode naturelle; les taillis devant vieillir peu à peu et être soumis au cours de leur vieillissement à des éclaircies périodiques.

Un changement de régime aussi radical, appliqué de but en blanc à la totalité d'un massif forestier constitué de peuplements aussi dissemblables, ne put résister longtemps à l'épreuve des faits: treize ans plus tard, l'aménagiste de 1880 poursuit toujours le même but enrichissement de la forêt et tendance vers la futaie, mais il est obligé de marquer un retour en arrière; trois mille hectares restent soumis au régime de la futaie, comprenant 600 hectares environ de futaies de 60 à 150 ans, généralement sur souches, à régénérer, quelques centaines d'hectares de fourrés et gaulis de semences, au moins 2.000 hectares d'anciens taillis considérés comme susceptibles de vieillir jusqu'à la régénération. Ces peuplements seront éclaircis chaque dix ans avec recommandation expresse de n'enlever parmi les anciennes réserves du taillis que les réserves mortes ou dépérissantes, les autres étant considérées comme très utiles à la régénération.

Le surplus de la forêt, 4.500 hectares, fut remis en taillis sous futaie avec cette double prescription : « Dans les parties en état de végétation suffisant ou passable reconstituer la futaie par un balivage très serré; introduire le pin sylvestre dans les parties mauvaises coupées à blanc étoc. »

Les prescriptions de cet aménagement ont été suivies scrupuleusement depuis quarante ans sauf en ce qui concerne l'introduction du pin sylvestre aujourd'hui généralement abandonné pour le sapin pectiné 1. Elles ont abouti aux résultats suivants :

La régénération a été obtenue partout sans difficulté, quel qu'ait été

1.- Bulletin de l'Office Forestier du Centre et de l'Ouest, février 1912, C.-G. Aubert, Le Sapin de Normandie.

l'âge des peuplements mis en ensemencement. Bien que les cerfs et biches depuis 1898 jusqu'à maintenant aient été très fréquemment signalés comme causant des dégâts aux semis et entravant la régénération, bien que la forêt d'Ecouves se rattache par son altitude et par ses versants nord à une zone où la régénération du chêne devient un peu plus délicate, toutes les régénérations sont complètes et représentées aujourd'hui par des semis, gaulis et perchis présentant toutes les gradations d'âge, depuis le jeune semis jusqu'au perchis de 40 à 60 ans.. Tous les peu plements de semence en mélange plus ou moins intime de chêne et de hêtre sont très bien venants; ils ont été acquis dans des conditions moins faciles, et confirment entièrement les faits constatés à Bourse tant pour l'obtention du semis que pour le rendement des premières éclaircies.

(A suivre.)

C.-G. AUBERT, Inspecteur des Eaux et Forêts.

LE PIN SYLVESTRE

Les forestiers liront avec le plus grand intérêt, dans la Revue (de décembre 1919) de la Société forestière de Franche-Comté et Belfort, une description de la forêt de Haguenau, écrite sous une signature anonyme mais de main de maître.

Nous y trouvons, page 140, à propos de la régénération naturelle du pin sylvestre, des renseignements précieux. J'en cite quelques-uns: «La coupe a été divisée en bandes parallèles d'environ 40 mètres de largeur et dont le peuplement a été alternativement coupé à blanc étoc et maintenu sur pied. Une bande sur deux a été exploitée en 1915, de sorte qu'au printemps 1917 le terrain de ces bandes rases était prêt à recevoir les graines tombant des bandes sur pied voisines. Le résultat s'est montré excellent sous la forme de semis en brosse compacte au cours de l'année 1917. En 1918, l'ensemencement naturel était complet sur les bandes rases; on a coupé à blanc étoc les bandes conservées sur pied comme porte-graines et celles-ci seront reboisées par semis artificiels. Ce système semble digne d'être généralisé.... »

Nous partageons cette manière de voir et nous croyons utile d'indiquer en quelques mots le système d'aménagement que nous conseillons aux chefs de service d'appliquer aux pins (sylvestre, maritime, d'Alep et même noir). On verra qu'il semble possible de réduire dans une large mesure les semis artificiels ou peut-être même de les supprimer entièrement, ce qui serait appréciable par le temps de vie chère que nous

traversons.

Admettre, par exemple, pour fixer les idées, la révolution de 60 ans. - Diviser la forêt de pins en 6 groupes et répartir les l'indique la figure schématique ci-dessous :

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coupes comme

Direction

des vents dominants

Il est aisé de comprendre les avantages de cette disposition. La coupe 1, exploitée par exemple en 1920, resterait 6 ans à côté des vieux peuplements de la coupe 7 et aurait les plus grandes chances de se régénérer pendant ce laps de temps ; ilen serait de même de la coupe 2 et de toutes les autres. On pourrait de plus réserver par hectare dans chaque coupe en bordure des chemins et des lignes, 30 ou 40 des plus beaux et dés plus solides pins que l'on retrouverait à l'âge de 120 ans; ce seraient à la fois des porte-graines et des arbres susceptibles de donner du sciage.

Il est évident, d'ailleurs, que l'on ne saurait laisser 60 ans une coupe sans la purger des bois morts, dépérissants ou tarés ou sans exploiter le chêne vert en sous-étage. Il conviendrait, dès lors, d'asseoir, en même temps que la coupe principale n° 1 par exemple, des coupes d'amélioration dans les parcelles nos 20 et 40 et ainsi de suite.

Inutile au surplus d'ouvrir des lignes définitives pour séparer les parcelles. Il suffirait de bien déterminer les 6 groupes par des lignes assises sur le terrain et d'ouvrir chaque année un filet pour délimiter les coupes, qui devraient être longues et étroites.

Il va sans dire que ces coupes pourraient être biennales, triennales, etc. au lieu d'être annuelles. C'est une combinaison qu'il est loisible à chacun d'adapter à chaque forêt suivant son importance, mais qui est évidemment compatible avec la méthode. De même, la durée de la révolu tion est laissée à l'application de chacun.

Valence, le 12 mars 1920.

A. C.

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