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sa capitale délaissée. Quoi qu'il en soit de la réalité de ces conjectures qui, réunies ou séparées, n'offrent rien d'improbable, le roi est resté au Brésil. La guerre était loin de ses frontières car une grande distance sépare ses Etats de la rivière de la Plata. Le théâtre de la guerre s'éloignait en s'étendant vers le Pérou et le Chili, placés dans une direction opposée au Brésil. Artigas n'était pas inquiétant. Buenos-Ayres était trop occupé pour chercher à se créer un ennemi de plus en attaquant le Brésil.

Le maintien de la paix était donc dans les mains du gouvernement du Brésil, et cependant on ne tarda point à voir une flotte portugaise s'avancer contre MonteVideo, et les feux de la guerre s'allumer à - la suite de ceux d'un double hymen. Après beaucoup de marches et de contre-marches dont le public ne pénétrait point le but, et dont le Brésil ne déclarait point le motif, Monte-Video fut occupé. Les proclamations furent ce qu'elles sont en pareil cas, la justice du droit, la tendresse pour les captu

rés, le bonheur pour tous. En regardant ces démarches par rapport à l'Espagne, on se demandait comment on faisait marcher de front une double alliance avec une invasion, comment on tirait l'épée en se donnant la main.

En regardant du côté de l'Amérique, on se demandait comment le souverain de l'étroit Portugal, transplanté naguère dans les espaces immenses du Brésil, s'y trouvait déjà trop à l'étroit, et y éprouvait le besoin de s'élargir aux dépens de ses voisins. On se demandait comment il s'exposait à la guerre avec des hommes dont le caractère opiniâtre devait lui être connu : car un Espagnol, pour être transplanté en Amérique, n'est pas moins tenace qu'en Europe, et les Portugais sont à portée de le savoir mieux que qui que ce soit. De plus, le Brésil provoquait à la guerre des hommes armés de principes diamétralement opposés à sa propre existence, comme il oubliait à la fois qu'il se trouvait au milieu d'un foyer de républicanisme, et que sa population

était formée, en grande partie, d'esclaves rongeant leur frein, et trop disposés à imiter leurs semblables, émancipés en tant d'endroits. Mais rien n'a pu le retenir; l'on a vu comme il s'est précipité dans cette fatale entreprise. Il faut que le bien mal acquis ait bien bon goût, pour vouloir s'en pourvoir à ce prix; mais s'il a bon goût, quelquefois aussi il est de dure digestion. Les choses en étaient là; les Portugais établis tant bien que mal à Monte-Video (1),

(1) Times, 10 juin. Nous apprenons que la frégate portugaise l'Amphion, arrivée de Monte-Video à RioJaneiro, y a apporté la nouvelle que les troupes noires de la Plata étaient dans un état complet d'insubordination, et que leur chef, le général Le Cor, avait informé son souverain que, si on ne lui envoyait point de nouvelles troupes et des munitions, il ne pourrait se maintenir long-temps dans le pays qu'il occupait. Il paraît également que le gouvernement de BuenosAyres a définitivement déclaré la guerre au Brésil.

Cette demande de renforts n'arrive point à propos. On sait que les Portugais de Monte-Video n'en peuvent sortir; ils y sont comme les Français étaient à Sarra

Buenos-Ayres les menaçant, lorsque le roi du Brésil a éprouvé coup-sur-coup trois événemens fort propres à le faire rentrer en lui-même, et à aggraver ses embarras. Ce sont :'

1o L'intervention des puissances.

2° L'insurrection de Fernambouc.
3o Le complot de Lisbonne.

Il paraît, d'après la notification des puissances, que la conduite de la cour du Brésil a aussi peu obtenu leurs suffrages, que la modération et la noble attitude de celle de Madrid a concilié leur estime à celle-ci, et lui a mérité leur appui. On en jugera par la pièce ci-jointe (1). Nous n'avons

pas

gosse et dans les villes d'Espagne, enfermés dans leur enceinte, massacrés dès qu'ils en sortaient. Le bétail des plaines qui avoisinent Monte-Video, a été écarté par les gardiens: les Portugais y sont livrés à leurs

propres ressources.

(1) Déclaration des Cours médiatrices au Marquis d'Aguiar, Ministre Secrétaire d'Etat des affaires étrangères du roi de Portugal.

L'invasion d'une partie des possessions espagnoles

à nous occuper du fond de l'affaire qui divise l'Espagne d'avec le Portugal; mais

sur la rivière de la Plata, par les troupes portugaises, n'a pas été plutôt connue en Europe, qu'elle a été le sujet des démarches officielles et simultanées faites de la part du cabinet de Madrid auprès des cours de Vienne, Paris, Londres, Berlin et Saint-Pétersbourg, dans la vue de protester solennellement contre cette invasion, et de réclamer leur appui contre une telle aggression.

Peut-être la cour de Madrid aurait-elle pu se croire autorisée à recourir sans délai aux moyens de défense que la Providence lui a fournis, et à repousser la force par la force; mais, guidée par un esprit de sagesse et de modération, elle a désiré d'abord employer les moyens de négociation et de persuasion; et malgré les inconvéniens qui pouvaient en résulter pour ses possessions d'outre-mer, elle a mieux aimé s'adresser aux cinq puissances ci-dessus mentionnées, afin de parvenir à un arrangement amical avec la cour du Brésil, et d'éviter une rupture dont les conséquences seraient également désastreuses pour les deux pays, et pourraient même troubler le repos des deux mondes.

Une si noble résolution ne pouvait qu'être accueillie avec l'approbation entière et unanime des ca

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