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plus chez les Européens, ne s'apercevait pas de deux choses : 1° qu'il traversait l'Amérique comme un vaisseau fend l'onde qui se referme sur son passage; qu'un corps de troupes aussi peu nombreux que le sien ne

tigue et couverts de blessures; mais des Espagnols et des Américains étaient en présence. A quatre heures l'action recommença; elle fut aussi sanglante, mais plus courte que la première. Vers six heures, les troupes royales se retirèrent par les bois avec leur général blessé, laissant entre les mains des indépendans leurs quatre pièces, un étendard, mais pas de prisonniers on n'en fait point dans cette guerre. Les vainqueurs étaient trop affaiblis pour les poursuivre. Cette circonstance a été marquée par un trait d'héroïsme digne d'un meilleur sort. Quarante de ces grenadiers royaux dont j'ai parlé, retranchés sur une élévation qu'entouraient trois cents insurgés, s'y maintinrent jusqu'à ce qu'ils eussent épuisé toutes leurs cartouches: alors réduits au nombre de quinze, ils descendirent et moururent le fer à la main.

Les débris de la division royale ont tenté de regagner Mexico; mais il n'en est pas arrivé la moitié: le reste a succombé à la fatigue ou aux blessures.

pouvait suffire à contenir un pays aussi vaste, et qu'il finirait inévitablement par se trouver enfermé au milieu de l'incendie qu'il croirait avoir éteint (1).

(1) La pièce ci-jointe est très-propre à faire connaître les difficultés de cette guerre du royaume de Terre-Ferme, et son auteur est une autorité irrécusable dans cette matière.

du

Rapport adressé par le général espagnol Morillo, quartier-général d'Ocana, le 27 mars 1816, au Secrétaire-d'Etat à Madrid.

En voici quelques passages : L'Américain ne veut être commandé par personne, si ce n'est par un chef de son pays; il n'obéit point à un Européen, surtout s'il est Espagnol; ou, s'il obéit, c'est en attendant l'occasion de secouer le joug. Chaque province d'Amérique veut être gouvernée à sa manière; ce qui est bon pour le royaume de Santa-Fé, ne produit aucun effet dans le Venezuela, quoique ces pays se touchent. Dans le premier, il y a peu de Nègres et d'hommes de couleur; dans le dernier, au contraire, il reste peu de Blancs. L'habitant de Santa-Fé s'est montré lâche et timide; celui de Venezuela, hardi et sanguinaire. Dans la vice-royauté (Santa-Fé), on écrit beaucoup,

!

2° Qu'il avait affaire avec des hommes obstinés, puisqu'ils étaient espagnols comme

et les hommes de loi y sont accablés de besogne; à Caracas, au contraire, on termine les querelles par l'épée. De là, les différens genres d'opposition que nous avons éprouvés dans ces deux pays; mais ils se ressemblent par leur dissimulation et leur perfidie. Les habitans de la vice-royauté ne nous auraient probablement pas résisté avec tant d'obstination, s'ils n'eussent été protégés par les Venezuelaniens. C'est en vertu du même secours, que Carthagène a tenu si long-temps contre nous. Sur la droite de la rivière de la Madelaine, il a étélivré plusieurs combats: c'étaient encore les Venezuelaniens qui s'y distinguaient. La province stérile d'Antiquia nous a déclaré deux fois une guerre à mort, et a fermé le passage de ses montagnes ; c'étaient les Venezuelaniens qui les y excitaient. Santa-Fé a pris les résolutions les plus désespérées, d'après les insinuations des émissaires de Venezuela. Bref, tout dans cette lutte est l'ouvrage de ce peuple. Dans son propre pays c'est une horde féroce; et si elle est bien commandée, elle nous donnera de l'occupation pendant long-temps, et il faudra sacrifier bien du sang et bien des trésors avant de la réduire à l'obéissance. A monarrivée à la tête de cette expédition de

lui, et de plus, affermis dans leur résolution par les plus puissans motifs.

Sa Majesté dans ce pays, je fus frappé d'horreur en apprenant que chaque action gagnée ou perdue coûtait des monceaux de cadavres. Persuadé que cette guerre de destruction était l'ouvrage de deux partis animés à la vengeance, je crus que le temps était venu de déployer cette clémence tant recommandée par Sa Majesté; mais, quel a été le résultat de la douceur? De nouvelles révolutions, de nouvelles perfidies ont suivi l'apparence de la pacification; et, si jamais la viceroyauté se soumet, on pourra être persuadé qu'elle attendra le moment favorable pour se révolter de

nouveau...

:

Or, pour la soumettre tout-à-fait, il faudrait employer des forces plus considérables, comme je l'ai souvent répété. Il ne faut pas croire que ce soit l'ouvrage d'un jour; ce n'est qu'à force de constance et de rigueur qu'on pourra en venir à bout maintenant c'est la guerre des Nègres contre les-Blancs. Pour éviter tout sujet de discorde, il faudra laisser le commandement suprême à un seul chef. Les rebelles, depuis le Mexique jusqu'au Pérou, n'ont profité que trop habilement de la jalousie qui existe naturellement entre des généraux de différentes armes, malgré tout

Tout cela n'a pas manqué d'arriver.

A son aspect, les indépendans s'éloignérent de Santa-Fé de Bogota, pour se réfugier dans la province d'Antiquia, où ils trouvaient de ces espèces de postes fortifiés

que

le soin que j'ai pris de maintenir parmi eux la plus parfaite union, je ne me flatte pas d'avoir toujours produit un résultat aussi rare. Je crois donc de mon devoir de répéter que, dans l'Etat de Venezuela, l'autorité suprême doit être confiée absolument à une seule personne; que cette autorité doit être illimitée; les tribunaux ne pourront, sans de graves inconvéniens, suivre la marche ordinaire de la justice, que lorsque ces provinces auront été totalement pacifiées. Pour le moment, il ne faut considérer ce pays que comme un vaste champ de bataille, où la force seule décide, où le talent et la fortune font tout, où tout le monde doit se résigner à se taire et à obéir. Je ne veux pas faire illusion à Sa Majesté; mon unique désir est de ne pas perdre ce qui a été gagné, et de voir exterminer les rebelles. Voilà pourquoi je soumets à Votre Excellence les idées que m'a suggérées l'expérience. J'abandonnerais volontiers le commandement, s'il le fallait, pour prouver que mes conseils ne sont pas dictés par l'intérêt personnel.

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