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nous une autre intention, ou bien une autre direction, ou ne nous entend point, ou peut se dispenser de nous lire.

Il faut qu'il y ait sûreté en écrivant, comme en toute action de la vie, et pour cela qu'on ne cherche et que l'on ne voie dans un livre que ce l'on a voulu y mettre, et ce qui s'y trouve en réalité.

BRÉSIL.

Une invasion force le roi de Portugal de chercher un asile au Brésil. Jamais prince ne se trouva dans une position plus singulière.

L'ennemi venait régner chez lui, sous son nom, à son profit propre, et non à celui du roi.

Restait-il à Lisbonne? Honorable captif, il perdait le Brésil de deux manières : 1o par la séparation de la Colonie qui se fût déclarée indépendante d'une métropole subjuguée par l'étranger; le prétexte était honnête : le Brésil eût été aussi habile à en pro

fiter que l'ont été le Mexique et l'Amérique méridionale: cela était immanquable; 2° par la conquête que de leur côté les Anglais ne pouvaient manquer d'en faire, et par conquête nous entendons l'émancipation favorisée en vue du commerce, comme cela a eu lieu à l'égard de toutes les Colonies. Les Anglais, amis du roi de Portugal à Lisbonne, où il protége leurs comptoirs, amis du souverain du Brésil, où il remplit pour eux le même but d'utilité, devenaient ses ennemis, lorsqu'il devenait l'otage ou le prête-nom de leurs ennemis: ainsi ont-ils fait avec l'Espagne, suivant qu'elle a servi à combattre la France.

La position du prince était cruelle; les dangers se montraient de toutes parts: longtemps son esprit fut perplexe, long-temps il hésita. Quitter un trône antique pour un trône nouveau ; la terre natale pour des terres nouvelles et lointaines; abjurer une ancienne existence; se créer de nouveaux sens, de nouveaux yeux, un nouvel état : un aussi grand parti exige de la force, et tel qui le

conseille, s'il était mis à l'épreuve, y regarderait lui-même à deux fois. Cependant l'ennemi approchait; quelques heures encore, on tombait dans ses mains, il fallait choisir. Une terreur plus grande est souvent le moyen de surmonter une autre terreur: c'est le contraire d'une victoire qui donne le courage un danger éloigné est moins effrayant qu'un danger prochain. Enfin, le signal est donné; une double crainte a coupé le dernier câble qui retenait encore au rivage natal le souverain du Portugal; il part; et, reçu sur les escadres de l'Angleterre, il va montrer à l'Amérique le premier souverain qui soit venu y porter un sceptre américain entrelacé avec un sceptre de l'Europe.... Ombre de Pombal, tu dus tressaillir au bruit de ce départ, en apprenant qu'elle était réa– lisée, après un demi-siècle, l'idée à laquelle tu attachais le plus de prix, et qui attache le plus de gloire à ton nom. Tu as joui des consolations refusées aux génies méconnus.

Dans ce moment, tout fut changé en Portugal, au Brésil, et peut-être dans le Monde.

Le vaisseau qui portait le roi de Portugal dans le nouveau, portait dans ses flancs de nouvelles destinées pour l'univers.

Ce genre d'événemens si puissans fut alors à peine aperçu; il fallait tout ce qui vient de se passer pour y ramener l'attention.

Par le changement de la résidence du roi, tout l'ordre ancien du Portugal à l'égard du Brésil, et tout celui du Brésil à l'égard du Portugal, se trouvèrent intervertis; l'un prit la place de l'autre. Il y eut deux actions! simultanées et opposées, dans le temps que l'on n'en apercevait qu'une seule et uniforme car il se forma sur-le-champ deux nouvelles combinaisons entre le Portugal, devenu colonie, et le Brésil devenu métropole; entre le Brésil aspirant à conserver le roi, et le Portugal aspirant de son côté à se récupérer; entre le Brésil vivifié et enrichi par la présence du souverain, et le Portugal humilié, appauvri par son absence, et tout désappointé par son éloignement.

Ici se présentaient nécessairement deux actions, deux mouvemens.

1° Ce qu'allait faire le roi dans son nou-. veau séjour;

1

2o Ce qu'allait faire le Portugal dans son nouveau délaissement,

En suivant ceci, on trouvera la clef de tout ce qui est arrivé de part et d'autre. Pour le bien comprendre, il faut demander 1° ce qu'a fait le roi de Brésil depuis qu'il y est

fixé.

2 Ce qu'il devait faire.

Quant à la première question, on y répondrait fort bien par deux mots applicables aux Gouvernemens quiétistes du midi de l'Europe, aussi-bien qu'au Brasil, ce que l'on faisait, rien ou presque rien. On laissait faire en Portugal; on ne faisait presque rien au Brésil.

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Lorsque la résurrection des souverainetés abolies par Napoléon et par ses devanciers, eut lieu en 1814, le retour du roi en Portugal fut annoncé. Nous devons au parlement d'Angleterre, seul moyen qui existe en Europe, de recevoir des instructions un peu étendues sur les Colonies, d'avoir appris,

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