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des Pays-Bas, du Milanais, et du royaume de Naples. Elle perd chaque année un royaume en Amérique, comme elle perdait alors une province en Europe. Il y a plus: elle est bien réellement en guerre, et elle ne peut la faire; elle n'est point en paix, et elle reste immobile, inactive comme en état de paix ; trop faible qu'elle se trouve être à la fois pour

la guerre, trop fière, trop obstinée pour se

soumettre à une paix qui blesse son orgueil et ses intérêts; et pendant qu'elle subit tous les inconvéniens de cet imbroglio, qu'arrive-t-il? Son commerce d'Amérique est abîmé les croiseurs ennemis; ses ports par d'Europe sont bloqués par eux ; partout elle s'offre en proie à des essaims dévorateurs qui, sous un masque ou sous un autre, se gorgent de ses faciles dépouilles. Où aboutir dans un pareil labyrinthe, dans ce dédale de difficultés ? Où? Rien n'est plus facile ni plus simple. Comme il arrive toujours dans les fortes résolutions; céder de bonne grâce ce que l'on ne peut plus garder; lâcher ce qui serait arraché; substituer les profits de

l'amitié aux désastres de l'inimitié, et pour cela, changer sur-le-champ les prétentions de souveraineté en relations commerciales; abandonner le ruineux et cruel dieu de la guerre, pour le vouer aux autels profitables de celui du commerce. Alors l'Espagne rentrera en Amérique par la seule porte qui puisse l'y ramener, et, en renonçant franchement à ce qu'elle ne peut plus raisonnablement obtenir, elle obtiendra tout ce qu'elle peat raisonnablement prétendre.

Pour bien apprécier la nature de ce conseil, il suffit de se demander, s'il faut chercher les conseils dans les prétentions ou dans les intérêts.

Dans l'ouvrage Des Colonies, on indiquait à l'Espagne de changer sa domination personnelle sur l'Amérique, en souverainetés attribuées à des membres de la famille royale de ce pays; on y joignait, il est vrai, la prudente réserve d'ajouter, s'il en est temps encore: car enfin, il faut que les prétentions cadrent avec les temps propres à les faire adopter ou tolérer. Mais cette époque

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favorable est déjà loin de nous; les derniers événemens ont anéanti la possibilité d'un dé nouement qui, à cette époque, pouvait peutêtre s'adapter aux intérêts mutuels de l'Espagne et de l'Amérique; mais la fortune est devenue trop inégale, et désormais il faut quitter le long espoir et les vastes pensées... Il reste à l'Espagne une dernière, mais triste ressource, celle d'inquiéter ceux que l'on n'a pu vaincre, celle des intelligences que l'on se ménage dans les lieux où l'on ne peut plus commander : l'espérance pour les avides, la crainte pour les timides, la corruption pour les corrompus, la potence pour les corrupteurs, un redoublement de haine contre les impuissans auteurs de ces machinations; tels sont les moyens, les résultats, et le produit net, les plus ordinaires de ces belles manœuvres.... On peut pronostiquer que, dans la cause actuelle, elles n'auront pas une meilleure issue.

En tout, il n'y a de vraiment profitable qu'une marche ferme et franche. Si les définitions claires épargnent et abrégent les

disputes de mots, les résolutions nettes sont aussi les seules propres à prévenir, ou à abréger des querelles d'une toute autre impor

tance.

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INTERVENTION DES PUISSANCES.

Aux chapitres XX et XXII, de l'ouvrage sur les Colonies, il a été établi :

1° Qu'un congrès colonial était devenu indispensable.

2° Que l'Europe avait le droit d'intervenir dans la querelle de l'Espagne avec l'Amérique, mais dans un but de conciliation seulement.

Les motifs généraux de ces assertions étaient puisés dans la considération des dommages actuels et des dangers imminens qui résultaient pour l'Europe, de l'état de perturbation générale qu'éprouvent les Colonies.

Depuis ce temps, cinq puissances principales ont intervenu dans l'affaire qui divise le Portugal et l'Espagne, Elles ont fait valoir à l'appui de cette démarche, et cela

avec bien de la raison, les suites que cette querelle pouvait avoir pour la tranquillité de l'Europe.

Il est permis d'apercevoir dans cette première démarche l'initiative du parti propre à mettre un terme à tous les désordres présens et à venir, résultant de l'état où se trouve l'ordre colonial. Deux choses sont certaines, et il faut savoir le bien reconnaître, avant de s'engager dans toute discussion relative aux colonies.

1° Les colonies ont pris la place que la révolution, pendant vingt-cinq ans, a remplie dans l'attention de l'univers. Dans tout ce période de temps, il n'y eut qu'une affaire au monde, celle de la révolution. On n'avait pas manqué de le dire: on eut beau avoir l'air d'en douter, il a bien fallu y regarder de près, et depuis 1812 jusqu'à 1815, il a paru si, de Pétersbourg à Cadix, il y avait une autre affaire. Eh bien! il en est de même pour les Colonies: la scène est déplacée; l'Amérique a pris, sous ce rapport, la place de la France; il faut s'en occuper, malgré soi. Aujourd'hui l'Europe est à peu près vide

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