Page images
PDF
EPUB

comme une manœuvre, par le moyen d'impunité qu'il crée pour l'agent, et l'erreur forcée où il tient la victime'.

20. L'emploi d'un faux nom par écrit constitue le simple délit d'escroquerie, si l'acte ne renferme ni obligation, ni décharge, ni convention, ni disposition qui soit de nature à léser des tiers. Il constituera, au contraire, le crime de faux, si l'acte dans lequel il est pris, peut produire une obligation quelconque, et cause préjudice à autrui, ou lorsque cet acte est destiné à constater les faits qui s'y trouvent consignés.

Ainsi, celui qui pour tromper une personne sur sa fortune, et usurper un crédit mensonger, produirait des actes simulés, des actes de prêts par lui consentis ne pourrait être poursuivi que pour escroquerie, car ces actes ne produisent par eux-mêmes aucune obligation, mais s'il produit, même dans le seul dessein de consommer l'escroquerie, des actes qu'il suppose émanés d'un tiers, et qui obligent ce tiers, la fraude puise dans cette circonstance un caractère plus grave, celui du crime de faux'.

1. Cass. 5 mai 1820. Cass. 13 juin 1857. Sic Chauveau et Hélie T. V. n° 2198. Blanche VIe Etude no 162.

2. S. Chauveau et Hélie. Tome II no 648. Du Faux.

SECTION II

DE LA FAUSSE QUALITÉ

SOMMAIRE

21. Deuxième élément du délit. De la fausse qualité.

22. A quelles conditions la fausse qualité est-elle constitutive du délit d'escroquerie.

23. Du faux titre. Assimilation à la fausse qualité.

24. L'Intention frauduleuse doit être établie.

25. Dès que la fausse qualité a été la cause déterminante de la remise des valeurs, elle suffit à elle-seule pour constituer le délit

26. S'il est reconnu que l'usage de la fausse qualité n'a pas été la cause déterminante de la remise des objets, le délit n'existe pas.

Mais quid, si elle se combine avec d'autres faits extérieurs.

27. L'emploi d'une capacité civile que l'on ne possède pas, constitue-t-il le délit prévu par l'art. 405. Arrêt de la Cour de Cassation.

[ocr errors]

Doctrines de MM. Chauveau et Hélie, et Blanche.

28. Quid, du fait, par un individu, de se prétendre faussement créancier d'un autre.

29. L'emploi d'une fausse qualité peut-elle constituer un faux. 30. L'individu, qui, affirmant faussement être le propriétaire d'un objet perdu, se le fait remettre par un tiers, tombe-t-il sous le coup de l'art. 405. — Jurisprudence. - Désaccord. — Opinion de M. Hibon conseiller rapporteur. Examen de la doctrine de la Cour de

Cassation.

31. Exemples divers relatifs à la fausse qualité.

32. Celui qui fait sciemment et volontairement usage d'une qualité qu'il a possédée, mais qu'il n'a plus au moment de l'action, pour remplir des fonctions qui lui ont été retirées, et pour percevoir des sommes d'argent, est coupable d'escroquerie.

33. Espèce.

34. La fausse qualité peut exister en même temps que l'emploi de manœuvres frauduleuses destinées à persuader l'existence d'un succès d'un accident ou de tout autre événement chimérique.

21. L'emploi d'une fausse qualité consiste dans le fait de celui qui se présente aux yeux d'une personne, comme revêtue d'un titre, d'un emploi, d'une fonction qu'il ne possède pas en réalité.

Ainsi un individu se dira comte, baron, marquis, général (etc) ou bien il se fera passer pour savant, ingénieur, industriel, ou bien encore il se dira parent d'un personnage connu, alors qu'au demeurant, il ne possède aucun de ces titres.

22. L'emploi d'une fausse qualité est constitutif du délit lorsque, par ce moyen, on a frauduleusement obtenu d'un tiers des sommes ou valeurs, ou qu'on est arrivé à lui faire souscrire des promesses ou obligations.

23. De ce que nous avons exposé au § 21, il suit que l'usage d'un faux titre est assimilé à la fausse qualité. Ainsi par exemple, l'individu, qui, porteur d'une décoration qui ne lui appartient pas, réussit à l'aide de ce prestige, à obtenir la remise de valeurs, tombe sous le coup de l'art. 405 indépendamment de la prévention de port illégal de décoration, si la remise a été la cause efficiente du faux titre.

24. Mais l'emploi d'une fausse qualité, pour se faire délivrer des fonds, meubles ou marchandises, ne constitue le délit d'escroquerie que lorsqu'il s'y joint l'intention frauduleuse d'escroquer par ce moyen tout ou partie de la fortune d'autrui; intention de l'existence de laquelle le juge du fait est appréciateur souverain.

2

Ainsi, la Cour de Cassation a jugé que le correspondant d'une maison de commerce, qui, pour éluder la prohibition à lui faite de donner des commandes dans son intérêt, a demandé des envois, au nom de maisons de commerce imaginaires, ou même existantes, n'est pas passible de l'article 405, si son intention était simplement de faire lui-même et à son bénéfice le placement des marchandises envoyées, sans faire éprouver de préjudice à l'expédiditeur1.

25. La fausse qualité suffit à elle seule, indépendamment de toute autre manoeuvre frauduleuse, pour constituer le délit, dès qu'elle a été la cause déterminante de la remise.

Attendu qu'il n'est pas nécessaire qu'à l'emploi d'une fausse qualité se joignent des manœuvres frauduleuses, si la remise des valeurs escroquées a été le résultat de ce premier moyen de fraude; que le fait de cette remise a été suffisamment constaté dans l'espèce, par les termes, qui en se rattachant à l'emploi de la fausse qualité, expriment, par une évaluation en argent, le préjudice qui en est résulté 2.

- Attendu que l'arrêt attaqué, en admettant même que les manœuvres frauduleuses n'eussent pas été suffisamment expliquées, a pris soin de constater qu'il était démontré par tous les éléments de la cause, que le demandeur avait usurpé les noms et qualités de prince de Gonzague, de Mantoue et de Castiglione, de duc souverain de Mantoue, de Grand

1. Cass., 20 janvier 1855, Dall. 55, 1, 87.

2. Cass., 19 septembre 1844, Dall. 45, 5, 248. Cass., 25 août 1854, Dall. 71, 5, 165.

Maître de plusieurs ordres, sans existence légale, et qu'à l'aide de ces faux noms, titres et qualités, il s'est fait remettre de l'argent'.

26. L'emploi d'une fausse qualité ne constitue pas le délit, s'il n'a pas été la cause déterminante de la remise de fonds. Mais il peut, alors même, s'il se combine avec d'autres faits extérieurs, être considéré comme une manoeuvre, par le moyen d'impunité qu'il crée pour l'agent, et l'erreur forcée où il tient la victime ".

27. La cour de cassation a été appelée à se prononcer sur le point de savoir si le fait d'un individu qui s'attribuerait une qualité civile qu'il n'a pas, tombe sous le coup de l'article 405, et la Cour a décidé que lorsque la qualification employée pouvait être vérifiée par ceux qui se prétendent victimes, l'article 405 ne reçoit pas son application.

Cette doctrine a été admise dans deux espèces ou un mineur s'était fait passer pour majeur, une femme mariée pour fille majeure jouissant de ses droits 3

M. Blanche admet cette théorie, en s'appuyant toutefois, non pas sur ce fait que la personne escroquée pouvait vérifier la qualité prise par l'inculpé, car, dit-il, la loi ne distingue pas à cet égard, mais par ce motif que, si l'usage de la qualité de majeure ou de femme libre de ses droits pouvait devenir un élément d'escroquerie, l'effet des lois ci

1. Cass., 14 octobre 1853.

2 Cass. 13 juin 1857.

« PreviousContinue »