Page images
PDF
EPUB

dans l'horrible guerre qui a désolé l'Extrême-Orient, elles n'aient pas osé offrir leurs bons services aux parties belligérantes: ce n'était pas seulement pour elle un droit, mais encore un devoir formellement écrit dans l'art. 27 de la Convention; on eût voulu de leur part un peu moins de pusillanimité diplomatique et un peu plus d'humanité.

Il y aura lieu de prévenir une aussi coupable inaction pour l'avenir, et l'on verra, quand nous examinerons le titre IV, quel serait le moyen d'y remédier.

Le titre III offre aux parties en litige un autre moyen d'éviter les hostilités, lorsqu'il y a entre elles une simple divergence d'appréciation sur des points de fait; c'est de constituer une commission spéciale d'enquête chargée d'étudier les faits et de rédiger un rapport à leur sujet. C'est une sorte de préliminaire tendant à prévenir le débat, mais ne devant avoir qu'un effet bien anodin, car il faut avant tout une convention spéciale, c'est-à-dire un accord des parties en litige pour constituer la commission; le rapport de celle-ci n'a nullement la valeur d'une sentence arbitrale, et laisse aux parties, comme le déclare formellement l'art. 14, leur liberté d'action. Nous verrons aussi, en étudiant le titre suivant, s'il n'y aurait pas lieu, tout en conservant les commissions d'enquête, de chercher un moyen plus efficace de les mettre en mouvement.

L'organisation du système. Le Titre IV est

à remanier en entier. distinguer.

Trois éléments à

Avec le titre IV intitulé « de l'Arbitrage international », nous entrons enfin dans le vif du sujet à traiter l'organisation d'un système de juridiction arbitrale.

Il est divisé en trois chapitres, dont le premier, « De la justice arbitrale », n'est autre chose qu'une définition de l'arbitrage international et un hommage rendu à ce mode de régler les litiges qui n'ont pu être résolus par la voie diplomatique. Il se termine par une disposition qu'il est utile de retenir : c'est la réserve d'accords nouveaux à intervenir pour rendre l'arbitrage obligatoire. A tous les points de vue il importe donc de conserver le texte de ce chapitre Ier dans la convention additionnelle.

Il n'en sera pas de même du chapitre II qui traite de la Cour permanente d'arbitrage, et qui doit être entièrement remanié pour établir le système complet d'organisation qui nous est demandé.

Rappelons que par le premier article de ce chapitre (art. 20 de la Convention), les parties s'engagent à organiser une Cour permanente d'arbitrage. ce qui implique un acte additionnel et postérieur, quoique le texte déclare avec une contradiction quelque peu naïve, que ce sera pour faciliter le recours <«< immédiat » à l'arbitrage. La contradiction est rendue plus manifeste encore par cette disposition de l'article 28 qui confie au Conseil administratif le soin de notifier aux puissances la constitution de la Cour et de pourvoir à son installation.

C'est donc cette Cour permanente qu'il s'agit d'organiser. On se rappelle que nos principales critiques ont porté sur ce point; aussi devons-nous nous efforcer, avec la méthode la plus rigoureuse, de trouver une organisation rationnelle, pour rendre à la fois plus efficace et plus pratique le recours à la nouvelle juridiction.

L'organisation d'une Cour de justice comprend trois éléments principaux qu'il faut examiner séparément et successivement; ce sont, en premier lieu, sa composition, puis ses attributions et enfin son fonctionnement.

Nous essaierons de conserver le plus possible des

règles de détail établies par la Convention, en tant qu'elles peuvent se concilier avec les bases essentielles de notre projet d'organisation.

Premier élémenT: Composition de la Cour.

Quels sont les membres qui devront la composer? C'est le point le plus obscur dans le texte de la Convention et il importe de le fixer avec une parfaite précision.

On doit admettre tout d'abord les vingt-six souverains ou chefs d'Etat comme étant les auteurs de la Convention, et le silence étonnant gardé par celle-ci laisse planer un doute inquiétant sur leur droit. En les inscrivant au premier rang, ce n'est pas seulement un acte de justice que nous faisons, mais aussi un hommage que nous rendons à leur noble initiative.

Toutefois, la présence effective de ces hauts personnages aux séances de la Cour serait souvent difficile à obtenir, et pour y remédier, on doit leur reconnaître le droit de s'y faire représenter par des plénipotentiaires investis de leurs pouvoirs, ainsi qu'il a été fait déjà pour la signature même de la Conven

tion.

La Convention institue un conseil administratif que nous avons l'intention de conserver, comme on le verra tout à l'heure, et l'on se demande s'il ne convient pas d'inscrire ses membres parmi ceux de la Cour permanente. Les membres de ce conseil sont de hauts fonctionnaires; ce sont les représentants diplomatiques (ambassadeurs ou consuls) accrédités à La Haye, des puissances signataires, ayant à leur tête, comme président, le ministre des Affaires étrangères des Pays-Bas. Ils peuvent donc être ajoutés aux vingt-six plénipotentiaires désignés plus haut et qui devraient être choisis, pour éviter de doubles emplois, en dehors des représentants diplomatiques.

On aurait ainsi un total de cinquantre-trois membres qui composeraient la Cour permanente.

Il y a encore une autre raison pour admettre les membres du Conseil administratif ; c'est que ce Con

seil, comme sa dénomination même l'indique, a la plus grande analogie avec les conseils d'administration des sociétés anonymes lesquels doivent être nécessairement choisis parmi les membres de la société, et même habituellement sont tenus de posséder un certain nombre d'actions pour garantir les actes de leur gestion.

La Cour, ainsi composée, procède à l'élection de son président, de deux vice-présidents, d'un secrétaire général et d'un secrétaire.

[merged small][merged small][ocr errors]

Si l'on recherche, dans le texte de la Convention de La Haye, quel est le rôle de la Cour permanente, quels sont les pouvoirs qui lui sont attribués, comment et dans quelles circonstances elle est appelée à agir, on ne trouve absolument rien. Elle n'intervient même pas dans la nomination des arbitres, qui appartient à chacune des puissances individuellement. La liste des arbitres n'est pas soumise à sa ratification. Elle est simplement notifiée par les soins du Bureau international, et cette notification est adressée, non à la Cour elle-même qu'on ne voit à aucun moment apparaître à l'état de corps constitué, mais aux puissances signataires toujours prises individuellement (art. 23).

Quels sont donc les pouvoirs qu'il conviendrait d'attribuer à la Cour permanente?

A ce sujet s'élève une question capitale, c'est celle de la compétence de la Cour permanente. Doit-elle être appelée, au moins en certains cas, à statuer elle-même comme tribunal arbitral ou, restant au

second plan, doit-elle laisser aux puissances en litige. le soin de désigner, par des traités particuliers, les arbitres chargés de statuer sur leurs différends.

Nous croyons qu'il importe de maintenir à la Cour un rôle supérieur, en lui prescrivant d'intervenir dans certains litiges exceptionnels où sont en jeu « les intérêts vitaux, l'indépendance ou l'honneur << d'une des parties, ou encore les intérêts d'une «tierce puissance ». Ces sortes de litiges ont paru en effet trop importants pour être laissés à la discrétions de simples arbitres, et dans la plupart des traités particuliers qui sont intervenus jusqu'ici, notamment, entre la France, l'Espagne, l'Italie et l'Angleterre, ils ont été formellement exclus de l'arbitrage, d'où il suit qu'en pareil cas le conflit ne peut se dénouer que par les armes. C'est la porte laissée toute grande ouverte à la guerre dans une convention qui a pour but de la supprimer. La convention sera trop souvent éludée par une puissance ambitieuse qui pourra toujours invoquer ses intérêts vitaux, son indépendance et son honneur.

Un éminent jurisconsulte, M. Mérignhac, ne paraît pas éloigné de supprimer ces litiges exceptionnels; car au Congrès de Nîmes (), dans la formule qu'il propose pour la rédaction des traités particuliers d'arbitrage, il englobe « tous les différends déjà existants ou qui viendraient à se produire dans l'avenir entre les parties contractantes ». Il se résignerait cependant à subir deux exceptions:

La première, celle qui mettrait en cause l'indépendance des nations, est admise à titre transitoire, pour céder aux préjugés actuels et en attendant un retour de l'opinion publique mieux éclairée. Il ne fait d'ailleurs cette concession que sous la condition de déclarer obligatoire le recours à la médiation.

La seconde exception vise l'intérêt des tierces puis

(*) Voir le compte rendu des séances, p. 107.

« PreviousContinue »