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DEUXIÈME SÉANCE DE COMMISSION.

18 septembre 1906.

Présidence de M. Adrien Lachenal, Vice-Président.

La séance est ouverte à 10 h. 3/4. La discussion sur la Question du phosphore est reprise.

Son Exc. M. Révoil propose d'émettre d'abord un vote sur les seuls articles 1 et 2 des Bases de 1905, puis un deuxième vote sur l'ensemble des quatre articles de ces Bases.

M. Dubois précise, à son tour, la modalité du vote qui va avoir lieu, en faisant observer que, quelle que soit leur réponse à la première question, les Délégués pourront voter comme ils l'entendront sur le second sujet.

M. Caspar prie M. le Président de faire voter d'abord uniquement sur les articles 1 et 2 des Bases de Convention, afin que les Délégations puissent se rendre un compte exact de leur vote.

M. Müller attire l'attention de la Commission sur la situation, compliquée pour l'Autriche, qui résultera de la double votation projetée. Le Gouvernement d'Autriche est d'accord avec les autres pays quant au fond, mais il ne pourra accepter les Bases sans les articles 3 et 4.

Son Exc. M. Révoil répond que les deux votes successifs permettent à chaque Délégation de bien marquer son attitude.

M. Caspar partage la manière de voir de M. l'Ambassadeur de France. La seconde votation comprendra l'ensemble des Bases adoptées il y a un an. Si six ou sept pays adoptent uniquement les articles 1 et 2, d'autres pays pourront y adhérer ensuite en formulant les réserves et conditions auxquelles ils entendent subordonner cette adhésion; celle-ci, quant à ce second groupe de pays, ne serait que conditionnelle. Le Président donne lecture des articles 1 et 2 des Bases de 1905 et demande successivement aux Délégations si elles accepteraient une Convention établie sur ces deux articles :

ARTICLE PREMIER.

A partir du 1er janvier 1911, il sera interdit de fabriquer, d'introduire ou de mettre en vente des allumettes contenant du phosphore blanc (jaune).

ARTICLE 2.

Les actes de ratification devront être déposés au plus tard le 31 décembre 1907.

ARCH. DIPL., TOME 104.

1907, VOL. IV, No 10.

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Répondent affirmativement six Délégations; Allemagne, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas et Suisse.

Répondent négativement six Délégations: Autriche, Hongrie, Belgique, Grande-Bretagne, Portugal et Suède.

Deux Délégations, le Danemark et l'Espagne, s'abstiennent.

Son Exc. M. de Bülow propose que les six Délégations acceptantes se réunissent en une Commission spéciale.

Son Exc. M. Révoil voudrait attendre le résultat de la deuxième votation pour prendre une décision à ce sujet.

Son Exc. M. de Bülow est d'accord.

M. Samuel désirerait savoir si l'on va voter sur le texte même des Bases de 1905 ou sur leur principe seulement. L'article 2 des Bases notamment, fixe la date du 31 décembre 1907 pour le dépôt des ratifications. Or une Convention interdisant l'emploi du phosphore blanc dans l'industrie des allumettes et l'introduction des allumettes dans le pays demanderait, en Angleterre, l'intervention des pouvoirs législatifs; un pareil objet ne pourrait être réglé par la voie administrative.

Il ne serait pas conforme aux principes de la Constitution britannique de ratifier une Convention dans ces circonstances, sans avoir obtenu d'avance la sanction parlementaire. « Quelle sera alors, ajoute M. Samuel, la position du Gouvernement si nous signons maintenant la Convention dans sa forme actuelle? D'un côté, nous serons obligés de la ratifier à la fin de l'année prochaine; de l'autre côté, nous ne pourrons pas présenter un projet de loi au Parlement parce que, comme c'est probable, le Japon et la Norvège, et peut-être la Suède, n'auront pas notifié leur adhésion à cette date. Nous ne prenons jamais en Angleterre de mesures conditionnelles ou suspensives.

Aussi me paraît-il nécessaire que non seulement la date de la mise en vigueur de la Convention, mais encore la date de sa ratification soient fixées à une époque postérieure à la notification de l'adhésion des Etats à l'accession desquels on entend subordonner l'entrée en vigueur de la Convention.

Si, néanmoins, la Conférence juge utile d'aller de l'avant, d'adopter une Convention pour ainsi dire suspendue en l'air, comme elle le sera pendant des années peut-être, je soumettrai volontiers à mon Gouvernement la question de notre adhésion. Le Gouvernement britannique n'a pas prévu que le Japon, la Norvège et la Suède ayant signifié leur refus, et le Gouvernement suisse n'ayant pas communiqué de projet de Convention sur cette matière, la Convention de l'année dernière sur le phosphore blanc devait être considérée comme ayant conservé quelque validité. Dans ces conditions, je ne me trouve pas en mesure de donner une réponse définitive sur la question de cette Convention, même si elle était modifiée quant aux dates ».

Son Exc. M. le Baron Heidler déclare que le Gouvernement d'Autriche et le Gouvernement de Hongrie ne pourraient pas s'associer à une Convention relative à l'interdiction du phosphore blanc, comprenant

seulement les articles 1 et 2, sans les articles 3 et 4, et conclue par un nombre restreint de Puissances.

Ils s'en tiennent à leur engagement, revêtu des signatures de leurs Délégués de 1905, de ne signer qu'un traité comprenant les quatre articles.

Reste à savoir si l'on jugera convenable de donner la forme d'un traité à un engagement lié à une condition, après avoir été informé que cette condition ne s'accomplirait pas.

M. Dubois désire motiver l'abstention qui s'impose à la Délégation belge dans le vote qui va être émis. D'après les résolutions adoptées par la Conférence de 1905, l'interdiction du phosphore blanc était subordonnée à « l'acceptation de tous les Etats représentés à la Conférence et du Japon ». Depuis lors, la Norvège et le Japon ont manifesté leur refus de signer une Convention en cette matière. Aussi, dans la circulaire du 14 juin 1906, le Gouvernement fédéral n'a-t-il prévu que la signature d'un arrangement à conclure entre un certain nombre des Etats intéressés. Dans ces conditions, le Gouvernement belge, confirmant la manière de voir exprimée par ses Délégués à la Conférence de 1905, ne pouvait songer à autoriser ses fondés de pouvoir d'aujourd'hui à signer une Convention dont l'effet serait éventuel, c'est-à-dire subordonné à des adhésions absolument incertaines. D'ailleurs, la Délégation belge partage le sentiment exprimé par l'honorable représentant de la GrandeBretagne quand il a dit que semblable Convention ne pourrait guère être soumise à un vote parlementaire; le texte d'une Convention arrêtée par une Conférence diplomatique doit être définitif et absolu, puisqu'il est destiné à constituer l'expression de la future loi internationale. Enfin, en supposant un instant que les quatre articles formant les résolutions de 1905 soient transformés en loi internationale, les exploitants de fabriques d'allumettes établies dans les pays dont la législation nationale ne prohibe pas le phosphore blanc, seraient soumis à une incertitude rendant leur situation industrielle absolument intenable. Il est procédé à la votation sur l'acceptation éventuelle d'une Convention conforme aux quatre articles des Bases de 1905.

Le Président constate que le résultat du vote a été le suivant : Deux Délégations: l'Autriche et la Hongrie, ont voté oui, sous réserve des déclarations ci-dessus;

Sept Délégations: la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la France, la Grande-Bretagne, l'Italie et la Suède se sont abstenues;

Cinq Délégations: l'Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal et la Suisse ont voté non.

Son Exc. M. Révoil se rallie maintenant à la proposition de Son Exc. M. de Bülow de constituer une Commission spéciale des Délégations ayant voté affirmativement dans la première votation.

Le Président conclut en déclarant que cette Commission restreinte siégera séparément de la Commission en plenum qui, elle, n'aura plus à discuter, pour le moment, que la question du travail de nuit des

femmes.

A ce moment, la discussion est renvoyée à une réunion de l'aprèsmidi, à 3 h. 1/2, et la séance levée à 11 h. 1/2.

Le Vice-Président:

ADRIEN LACHENAL.

Pour le Secrétariat,

Les Secrétaires:

OTTO RIESER.

PAUL DINICHERT.

TROISIÈME SÉANCE DE COMMISSION.

18 septembre 1906.

Présidence de M. Adrien Lachenal, Vice-Président.

La séance est ouverte à 4 heures.

Le Président ouvre la discussion générale au sujet de l'entrée en matière sur le projet de Convention internationale sur l'interdiction du travail de nuit des femmes employées dans l'industrie.

La parole n'étant pas demandée, on passe à la discussion par articles.

L'ARTICLE PREMIER est ainsi conçu :

Le travail industriel de nuit sera interdit à toutes les femmes, sans distinction d'âge, sous réserve des exceptions ci-après :

La présente Convention s'applique à toutes les entreprises industrielles où sont employés plus de dix ouvriers et ouvrières; elles ne s'applique en aucun cas aux entreprises où ne sont employés que les membres de la famille.

A chacun des Etats contractants incombe le soin de définir ce qu'il faut entendre par entreprises industrielles. Parmi celles-ci seront en tous cas comprises les mines et carrières, ainsi que les industries de fabrication et de transformation des matières; la législation nationale précisera sur ce dernier point la limite entre l'industrie, d'une part, l'agriculture et le commerce, de l'autre.

M. de Lagerheim demande ce qu'il faut entendre par « les membres de la famille ».

M. Caspar fait observer que le terme « Familienglieder » (membres de la famille) est employé dans la législation allemande sans commentaire spécial et comprend tous ceux qui appartiennent à la famille. D'ailleurs, la portée générale de cette question n'est pas très considérable. Tout au plus peut-on se demander si l'expression « en aucun cas » doit être maintenue, ou si l'exemption s'applique seulement dans les limites de la première phrase de l'alinéa (entreprises où sont employés plus de dix ouvriers et ouvrières); peut-être vaudrait-il mieux suppri

mer les mots << en aucun cas ». Quoi qu'il en soit, il s'agit là de petites exploitations peu nombreuses.

M. Kaufmann: Le terme « membres de la famille » peut, en effet, provoquer des malentendus en ce sens qu'on se demandera s'il s'agit de la famille de l'ouvrier ou de celle de l'entrepreneur ou chef d'entreprise; c'est cette dernière famille qui doit être visée.

M. Müller estime que la Commission devrait s'en tenir au texte adopté il y a un an; la Conférence technique a voulu établir une exception en faveur de l'industrie à domicile. En tous cas, l'expression << entreprises », employée dans la seconde phrase et consignée déjà dans la première (entreprises industrielles), ne saurait viser que la famille de l'entrepreneur.

M. Fontaine explique que la législation française considère comme atelier de famille celui où ne travaillent que les membres de la famille, peu importe leur nombre, sous l'autorité de leur père, de leur mère ou de leur tuteur. Il ne peut, d'ailleurs, y avoir de doute s'il s'agit des enfants ou pupilles du chef d'entreprise.

M. de Lagerheim se déclare satisfait des explications données.

M. Caspar propose de rétablir le texte adopté il y a un an et ainsi conçu : « exceptions prévues ci-après ». Le double point serait supprimé, car les exceptions mentionnées ne sont pas énumérées immédiatement, mais seulement dans le troisième alinéa.

La Commission se rallie à cette manière de voir.

M. Kaufmann: La Conférence de 1905 a délibéré en deux langues et a adopté les textes en deux langues; or, le texte allemand renferme les mots : « unter allen Umständen » qui, omis d'abord dans le texte français, y ont été replacés.

Le Président constate que les mots « en tous cas » sont maintenus.

M. Vedel déclare ce qui suit : « Le Gouvernement de Danemark m'a donné pour instruction de faire une réserve quant au point suivant: Selon l'avis de mon Gouvernement, il faut faire une distinction entre les fabriques et les ateliers, car il n'est pas à désirer que les mêmes règles, adoptées par la Conférence quant aux fabriques proprement dites, soient en tous cas aussi applicables aux ateliers où l'on emploie plus de dix ouvriers et ouvrières. Selon la loi du 11 avril 1901, on ne fait pas de distinction entre les fabriques et les ateliers sur la base du nombre des ouvriers employés dans l'exploitation. Le Gouvernement désirerait ne pas être lié à des dispositions définitives et voudrait être à même de faire la distinction concrète dans chaque cas, eu égard aux circonstances spéciales, déterminées par la nature de l'exploitation, surtout quant à l'emploi prépondérant de machines ou non. Si les mots suivants de l'alinéa 3 de l'art. 1er: « A chacun des Etats contractants incombe le soin de définir ce qu'il faut entendre par entreprises industrielles » ne permettent pas au Danemark de faire ladite distinction, je devrai faire une réserve sur ce point au moment de signer la Con

vention ».

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