Page images
PDF
EPUB

propos de l'interprétation rigoureuse des mots : blocus effectif. « Il faut, dit-il, se mettre en garde contre deux extrêmes. Les uns admettent que pour que le blocus soit réel et effectif il faut que les forces ennemies soient suffisantes pour intercepter d'une façon absolue le commerce avec la place bloquée, et déclarent le blocus non effectif, si un seul navire parvient à forcer le blocus sans être remarqué et capturé : c'est demander l'impossible. L'autre opinion extrême va trop loin dans le sens inverse et déclare le blocus effectif lorsqu'un croiseur a réussi à empêcher quelques navires de passer. »

Pratique des nations

§ 2578. Dans la pratique les nations maritimes paraissent avoir adopté un terme moyen. La capture accidentelle d'un navire neutre maritimes. par un croiseur ne suffit pas pour rendre un blocus effectif; il faut qu'il y ait évidence, réalité d'un danger à essayer de forcer les croisières. Par contre, le blocus ne cesse pas d'être effectif parce que exceptionnellement un ou deux navires sont parvenus à éluder la vigilance des forces bloquantes et à en franchir la ligne sans encombre.

:

$2579. C'est ainsi qu'a jugé la haute cour d'amirauté d'Angleterre dans le cas du navire russe Franciska (25 janvier 1855). Appelé à se prononcer sur la question de savoir si le blocus du port de Riga était effectif, le docteur Lushington, après avoir fait observer que toutes les définitious généralement données du blocus sont et doivent même d'après la nature de l'opération être vagues et incertaines, ajoutait « Le maintien d'un blocus doit toujours être une question du degré de danger auquel s'exposent les navires qui entrent dans un port bloqué ou qui en sortent. Rien n'est plus éloigné de mon intention, ni n'est assurément plus opposé à mes notions du droit des gens qu'un relâchement de la règle qu'un blocus doit être maintenu par des forces suffisantes; mais il est parfaitement clair qu'aucune force ne peut barrer l'entrée avec une certitude absolue; qu'il est possible que des navires entrent ou sortent pendant la nuit, des brouillards, des vents violents ou une absence accidentelle. Aussi je crois que dans tous les cas l'enquête a eu pour but de constater si les forces bloquantes étaient capables de maintenir le blocus et si elles étaient présentes, et, les choses étant ainsi, on a présumé l'accomplissement du devoir. Je pense pouvoir affirmer en toute sûreté que dans aucun cas où les forces bloquantes étaient sur les lieux ou à proximité on n'a considéré le blocus comme nul parce que des navires sont entrés

[blocks in formation]

Notification des blocus.

dans le port ou en sont sortis sans que cette entrée ou cette sortie ait eu lieu du consentement de l'escadre bloquante *. »

$ 2580. Les diverses garanties habituellement exigées pour donner aux blocus un caractère sérieux de légitimité ne suffisent cependant pas encore, malgré la valeur intrinsèque qu'elles peuvent offrir soit isolément, soit même réunies, pour protéger efficacement les intérêts et les droits des neutres. Il reste à remplir une dernière condition, sur l'importance et le caractère de laquelle les auteurs ne sont pas d'accord: nous voulons parler de la publicité donnée par voie de notification à la résolution prise de bloquer un port.

**

Il y a trois espèces de notifications. La première est celle que le commandant des forces bloquantes, afin de marquer le commencement du blocus et d'en circonscrire l'action, signifie aux autorités des lieux dont il est chargé d'intercepter les communications avec le dehors par la voie de mer: c'est un préliminaire rigoureusement exigé et dont l'omission rendrait les captures à la sortie du port absolument nulles. La seconde est celle que l'on qualifie de générale ou diplomatique, et qui est communiquée aux gouvernements neutres. La troisième, qui prend le nom de spéciale, est celle que le commandant croiseur fait aux navires qui se dirigent sur la ligne de blocus ou qui s'y trouvent Considéra- $ 2581. Pour acquérir leur caractèrè obligatoire les lois doivent notifications. être promulguées, rendues publiques, portées à la connaissance de ceux qui doivent les exécuter. Il en est de même du blocus, dans lequel la notification remplit le rôle de cette publication en lui imprimant force de loi. Il y a cependant une différence à faire dans la comparaison que nous établissons ici; car, tandis que dans le premier cas il ne peut être question que des nationaux du pays sur lequel la juridiction doit s'exercer, la question dans le second cas s'étend à des personnes qui ne sont à aucun titre soumises à la souveraineté de la puissance de qui émane la notification. Comme il s'agit donc ici de rapports internationaux, le belligérant

tions sur les

Ortolan, Règles, t. II, pp. 328-331; Bluntschli, § 829; Massé, t. I, § 291; Phillimore, Com., v. III, § 293; Reddie, Researches, v. II, p. 16; Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 3, § 28; Gessner, pp. 169-176; Heffter, §§ 154, 155; Klüber, Droit, § 297.

** Ortolan, Règles, t. II, pp. 335 et seq.; Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 222, 223 ;Massé, t. I, § 301; Gessner, pp. 179 et seq.; Heffter, § 155; Bluntschli, § 831; Morin, Les lois, t. II, p. 122; Wheaton, Elém., pte. 4, ch. 3, § 28; Kent, Com., v. I, p. 148; Twiss, War, § 105; Duer, v. I, lect. 7, § 34; Manning, p. 323; Wildman, v. II, pp. 187 et seq.; Fiore, t. II, pp. 453, 454; Bello, pte. 2, cap. 8, § 5.

qui établit un blocus a recours à l'entremise diplomatique pour notifier le fait aux gouvernements étrangers, qui le portent ensuite à la connaissance de leurs sujets afin que ceux-ci soient prévenus des conséquences fâcheuses que pourrait avoir pour eux la continuation de leur commerce avec les lieux bloqués. Toutefois cette notification générale, pas plus que celle que le commandant des forces bloquantes adresse aux autorités du lieu bloqué, ne constitue en principe une condition de la validité du blocus. Sans doute ces notifications sont de précieux moyens de répandre la connaissance du blocus; elles ont pour effet d'en instruire les gouvernements et les habitants du lieu où elles se font ; mais elles n'en informent pas directement les personnes que le fait intéresse le plus, notamment les capitaines de navires, que les circonstances mêmes de leur navigation et la date de leur départ peuvent avoir mis dans l'impossibilité matérielle de savoir qu'un obstacle inopiné a surgi dans les lieux qui doivent marquer le terme de leur voyage. Au surplus il est des blocus, très-réguliers du reste, qui ne peuvent être notifiés par la voie diplomatique. Cette notification peut bien faire connaître le fait existant au moment même où elle a lieu; mais ce fait peut changer ou cesser d'un instant à l'autre, de sorte qu'on ne saurait nier aux neutres le droit de vérifier personnellement si l'investissement, bien que notifié, n'a pas cessé, et si le blocus n'est pas levé.

« Les forces bloquantes, dit Ortolan, peuvent à chaque moment être dispersées ou détruites par des forces supérieures de l'ennemi; le mauvais temps ou le manque de vivres peut les mettre dans la nécessité de s'éloigner. On conçoit, d'après toutes ces considérations, que les sujets des puissances neutres, bien qu'avertis de la notification diplomatique du blocus, se hasardent néanmoins à faire voile pour le lieu bloqué avec l'espoir d'en trouver l'entrée libre, le blocus ayant pu être levé dans l'intervalle de leur voyage. »

Le navire pacifique venant donc vérifier s'il y a blocus, le belligérant doit lui faire connaître le véritable état des choses. Cette notification toute particulière, personnelle, doit être faite par un des officiers des bâtiments de guerre chargés de maintenir l'investissement à chaque navire neutre qui se présente pour entrer dans port bloqué. Nous ne pensons pas que ce soit aller trop lon que de regarder la notification spéciale commè une formalité essentielle du blocus, sinon obligatoire même pour le belligérant blo

le

Ortolan.

Doctrine anglaise.

William Scott.

quant c'est ce qui résulte d'ailleurs de la généralité des ouvrages dans lesquels est traitée cette question *.

$ 2582. Malheureusement ce principe n'est pas adopté sans restriction par toutes les puissances. Les Anglais prétendent que la notification diplomatique implique la connaissance du blocus suffisamment pour qu'il ne soit pas nécessaire aux forces bloquantes de donner un avertissement spécial à chaque navire neutre voulant entrer dans un port bloqué après être parti d'un port où la notification a pu être reçue. C'est à l'aide de cet argument que la Grande-Bretagne a cherché à justifier les abus qu'elle a commis à l'abri de ses blocus de cabinet (1), expédient dont elle s'est fait un élément pour ainsi dire constitutif à son propre usage et qui l'a puissamment aidée dans ses violentes attaques contre le commerce des neutres.

Tout en adoucissant parfois la vieille théorie britannique sur les blocus, Sir William Scott en a déduit des conséquences non moins dangereuses, ainsi qu'on peut en juger par la citation suivante : « Il y a, dit-il, deux sortes de blocus: l'un résultant du simple fait, l'autre résultant d'une notification accompagnée du fait. Dans le premier cas, quand le fait cesse autrement que par accident ou par le changement des vents, la fin du blocus a lieu immédiatement; mais quand le fait est accompagné d'une notification publique du gouvernement belligérant aux gouvernements neutres, je crois prima facie que le blocus doit être supposé exister jusqu'à ce qu'il ait été publiquement levé. Indubitablement l'État belligérant qui a notifié l'existence du blocus doit aussi en notifier de la même manière et immédiatement la discontinuation; ne pas le faire en temps convenable, dès que l'investissement a cessé de fait, serait une fraude à l'égard des neutres, de laquelle nous ne devons supposer aucun pays capable. Je ne dis pas qu'un blocus de cette sorte ne puisse dans quelque cas cesser de facto; mais je dis qu'un pareil procédé ne doit pas être imputé légèrement à une nation. Aussi tant qu'un fait n'a pas été clairement établi je maintiendrai qu'un blocus par notification doit prima facie

[ocr errors]

Ortolan, Règles, t. II, pp. 335 et seq.; Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 223 et seq.; Pistoye et Duverdy, Traité, t. I, pp. 369 et seq.; Massé, t. I, § 301; Cauchy, t. II, p. 421; Gessner, pp. 180, et seq.; Bluntschli, § 832; Fiore, t. II, pp. 454-457; Heffter, S$ 155, 156.

(1) Voyez la section II de ce livre.

être présumé continuer jusqu'à ce que la notification soit révoquée. »

Le but de cette doctrine, qui est entrée dans la pratique anglaise, se réduit à établir une præsumptio juris et de jure relativement à la connaissance du blocus. Et ce qui prouve que cette présomption doit légalement exister pour la continuation du blocus, c'est que les cours d'amirauté britanniques n'admettent pas que l'avertissement spécial fait aux capitaines neutres soit nécessaire pour légitimer la capture des navires à leurs yeux, il suffit que le bâtiment ait pour destination réelle ou présumée le port bloqué; elles n'exceptent de cette règle arbitraire que les navires expédiés non du pays dont ils portent le pavillon, mais d'une contrée assez éloignée pour qu'on puisse présumer que la nouvelle de l'interdiction du commerce n'y est pas parvenue.

Nous croyons avoir réfuté victorieusement et sans réplique cette triste doctrine, lorsque nous avons fait ressortir la distinction qui existe entre les trois modes de notification que l'usage a sanctionnés le premier ayant un caractère purement local, le second général, et le troisième spécial. Nous avons démontré que les deux premiers ne sauraient en aucun cas suppléer le dernier, et nous sommes d'avis que confondre deux choses d'une portée si manifestement différente, ce serait fermer les yeux sur les abus révoltants des prétentions anglaises et repousser de gaité de cœur un des éléments juridiques essentiels du blocus *.

Jurisprudence

$ 2583. Contrairement à cet inique système, la pratique et la jurisprudence des cours de prises françaises ont érigé en principe: française. 1° Que la notification générale ne suffit pas par elle-même pour autoriser juridiquement la déduction que les neutres ont eu connaissance du blocus;

2o Que pour que le blocus devienne légalement obligatoire avec toutes ses conséquences il faut que la notification diplomatique, considérée avec raison comme toujours utile, soit dans chaque cas particulier complétée, corroborée par une notification spéciale aux neutres qui se présentent sur la ligne du blocus.

Telle était la substance des instructions données aux croiseurs

Gessner, pp. 181 et seq.; Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 3, § 28; Ortolan, Règles, t. II, pp. 336 et seq.; Heffter, § 156; Phillimore, Com., v. III, § 390; Twiss, War, § 105; Duer, v. I, lect. 7, § 34; Kent, Com., v. I, pp. 148, 149; Wildman, v. II, pp. 190 et seq.; Halleck, ch. 23, § 17; Pistoye et Duverdy, Traité, t. I, pp. 374, 375; Robinson, Adm. reports, v. I, p. 171.

« PreviousContinue »