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ciation de ses deux devanciers; il penche plus en faveur des droits Hautefeuille. des neutres et n'admet comme indispensable que l'avertissement particulier ou spécial.

La notification diplomatique, dit-il, ne peut être faite que lorsque déjà la conquête existe réellement; car la prise de possession est la source unique du pouvoir accordé au belligérant. La notification diplomatique n'a donc aucune signification, aucune valeur par elle-même; elle ne peut déterminer ni le commencement ni la fin des opérations; elle est impuissante à modifier en rien la durée du blocus ou de ses effets, soit en leur faisant devancer le moment de la conquête, soit en les prolongeant au delà de la possession réelle. C'est la simple démonstration d'un fait existant, et la déclaration de la manière dont le conquérant entend user du domaine conquis.

« La notification diplomatique n'est donc pas le blocus; elle n'est même pas une formalité essentielle du blocus. L'investissement et la prohibition du commerce peuvent exister dans toute leur plénitude, sans que cet acte ait été fait; mais elle est utile pour épargner aux neutres un dommage beaucoup plus grand que celui qu'ils doivent supporter réellement. Elle les empêche de faire pour les lieux bloqués des expéditions commerciales qui ne pourraient pas atteindre le but, et par conséquent elle leur épargne des pertes considérables. Sans doute ce n'est pas dans ce but que certaines nations, notamment l'Angleterre, font la notification diplomatique; mais, d'après les lois internationales, cet acte ne peut réellement avoir aucune autre utilité.

« La notification diplomatique, n'étant pas essentielle pour la formation du blocus, n'est pas obligatoire pour le belligérant. La loi secondaire ne contient pas une seule disposition qui puisse lui attribuer ce caractère. Il résulte même des traités modernes que cet acte n'a aucune importance et peut être omis sans inconvénient. Cependant les nations européennes sont dans l'usage de le faire... Ainsi donc la notification diplomatique n'est pas essentielle au blocus; elle n'est pas obligée de la part du belligérant; elle n'a aucune valeur intrinsèque; elle est seulement déclarative d'un fait et tombe d'elle-même, si le fait n'existe pas ou cesse d'exister. C'est un acte d'humanité envers les peuples neutres. Elle peut faire connaître le fait existant au moment même où elle a lieu; mais ce fait peut cesser à chaque instant. D'ailleurs il est des blocus très-réguliers qui ne peuvent être notifiés par cette voie offi

Gessner.

Des formes usitées pour

tions généra

matiques.

cielle. Il arrive souvent que les amiraux, usant des pouvoirs qui leur sont donnés par leurs souverains, forment le blocus de lieux éloignés de leur patrie, de telle sorte qu'il y a impossibilité de faire la notification diplomatique ou que du moins le blocus existe longtemps avant qu'il soit possible de le faire. Ainsi donc le blocus peut n'exister pas malgré la notification diplomatique, et le blocus peut exister très-légitimement sans notification diplomatique. D'un autre côté, le blocus impose des obligations onéreuses aux peuples neutres; mais il ne les impose qu'alors qu'il existe réellement... »

$ 2587. Gessner nous semble avoir tiré des conséquences forcées de la pratique généralement suivie en matière de blocus. Cet auteur attache en effet à la notification diplomatique une valeur telle que lorsqu'elle n'a pas eu lieu, toutes les autres conditions requises eussent-elles été remplies, il conteste au belligérant le droit de confisquer les navires qui cherchent à violer le blocus, et prétend lui imposer l'obligation de faire annuler toutes les captures opérées. C'est là une doctrine purement spéculative, qui, à notre connaissance, n'a encore été sanctionnée par aucune cour de prises. ni adoptée par aucune puissance maritime *.

§ 2588. La notification diplomatique ou générale s'opère soit les notifica- par une communication écrite que le belligérant adresse aux États les ou diplo- neutres, soit par un avis officiel relatant la date du commencement du blocus et précisant la zone nautique qu'il doit embrasser. Dans certaines circonstances on a aussi recours à des publications exprimant l'intention d'établir le blocus, annonçant le départ de l'escadre qui sera chargée de le maintenir, et fixant le commencement des opérations hostiles; nous avons à peine besoin d'ajouter qu'un mode de notification si minutieux, impliquant d'ailleurs une très-grande courtoisie internationale, est peu usité **.

Caractère

que les trai

§ 2589. Sir William Scott et presque tous les publicistes anglais tés donnent à nient la nécessité de la notification spéciale, en se fondant sur ce que la notification générale possède intrinsèquement une force qui

la notification spéciale.

Sir W. Scott. rend superflue toute confirmation particulière.

Pistoye et Duverdy, Traité, t. I, pp. 369, 370; Ortolan, Règles, t. II, p. 335-342; Cauchy, t. II, pp. 421, 422; Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 223 et seq.; Gessner, pp. 180 et seq.

Pistoye et Duverdy, Traité, t. I, p. 369; Ortolan, Règles, t. II, p. 335; Phillimore, Com., v. III, § 291; Duer, v. I, lect. 7, § 34; Halleck, ch. 23, § 18; Blunschli, § 831; Heffter, § 155.

Cette doctrine est en opposition directe avec le droit conventionnel écrit. Parmi les nombreux traités qui ont formellement consacré la nécessité des notifications spéciales nous citerons ceux du 4 septembre 1816 entre les États-Unis et la Suède (1), du 21 août 1828 entre la France et le Brésil (2), du 15 septembre de la même année entre les villes Hanséatiques et le Mexique (3), du 9 décembre 1834 entre la France et la Bolivie (4), ceux que les États-Unis d'Amérique ont conclus en 1836 avec le Vénézuéla (5) et la Bolivie (6), le 26 novembre 1858 avec la Sardaigne (7) et le 13 juin 1859 avec l'Équateur (8), celui du 30 juillet 1842 entre l'Autriche et le Mexique (9), enfin ceux que la France a signés le 25 septembre 1859 avec le Texas (10), le 25 mars 1843 avec le Vénézuéla (11) et le 28 octobre 1844 avec la Nouvelle Grenade (12). Bien que tous ces traités fassent de la notification spéciale une condition absolue et obligatoire pour la validité des captures, il faut reconnaître pourtant qu'en cette matière le droit positif n'est pas encore arrivé à poser un principe uniforme et doctrinal, et qu'une certaine divergence continue de subsister sur ce point, puisque l'Angleterre et plusieurs autres nations européennes n'ont pas cru jusqu'ici devoir l'inscrire dans leurs traités de commerce et de navigation. Aussi, quand il présente la question des notifications spéciales comme définitivement résolue, Hautefeuille oublie-t-il que les stipulations conventionnelles sur lesquelles il appuie cette assertion ne lient que les États qui les ont

(1) Elliot, v. I, p. 193; State papers, v. VI, p. 175; Martens, Nouv. recueil, t. IV, p. 251.

(2) De Clercq, t. III, p. 503; Martens, Nouv. recueil, t. VIII, p. 60; Bulletin des lois, 1829, no 311; Lesur, 1828, app., p. 190.

(3) Martens, Nouv. suppl., t. I, p. 684.

(4) De Clercq, t. IV, p. 284; Bulletin des lois, 1837, no 528; Lesur, 1837, app., p. 36.

(5) State papers, v. XXIV, p. 746; Martens, Nouv. recueil, t. XIII, p. 544.

(6) Martens, Nouv. recueil, t. XV, p. 113.

(7) Savoie, t. VI, p. 58; Martens, Nouv. recueil, t. XVI, p. 266; State papers, v. XXVII, p. 1017.

(8) Martens-Murhard, t. IV, p. 298; State papers, v. XXIX, p. 1296.

(9) Neumann, t. IV, p. 503; Martens-Murhard, t. III, p. 432; State papers, v. XXXIII, p. 734.

(10) De Clercq, t. IV, p. 502; Martens, Nouv. recueil, t. XVI, p. 987; State papers, v. XXX, p. 1228; Bulletin des lois, 1840, no 710; Lesur, 1810, app., p. 24.

(11) De Clercq, t. V, p. 7; Martens-Murhard, t. V, p. 165; Bulletin des lois, 1844,

no 1110.

(12) De Clercq, t. V, p. 248; Martens-Murhard, t. VII, p. 613; Bulletin des lois, 1846, n. 1333.

Réglement

danois de 1864.

Forme dans laquelle la no

ciale doit être faite.

souscrites et qu'elles sont toujours privées de l'assentiment explicite de la première puissance maritime du globe, l'Angleterre *.

§ 2590. L'article 2 du réglement danois promulgué le 16 février 1864 (1) porte : « La simple tentative de forcer la ligne de blocus n'entraîne pas la saisie du navire, si, eu égard au peu de temps qui s'est écoulé depuis la notification générale, on est équitablement fondé à admettre que le navire au moment de la tentative n'avait pas connaissance du blocus. Toutefois le commandant du blocus est tenu dans ce cas de donner au navire neutre en question connaissance de l'état des choses; et après avoir consigné sur les papiers du navire, en particulier sur les documents qui servent à constater la nationalité et sur le journal de l'équipage, la mention que la formalité a été remplie, il doit relâcher le navire en l'obligeant à suivre une autre direction. » Cette pratique, qui constitue une sorte de moyen terme entre la règle adoptée par la France et la marche suivie par l'Angleterre, présente de graves inconvénients enlevant à la notification spéciale son caractère absolument obligatoire et indispensable, elle subordonne l'avertissement à donner à chaque navire à une appréciation arbitraire des circonstances et crée ainsi une jurisprudence incertaine, anormale, et, pour ainsi dire, casuistique.

A nos yeux, le seul moyen d'éviter tous ces écueils, de prévenir les abus de la force et de sauvegarder efficacement tous les intérêts, c'est de poser comme règle absolue qu'il n'y a violation de blocus que de la part de celui qui a été dûment prévenu de son existence.

$ 2591. Les traités ne vont pas jusqu'à fixer les termes dans tification spé- lesquels la notification spéciale doit être faite. Nous lisons à l'article 20 du traité conclu le 20 janvier 1856 (2) entre les États-Unis et le Vénézuéla: «Il est convenu qu'en semblable circonstance tout navire pourra être renvoyé du port ou du lieu; mais il ne sera retenu ni confisqué aucune partie de son chargement, pourvu qu'elle ne se compose point d'articles de contrebande, à moins que après avoir été averti du blocus ou attaqué par le commandant d'un des bâtiments formant les forces bloquantes le navire tente de nouveau d'entrer..... >>

Hautefeuille, Des droits, t. II, p. 227; Ortolan, Règles, t. II, p. 339; Kent, Com., v. I, p. 150, note b.

(1) Archives dipl., 1864, t. II, p. 118; Moniteur, 27 février 1864.

(2) Martens, Nouv. recueil, t. XIII, p. 544; State papers, v. XXIV, p. 716.

La convention franco-brésilienne du 21 août 1828 (1) est plus explicite comme elle a en quelque sorte servi de prototype aux clauses analogues des traités que la France a depuis lors et successivement conclus avec la Bolivie, le Texas, le Vénézuéla, l'Équateur et la Nouvelle Grenade, il nous paraît utile d'en reproduire ici le texte littéral :

<< Aucun bâtiment de commerce appartenant aux sujets de l'une des hautes parties contractantes qui sera expédié pour un port, lequel se trouvera bloqué par l'autre, ne pourra être saisi, capturé ou condamné, si préalablement il ne lui a été fait une notification ou signification de l'existence ou de la continuation du blocus par les forces bloquantes ou par quelque bâtiment faisant partie de l'escadre ou de la division du blocus; et pour qu'on ne puisse alléguer une prétendue ignorance du blocus, et que le navire qui aura reçu cette intimation soit dans le cas d'être capturé, s'il vient ensuite à se représenter devant le port bloqué pendant le temps que durera le blocus, le commandant du bâtiment de guerre qui fera la notification devra apposer son visa sur les papiers du navire visité en indiquant le jour, le lieu où la hauteur où sera faite la signification de l'existence du blocus, et le capitaine du navire visité lui donnera un reçu de cette signification contenant les mêmes déclarations exigées pour le visa*. »

$ 2592. Il nous reste à examiner si la notification spéciale est obligatoire à l'égard des navires mouillés dans le port avant l'établissement du blocus et désirant mettre en mer. On conçoit que pour satisfaire aux exigences multiples de la navigation et pour sauvegarder des opérations engagées de bonne foi dans l'ignorance des faits qui ont pu surgir inopinément sur des points écartés du globe avec lesquels il n'existe pas de communications régulières et fréquentes, le droit international ait subordonné à l'accomplissement de certaines formalités, à une série d'avertissements préalables, la capture et la confiscation des navires neutres qui, arrivant de la haute mer, se présentent sur la ligne d'un blocus. Mais les mêmes considérations de haute équité ne sauraient être invoquées en faveur des navires qui se trouvent mouillés dans l'intérieur d'une rade au moment où le port est investi

(1) De Clercq, t. III, p. 503; Martens, Nouv. recueil, t. VIII, p. 60; Bulletin des lois, 1829, no 311; Lesur, 1828, app., p. 190.

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Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 230, 231; Ortolan, Règles, t. II, pp. 338, 339; Pistoye et Duverdy, Traité, t. I, pp. 370, 371; Gessner, pp. 205, 206.

Position des navires

mouillés dans

le port au mo

ment de l'éta

blissement du

blocus.

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