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tif. Sir William Scott soutient que « lorsqu'une escadre bloquante Sir W. Scott. est repoussée par des accidents de temps, qui ont dû naturellement entrer dans les prévisions du belligérant qui impose le blocus, il n'y a pas lieu de supposer que cette circonstance crée un changement de système, attendu qu'on ne pourrait compter sur la continuation d'aucun blocus pendant plusieurs mois sans être exposé à de telles interruptions temporaires. x

§ 2612. Bello semble accepter cette pratique, car il dit : « L'absence accidentelle de l'escadre bloquante par suite de tempête ne doit point être considérée comme une interruption du blocus, de sorte que le neutre qui chercherait à profiter de la circonstance pour s'introduire dans le port bloqué se rendrait coupable d'une tentative frauduleuse. Mais si le service de l'escadre était fait avec négligence, si la surveillance venait à manquer ou si les croiseurs en plus ou en moins grand nombre étaient momentanément rappelés pour être employés à une autre mission et de manière à rendre insuffisantes les forces restées au mouillage, l'interruption, n'eûtelle qu'une très-courte durée, suspendrait en réalité le blocus. »

Bello.

Phillimore.
Wildman.
Wheaton.

§ 2613. «Il serait inutile pour les gouvernements », disait Sir Sir W. Scott. W. Scott, à propos de l'affaire du navire la Jung Frau Maria Schroeder, « de décréter des blocus, si ceux qui sont chargés de les maintenir négligeaient leurs devoirs; car il en résulterait les plus graves inconvénients. Que le bruit se répande, par exemple, qu'un blocus a été levé, aussitôt les spéculateurs voudront mettre la nouvelle à profit; la propriété des imprudents tombera dans le piége, et l'honneur même des belligérants se trouvera compromis. Toutes les fois que le blocus est volontairement suspendu ou que la présence d'une force ennemie oblige à le lever, on doit le considérer comme terminé, et il faut un nouvel avis pour qu'il produise de nouveau ses effets. » Telle est généralement l'opinion soutenue par Phillimore, Wildman et Wheaton.

§ 2614. Riquelme admet que la nation qui a recours au blocus doit être considérée comme étant en possession du lieu et comme substituant sa souveraineté à celle qu'y exerçait le maître du territoire. Partant de cette base, il ne pouvait évidemment prêter son appui aux règles que nous venons d'analyser; aussi, tout en reconnaissant qu'une tempête puisse entraîner la levée d'un blocus, il exige pour cela que l'escadre chargée de le maintenir se soit éloignée à une distance telle qu'on ait perdu de vue tous les bâtiments dont elle se compose.

Riquelme.

Halleck,

Lorsque l'escadre

délogée de son

l'escadre en

$ 2615. L'opinion de Halleck sur cette question n'est pas bien arrêtée. Cet auteur dit, il est vrai, que l'absence accidentelle, quand elle est de courte durée, ne produit pas les effets que lui attribuent d'autres auteurs, et il soutient que si l'escadre, par suite de tempête ou d'autre fortune de mer, a souffert des avaries qui l'ont contrainte de s'eloigner, le blocus doit être considéré comme étant levé, ainsi que cela aurait lieu si elle avait été délogée de ses positions par une escadre ennemie. Il fait en outre observer que certains ports sont exposés à des tempêtes périodiques, qui mettent les navires chargés de les bloquer dans l'obligation de se réfugier ailleurs et de laisser ainsi le blocus en suspens *.

$ 2616. Nous allons maintenant examiner les résultats qui se bloquante est produisent lorsque l'escadre qui maintient le blocus vient à être mouillage par délogée de son mouillage par une escadre ennemie. Il est évident nemie. qu'un semblable fait a pour conséquence immédiate et directe, non plus une simple suspension, mais la cessation entière, la fin du blocus, et que l'investissement rétabli par les mêmes forces navales ou par d'autres appartenant à la même nation doit être considéré comme un blocus nouveau et non comme la suite du précédent. Un événement de ce genre entraîne un changement radical dans le caractère de la guerre. La puissance qui attaque peut diriger ses forces vers un autre point, changer ses plans stratégiques, modifier, en un mot, l'ensemble de ses opérations. Qui ne voit qu'au milieu de l'incertitude que font naître ces diverses suppositions, les neutres peuvent de bonne foi et logiquement être conduits à penser que le port dont il s'agit jouit de nouveau de la pleine et entière liberté de reprendre ses opérations commerciales, sans être obligés de prévoir ou de présumer que le blocus puisse être rétabli? En pareil cas ni la notification diplomatique, ni la notoriété du fait de la mise en état de blocus, ni même une notification individuelle ne sauraient avoir pour effet d'empêcher la communication des neutres avec le lieu bloqué.

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§ 2617. La jurisprudence anglaise elle-même s'est prononcée dans ce sens. Dans un jugement qu'il a rendu en 1805 (affaire du Hoffnung), Sir William Scott, présidant la haute cour d'amirauté,

Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 213, 214; Hautefeuille, Questions, pp. 35, 36; Pistoye et Duverdy, t. I, p. 378; Ortolan, Règles, t. II, p. 344; Twiss, War, § 103; Bello, pte. 2, cap. 8, § 5; Phillimore, Com., v. III, § 294; Wildman, v. II, pp. 181, 182; Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 3, § 28; Riquelme, lib. 1, tit. 2, cap. 18; Halleck, ch. 23, § 5; Robinson, Adm, reports, v. III, p. 155,

s'exprime ainsi : « Lorsque l'escadre bloquante a été repoussée par des forces supérieures, il peut survenir une nouvelle série d'événements qui peuvent aboutir à une disposition très-différente de forces bloquantes et faire naître une suite très-différente de présomptions en faveur de la liberté ordinaire des spéculations commerciales. En pareil cas le commerçant neutre n'est pas obligé de prévoir ou de conjecturer que le blocus sera repris. Conséquemment, si le blocus doit être renouvelé, il faut recourir de nouveau aux mesures d'usage, sans égard à l'état précédent des faits, lesquels ont été effectivement interrompus. »

historiques. Guerre de sécession aux

1863.

§ 2618. L'équité voudrait sans doute qu'il en fût toujours ainsi; Précédents mais les États-Unis, lors de la guerre de sécession, ont montré, à l'occasion du blocus des côtes du Texas et de la Caroline du Sud, Etats-Unis. qu'ils n'étaient pas disposés à mettre ces règles en pratique. Ainsi le 31 janvier 1865 les navires confédérés ayant attaqué l'escadre fédérale chargée de bloquer Charleston et l'ayant forcée à se retirer, les autorités locales notifièrent aux consuls étrangers la cessation du blocus. L'agent d'Angleterre, s'étant alors rendu avec le vapeur Petrel jusqu'à une distance de cinq milles au delà de l'ancienne ligne d'investissement, constata qu'il n'y existait aucun navire ennemi; mais dès le lendemain une nouvelle escadre fédérale, composée de vingt bâtiments, se présenta pour reconstituer le blocus.

Les mêmes faits se produisirent à Galveston, avec cette différence que les forces bloquantes, tardèrent dix jours avant de reprendre leurs positions.

2619. Les journaux des deux parties adverses engagèrent à ce sujet un débat très-vif: ceux des Confédérés prétendirent que l'investissement ne pouvait pas recommencer sans une nouvelle notification diplomatique, et que même entre cette notification et le blocus il devait s'écouler un intervalle de soixante jours; à ces exigences les journaux du Nord répondirent que le blocus notifié au mois de janvier n'avait pas cessé d'exister, malgré la dispersion essuyée par l'escadre fédérale et l'absence momentanée de ses croi

seurs.

Le publiciste américain Dana, qui a si savamment commenté les ouvrages de Wheaton, a pris soin de réfuter ce qu'il y a d'extrême dans cette dernière doctrine, en adhérant sans réserve aux déclarations faites par Lord Russell dans une dépêche qu'il adressait le 10 février 1863 à M. Mason, agent des Confédérés à

Polémique soutenue

dans la presse.

Dana.

Changement de destination

de

bloquante.

Londres. « On ne saurait douter, disait le chef du Foreign office anglais, que le blocus ne continue de subsister légalement quand le mauvais temps seul impose à l'escadre bloquante un éloignement momentané: c'est là un accident fortuit, qui n'entraîne ni la suspension ni la levée définitive du blocus. Ce double résultat se produit, au contraire, de plein droit lorsque la dispersion des bâtiments bloquants est causée par l'action d'une force navale supérieure, et pour rétablir le blocus il faut de toute nécessité un nouvel avertissement » *.

S2620. Tous les publicistes sont d'accord pour admettre que le l'escadre blocus cesse du moment que les navires bloquants se retirent pour remplir une autre mission et sans laisser dans les eaux qu'ils occupaient un nombre suffisant de navires pour continuer l'opération à laquelle ils étaient employés.

Les juges de la cour d'appel d'Angleterre, à propos d'une prétendue violation de l'ile de la Martinique, ont décidé que l'omission d'entretenir aux différentes stations un nombre suffisant de vaisseaux communiquant entre eux de manière à intercepter tous les navires qui tenteraient d'entrer dans les ports de l'île était une négligence qui conduisait nécessairement les navires neutres à croire que l'on pouvait entrer dans ces ports sans courir aucun risque. On ne pouvait supposer que l'apparition périodique d'un bâtiment de guerre dans ces parages constituât la continuation d'un blocus, qui avait été précédemment maintenu par un certain nombre de vaisseaux avec une rigueur telle qu'aucun navire quel qu'il fût n'avait pu pénétrer dans l'île tant que le blocus avait duré.

Il ne faudrait cependant pas déduire de cette règle des conséquences extrêmes et croire que le blocus serait rompu ou terminé parce que certains points de la ligne d'investissement se trouveraient dégarnis pendant que tel ou tel croiseur aurait quitté son mouillage pour se lancer à la poursuite d'un navire suspect: en agissant ainsi le croiseur ne ferait en réalité que s'acquitter d'un des devoirs de sa mission spéciale. La bonne foi exige seulement que l'absence ne se prolonge pas de manière à autoriser le

* Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 3, § 28; Hautefeuille, Quæst., pp. 33 et seq.; Gessner, pp. 191, 192; Ortolan, Règles, t. II, pp. 345-347; Heffter, § 155; Bluntschli, § 833; Phillimore, Com., v. III, § 294; Twiss, War, § 103; Duer, v. I, lect. 7, § 29; Kent, Com., v. I, p. 147; Halleck, ch. 23, § 11; Wildman, v. II, pp. 182, 183; Manning, p. 324, note 1; Bello, pte. 2, cap. 8, § 5; Riquelme, lib. 1, tit. 2, cap. 18; Dana, Elem. by Wheaton, note 233; Jacobsen, Seerecht, p. 683; Robinson, Adm. reports, v. VI, pp. 112 et seq.

soupçon que le bâtiment détaché en croisière ait reçu une autre destination; car dans ce dernier cas le blocus serait légalement considéré comme suspendu *.

ces d'irrégu

le service du

$ 2621. Les mêmes conséquences se produisent lorsqu'il y a Conséquenirrégularité, intermittence ou partialité notoire dans l'observation larités dans du blocus, comme, par exemple, si l'on permettait arbitrairement blocus. l'entrée ou la sortie à certains navires, tandis qu'on l'interdirait à d'autres. Pour qu'on puisse induire légitimement de pareils faits une rupture du blocus, il faut naturellement qu'ils ne soient ni isolés, ni exceptionnels, ni fortuits, mais qu'ils se répètent avec fréquence, de manière à constituer en quelque sorte un parti pris, une règle permanente de conduite **.

§ 2622. En résumé, il semble généralement admis que la cessation de l'investissement réel fait cesser le blocus avec tous ses effets; que l'éloignement même temporaire de l'escadre bloquante, pour une cause provenant de son propre fait ou par l'intervention d'une escadre ennemie, entraine d'ordinaire cette conséquence; mais qu'on regarde comme une exception à la règle générale l'absence des forces bloquantes occasionnée par le vent, l'état de la mer ou d'autres accidents de navigation, et lorsqu'elle est de trèspeu de durée, c'est-à-dire qu'on considère que le blocus n'a pas pour cela cessé d'exister. Cette exception ne saurait toutefois incriminer le neutre qui a profité de l'absence du bloquant pour franchir l'ancienne ligne du blocus.

En cas de reprise d'un blocus réellement interrompu les mêmes mesures requises pour la première mise en état de blocus sont nécessaires pour le rétablir, attendu que les neutres ne sont pas obligés d'agir en vertu d'aucune présomption de son rétablissement de facto.

Enfin, lorsqu'un blocus est levé, il est sans doute, pour que la cessation en soit réelle, du devoir de la puissance bloquante de porter le fait de la levée à la connaissance des autres puissances; mais une notification en pareil cas n'est ni obligatoire ni indispensable le fait matériel établit suffisamment le changement survenu dans l'état de choses; de sorte que la négligence volontaire

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Twiss, War, § 103; Phillimore, Com., v. II, p. 294; Kent, Com., v. I, p. 147; Duer, v. I, lect. 7, § 29; Halleck, ch. 23, § 12; Heffter, § 155; Bluntschli, § 833. Phillimore, Com., v. III, § 295; Duer, v. I, lect. 7, § 30; Wildman, v. II, pp. 180, 181; Halleck, ch. 23, § 13; Bello, pte. 2, cap. 8, § 5; Robinson, Adm. reports, v. VI, p. 372.

Considérations générales sur la du

rée du blocus.

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