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seraient soumis aux mêmes restrictions relativement au commerce et à la navigation que s'ils étaient bloqués effectivement de la manière la plus rigoureuse par les forces navales de Sa Majesté.

Ces ordres, il faut le reconnaître, furent l'objet de critiques sévères au sein du parlement britannique. Lord Erskine les déclara inconstitutionnels et contraires au droit des gens.

2675. Poursuivant son système de représailles, l'empereur Napoléon répondit par ce décret:

«En notre palais royal de Milan, le 17 décembre 1807. «Napoléon, Empereur des Français, Roi d'Italie et Protecteur de la Confédération du Rhin.

Vu les dispositions arrêtées par le gouvernement britannique en date du 11 novembre dernier, qui assujettissent les bâtiments des puissances neutres, amies et même alliées de l'Angleterre, non seulement à une visite par les croiseurs anglais, mais encore à une station obligée en Angleterre et à une imposition arbitraire de tant pour cent sur leur chargement, qui doit être réglée par la législation anglaise; considérant que par ces actes le gouvernement anglais a dénationalisé les bâtiments de toutes les nations de l'Europe; qu'il n'est au pouvoir d'aucun gouvernement de transiger sur son indépendance et sur ses droits, tous les souverains de l'Europe étant solidaires de la souveraineté et de l'indépendance de leur pavillon; que si, par une faiblesse inexcusable et qui serait une tache ineffaçable aux yeux de la postérité, on laissait passer en principe et consacrer par l'usage une pareille tyrannie, les Anglais en prendraient acte pour l'établir en droit, comme ils ont profité de la tolérance des gouvernements pour établir l'infâme principe que le pavillon ne couvre pas la marchandise, et pour donner à leur droit de blocus une extension arbitraire et attentatoire à la souveraineté de tous les États;

« Nous avons décrété et décrétons ce qui suit:

<< ART. 1. Tout bâtiment, de quelque nation qu'il soit, qui aura souffert la visite d'un vaisseau anglais, ou se sera soumis à un voyage en Angleterre, ou aura payé une imposition quelconque au gouvernement anglais, est par cela seul déclaré dénationalisé, a perdu la garantie de son pavillon et est devenu propriété anglaise.

« ART. 2. Soit que les dits bâtiments ainsi dénationalisés par les mesures arbitraires du gouvernement anglais entrent dans nos ports ou dans ceux de nos alliés, soit qu'ils tombent au pouvoir

Décret

de Milan du 17 décembre 1807.

1807. Accession

du Danemark

sie au blocus

de nos vaisseaux de guerre ou de nos corsaires, ils sont déclarés de bonne prise.

« ART. 3. Les Iles Britanniques sont déclarées en état de blocus sur mer comme par terre. Tout bâtiment, de quelque nation qu'il soit, quel que soit son chargement, expédié des ports d'Angleterre, ou des colonies anglaises, ou des pays occupés par les troupes anglaises, ou allant en Angleterre, ou dans les colonies anglaises, ou dans les pays occupés par les troupes anglaises, est de bonne prise comme contrevenant au présent décret; il sera capturé par nos vaisseaux de guerre ou par nos corsaires et adjugé au capteur.

« ART. 4. Ces mesures, qui ne sont qu'une juste réciprocité pour le système barbare adopté par le gouvernement anglais, qui assimile sa législation à celle d'Alger, cesseront d'avoir leur effet pour toutes les nations qui sauraient obliger le gouvernement anglais à respecter leur pavillon. Elles continueront d'être en vigueur pendant tout le temps que ce gouvernement ne reviendra pas aux principes du droit des gens qui règlent les relations des États civilisés dans l'état de guerre. Les dispositions du présent décret seront abrogées et nulles par le fait dès que le gouvernement anglais sera revenu aux principes du droit des gens, qui sont aussi ceux de la justice et de l'honneur.

« ART. 5. Tous nos ministres seront chargés de l'exécution du présent décret, qui sera inséré au Bulletin des lois.

<< NAPOLÉON*. »

Au blocus continental français accédèrent d'abord la Prusse et de la Prusse, le Danemark; l'accession de ce dernier État entraîna le bombaret de la Rus- dement de Copenhague par la flotte anglaise au mois de sepcontinental tembre 1807. Cet acte indigna tellement l'empereur de Russie qu'il accéda également au blocus continental, en proclamant de nouveau les principes de la neutralité armée et en s'engageant à << ne jamais déroger à ce système. >>

français.

Ordre du Conseil bri

26 avril 1809.

$ 2676. Les ordres du conseil de 1807 ayant eu pour résultat d'éloitannique du gner la navigation neutre des ports de l'Angleterre, le cabinet de Saint James par un ordre du 26 avril 1809 (1) restreignit son blocus général à tous les ports et places vers le nord jusqu'à la rivière d'Ems inclusivement soumis au gouvernement qui s'appelait Royaume de

* Voyez t. III, § 2243. p. 387.

(1) State papers, v. VIII, p. 491; Martens, Nouv. recueil, t. I, p. 483.

Hollande, à tous les ports et places de la France, ensemble avec les colonies, plantations et établissements possédés par ces deux gouvernements et par chacun d'eux, ainsi qu'aux ports et places de la partie septentrionale de l'Italie à partir des ports d'Orbitello et de Pessaro inclusivement.

$ 2677. La même année l'Autriche et la Suède (1) donnèrent leur adhésion au système prohibitif français, et les États-Unis, malgré les avances que parut leur faire le gouvernement anglais, défendirent à leurs nationaux, par l'acte de non intercourse du 1er mai 1810 (2), tout commerce avec les États en guerre, tant avec la France qu'a vec l'Angleterre; mais ils finirent par obtenir en faveur de tous les navires américains et de leurs cargaisons, lorsqu'elles étaient propriétés américaines, la révocation, le 28 avril 1811, des décrets français de Berlin et de Milan, et, le 23 juin 1812, des ordres antérieurs du conseil britannique (3).

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1814.

Fin du blocus

Les menées de l'Angleterre parvinrent à détacher la Russie, la Suède en 1812 et la Prusse en 1813 du système continental continental. français, que la chute de Napoléon en 1814-1815 fit cesser entièrement*.

1815-1854. Condamna

tion des blo

cus fictifs par

ces européen

Traité entre le Danemark

§ 2678. Depuis 1815, les relations maritimes des peuples ont été rétablies d'après les principes qui prévalaient avant 1791. Toutes les puissances européennes, l'Angleterre exceptée, ont les puissancondamné les blocus fictifs et reconnu les blocus réellement effec- nes. tifs comme seuls légitimes et obligatoires à l'égard des neutres. Comme nous l'avons déjà mentionné, plusieurs traités sont allés jusqu'à stipuler en quoi doivent consister les forces suffisantes pour donner ce caractère au blocus. Ainsi l'article 18 d'une convention conclue le 17 juin 1818 (4) entre le Danemark et la Prusse reproduit à peu près identiquement l'article 20 du traité que le premier de ces États avait signé avec la France en 1742 (5), portant qu'un port pour être réputé bloqué doit être investi par

(1) Martens, Nouv. recueil, t. I, p. 30.

(2) State papers, v. VIII, p. 496; Martens, Nouv. recueil, t. I, p. 508.

(3) Martens, Nouv. recueil, t. I, p. 547.

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Ortolan, Règles, t. II, pp. 330, 362, 363; Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 251 et seq.; Gessner, pp. 161 et seq.; Pistoye et Duverdy, t. I, pp. 366, 367, 370; Massé, t. I, §§ 284, 285; Klüber, Droit, §§ 306 et seq.; Heffter, § 155; Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 3, § 28; Cussy, Phases, t. II, pp. 243 et seq.; Fiore, t. II, p. 461; Phillimore, Com., v. III, § 321; Manning, pp. 330 et seq.; Twiss, War, § 102; Wildman, v. II, pp. 183, 184.

(4) Martens, Nouv. recueil, t. IV, p. 527; State papers, v. V, p. 695.

(5) De Clercq, t. I, p. 46; Wenck, t. I, p. 591; State papers, v. XXXV, p. 1263.

et la Prusse

du 17 juin

1818.

Traités des Etats-Unis a

deux vaisseaux au moins du côté de la mer et par une batterie de canons du côté de la terre.

En général une tolérance, une courtoisie réciproque fait place vec la Suède à une rigueur excessive. Dans les traités que les États-Unis ont

le 4 septem

avec la Prus

1828.

bre 1816, et signés avec la Suède le 4 septembre 1816 (1) et avec la Prusse se le 1" mai le 1er mai 1828 (2), il est dit, à l'article 15, que, en considération de la distance des deux pays, aucun navire ayant pour destination. un port supposé bloqué au moment de son départ ne sera d'une part ni de l'autre saisi et confisqué pour une première tentative d'entrer dans le dit port, à moins qu'il ne puisse être prouvé qu'il a pu dans le cours de sa traversée apprendre que le blocus continuait encore, mais que la confiscation serait justifiée s'il tentait une seconde fois dans le cours du même voyage d'entrer dans le port encore bloqué après avoir reçu un avertis

1825. Blocus par

sement.

§ 2679. Cette doctrine a été adoptée par la France. En 1825 le le Brésil de la gouvernement brésilien avait déclaré en état de blocus une grande du Rio de la partie de la rive orientale du Rio de la Plata; les armateurs fran

Plata.

la France et

21 août 1828.

çais ne tinrent pas compte de la signification de ce blocus sur le papier, et firent des expéditions pour les ports dont un blocus matériel ne défendait pas l'entrée. Plusieurs navires ayant été capturés par des vaisseaux de guerre brésiliens et les démarches de l'envoyé de la France pour en obtenir la restitution ou des indemnités ayant échoué, une escadre française vint s'embosser dans le Traité entre port de Rio de Janeiro. Cette attitude eut pour résultat la conclusion le Brésil du le 21 août 1828 (5) d'un traité qui est on ne peut plus explicite sur la détermination des circonstances dans lesquelles un bâtiment expédié pour un port bloqué peut être capturé. Il est ainsi conçu: « Aucun bâtiment de commerce appartenant aux sujets de l'une des hautes parties contractantes, qui sera expédié pour un port, lequel se trouvera bloqué par l'autre, ne pourra être saisi, capturé ou condamné, si préalablement il ne lui a été fait une notification ou signification de l'existence ou de la continuation du blocus par les forces bloquantes ou par quelque bâtiment faisant partie de

(1) Elliot, v. I, p. 193; State papers, v. VI, p. 175; Martens, Nouv. recueil, t. IV, p. 251. (2) Elliot, v. I, p. 378; State papers, v. XV, p. 874; Martens, Nouv. recueil, t. VII, p. 615.

(3) De Clercq, t. III, p. 505; Martens, Nouv. recueil, t. VIII, p. 56; Bulletin des lois, 1829, no 311; Lesur, 1828, app., p. 191.

l'escadre ou de la division du blocus; et pour qu'on ne puisse alléguer une prétendue ignorance du blocus et que le navire qui aura reçu cette intimation soit dans le cas d'être capturé, s'il vient ensuite à se représenter devant le port bloqué pendant le temps que durera le blocus, le commandant du bâtiment de guerre qui fera la notification devra apposer son visa sur les papiers du navire visité, en indiquant le jour, le lieu ou la hauteur où sera faite la signification contenant les mêmes déclarations exigées pour le

visa. »

§ 2680. Pendant qu'elle signait ce traité, la France mettait en pratique sur un autre point du globe les principes qu'il proclamait. Au mois de mai 1827 elle avait établi devant les ports de la Régence d'Alger un blocus, qui dura jusqu'en 1830. Les règles suivies relativement à ce blocus sont exposées dans une dépêche envoyée le 8 février 1830 par le ministre des affaires étrangères de France au conseil d'État, chargé de statuer sur la légitimité de la prise de deux bâtiments neutres saisis pour violation du blocus, le navire toscan Carolina et le navire sarde la Madona di Montenero, dont la confiscation fut ultérieurement décrétée.

Le conseil avait demandé au ministre des renseignements sur les principes et les règles observés par rapport au blocus d'Alger. S. Exc. répondit que les instructions données par le ministre de la marine au commandant de l'escadre française dans ces eaux reconnaissaient la nécessité de la notification officielle du blocus aux neutres et indiquait la manière de procéder contre les bâtiments. qui tenteraient d'enfreindre le blocus; qu'elles prescrivaient de n'arrêter que ceux qui après avoir reçu sur les lieux un premier avertissement mentionné au rôle d'équipage se présenteraient de nouveau devant les ports de la Régence; qu'il était impossible d'adopter à l'égard des neutres une législation plus conforme au droit des gens et moins restrictive de la liberté du commerce maritime en temps de guerre; que la politique française se fondait sur les principes consacrés en 1800 par les traités de la neutralité armée, principes que la France avait fait triompher dans ses discussions avec le Brésil sur la non-validité des prises françaises faites pendant le blocus de Buenos Aires; enfin que, en principe général et chez toutes les nations, la violation d'un blocus officiellement notifié et établi d'une manière effective entraîne la saisie et la confiscation du navire qui a commis l'infraction.

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