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les neutres qui violeraient des blocus rendus effectifs par la présence d'une force navale suffisante pour interdire l'accès des ports, des rades ou des côtes ennemis. C'est du moins ce que le duc de Newcastle crut devoir expliquer à la chambre des Lords, quand l'opposition l'interpella sur la portée des instructions données aux croiseurs alliés *.

1850.

Déclaration

Paris.

$ 2686. Les hommes d'État de la Grande-Bretagne se sont heureusement trompés en pensant que l'abandon qu'ils firent alors de du Congrès de leur doctrine des blocus fictifs de cabinet pourrait n'être que transitoire; la déclaration du congrès de Paris du 16 avril 1856 (1), quoique moins explicite que celle des neutralités armées de 1780 et de 1800, a fini par rallier sur ce point toutes les puissances maritimes et élever à la hauteur d'un principe désormais incontesté de jurisprudence internationale les règles des blocus réels et effectifs **.

1862. Conduite

guerre civile

$2687. Les États-Unis eux-mêmes dans le cours de leur dernière guerre civile se sont pleinement approprié la nouvelle doc- suivie dans la trine, ainsi que Lord John Russell s'est plu à le reconnaître dans une note adressée le 15 février 1862 à Lord Lyons ***.

$ 2688. Dans la lutte aussi inégale qu'injuste qu'il eut à soutenir en 1864 contre la Prusse et l'Autriche à propos de la question dite des duchés de l'Elbe le Danemark a été à tort accusé par la presse allemande d'avoir violé la déclaration de 1856 en décrétant une série de blocus fictifs dans la Baltique.

Lors de la discussion des préliminaires de paix, le gouverne

neutres de violer tout blocus effectif qui pourrait être établi avec des forces suffi santes contre les ports, les rades et les côtes de l'ennemi.

Mais Sa Majesté abandonne le droit de saisir la propriété de l'ennemi chargée à bord d'un navire neutre, à moins qu'elle ne soit (de la contrebande de guerre. Sa Majesté n'a pas l'intention de réclamer la confiscation' de la propriété neutre qui n'est pas de la contrebande de guerre, trouvée à bord des navires de l'ennemi; et Sa Majesté déclare en outre que, désirant ardemment alléger autant que possible les maux de la guerre et restreindre ses opérations aux forces du pays régulièrement organisées, elle n'a pas actuellement l'intention de délivrer des lettres de marque pour commissionner des corsaires. >>

'Gessner, p. 166; Moniteur, 7 juin 1854; Pistoye et Duverdy, t. I, pp. 367, 368. (1) De Clercq, t. VII, p. 91; Savoie, t. VIII, p. 405; Martens-Samwer, t. II, p. 791; Archives dipl., 1862, t. I, p. 146; Bulletin des lois, 1856, no 381; Lesur, 1856, app., p. 19.

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Gessner, p. 167; Ortolan, Règles, t. II, pp. 485, 486; Phillimore, Com., v. III, pp. 850, 851; Twiss, War, § 102; Heffter, § 155; Massé, t. I, § 285; Cussy, Phases, t. II, pp. 553 et seq.; Halleck, ch. 23, § 9.

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des Etats-Unis.

1864. Guerre entre le Danemark, l'Autriche

et la Prusse.

Conduite observée

pendant

les guerres

de

ment danois, à qui les vainqueurs prétendirent imposer la restitution de toutes les prises allemandes et le paiement d'indemnités au profit des armateurs lésés, n'eut pas de peine à établir que la conduite de ses croiseurs avait été de tout point conforme aux prescriptions du droit international et à la marche tracée par le réglement général qu'il avait promulgué lors de sa guerre contre la Prusse en 1848.

S 2689. En 1859 comme en 1870, dans ses deux guerres contre par la France l'Autriche et l'Allemagne, la France pour les blocus qu'elle a eu à établir s'est inspirée des principes que son initiative avait fait prévaloir en 1854 et en 1856. On en trouve la preuve dans ce passage des instructions générales remises aux commandants de ses bâtiments de guerre :

et de 1870.

Blocus pacifique.

<< Conformément au quatrième alinéa de la déclaration du 16 avril 1856, tout blocus pour être obligatoire doit être effectif, c'està-dire maintenu par une force suffisante pour interdire réellement l'accès du littoral de l'ennemi.

« L'établissement de tout blocus devra faire l'objet d'une notification formelle aux autorités des points bloqués. Cette notification sera envoyée aux autorités en même temps qu'au consul d'une des puissances neutres au moyen d'un parlementaire. Il conviendra de remplir la même formalité, si le blocus vient à être étendu à quelque nouveau point de la côte. Les limites du blocus seront expressément désignées par leur latitude et leur longitude.

« La violation d'un blocus ainsi établi résulte aussi bien de la tentative de pénétrer dans le lieu bloqué que de la tentative d'en sortir après la déclaration de blocus, à moins dans ce dernier cas que ce ne soit sur lest ou avec un chargement pris avant le blocus ou dans le délai fixé par le commandant des forces navales, délai qui devra toujours être suffisant pour protéger le commerce et la navigation de bonne foi. Ce délai devra d'ailleurs être mentionné dans la déclaration de blocus.

<< Les bâtiments qui se dirigent vers un port bloqué ne sont censés connaître l'état de blocus qu'après que la notification spéciale en a été inscrite sur leurs registres ou papiers de bord par un des bâtiments de guerre formant le blocus. »

$ 2690. Depuis la chute du premier Empire français il s'est introduit dans les relations internationales une pratique qui n'a pas encore reçu la sanction du droit conventionnel et n'est pas non plus soumise à des règles uniformes : nous voulons parler des

blocus pacifiques, de ces actes agressifs, évidemment hostiles, auxquels la plupart des puissances maritimes de l'Europe ont eu recours contre des États secondaires, en appuyant par des forces navales plus ou moins considérables, par l'interdiction temporaire du commerce devant certains ports, des réclamations diplomatiques, des demandes d'indemnités ou de réparations, le redressement de prétendus dénis de justice, qu'elles n'avaient pu obtenir par les voies amiables. Ce qui caractérise ces sortes de blocus, c'est que, bien qu'ils entraînent pour le commerce maritime et pour ceux qui en sont victimes les mêmes conséquences dommageables et les mêmes effets juridiques, les gouvernements qui les établissent prétendent ne pas rompre l'état général de paix avec la nation bloquée et n'exercer contre elle qu'une sorte de pression morale destinée à leur épargner le recours aux extrémités de la guerre *.

$ 2691. Le premier exemple que l'histoire nous offre d'un fait de ce genre se rapporte à la Grèce il eut lieu en 1827. Nous avons déjà expliqué ailleurs (liv. 3, § 166, t. I, p. 263) les causes qui motivèrent l'intervention de l'Angleterre, de la France et de la Russie dans les affaires du Péloponèse; nous ajouterons seulement que pendant tout le cours des négociations et des démonstrations armées, qui aboutirent finalement à l'indépendance de la Grèce, les représentants des puissances alliées auprès de la Porte ne cessèrent de proclamer que l'amitié qui avait jusqu'alors uni leurs gouvernements à celui du Sultan continuait de subsister et que la paix ne devait point être considérée comme rompue; ils ne modifièrent même pas leur langage et leur attitude lorsqu'ils eurent à notifier à Constantinople les résultats, si désastreux pour la Turquie, de la bataille de Navarin **.

$ 2692. En 1831, à la suite d'avanies, voire même de traitements cruels que Dom Miguel avait fait subir à plusieurs sujets français, le gouvernement du roi Louis-Philippe, sans déclarer la guerre au Portugal, dirigea contre ce pays une expédition navale, qui franchit de vive force l'embouchure du Tage pour imposer à la cour de Lisbonne l'ultimatum des réparations exigées, bloqua

'Cauchy, t. II, pp. 426-428; Hautefeuille, Des droits, t. II, p. 272 et seq.; Pistoye et Duverdy, t. I, p. 376; Gessner, pp. 215 et seq.; Massé, I, § 304; Fiore, t. II, p. 462.

Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 272 et seq.; Cussy, Phases, t. II, pp. 487 et seq.; Gessner, p. 216; Fiore, t. II, P1 462.

1827. Blocus des côtes de la Grèce.

1831. Blocus des côtes du Portugal.

1833. Blocus des côtes de Hollande.

1838-1839. Blocus

divers points de ses côtes et captura un grand nombre de navires portugais. Cette démonstration armée, qui conserva jusqu'à la fin la qualification de pacifique que la France lui avait attribuée, se dénoua par un accord, signé à Lisbonne le 14 juillet 1831 (1), qui, tout en allouant aux Français lésés de légitimes réparations, stipula la restitution pure et simple de tous les navires de guerre et de commerce capturés par l'escadre de l'amiral Roussin.

$ 2695. Un troisième exemple de blocus pacifique s'est produit en 1833.

Pour surmonter les résistances du roi des Pays-Bas contre la séparation de la Belgique consacrée en principe par le traité du 15 novembre 1831 (2), la France et la Grande-Bretagne, se fondant sur les décisions de la conférence de Londres, déclarèrent conjointement un embargo général sur les navires néerlandais et établirent en même temps, sans pour cela rompre leurs relations pacifiques avec le cabinet de La Haye, le blocus de tous les ports et de toutes les côtes de la Hollande. On sait que ce fut à la suite de ces actes hostiles que le roi des Pays-Bas se décida enfin à adhérer aux arrangements internationaux qui ont constitué l'indépendance et la neutralité de la Belgique.

$ 2694. Quelques années plus tard, en 1838, la France tenait du Mexique. la même conduite en bloquant les ports du Mexique et en s'emparant du fort de Saint Jean d'Ulloa, tout en protestant du maintien des relations pacifiques entre les deux pays; mais devant des actes d'un caractère si évidemment hostile le gouvernement mexicain se vit obligé de lancer contre la France une déclaration formelle de guerre, dont le traité de paix du 9 mars 1839 (5) fit heureusement cesser les effets *.

1838-1848.

Blocus

§ 2695. Un quatrième exemple de blocus pacifique est fourni de la Plata. par l'expédition combinée que la Grande-Bretagne et la France dirigèrent en 1858 contre la Confédération Argentine, sous la dictature de Rosas.

Suivant Hautefeuille, ce sont des considérations d'intérêt et non

(1) De Clercq, t. IV, p. 115; Castro, t. VI, p. 90; Martens, Nouv. recueil, t. IX, p. 466; Lesur, 1831, app., p. 201.

(2) De Clercq, t. IV, p. 146; Herstlet, v. IV, p. 13; Neumann, v. IV, p. 319; Martens, Nouv. recueil, t. XI, p. 390; Lesur, 1831, app., p. 145.

(3) De Clercq, t. IV, pp. 446, 448; Martens, Nouv. recueil, t. XVI, pp. 607, 610; State papers, v. XXIX, p. 222; Bulletin des lois, 1839, no 674; Lesur, 1839, app., pp. 23, 24.

*Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 274 et seq.; Gessner, p. 216.

d'humanité qui ont poussé la France et l'Angleterre à faire usage

du blocus pacifique au Mexique et au Rio de la Plata.

Hautefeuille.

<< Dans l'affaire du Mexique non plus que dans celle de Buenos Opinions de Aires, dit-il, je ne découvre pas de motif d'humanité même pour servir de prétexte à la mesure prise. Dans la première la France seule, dans la seconde la France et l'Angleterre réunies ont seulement consulté leurs propres intérêts; mais elles ont violé les droits du peuple étranger: ce qu'elles pouvaient éviter en déclarant franchement et loyalement la guerre aux nations dont elles réclamaient des satisfactions. Je sais que par le blocus de la Plata les deux puissances prétendent qu'elles veulent mettre fin à l'autorité d'un homme sanguinaire; mais le blocus pacifique a duré aussi longtemps déjà que le fameux siége de Troie, et Rosas est toujours le chef de la République Argentine. Il eût été beaucoup plus humain de délivrer promptement le pays d'un pareil fléau, et certainement l'Angleterre et la France réunies pour faire la guerre à la République Argentine pouvaient facilement atteindre ce résultat. L'humanité, dont on fait parade dans toutes ces circonstances, n'est donc qu'un vain prétexte.

>>

$ 2696. Quoi qu'il en soit, ce blocus a créé un précédent juridique d'une grande importance par la décision qui intervint à propos de la prise du navire brésilien le Comte de Thomar, capturé pour avoir voulu franchir la croisière établie devant le port de Buenos Aires. L'instruction à laquelle l'affaire fut soumise ayant démontré que le capitaine n'avait reçu aucune signification ou notification officielle du blocus qu'on l'accusait d'avoir violé, le navire fut relâché et l'on se borna à confisquer la partie de son chargement qui se composait d'articles de contrebande de guerre. Saisi de cette sentence par voie d'appel, le conseil d'État invalida la saisie et ordonna la restitution de la totalité du chargement, auquel en l'absence d'une déclaration formelle de guerre il refusa ainsi d'appliquer la qualification que lui avaient à tort donnée les premiers juges. Ce jugement reposait snr une dépêche du ministre des affaires étrangères, M. Guizot, du 8 février 1841, qui, répondant à une interpellation faite par le conseil d'État à ce sujet, n'avait pas hésité à dire : « Nous nous sommes trouvés là dans une situation très-difficile; nous faisons un blocus ce qui n'est pas la guerre complète, la guerre déclarée *. »

⚫ Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 274 et seq.; Gessner, pp. 216, 217; Pistoye et Duverdy, t. I, pp. 376, 377, 390, 391; Fiore, t. II, pp. 462, 463.

1848.

Capture du le Comte de

navire

Thomar.

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