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1713. Traités

d'Utrecht.

Traité de

1742 entre la

Danemark.

sité que, dans leurs traités du 1er décembre 1674 (1) et du 12/22 août 1688 (2), l'Angleterre et la Hollande convinrent de certaines formalités pour la rédaction des titres de neutralité, et adoptèrent une nomenclature des marchandises considérées comme illicites. C'était un progrès, mais d'une faible portée pratique, ainsi que ne tardèrent pas à le démontrer les abus auxquels la Grande-Bretagne se laissa entraîner.

Les traités d'Utrecht de 1715 (3) réglementèrent le droit de visite sur les mêmes bases que celui des Pyrénées, dont ils reproduisirent presque littéralement l'article 17.

La convention de commerce et de navigation signée le 25 août France et le 1742 (4) entre la France et le Danemark est plus explicite encore; son article 22 porte en effet : « Si des navires marchands de France rencontrent des navires de guerre danois, soit du sérénissime roy de Danemark ou d'armateurs particuliers ses sujets, qui auront armé par sa permission; et réciproquement, si des navires marchands du Danemark rencontrent des navires de guerre français, soit du sérénissime roy Très-Chrétien ou d'armateurs particuliers ses sujets, qui auront armé par sa permission, les navires de guerre n'approcheront pas de, plus près les navires marchands que de la portée du canon, mais enverront dans leur chaloupe à bord des navires marchands deux ou trois hommes seulement, à qui le patron ou maître du navire marchand montrera les passeports, de la manière et en la forme ordinaires, par lesquels il puisse apparoir en termes exprès non seulement de sa charge, mais aussi du lieu de sa demeure et résidence, et du nom tant du maître ou patron que du navire même, afin que, par ce moyen, on puisse connaître s'il se transporte quelque marchandise de contrebande; on donnera aussi toute foi aux mêmes passeports; et pour en assurer la valadité et les empêcher d'être contrefaits ou falsifiés, on donnera pour cela de certaines marques et contrescings de chacun des deux roys. »>

Traité

de 1797 entre

Le traité que l'Angleterre a conclu le 21 février 1797 (5) avec 'Angleterre la Russie marque un nouveau pas en avant fait depuis plus d'un

et la Russie.

(1) Dumont, t. VII, pte. 1, p. 282.

(2) Dumont, t. VII, pte. 2, p. 238.

(3) De Clercq, t. I, pp. 1 et seq.; Dumont, ., pte. 1, pp. 345, 377, 409; Savoie,

t. II, p. 281; Herstlet, v. II, p. 204; Cantillo, p. 127.

(4) De Clercq, t. I, p. 46; Wenck, t. I, p. 591; State papers, v. XXXV, p. 1263.

(5) Martens, 1re édit., t. VI, p. 722; 2e édit., t. VI, p. 357.

siècle par le gouvernement britannique en cette matière délicate. En effet, son article 10 est ainsi conçu : « Quant à la visite des vaisseaux marchands, les vaisseaux de guerre et les corsaires devront se conduire avec autant de modération que les circonstances de la guerre permettent d'en user envers les puissances amies qui sont restées neutres, et en observant le plus qu'il sera possible les principes généralement reconnus et les préceptes du droit des gens. »

Depuis cette époque, il est vrai, l'Angleterre dans ses engagements internationaux à évité avec soin de réglementer l'exercice du droit de visite.

Opinions des auteurs

sur

ces traités.

S2713. Hautefeuille n'attache aucune valeur pratique aux engagements souscrits par l'Angleterre envers la Russie lors des guerres de la Révolution: il les considère comme dictés avant tout Hautefeuille. par les exigences du moment, et dès lors comme pouvant à peine être invoqués de nos jours à titre de précédent historique.

D'autres publicistes, et Klüber est du nombre, contestent que Klüber. les puissances maritimes du Nord aient eu la pensée de réglementer conventionnellement l'exercice du droit de visite. Cette opinion est évidemment erronée, ainsi qu'on en acquiert la preuve en se reportant au texte que nous venons de donner (page 200), de l'article 22 du traité conciu en 1742 entre le Danemark et la France*.

$ 2714. Les auteurs peuvent être divisés sur la portée des clauses conventionnelles relatives à la visite des navires en temps de guerre; mais il y a presque unanimité entre eux pour reconnaître et proclamer en principe la parfaite légitimité du droit dont nous nous occupons ici.

S2715. Grotius et Bynkershoek l'admettent même sans discussion et comme un fait dont l'existence ne comporte aucun doute. Voici en quels termes s'exprime à cet égard le second de ces auteurs: « Sin agas me non recte occupare res hostiles in navi amica, nisi prius occupem navem amicam, atque ita vim faciam rei amici ut deprehendam rem hostis, idque non magis licere quam hostes nostros aggredi in amici portu, vel deprædari in territorio amici, velim animadvertas, eatenus utique licitum esse amicam navem sis

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Hautefeuille, Des droits, t. III, pp. 17 et seq.; Gessner, pp. 278-280; Phillimore, Com., v. III, §§ 342 et seq.; Grotius, Le droit, liv. 3, ch. 1, § 5; Cauchy, t. II, p. 221; Pistoye et Duverdy, t. I, pp. 231-238; Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 3, § 29; Heffter, §§ 167-169; Twiss, War, § 94; Manning, pp. 352, 353; Wildman, pp. 118, 119.

Légitimité du droit de visite.

Grotius et

Bynkershoek.

Hubner.

Vattel.

tere, ut non ex fallaci forte aplustri, sed ex ipsis instrumentis in nave repertis, constet navem amicam esse. (Que si vous m'objectez que je ne puisse licitement m'emparer des choses hostiles qui se trouvent sur un navire ami que si je m'empare préalablement du navire ami, et qu'ainsi je fasse violence à la chose d'un ami pour saisir la chose d'un ennemi, et que cela n'est pas plus licite que d'attaquer nos ennemis dans le port d'un ami ou de faire du butin sur le territoire d'un ami, permettez-moi de vous faire remarquer que d'après ces raisons mêmes il est certainement licite d'arrêter un navire ennemi, afin de constater, non par le déploiement d'un pavillon peut-être mensonger, mais par les papiers mêmes trouvés à bord, que le navire est ami).

$2716. Hubner admet également le droit de visite comme un résultat inévitable de l'état de guerre. Son opinion sur ce point mérite d'autant plus de fixer l'attention que cet auteur est un des plus ardents et des plus zélés défenseurs des droits inhérents à la neutralité. Pour pouvoir, dit-il, faire en sorte que les navires des nations neutres ne soient pas confondus avec ceux des ennemis et traités hostilement et sur le même pied qu'eux, il faut nécessairement les connaître et pouvoir les distinguer sûrement d'avec ces derniers. Or, cette distinctfon ne pouvant se faire qu'au moyen d'une visite convenable, il s'ensuit que les nations belligérantes ont le droit de visiter convenablement à cet effet les bâtiments neutres. Si les navires ne portaient jamais que le pavillon de leurs nations respectives, il serait bien moins nécessaire d'accorder ce droit aux peuples qui sont en guerre; du moins les bornes en seraient beaucoup plus étroites. Mais comme il y a longtemps que la politique des navigateurs a imaginé d'arborer des pavillons étrangers pour se déguiser ou pour se soustraire aux dangers qui les menacent, cette enseigne est devenue fort trompeuse et ne peut plus servir comme une marque certaine et suffisante de l'État auquel appartient le bâtiment. »

S2717. Vattel fait dériver le droit de visiter les navires neutres rencontrés en mer de l'impossibilité matérielle d'empêcher autrement le transport des articles de contrebande de guerre. « Quelques nations puissantes, dit-il, ont refusé en différents temps de se soumettre à cette visite; aujourd'hui un vaisseau neutre qui refuserait de souffrir la visite se ferait condamner par cela seul comme étant de bonne prise. Mais pour éviter les inconvénients, les vexations et tout abus, on règle dans les traités de navigation et de com

merce la manière dont les visites doivent se faire. Il est reçu aujourd'hui que l'on doit ajouter foi aux certificats, lettres de mer, etc., que présente le maître du navire, à moins qu'il n'y paraisse de fraude ou qu'on n'ait de bonnes raisons d'en soupçonner. » Gessner attache une grande importance à cette déclaration de Vattel.

S2718. Selon le professeur Woolsey, le droit de visite est nécessaire pour donner effet aux autres droits de la guerre, tels, entre autres, que le blocus et la saisie de la contrebande de guerre.

S2719. Funck Brentano et Sorel reconnaissent également la visite comme un droit pour les belligérants; mais ils le basent sur une obligation corrélative des neutres; en effet des immunités accordées au commerce des neutres résulte pour eux l'obligation de permettre aux belligérants de vérifier la nationalité des navires qui portent le pavillon neutre et de constater la nature et la destination de la cargaison de ces navires.

Gessner.

Woolsey.

Funck Brentano et Sorel.

Jurisprudence

anglaise.

Affaire

Maria.

Sir W. Scott.

§ 2720. Dans l'espèce du navire la Maria Sir William Scott a fait un remarquable exposé des principes anglais sur le droit de visite; il a soutenu notamment que « le droit de visite et de recherche à du navire la bord des navires marchands en pleine mer, quels que soient les vaisseaux, les cargaisons et les destinations, est un droit incontestable des croiseurs légalement commissionnés d'une nation belligérante ». « Je dis, insiste-t-il : quels que soient les vaisseaux, les cargaisons et les destinations, parce que jusqu'à ce qu'ils aient été visités et recherchés, on ne sait pas quels sont les vaisseaux, les cargaisons ou les destinations; et c'est dans le but de s'assurer de ces points que la nécessité de ce droit de visite et de recherche existe. Ce droit est si clair en principe qu'il ne saurait être nié par quiconque admet la légalité de la capture maritime, attendu que si l'on n'est pas libre de s'assurer par une perquisition suffisante s'il existe une propriété qui puisse être légalement capturée, la capture est impossible. Ceux même qui prétendent que les navires libres font les marchandises libres doivent admettre l'exercice de ce droit au moins pour s'assurer si les navires sont libres ou non. Le droit est aussi clair en pratique qu'en théorie; car la pratique est uniforme et universelle sur ce point. Les nombreux traités européens qui se rapportent à ce droit s'y rapportent comme à un droit préexistant et se bornent à en régler l'exercice. »

Jurisprudence nord

américaine. et Wheaton.

Kent

Cas du navire

l'Anna Maria.

Marshall.

Auteurs qui combattent cette

doctrine.

S2721. La doctrine ainsi exposée par Sir W. Scott a été adoptée telle quelle par les tribunaux des États-Unis et par les deux grands publicistes américains Kent et Wheaton.

Dans l'instance du navire l'Anna Maria, le président Marshall, de la cour suprême de Washington, décida que la visite est un droit qu'on ne peut contester au belligérant, que les papiers de bord fussent-ils en règle, on n'en est pas moins autorisé légalement à visiter le navire pour s'assurer d'une manière indubitable du caractère licite des opérations auxquelles il est employé.

S2722. Parmi le petit nombre d'auteurs qui combattent la doctrine du droit de visite on trouve le publiciste danois Bornemann et le Bornemann. Ha mbourgeois Meno Pöhls. Le premier, après avoir, en envisageant la question au point de vue du droit des neutres, contesté les pouvoirs que s'arrogent les belligérants et affirmé que ces pouvoirs ne peuvent avoir pour fondement légitime qu'une stipulation conventionnelle expresse, suggère, comme moyen propre à en atténuer les inconvénients ou les abus pratiques, la visite du navire avant sa sortie du port neutre dans lequel il prend charge. Dans son opinion, il faudrait pour cela organiser dans tous les États neutres des commissions spéciales et composées de délégués choisis par chacune des parties belligérantes et par le souverain territorial. Après que la commission se serait assurée que le navire qui va mettre à la voile n'est pas porteur de contrebande de guerre, on délivrerait au capitaine un passeport, qu'il serait tenu d'exhiber au port de destination; si, par une fortune de mer quelconque, et après la délivrance du passeport, il était obligé de faire relâche ou escale, le navire pourrait être soumis à une stricte surveillance jusqu'au moment de sa mise en mer. Cet ingénieux système tient trop peu de compte du côté pratique des choses, des exigences et des légitimes susceptibilités des gouvernements ou des particuliers, pour que nous ne nous croyions pas dispensé de le réfuter plus en détail. Sans se placer sur un terrain aussi Meno Pöhls. glissant et aussi spécieux, Meno Pöhls arrive cependant à des

conséquences non moins impraticables et inadmissibles. Suivant lui, la visite est un fait, non un droit, et il prétend que pour que le fait acquière toute sa valeur, toute sa signification, il faut que le neutre, en manquant à l'accomplissement de ses devoirs, fournisse au belligérant un motif sérieux pour le traiter en ennemi.

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