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sont fait escorter de la sorte par son ennemi ne portent pas de contrebande à bord ou n'ont pas l'intention de violer d'autre manière leurs devoirs de neutres. Une telle intention doit plutôt être présumée; car sans cela le neutre n'emploierait pas un tel moyen pour se soustraire à la visite. Kaltenborn estime qu'il y a dans le simple fait une participation directe ou indirecte à une manœuvre ennemie, de telle sorte que le réglement de 1810 n'était pas nécessaire pour justifier le procédé des Danois.

« On ne peut pas non plus comparer le neutre qui se fait convoyer par un belligérant à celui qui va chercher un asile dans un port du belligérant. Il y a ici deux cas à distinguer le port belligérant peut être ou ne pas être la destination du navire neutre. Suivant les règles internationales, le navire qui a atteint sa destination ne peut plus être puni pour les infractions qu'ils'est permises. Dans la première éventualité on ne peut plus le châtier pour s'être soustrait à la visite, quand même il l'aurait fait par violence. S'il est prouvé au contraire que le navire est entré, pour se soustraire à la visite, dans un port qui n'était pas sa destination, et si ce navire quitte son asile avant la fin de la guerre, il s'entend de soi qu'il portera la peine de son acte en tant que cet acte était punissable d'après les principes que nous développerons au chapitre suivant.

<< Le seul argument notable apporté par M. Wheaton est le fait que les navires américains ne se sont mis sous la protection des vaisseaux anglais que pour se soustraire aux vexations des Français. Si l'on peut prouver que le neutre ne s'est fait convoyer par un belligérant que pour se mettre à l'abri des violences d'un tiers, si l'on peut prouver en outre que le but du voyage et la cargaison étaient irréprochables, rien ne s'oppose à ce que les navires ne soient remis en liberté. Seulement la præsumptio juris ne se borne pas, comme le pense Wheaton, à la nationalité des navires, mais encore à leur intention de se soustraire à la visite. Ils doivent donc prouver, pour être relâchés, que les deux suppositions ne sont pas conformes à la réalité. Dans tous les autres cas ils restent sujets aux pénalités établies par les règles internationales contre les violateurs du droit de visite *. »

$ 2757. Mais quelles conséquences résulteront pour les neutres de la navigation sous convoi? Tout en posant la question en ces la navigation

Garanties assurées à

sous convoi.

* Ortolan, Règles, t. II, pp. 278, 279; Gessner, pp. 311, 314, 315.

Législation nord

et anglaise.

termes, nous n'entendons parler que de l'attitude à prendre par les belligérants à l'égard de l'ensemble du convoi, et non des résultats qu'une navigation de cette espèce peut avoir pour les navires escortés relativement au gouvernement de leurs pays; car la question envisagée à ce point de vue rentre dans le domaine du droit public interne.

La législation des États-Unis ne fournit à cet égard aucune soluaméricaine tion précise; celle de l'Angleterre tranche la question dans un sens favorable au convoi, en déclarant que le recours par des navires marchands non ennemis à l'escorte d'un navire de guerre de leur pays ne saurait par lui-même impliquer la moindre infraction. aux devoirs de la neutralité *.

Soustraction de papiers.

Jet à la mer de pièces de bord.

1778. Réglement français.

§ 2758. « L'acte de cacher les papiers de bord, dit Bello, autorise la détention du navire, et bien que cet acte ne suffise pas pour entraîner la condamnation sans plus ample examen, il ferme la porte à toute réclamation de dommage. »>

Ceux des publicistes qui soutiennent que le droit de visite se borne à l'examen de certaines pièces de bord, telles que le passeport, considèrent partant comme licite le détournement de papiers ayant une moindre importance.

Les auteurs anglais et nord-américains, se conformant en cela aux décisions des tribunaux de prises de leur pays, repoussent cette doctrine. Kent, par exemple, estime que « l'acte de cacher des papiers essentiels pour la conservation du caractère neutre justifie la capture du navire et son entraînement dans un port pour être jugé, mais n'exige pas absolument une condamnation

§ 2759. Jeter à la mer des pièces de bord, les détruire ou les rendre illisibles sont autant de circonstances aggravantes au plus haut degré.

L'article 3 du réglement francais de 1778 porte que « tous vaisseaux pris, de quelque nation qu'ils soient, neutres ou alliés, desquels il sera constaté qu'il y a eu des papiers jetés à la mer ou autrement supprimés ou distraits, seront déclarés de bonne prise avec leurs cargaisons, sur la seule preuve des papiers jetés à la mer, et sans qu'il soit besoin d'examiner quels étaient ces

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Bello, pte. 2, cap. 8, § 11; Hautefeuille, Des droits, t. III, pp. 248 et seq.; Pistoye et Duverdy, t. II, pp. 416 et seq.; Gessner, p. 329; Cussy, Phases, t. II, p. 113; Kent, Com., v. I, p. 161; Duer, v. I, lect. 8, § 17; Halleck, ch. 25, § 26; Valin, Traité, ch. 5, sect. 3; Martens, Essai, ch. 2, § 2.

papiers, par qui ils ont été jetés, et s'il en est resté suffisamment à bord pour justifier que le navire et son chargement appartiennent à des amis ou alliés. »

1779. Lettre de

La rigueur excessive de cette règle fut considérablement adoucie par la lettre que Louis XVI adressa le 13 novembre 1779 à Louis XVI. l'amiral de France, pour autoriser les commissaires du conseil des prises à tenir compte des circonstances de chaque affaire et à interpréter librement la portée de la disposition que nous venons de rappeler.

§ 2760. Quelques espèces que nous citerons ici feront d'ailleurs mieux apprécier dans quel esprit les tribunaux de prises français se sont prononcés sur la question du détournement ou de la destruction des pièces de bord.

Dans l'affaire du navire suédois la Fortune, capturé par le corsaire le Renard, on accusa le capitaine d'avoir jeté des papiers à la mer pendant le temps qu'on mettait les scellés à bord de la prise, et sur ce fondement la prise avait été déclarée bonne par le conseil des prises; mais un arrêt du conseil du roi en date du 27 décembre 1779 décida qu'il fallait, pour que le jet de papiers à la mer emportât confiscation, que ces papiers fussent de nature à donner des preuves d'une propriété ennemie et que le capitaine eût intérêt à les jeter à la mer: ce qui n'était pas le cas du capitaine suédois.

Après avoir rendu compte de cette décision, Pistoye et Duverdy font observer que « toutefois, alors même qu'un navire neutre est pourvu de toutes les pièces de bord de nature à établir la neutralité, si des papiers ont été jetés à la mer lors de la capture, il faut bien vérifier si ce ne sont pas des dépêches ennemies qui sont ainsi détruites, et si dès lors, même en dehors de la question de propriété, les capturés n'ont pas eu intérêt à détruire la preuve de leur coopération à la guerre par le jet à la mer de dépêches compromettantes. C'est au conseil des prises à apprécier si ce soupçon est fondé, et dans le doute, comme le texte de la loi est positif, la confiscation doit être prononcée. Le jet de papiers est prohibé d'une manière absolue; c'est donc au capturé à prouver l'innocence du fait constaté contre lui. »><

A l'occasion de la capture du Paquet de Dublin par le corsaire l'Abeille, le conseil des prises (25 vendémiaire an x) fonda sa sentence de condamnation sur ce que le capitaine, qui prétendait que son bâtiment était américain, avait en jetant certains papiers

Jugements des prises

du conseil

de France.

Affaire de

la Fortune.

Le Paquet

de Dublin.

Le Lenox.

L'Apollon.

Pratique anglaise

et nordaméricaine.

à la mer rendu impossible la vérification de sa nationalité et de l'importance de ces papiers; que la convention du 8 vendémiaire an ix entre la République Française et les États-Unis d'Amérique n'ayant manifestement stipulé que la restitution des prises faites sur des navires réellement américains, la première condition que devaient remplir les réclamants était de constater la propriété américaine des navires, et que cette preuve devenait impossible ou du moins très-problématique du moment qu'à l'instant de la capture on avait jeté des papiers qui pouvaient dévoiler la propriété ennemie...

Dans l'affaire du trois-mâts américain le Lenox, pris d'abord par un croiseur anglais, qui l'avait amariné et avait mis sur son bord un capitaine de prise, et ensuite recous par un croiseur français, le conseil des prises (7 vendémiaire an x) ordonna la restitution du navire et de sa cargaison à leurs propriétaires, par la raison qu'il n'y a pas lieu de prononcer la confiscation d'un navire recous lorsque l'absence des pièces de bord provient de leur destruction par le capteur ennemi.

L'Apollon, navire brémois, capturé et amariné par le corsaire français le Vengeur, échoua au moment d'entrer dans le port d'Ostende. Lorsque le navire toucha, le capitaine capturé arracha du conducteur de prise les papiers du navire et alla dès son arrivée à terre les porter au juge de paix. Ces papiers établissaient, il est vrai, la neutralité du bâtiment et de la cargaison; mais comme il n'était pas impossible qu'au milieu du désordre d'un naufrage le capturé eût détruit d'autres papiers qui eussent pu être compromettants, le conseil des prises (27 vendémiaire an Ix) décida qu'en droit la possibilité de la soustraction des papiers devait être assimilée au fait du jet à la mer.

§ 2761. Les cours de prises d'Angleterre et des États-Unis n'attachent pas la même importance que les tribunaux français au jet à la mer des papiers de bord; ils n'y voient pas un motif général et absolu de condamnation, quand les circonstances intrinsèques de l'affaire ne le transforment pas en acte délictueux ou en intention manifeste d'égarer la justice relativement à la nationalité réelle des propriétaires; telle est du moins l'opinion exprimée à diverses reprises par Lord Mansfield *.

Pistoye et Duverdy, Traité, tit. 6, ch. 2, sect. 5; Bello, pte. 2, cap. 8, § 11; Gessner, p. 329; Pœhls, p. 1179; Duer, v. I, lect. 8, § 17; Kent, Com., v. I, pp. 161, 162; Hautefeuille, Des droits, t. III, pp. 254 et seq.

$ 2762. L'usage de faux papiers n'est pas non plus par luimême une preuve concluante contre le navire, parce qu'il peut arriver qu'on n'y ait recours que pour se soustraire aux lois municipales d'un pays étranger ou pour échapper aux poursuites de l'ennemi. Les tribunaux n'en tirent une juste cause de condamnation que lorsqu'ils peuvent accuser les coupables d'avoir sciemment employé de fausses expéditions pour tromper le belligérant et le gêner ou le léser dans l'exercice de ses droits légitimes *.

Usage de faux papiers.

Droit de visite ou

en temps de

paix.

$ 2763. Les circonstances et les raisons exceptionnelles qui peuvent justifier le droit de visite de la part des belligérants n'exis- de recherche tant plus après la cessation des hostilités, il s'ensuit comme conséquence naturelle que ce droit ne doit plus s'exercer en temps de paix. En effet après la guerre il n'y a plus ni belligérants ni neutres; chaque nation rentre dans la possession de ses droits de souveraineté et d'indépendance; il n'y a plus de contrebande, et partant plus d'intérêt à vérifier la nature du chargement des navires; la liberté du commerce et l'indépendance du pavillon ne sauraient plus subir d'exception ni de restriction. Or le droit de visite en temps de paix ne peut s'exercer sans porter atteinte à cette liberté et à cette indépendance.

Cependant nous voyons que plusieurs États se sont accordé réciproquement par des conventions expresses le droit de visite en temps de paix, et que ce droit a été exercé en vue de sauvegarder certains intérêts spéciaux, notamment pour empêcher la traite des noirs; mais la fin ne justifie pas les moyens, et ces exceptions ne suffisent pas pour invalider la règle générale, d'autant plus que précisément dans le cas auquel nous faisons allusion, celui de la traite, l'expérience a démontré que non seulement le droit de visite n'était pas nécessaire, mais encore qu'il n'a pas réussi à détruire l'abus qu'on avait en vue de réprimer, et qu'en définitive l'exercice n'en a pas été maintenu.

On peut donc considérer l'exercice du droit de visite en temps de paix comme tombé généralement en désuétude, malgré les prétentions contraires d'une seule puissance, qui ne renonce jamais facilement aux prérogatives qu'on lui a laissé une fois s'arroger; on comprend que nous entendons parler de l'Angleterre.

§ 2764. L'Angleterre, on le sait, ne rattache pas exclusivement à

Hautefeuille, Des droits, t. III, pp. 248-254; Duer, v. I, lect. 8, § 11; Halleck, ch. 25, § 28.

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