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comme illicite le trafic des objets rangés dans la catégorie des munitions navales.

$ 2457. Hubner et Galiani divisent ces objets en deux classes, dont la première comprend les mâtures, les bois de construction, les ancres, les câbles, etc., propres aux grands vaisseaux de guerre; la seconde, les objets servant aux bâtiments de dimensions moindres. Ils refusent à cette dernière catégorie le caractère de contrebande, qu'ils attribuent exclusivement à la première. Nous dirons de cette distinction, comme de l'opinion de Hautefeuille, qu'elle est essentiellement arbitraire, peu logique, et qu'elle n'a été consacrée par aucune stipulation conventionnelle. Hubner s'est d'ailleurs montré inconséquent avec lui-même, puisqu'il admet que les navires de flottille construits sur territoire neutre pour le compte de l'un des belligérants sont susceptibles d'être capturés quand ils sont rencontrés en cours de voyage vers un port ennemi.

$2458. La juridiction des cours d'amirauté anglaises condamne uniformément comme de bonne prise tous les objets propres à la construction et à l'équipement des navires de guerre, grands ou petits, sauf stipulations contraires dans les traités.

$ 2459. Les envisageant au même point de vue que les marchandises qui réclament une transformation industrielle pour être utilisées à la guerre, Hautefeuille soutient que le trafic des matières brutes nécessaires à la fabrication des armes et des munitions doit être libre. Par contre, Woolsey étend la définition de la contrebande de guerre à tout ce qui entre dans la composition des munitions de guerre, et dès lors, s'il s'agit de la poudre par exemple, non seulement au soufre et au salpêtre, mais au charbon, qui sert également à des usages essentiellement pacifiques, et, s'il s'agit des armes proprement dites, au fer, qui est un métal d'un usage universellement nécessaire.

lei encore le droit conventionnel est contraire aux opinions du premier de ces auteurs; car il est peu de traités (1) qui n'ex

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Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 136-146; Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 3, § 24; Heffter, § 160; Massé, t. I, § 208; Fiore, t. II, p. 441; Bluntschli, § 805; Duer, v. I, lect. 7. §§ 12, 13; Phillimore, Com., v. III, pp. 359 et seq.; Halleck, ch. 24, §§ 21, 22; Moseley, pp. 57-64; Kent, Com., v. I, p. 139; Wildman, v. II, p. 212; Manning, p. 287; Cussy, Phases, liv. 1, tit. 3, § 14; Rayneval, De la liberté, t. II, p. 108; Vattel, Le droit, liv. 3, ch. 7, § 112; Hubner, t. I, pte. 2, ch. 1, §§ 5, 10; Galiani, ch. 9, § 4, art. 9; Bello, pte. 2, cap. 8, § 4; Polson, pp. 62, 63; Hosack, pp. 16 et seq. (1) Parmi ces traités se trouvent ceux d'Utrecht en 1713 (Dumont, t. VIII, pte 1,

Hubner.
Galiani.

Jurisprudence anglaise.

Matières premières pour la fabrication des armes et des munitions.

Machines

à vapeur et charbon de terre.

cluent nommément du trafic licite le salpêtre, le soufre et même le charbon. Il n'est pas jusqu'au coton, ce textile industriel par excellence, qui ne doive perdre son caractère licite, lorsqu'une action chimique lui a donné les propriétés d'une matière explosible pouvant remplacer la poudre à canon*.

S 2460. L'application de la vapeur aux navires comme force motrice a complètement transformé la marine militaire, et par suite les guerres maritimes. Aussi, quoique dans la plupart des traités modernes les machines à feu et leurs accessoires, arbres de couche, aubes, hélices, balanciers et chaudières, figurent en général parmi les mécaniques et les engins industriels, il semble difficile de soustraire à l'application des principes régissant la contrebande de guerre les gigantesques appareils qui font désormais partie intégrante de tout bâtiment armé, alors surtout qu'il y a lieu de les croire destinés aux arsenaux ennemis. A défaut de stipulations conventionnelles expresses, on peut invoquer plus d'un réglement particulier, qui au point de vue du commerce illicite place les machines à vapeur sur la même ligne que les armes et les munitions.

En est-il de même du charbon de terre? Cette question a une très-grande portée, et est loin encore d'avoir reçu dans la pratique internationale une solution uniforme. En effet la houille reçoit de nos jours des applications si multiples, soit pour les usages domestiques, soit pour les besoins industriels, soit pour l'alimentation de la marine à vapeur marchande, qui tend de plus en plus à se substituer à l'ancienne marine à voiles, qu'il n'est plus possible,

pp. 345, 351, 362, 377, 400, 409; Savoie, t. II, p. 281; Herstlet, v. II, p. 204; Cantillo, p. 127); de 1667 entre la Suède et la Hollande (Dumont, t. VI, pte. 1, pp. 37, 39); de 1778 entre la France et les États-Unis (Elliot, v. I, p. 34; State papers, v. V, p. 6; Martens, 1re édit., t. I, p. 685; 2o édit., t. II, p. 587); de 1786 entre la France et la Grande-Bretagne (De Clercq, t. I, p. 146; Martens, 1re édit., t. II, p. 680; 2o édit., t. IV, p. 155; State papers, v. III, p. 342); et ceux de 1780 et 1781, qui servirent de base à la neutralité armée (Martens, 1re édit., t. II, pp. 103, 110, 117, 130; t. IV, pp. 357, 369, 375, 404; 2o édit., t. III, pp. 189, 198, 215, 245, 252; Neumann, t. I, p. 273).

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Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 147, 151; Pynkershoek, Quæst., lib. 1, cap. 10; Azuni, t. II, ch. 2, sect. 5, p. 192; Tetens, Considérations, sect. 3, §§ 3-5; Ortolan, Règles, t. II, pp. 186 et seq.; 190, 191; Heffter, § 160; Massé, t. I, § 207; Bluntschli, §§ 803, 805; Fiore, t. II, p. 441; Bello, pte. 2, cap. 8, § 4; Riquelme, lib, 1, tit. 2, cap. 15; Moseley, pp. 45-48; Halleck, ch. 24, § 20; Manning, p. 284; Polson, p. 63; Hosack, p. 18; Dalloz, Rép., tit. Prises maritimes, sect. 3, art. 2; Lawrence, Elem. by Wheaton, note 229; Dana, Elem. by Wheaton, note 226; Revue de droit int. 1875, p. 607.

sans s'exposer à léser des intérêts tout pacifiques, d'envisager ce combustible au seul point de vue des services qu'il peut rendre à la marine militaire ennemie.

La France et la plupart des États secondaires se sont sous ce rapport écartés résolument des anciens errements et ont formellement proclamé qu'ils n'entendaient pas faire rentrer la houille parmi les articles qualifiés de contrebande de guerre (1).

Quant à la Grande-Bretagne, elle procède relativement à la houille, cette vaste et fructueuse branche de son commerce d'exportation, comme elle l'a fait pour les armes et les munitions. En principe elle classe le charbon de terre parmi les articles de commerce licite et refuse d'en interdire l'exportation quand elle n'est pas elle-même engagée dans un conflit extérieur. C'est le parti auquel elle s'est arrêtée en 1870 durant la guerre entre la France et l'Allemagne, malgré les vives réclamations élevées à ce sujet par le cabinet de Berlin. Seulement, par un scrupule peut-être exagéré de ses devoirs comme puissance neutre, elle a en même temps déclaré que les expéditions de houille sortant de son territoire devaient se faire directement, à destination de ports ennemis ou neutres, par navires marchands et non par transports militaires, et qu'elles ne pourraient servir à renouveler en pleine mer les approvisionnements des escadres ou des croiseurs belligérants.

Toutes les fois, au contraire, qu'il est lui-même engagé dans une guerre, le gouvernement anglais non seulement n'hésite pas à frapper de prohibition la sortie de la houille; mais encore il se croit autorisé à qualifier le combustible minéral de contrebande accidentelle, et à ce titre il en fait opérer la saisie par ses croiseurs, quand ils peuvent constater qu'il a une destination ennemie. C'est, comme on le voit, l'application de l'ancienne règle de « l'usage douteux (usus ancipitis)»: c'est la pratique que l'escadre anglaise de la Mer Noire a suivie pendant la guerre d'Orient.

Les puissances maritimes de second ordre, qui consomment plus de houille qu'elles n'en produisent elles-mêmes, ont un intérêt majeur à se guider sur ce point d'après les principes admis et proclamés par la France; mais comme elles n'ont pas eu depuist nombre d'années de grandes guerres à soutenir, elles ne se sont pas trouvées en mesure de proclamer leurs vues à cet égard et

(1) Voir les notes insérées dans le Moniteur universel du 29 mai 1859, et dans le Journal officiel de 1870 lors des guerres d'Italie et d'Allemagne.

Bêtes

de somme.

Armes et

munitions de

guerre.

surtout de faire connaître si éventuellement elles n'exigeraient pas une réciprocité de procédés de la part des belligérants avec lesquels elles entreraient en lutte.

Quant aux États-Unis, dont la jurisprudence maritime a tant d'analogie et de points de contact avec celle du Royaume Uni, on n'est guère exposé à se tromper en supposant qu'en cas de guerre ainsi que dans une situation de complète neutralité ils se conformeraient exactement à la pratique consacrée en Angleterre *.

S 2461. La prohibition qui pèse sur le commerce des bêtes de trait et de somme ne comprenait à l'origine que la race chevaline à cause de son utilité exceptionnelle pour la cavalerie et l'artillerie (1); mais de nos jours on l'a étendue aux ânes et surtout aux mulets, si fréquemment employés pour les besoins des ambulances et des transports dans les pays de montagnes.

Hautefeuille soutient qu'on ne doit pas considérer comme contrebande de guerre les animaux, quels qu'ils soient, servant au transport des marchandises **.

S 2462. Si, comme cela est universellement admis, les objets qui peuvent servir à la fois à la guerre et à des usages pacifiques sont considérés comme sujets à capture, qui pourrait contester le droit de confisquer les objets déstinés uniquement et directement à la guerre? Il n'y a donc pas à s'appesantir longuement sur ce sujet pour affirmer que les armes et les munitions de guerre ont toujours été regardées comme étant de commerce illicite. Cette prohibition s'étend à tous les articles de la pyrotechnie militaire

Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 151-154; Ortolan, Règles, t. II, p. 232; Heffter, § 160; Bluntschli, § 805; Phillimore, Com., v. III, § 266; Halleck, ch. 24, §§ 21, 22; Moseley, pp. 68, 71; Lawrence, Elem. by Wheaton, note 229; Dana, Elem. by Wheaton, § 226; Ott, Droit de Klüber, pp. 364, 365.

(1) Cependant il y a des traités qui ne défendent pas le commerce des chevaux entre les neutres et les belligérants. On peut citer celui du 20 juin 1766 entre l'Angleterre et la Russie (Wenck, t. III, p. 572; Martens, 1re édit., p. 141; 2e édit., t. I, p. 390); ceux de 1780-82 entre la Russie, la Suède, le Danemark, le Portugal, la Prusse, l'Autriche et la Hollande (Martens, 1r édit., t. II, pp. 103, 110, 117, 130, 208; t. IV, pp. 357, 375, 404; 2e édit., t. III, pp. 189, 198, 215, 245, 252, 263; Neumann, t. I, p. 273; Castro, t. III, p. 310); et celui du 30 septembre entre la France et les États-Unis (De Clercq, t. I, p. 400; Elliot, v. I, p. 83; Martens, 1re édit., t. VII, p. 484; 2e édit., t. VII, p. 96; State papers, v. VIII, p. 463; Bulletin des lois, an X, no 139); Hautefeuille, Des droits, t. II, p. 155.

**

Bluntschli, § 805; Hautefeuille, Des droits, t. II, pp. 154-157; Galiani, pp. 333, 335; Hubner, t. I, pte. 2, ch. 1, § 5; Manning, pp. 284, 285.

Grotius, Le droit, liv. 3, ch. 1, § 5; Vattel, Le droit, liv. 3, ch. 9, § 112; Bynkershoek, Quæst., lib. 1, cap. 10; Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 3, § 24; Hautefeulle, Des droits, t. II, p. 127; Cauchy, t. II, pp. 192, 193; Massé, t. II, § 207; Ortolan,

Détermination du caracde la marchandise

sa destina

trebande ac

§ 2463. D'après quel critérium peut-on au point de vue du droit de saisie déterminer le véritable caractère des produits tère bruts ou manufacturés susceptibles d'être à volonté utilisés dans par le lieu de un but pacifique ou appropriés aux besoins de la guerre? A défaut tion. Conde règle précise et absolue, on a été amené à prendre en consi- cidentelle. dération les circonstances dans lesquelles le produit atteint le territoire ennemi, en d'autres termes son point de destination. Lorsque, par exemple, l'objet est transporté dans un port marchand, dans un de ces grands centres de commerce servant d'entrepôt aux villes industrielles situées dans l'intérieur du pays, tels que Liverpool par rapport à Manchester et le Havre par rapport à Rouen ou à Elbeuf, on admet volontiers la présomption qu'il conservera une destination purement pacifique ou civile. Au contraire, la supposition qu'il sera affecté aux besoins de la guerre et employé à des usages hostiles s'impose naturellement à l'esprit, lorsqu'on voit ce même produit dirigé sur un port militaire, sur un arsenal maritime principalement adonné aux armements de la marine militaire, tels que Portsmouth en Angleterre, le Ferrol et Carthagène en Espagne, Brest en France, Kiel en Prusse, Pola en Autriche, ou Norfolk aux États-Unis. L'induction tirée du caractère militaire des ports de destination peut parfois acquérir la valeur d'une certitude morale, quand le belligérant a connaissance de projets d'armements que les produits suspects ou de nature mixte seraient propres à faciliter; mais il faut bien reconnaitre que les nations qui, à l'exemple de l'Angleterre et des États-Unis, érigent ce calcul de probabilités en règle générale de conduite et capturent sous pavillon neutre ce qu'elles appellent la contrebande de guerre accidentelle, cèdent à de regrettables inspirations d'arbitraire et s'exposent à léser des intérêts très-respectables, à compromettre des spéculations parfaitement licites et pacifiques.

On juge encore du caractère des marchandises et de l'usage auquel elles doivent être employées par le caractère du port où doit aboutir le navire qui les transporte. Si la destination du na

Règles, t. II, liv. 3, ch. 6; Phillimore, Com., v. III, § 229; Duer, v. I, lect. 7, § 12; Twiss, War, §§ 121 et seq.; Kent, Com., v. I, pp. 138 et seq.; Halleck, ch. 24, § 20; Manning, pp. 281 et seq.; Wildman, v. II, p. 211; Heffter, § 160; Gessner, pp. 70 et seq.; Klüber, Droit, § 288; Martens, Précis, § 318; Fiore, t. II, pp. 440 et seq.; Pistoye et Duverdy, Traité, t. II, pp. 396 et seq.; Garden, Traité, t. II, pp. 358, 359; Bello, pte. 2, cap. 8, § 4; Riquelme, lib. 1, tit. 2, cap. 15; Lampredi, pte. 1, § 9; Cussy, Phases, liv. 1, tit. 3, § 14; Moseley, pp. 41 et seq.; Polson, p. 61; Hosack, p. 16; Dalloz, Répertoire, lit. Prises maritimes, sect. 3, art. 2.

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