Page images
PDF
EPUB

de cette cour, et qu'il a la faculté de publier des ordonnances et des instructions qu'elle est tenue d'observer et de faire observer: c'est ce qui constitue la loi écrite de cette cour.

« Ces deux propositions: que la cour est tenue d'appliquer les règles du droit des gens, et qu'elle est aussi tenue d'exécuter les ordres du roi pris en conseil, ne sont pas en contradiction l'une avec l'autre. On doit présumer en effet que ces ordres et ces instructions se conforment dans les circonstances données aux principes de la loi non écrite de la cour, ou bien ce sont des applications de ces principes aux cas qui y sont indiqués, cas qui, avec tous les faits et les circonstances s'y rattachant et en constituant le caractère légal, ne pourront être qu'imparfaitement connus de la cour elle-même; ou ce sont des réglements positifs, d'accord avec ces principes, et s'appliquant à des matières qui exigent des règles plus précises et mieux définies que les principes généraux n'en peuvent fournir.

<< La constitution de cette cour relativement au pouvoir législatif du roi en son conseil est analogue à celui du parlement du royaume. Ces cours ont leur loi non écrite, qui consiste dans les principes admis de la raison et de la justice naturelles; elles ont également leur loi écrite ou leur droit coutumier dans les actes du parlement, qui sont des applications directes des mêmes principes à des sujets particuliers, ou des réglements positifs d'accord avec ces principes et relatifs à des matières qui ne seraient pas suffisamment élucidées, si les cours se bornaient aux informations incomplètes que pourraient leur procurer de simples conjectures générales. Quel serait le devoir des présidents de ces cours, s'ils étaient tenus de faire observer un acte du parlement qui serait en contradiction avec ces principes? C'est là une question qui, je le présume, ne saurait être posée a priori, parce qu'on ne saurait admettre a priori la supposition qu'un pareil cas se présente. De même cette cour ne se livrera pas à des conjectures sur la question de savoir quel serait son devoir en pareille occurrence; car elle ne saurait, sans irrévérence extrême, présumer qu'une semblable occurrence puisse survenir, et elle est d'autant moins disposée à se laisser aller à de telles conjectures que son expérience et l'examen qu'elle en a fait l'ont mise à même de reconnaître qu'en général ces ordres et ces instructions sont conformes aux principes de la loi non écrite. >>

Selon Gessner, Lord Stowell commet ici la faute de comparer

les ordres du conseil privé, auxquels la constitution anglaise ne reconnaît pas force de loi, avec les actes du parlement, qui sont véritablement des lois et qui par conséquent doivent avoir pour le magistrat une portée toute différente.

Dans l'affaire du navire nord-américain Minerve, capturé pour s'être livré au commerce avec les colonies anglaises au mépris d'une ordonnance royale de 1803, Sir John Mackintosh prononça Mackintosh. une sentence plus précise et plus concluante. Examinant si le juge des prises est tenu d'observer des ordonnances royales contraires au droit des gens, il exprime l'avis que l'observation de ces ordonnances n'est absolument obligatoire que pour les officiers de la marine royale, dont elles doivent régler les captures, mais que les juges des prises conservent leur indépendance; et il conclut qu'il est indubitable que dans des cas pareils le devoir du juge est de ne tenir aucun compte des « instructions » contraires à la législation internationale, et de ne consulter que cette loi universelle qui régit tous les princes et tous les États civilisés et au dessus de laquelle aucun d'eux ne saurait prétendre avoir d'autorité.

Nous pourrions citer encore un grand nombre de déclarations analogues de juges anglais; mais nous nous bornerons à reproduire le passage d'une décision de la commission judiciaire du conseil privé prononcée le 27 mars 1855 à propos de la question de savoir si un croiseur pouvait être exempté du paiement des frais de procédure en cas de capture illégale d'nn navire neutre :

« Le conseil privé exposa que le droit qu'il était appelé à définir ne concerne pas seulement la marine britannique, mais qu'il s'étend aux croiseurs de toutes les nations; qu'on ne peut permettre à aucun État de prendre des mesures exceptionnelles à son profit exclusif ou à celui de quelques-uns de ses sujets; que les décisions des tribunaux étrangers ont la même importance en droit que celles des tribunaux nationaux, et que les tribunaux maritimes anglais ne doivent admettre comme propre à excuser ou à justifier la conduite d'un officier de la marine anglaise que ce qui pourrait être admis au même titre par tous les autres pays. >>

Rutherforth établit ainsi la suprématie du droit international Rutherforth. dans la matière qui nous occupe:

« L'État auquel appartiennent ceux qui font des captures, en examinant la conduite de ses sujets et en décidant si les navires et les objets qu'ils ont saisis l'ont été loyalement ou non, décide une

Devoirs

question entre ses sujets et les étrangers qui réclament la propriété, et cette controverse ne s'élève pas dans les limites de son territoire, mais sur l'immensité de l'Océan. Donc le droit qu'il exerce n'est pas une juridiction civile, et le droit civil particulier à son territoire n'est pas la loi qui doit régler sa conduite. Ni le lieu où s'est élevée la controverse, ni les parties qui y sont intéressées ne sont soumis à cette loi. La seule loi qui puisse régir cette controverse est le droit naturel appliqué aux corps collectifs des sociétés civiles, c'est-à-dire le droit des gens, à moins qu'il n'ait été conclu entre les deux États auxquels appartiennent ceux qui ont fait la capture et les autres réclamants quelque traité particulier qui les oblige mutuellement à se départir des droits qu'autrement ils auraient fondés sur le droit des gens. Quand il existe de pareils traités, ils sont dans tout ce qu'ils contiennent une loi pour les deux États et pour tous leurs sujets dans les relations des uns avec les autres. L'État auquel appartiennent ceux qui font une capture doit donc, en déterminant ce qui peut ou ce qui ne peut pas être pris légalement, juger conformément à ces traités particuliers et au droit des gens tout à la fois... »

S 2878. Considérant que les tribunaux de prises doivent régler des juges de tribunaux leur ligne de conduite sur les prescriptions du droit international, de prises. Hautefeuille. Hautefeuille dit :

<< Il est un principe que les juges chargés de prononcer la prise des navires neutres ne doivent jamais perdre de vue : c'est qu'ils sont de véritables jurés pour l'appréciation du fait, en même temps que, comme magistrats, ils prononcent l'application de la loi; c'est que l'équité est la seule règle qui doive les diriger comme jurés; que les traités et, en l'absence de traités, la loi primitive, forment les seules lois qu'ils peuvent, qu'ils doivent appliquer. La loi générale des nations est l'indépendance absolue de toutes et de chacune d'elles à l'égard de toutes et de chacune des autres; les devoirs d'impartialité et d'abstention d'hostilité de la part des neutres sont des exceptions à ce principe général; ils doivent être renfermés dans les limites posées par la loi qui les a créés; ils ne peuvent jamais être étendus ni aggravés. Le jugement des prises est un acte d'équité; les juges doivent donc se garder avec le plus grand soin de se laisser séduire par l'intérêt de leur propre pays, intérêt qui trop souvent est d'accord, en apparence du moins, avec celui des armateurs. »><

Le devoir qui est prescrit ici aux juges des prises résulte encore

du caractère pénal des questions sur lesquelles ils sont appelés à prononcer, car elles ont un caractère essentiellement pénal; il faut done que les conditions nécessaires pour une condamnation pénale soient remplies. Pour qu'un navire neutre soit déclaré coupable il faut qu'il ait commis une faute réellement punissable, c'est-à-dire une culpa lata, mais il n'est responsable ni de la culpa levis ni de ce qui est arrivé par accident. Ce principe, adopté par la jurisprudence anglaise, a trouvé un interprète fidèle dans Sir W. Scott, qui dit dans une de ses décisions :

« Les événements inévitables, les cas de force majeure et ceux dans lesquels la partie ne pouvait agir différemment ne peuvent être traités dans ces questions comme dans d'autres. Le tribunal ne croit donc pas devoir s'écarter de son devoir en interprétant les lois avec modération et sans oublier les circonstances *. »

Portée du jugement

tion.

$2879. Sauf pour les pays et dans les cas où la loi municipale ouvre le recours en appel, les jugements de prises sont définitifs en de condamnace qui concerne la validité de la capture et l'attribution de la propriété de la prise à celui qui s'en est emparé; ils mettent fin à toute controverse, à toute procédure judiciaire entre le capteur et le capturé; mais ils réservent à celui-ci tous ses droits dans son propre pays, et constituent même un commencement de preuve par écrit pour les actions accessoires ou connexes, telles que que celles qui découlent des polices d'assurances contre les risques de guerre. § 2880. Dans un jugement relatif à l'assurance d'une propriété Cas pratique. qui avait été condamnée en France à raison de la violation d'un traité entre la France et les États-Unis Lord Ellenborough disait :

La sentence de condamnation ne s'appuie-t-elle pas sur le fait que le navire n'était pas porteur des papiers dont, selon le tribunal français, il doit être muni en vertu du traité? Je ne prétends pas dire que l'interprétation de ce traité donnée par les juges soit correcte; mais, quelque injuste qu'elle soit, comme les juges étaient compétents pour interpréter ce traité, ce qu'ils ont effectivement fait, le respect et le sentiment de courtoisie que les nations civilisées se doivent entre elles nous obligent à nous en rapporter à leur apprciation. Qu'on allègue ce qu'on voudra, qu'on prétende que le tribunal français en condamnant le navire a commis une infraction au traité, laquelle porte atteinte aux garanties de la neutralité,

[ocr errors]

Gessner, pp. 390 et seq.; Hautefeuille, Des droits, t. III, pp. 344, 345; Phillimore, Com., v. III, § 436; Rutherforth, Inst., b. 2, ch. 6, § 9.

ou nous devons contester sa juridiction, ou nous devons nous en tenir à sa décision. >>

Législation § 2881. Les États-Unis ont pris pour règle que la décision d'un américaine. tribunal étranger transfère la propriété de la chose condamnée,

nord

Règles et formes de pro

crées en ma

ses

quand même la loi sur laquelle cette décision s'appuie serait injuste, contraire au droit des gens, dérogatoire aux immunités des neutres et déclarée telle par le président et le congrès de la république. C'est en conformité de cette règle que le gouvernement fédéral proclama que les propriétaires nord-américains n'avaient pas le droit de revendiquer devant les autorités judiciaires de leur pays les biens condamnés par les tribunaux français en vertu du célèbre décret rendu à Milan le 17 décembre 1807 (1)*.

§ 2882. Ainsi que nous l'avons déjà indiqué, les questions de cédure consa- prises ont un double aspect, l'un politique et l'autre juridique. tière de pri- Envisagées sous le premier point de vue, elles dépendent directement du gouvernement, de sorte qu'on peut admettre jusqu'à un certain point, comme l'a dit Dana, que les captures soient prima facie la propriété de l'État. Il ne faut cependant pas, comme certaines puissances se sont donné le tort de le faire, accorder à cet élément une importance telle qu'il affaiblisse ou détruise complètement le côté juridique de la question. C'est pour n'avoir pas tenu suffisamment compte de cette distinction qu'on a vu trop souvent la politique empiéter sur le domaine de la justice et promulguer des lois arbitraires et d'exception qui ont jusqu'ici empêché d'arriver à un système de procédure uniforme. Sur quelques points toutefois il existe aujourd'hui une pratique qui diffère assez peu d'un pays à l'autre. Ainsi l'usage a prévalu partout d'adopter comme base de procédure une instruction sommaire confiée à l'autorité judiciaire ou administrative du port où la prise a été conduite, et dont les résultats écrits sont ensuite adressés au tribunal appelé à statuer sur la prise.

Voici généralement comment on procède à cette instruction. Le capteur, dès qu'il arrive au mouillage, est tenu de remettre à l'autorité chargée de faire l'instruction l'ensemble des documents qu'il a en sa possession, tels que procès-verbal de capture, in

(1) De Clercq, t. II, p. 242; State papers, v. VIII, p. 482; Martens, Nouv. recueil, t. I, p. 452; Bulletin des lois, 1807, no 169.

Heffter, § 172; Bluntschli, §§ 850, 858; Hautefeuille, Des droits, t. III, p. 358, 359; Bello, pte. 2, cap. 5, § 4; Chitty, v. III, ch. 13, p. 609; Wildman, v. II, pp. 375 et seq.; Dalloz, Répertoire, v. Prises marit., sect. 7.

« PreviousContinue »