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ventaire de prise, papiers de bord, plis cachetés, interrogatoire des capturés, enfin la confirmation sous serment des déclarations consignées dans ses rapports de mer. Ces premières formalités remplies, un délégué spécial se rend à bord de la prise, lève les scellés, dresse en présence des intéressés un inventaire détaillé tant du navire que de la cargaison, ordonne, s'il y a lieu, la vente des marchandises périssables et fait emmagasiner à terre celles qui doivent être conservées. Aussitôt qu'il se trouve muni du dossier résumant cette instruction préliminaire et des pièces ou mémoires que les capturés ont pu de leur côté faire dresser pour la défense de leurs droits, le tribunal procède au jugement sur la validité ou l'illégitimité de la capture.

Ne pouvant exposer ici en détail la marche que suivent à cet égard les diverses puissances maritimes du globe, nous nous bornerons à résumer les principes consacrés en France, en Angleterre et aux États-Unis *.

§ 2883. Pistoye et Duverdy analysent la législation française dans Législation les termes suivants :

« Il n'y a de nécessaire pour le jugement d'une prise que le rapport du capitaine corsaire ou du chef de la prise, attesté par deux des principaux de son équipage; le procès-verbal de transport à bord des officiers de l'amirauté ; l'interrogatoire du capitaine pris et de deux de ses gens (ou de l'otage en cas de rançon), et les pièces trouvées dans le vaisseau pris, avec les traductions de celles qu'on a jugé à propos de faire translater. C'est ce qu'il faut essentiellement envoyer au conseil des prises, savoir les papiers en original avec traductions, et des expéditions en forme de la procédure, dont les minutes doivent rester au greffe.

«De toutes ces pièces il est dressé un état, en forme de bref inventaire, par le greffier, et l'envoi doit en être fait sans différer, et dans le mois au plus tard, au secrétaire général de la marine; et lorsqu'il y a eu des raisons pour retarder cet envoi, il faut les déclarer. Sur tout cela on peut voir l'instruction du 6 juin 1672, le réglement du 21 octobre 1688, ceux du 16 août 1692 et du 9 mars 1695, avec les jugements de M. l'amiral du 8 février 1696 et du 18 avril 1697.

« Le greffier doit aussi joindre au dossier un état ou mémoire

Gessner, pp. 399 et seq.; Hautefeuille, Des droits, t. III, pp. 348 et seq.; Pistoye et Duverdy, t. II, tit. 8; Dana, Elem. by Wheaton, note 186; Bluntschli, §§ 84, 849; Heffter, § 173.

en vigueur en France. Pistoye et Duverdy.

Capture du
navire la
Bonne
Société.

des frais de justice faits jusque là, suivant la lettre de M. l'amiral du 27 mai 1708 et du 20 août 1710.

« Si un même corsaire amenait ou envoyait plusieurs prises dans le même port et toutes à la fois, il faudrait faire séparément l'instruction de chaque prise, à cela près que si c'était lui qui les amenât, il n'aurait qu'un rapport à faire pour toutes. (Instruction du 16 août 1692.)

« Quant aux papiers trouvés sur la prise, ce n'est point aux of ficiers de l'amirauté à en faire le triage pour n'envoyer que ceux qui leur paraîtraient nécessaires ou utiles; il faut qu'ils les envoient tous, sans en retenir un seul, quelque inutile qu'il puisse être. (Jugement de M. l'amiral du 25 avril 1697.)

« Toutes ces règles sont encore applicables de nos jours. Les officiers d'administration de la marine dans nos ports et dans ceur de nos colonies, et nos consuls dans les ports étrangers doivent suivre exactement les prescriptions des arrêtés du 6 germinal an vær et du 2 prairial an xi. La nécessité de cette instruction locale est telle qu'à défaut de représentation des pièces de cette instruction le capteur ne peut obtenir la déclaration de validité de la prise. C'est ce qu'a jugé le conseil d'État le 26 mars 1817. Par contre le défaut de présentation des pièces de l'instruction tourne au profit du capturé; car le capteur doit toujours être en mesure de justifier la capture, et faute de preuve la prise doit être relachée. C'est ce que le conseil d'État a reconnu par décision du 2 mai 1816 dans le fait du corsaire la Réussite contre le SaintBonaventure. »

S 2884. En 1817 M. Frédéric Legris saisit le conseil d'État d'une demande tendant à faire déclarer la validité de la prise du navire russe la Bonne Société, qu'il annonçait avoir été faite par son corsaire l'Heureux Tonton en octobre 1813 en vue du port de Dantzig. Le demandeur ne produisait ni le jugement prononcé à l'égard de cette prise par l'administration de la marine du port de Dantzig, ni les pièces de l'instruction qui avait dû précéder le jugement, ni même aucune des pièces de bord de la prise, qu'il prétendait avoir été détruits sur place par ordre des autorités. Le comité du contentieux fut d'avis de suppléer à l'absence des pièces requises par des preuves d'une autre nature; et, sur la proposition du garde des sceaux, une ordonnance royale prescrivit l'ouverture d'une enquête sur le fait et sur les circonstances de la prise de la Bonne Société. Ainsi mis en mesure de justifier sa ré

clamation, le capteur produisit un certificat délivré le 25 novembre par le général Rapp, gouverneur de Dantzig, qui constatait que le corsaire l'Heureux Tonton n° 3, armé par M. Legris, avait fait entrer en octobre 1813 un navire russe appelé la Bonne Société, qui avait été déclaré de bonne prise et dont le chargement, consistant en graines de lin, en suifs et en sirops de raisin, avait été mis en réquisition pour le service de la place. Le capteur et le ministre de la marine établirent en outre que toutes les opérations qui avaient eu lieu à Dantzig concernant les prises avaient été faites pendant le siége de la place par l'autorité militaire sans l'intervention du consulat, dont le titulaire se trouvait absent. Le sieur Legris soutint enfin qu'en principe le défaut d'instruction ou de procédure sur une prise ne pouvait nuire aux droits des capteurs; qu'on devait supposer qu'aucune instruction préliminaire n'avait eu lieu au sujet de la capture de la Bonne Société, puisqu'il n'en existait pas de tracé au ministère de la marine; que les difficultés inhérentes au siégé de Dantzig avaient forcément dû empêcher le consul d'y exercer ses fonctions, et que Finaccomplissement de ces formalités, quels qu'en fussent l'auteur et la cause, ne devait pas rejaillir sur l'armateur, le capitaine et les matelots de l'Heureux Tonton. Suivant lui, l'instruction de la prise n'est et ne peut en aucun cas être mise à la charge des capteurs, puisque les réglements én imposent l'obligation formelle aux consuls, avec injonction expresse d'en faire l'envoi au ministère de la marine, sans qu'elle passe ou doive passer par les mains des armateurs.

Voici quelle fut sur cette affaire Farrêt du conseil d'État :

<< Vu la requête à nous présentée par le sieur Legris et enregistrée le 28 septembre 1816, tendant à ce qu'il nous plaïse déclarer bonne et valable la prise, que le dit sieur Legris expose avoir été faite en octobre 1813 devant le port de Dantzig pendant le siége de cette place, d'un navire russe dit la Bonne Société par le corsaire français l'Heureux Tonton, dont il était armateur, én conséquence lui adjuger la dite prise, ainsi qu'aux marins formant l'équipage du dit corsaire;

Vu les certificats du lieutenant général comte Rapp et dụ contre-amiral commandant sur l'état de la prise, en date du 25 novembre 1815 et du 19 juin 1816;

<< Vu les lettres y relatives de nos ministres de la guerre et de la marine, adressées au ministère de la justice le 19 novembre 1816 et le 1er janvier 1817;

Décret

du 2 prairial

an XI.

« Vu l'ordonnance de notre garde des sceaux, ministre secrétaire d'État au département de la justice, rendue en date du 5 février 1817 et portant: « Attendu qu'il n'est produit ni jugement de condamnation de la prise, ni aucune pièce de bord du bâtiment capturé, non plus qu'aucune pièce de l'instruction à laquelle il a dù être procédé à ce sujet; et attendu qu'il est allégué que les papiers des administrations françaises à Dantzig ont été détruits par ordre supérieur pendant le siége; qu'avant faire droit il sera fait une information sur le fait et les circonstances de la dite prise »;

« Vu l'information faite en exécution de la dite ordonnance, commencée le 3 mars 1817 et close le 17 du même mois, dans laquelle ont été reçues les déclarations du lieutenant - général comte Rapp, gouverneur de Dantzig pendant le siége, du contreamiral comte Dumanoir, commandant la marine dans ce port pendant le même temps, des sieurs Barthomeux, commissaire ordonnateur des guerres, et Juge, commissaire des guerres, qui étaient aussi de service à Dantzig à cette époque;

« Vu la lettre du conseiller d'État directeur général des douanes du 19 du dit mois de mars et celle du dit sieur Juge du même mois ;

« Considérant qu'il résulte de l'ensemble de la dite information et des renseignements que les papiers des administrations françaises de Dantzig n'ont pas été détruits, qu'en conséquence il n'y a pas lieu d'admettre d'autres justifications et preuves de la dite prise et de sa légitimité que celles requises par les réglements;

« Considérant que les dites justifications et preuves ne sont pas produites :

« La requête du sieur Legris est rejetée. »

De cette décision on est autorisé à déduire qu'en France, à défaut d'instruction dans le port où la prise a été amenée et aussi faute de représenter les papiers de bord qui constatent qu'une prise est valable, il n'y a pas lieu d'adjuger la prise au capteur. § 2885. Le décret du 2 prairial an xi établit pour ce genre de procès diverses règles générales, dont voici les plus importantes : ART. 69. Après avoir reçu le rapport du conducteur de la prise, l'officier d'administration de la marine se transportera immédiatement sur le bâtiment capturé, dressera procès-verbal de l'état dans lequel il le trouvera et posera, en présence du capitaine pris ou de deux officiers ou matelots de son équipage, d'un préposé des douanes, du capitaine ou autre officier du navire capteur et

même des réclamants, s'il s'en présente, les scellés sur tous les fermants. Ces scellés ne pourront être levés qu'en présence d'un préposé des douanes.

ART. 70. Le préposé des douanes prendra à bord un état détaillé des balles, ballots, futailles et autres objets qui seront mis à terre ou chargés dans les chalands et chaloupes; un double de cet état sera envoyé à terre et signé par le garde-magasin, pour valoir réception des objets y portés.

A mesure du déchargement des objets et au moment de leur entrée en magasin, il en sera dressé inventaire en présence d'un visiteur des douanes, qui en tiendra état et le signera à chaque séance.

ART. 71. Il sera établi à bord un surveillant, lequel sera chargé, sous sa responsabilité, de veiller à la conservation des scellés et des autres objets confiés à sa garde.

ART. 72. L'officier d'administration de la marine du port dans lequel les prises seront amenées procèdera tout de suite, et au plus tard dans les vingt-quatre heures de la remise des pièces, à l'instruction de la procédure pour parvenir au jugement des prises.

ART. 75. Cette instruction consiste dans la vérification des scellés, la réception et l'affirmation des rapports et de la déclaration du chef conducteur, l'interrogatoire de trois prisonniers au moins, dans le cas où il s'en trouverait un pareil nombre, l'inventaire des pièces, états ou manifestes de chargement qui auront été remis ou qui seront trouvés à bord, la traduction des pièces de bord par un interprète juré, lorsqu'il y a lieu.

ART. 74. Si le bâtiment est amené sans prisonniers, charte partie ni connaissements, l'équipage du navire capteur sera interrogé séparément sur les circonstances de la prise pour faire connaître, s'il se peut, sur qui la prise aura été faite.

ART. 75. L'officier d'administration de la marine sera assisté dans tous ces actes du principal préposé des douanes et appellera en outre le fondé de pouvoir des équipages capteurs, s'il y en a. A défaut de fondé de pouvoir, l'équipage sera représenté par le conducteur de la prise, réputé fondé de pouvoir.

ART. 76. Dans le cas d'avaries ou de détérioration de tout ou partie de la cargaison, l'officier d'administration de marine, en apposant les scellés, ordonnera le déchargement et la vente dans un délai fixé.

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