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La vente ne pourra cependant avoir lieu qu'après avoir été publiquement affichée dans le port de l'arrivée et dans les communes et les ports voisins, et après qu'on aura appelé le principal préposé des douanes et le fondé de pouvoir des équipages capteurs, ou, à défaut, le conducteur de la prise. Le produit de ces ventes sera provisoirement déposé dans la caisse des invalides de la marine.

ART. 78. Aussitôt que la procédure d'instruction sera terminée, il sera procédé sans délai à la levée des scellés et au déchargement des marchandises, qui seront inventoriées et mises en magasin, lequel sera fermé de trois clés différentes, dont l'une demeurera entre les mains de l'officier supérieur de l'administration de la marine, une seconde entre celles du receveur des douanes, et la troisième sera remise à l'armateur ou à celui qu le représentera,

ART. 79. Il sera aussi procédé sans délai à la vente provisoire des effets sujets à dépérissement, soit sur la réquisition de l'officier d'administration, soit à la requête de l'armateur ou de celui qui le représentera. Pourra même l'officier supérieur de l'administration de la marine, lorsque les prises seront évidemment ennemies, permettre la vente tant du navire que des cargaisons sans attendre le jugement de bonne prise, laquelle vente se fera dans le délai qui aura été fixé par le dit officier supérieur, et toutefois après que les formalités prescrites par l'article 36 (1) auront été remplies.

ART. 80. Si la prise a été faite sous pavillon neutre où n'est pas évidemment ennemie, la vente, même provisoire, ne pourra avoir lieu sans le consentement du capitaine capturé, et, en cas de refus, s'il y a nécessité de la vendre, cette nécessité sera constatée par une visite d'experts nommés contradictoirement par l'armateur ou son représentant et ce même capitaine, ou d'office par l'officier supérieur de l'administration de la marine.

ART. 81. S'il se présente des réclamants, les effets par eux réclamés pourront leur être délivrés par l'officier d'administration, suivant l'estimation qui en sera faite à dire d'experts, pourvu que les dites réclamations soient fondées en titre valable, à la charge

(1) Cet article s'occupe des prises constamment ennemies. Deux cas peuvent se présenter: ou les objets chargés sur la prise sont sujets à dépérissement, alors la loi en prescrit la vente immédiate; ou les objets ne sont pas sujets à dépérissement, alors la loi laisse à la discrétion de l'officier supérieur de la marine de déterminer si la vente doit avoir lieu avec délai ou bien si elle doit être retardée jusqu'au jugement

par celui qui les aura faites de donner bonne et suffisante caution, faute de quoi il sera passé outre.

L'article 82 fixe les conditions générales de ces ventes, matière dont s'occupe également l'art. 15 de l'arrêté du 6 germinal an viii.

2886. Les dispositions contenues dans ces arrêtés ont été appliquées en différentes occasions par le conseil des prises et la cour de cassation.

Ainsi, dans l'affaire du smogleur la Nancy, capturé par le corsaire l'Enjôleur, le conseil des prises (27 thermidor an Ix) décida que lorsqu il résulte de l'interrogatoire du capitaine capturé et de son équipage que le navire est ennemi, cette déclaration ôte juridiquement toute valeur aux inductions contraires tirées des pièces trouvées à bord au moment de la prise. Le capitaine de la Nancy, revenant sur ses premiers aveux, prétendait que son bâtiment était un smogleur français ou du moins franco-batave, puisqu'il appartenait au port de Flessingue possédé en commun par la République Française et par la République Batave, qui toutes les deux y percevaient alternativement les impôts.

A ces moyens de défense le commissaire du gouvernement français opposa les conditions suivantes : « La Nancy n'est pas un smogleur batave, mais bien réellement anglais. Les réponses du capitaine et celles de l'équipage lors de leur interrogatoire ne permettent pas le plus léger doute à cet égard. Le capitaine, qui est Anglais, a reconnu que le navire et la cargaison lui appartenaient, que son navire était du port de Leeds, en Angleterre, que son équipage se composait exclusivement de matelots anglais, que ses papiers étaient simulés et qu'il ne les avait pris qu'en vue de mieux assurer la liberté de sa navigation. Il n'a pas dit un seul mot des lettres de bourgeoisie. Je ne prétends pas inférer de là qu'elles soient matériellement fausses; mais il y a lieu de supposer qu'elles ont été préparées d'avance afin de mieux cacher la simulation de pavillon, dont le capitaine a fait l'aveu. » Le conseil, adoptant l'avis du commissaire du gouvernement, valida la prise de la Nancy et l'adjugea avec sa cargaison aux armateurs et à l'équipage de l'Enjôleur *.

Pistoye et Duverdy, t. II, tit. 8, ch. 2; Barboux, Jurisprudence du conseil des prises, pp. 45 et seq.; Valin, Traité, ch. 5, sect. 3; Gessner, pp. 399 et seq.; Dalloz, Répertoire. v Prises marit., sect. 7, §§ 271 et seq.; Merlin, Répertoire, v. Prises marit.; Lebeau, Code des prises; Massé, t. I, § 415; Hautefeuille, Des droits, t. III, tit. 13, ch. 2, sect. 2, §.2.

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Fausses déclarations du

Cybèle contre

$ 2887. Dans l'instance pendante entre le navire autrichien la capteur.-La Cybele et le corsaire français l'Achille, qui l'avait capturé, le même l'Achille. tribunal décida (13 ventôse an x) que la prise doit être déclarée nulle lorsque le capteur déclare faussement dans son procèsverbal de prise 1o qu'il y a eu combat, tandis que, au contraire, le navire capturé s'est rendu sans résistance; 2° que l'équipage entier a pris la fuite, tandis que tous les hommes sont restés à bord après la prise et qu'ils n'ont quitté le bâtiment que sur l'ordre et d'après le consentement formel du corsaire; et 3° lorsqu'à son arrivée il dissimule la présence à bord de plusieurs matelots du bâtiment capturé, qu'il ne fait comparaître pour l'interrogatoire que plusieurs jours après son arrivée au port.

faux pavillon.

voyeur con

William.

Semonce et § 2888. A propos de la capture du navire anglais le John William -Le Pour- par le corsaire le Pourvoyeur la cour de cassation jugea (19 gertre le John minal an vii) << que lorsqu'il s'agit de savoir si un corsaire français a tiré le coup de semonce et fait une prise sous pavillon étranger, les juges doivent interroger non seulement l'équipage capturé, mais encore les officiers et les matelots du bâtiment capteur »; elle cassa en conséquence le jugement du tribunal de Calais, qui, se contentant de la déposition des gens du navire capturé sans confronter ceux-ci avec l'équipage du capteur ni recourir aux autres sources d'information prescrites par la loi, avait admis comme prouvé le fait de semonce sous un faux pavillon et dépouillé le capteur en adjugeant la prise à l'État *.

Décisions

des conseils

français

§ 2889. Pendant la dernière guerre contre l'Allemagne, la France des prises institua deux conseils des prises: l'un a siégé à Paris du 22 octobre 1870 au 7 janvier 1871, sous la présidence de M. de Clercq, Allemagne ministre plénipotentiaire et membre du comité du contentieux des en 1870-1871. affaires étrangères; l'autre a fonctionné à Tours et à Bordeaux.

pendant la guerre avec

Parmi les décisions rendues par ces conseils aucune ne s'applique à des espèces ou à des points de droit absolument nouveaux. Tous les bâtiments avaient été pris sous pavillon ennemi par des croiseurs de la marine militaire: circonstance qui a naturellement entraîné leur condamnation et leur adjudication au profit des capteurs, sous réserve des droits dévolus à la caisse des invalides de la marine.

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Il n'en a pas été de même de leurs cargaisons. Les conseils, se

Pistoye et Duverdy, t. II, tit. 8, ch. 2; Dalloz, Répertoire, v. Prises marit., sect. 7, §§ 271 et seq.

guidant sur la déclaration du congrès de Paris du 16 avril 1856, n'ont prononcé la confiscation des objets trouvés à bord au profit des capteurs que lorsqu'ils ont pu constater que les marchandises appartenaient réellement et en toute propriété à des sujets ennemis; toutes les fois, au contraire, qu'il a été prouvé qu'elles appartenaient à des neutres, les conseils en ont ordonné la restitution immédiate à leurs propriétaires, à la charge par eux de payer les frais de procédure, de gardiennage et de magasinage, et le fret jusqu'au port où le navire capturé avait été conduit.

Dans tous les cas où la neutralité du chargement ne leur a pas paru suffisamment établie, les conseils ont accordé des sursis aux intéressés jusqu'à due justification de leur droit de propriété et de leur qualité de sujets neutres.

D'après la jurisprudence invariablement consacrée à cet égard en France, les effets personnels, l'argent, les instruments nautiques et les pacotilles reconnus appartenir en propre aux capitaines et aux équipages des navires capturés ont été restitués intégralement et sans frais aux ayant droit.

§ 2890. Comme exemple de la procédure que nous venons de résumer nous croyons utile de reproduire les motifs sur lesquels le conseil des prises de Paris, sous la présidence de M. de Clercq, a basé sa décision dans les deux cas suivants (audience du 31 décembre 1870):

Dans l'affaire du trois-mâts prussien Joan, capturé par l'aviso de la marine française le Bougainville et amené à Cherbourg, le navire a été déclaré de bonne prise comme propriété ennemie ; la pacotille, les effets personnels, les instruments et les cartes ont été restitués au capitaine; quant à la cargaison, revendiquée par les chargeurs et des consignataires établis en pays neutre, une partie a été déclarée de bonne prise, tandis que l'autre partie a dû être restituée aux réclamateurs ou à leurs ayant cause, contre le remboursement des frais de garde, procédure ou autres, et contre paiement, en faveur des capteurs, à qui le montant en est adjugé dans les conditions réglementaires, du fret poportionnel acquis au navire depuis Cherbourg. Cette sentence est précédée de considérants longuement développés, desquels nous extrayons ceux qui ont le plus particulièrement trait à la cargaison :

<< Considérant que des actes notariés et autres documents produits à l'appui de la requête résulte la preuve manifeste que les réclamateurs des marchandises inscrites sur les connaissements

Cas

pratiques.

Le Joan.

Le Paul

Auguste.

cotés 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 16 et 19 sont tous sujets neutres et propriétaires de denrées qui leur étaient expédiées par leurs correspondants de Belize;

<< Considérant que pour les connaissements cotés 15 et 17 le chargeur est le sieur Cramer, qui ne justifie pas avoir perdu sa qualité de sujet allemand, mais que le destinataire C.-W. Dieseldorff, d'origine hambourgeoise, a été naturalisé dans le Honduras britannique et a établi en due forme sa qualité de propriétaire exclusif de la marchandise qu'il réclame;

<< Considérant que les marchandises inscrites sur le connaissement coté 18, bien que chargées par Hunter et Cie, qui semblent être sujets neutres, sont consignées à Schroeder et Boeminger, commanditaires de la maison Schroeder, de Hambourg, port ennemi;

<< Considérant que Schroder et Boeminger sont tous les deux d'origine allemande, et qu'en principe on ne cesse pas d'appartenir à un pays parce qu'on réside dans un autre en vue d'y faire le commerce;

« Considérant que pour ne plus tenir à sa patrie il faut y avoir renoncé par l'adoption d'une patrie nouvelle, c'est-à-dire par la naturalisation, seule capable de donner l'intégralité des droits du citoyen;

<< Considérant que de même qu'un neutre malgré sa résidence en pays ennemi ne perd pas de plein droit sa qualité de neutre, la résidence commerciale d'un ennemi dans un port neutre ne fait pas perdre à celui-ci sa qualité ennemie ;

« Considérant que Schroeder et Boeminger, en réclamant comme consignataires les quinze balles couperose du connaissement coté 18, ne justifient pas avoir acquis par naturalisation la nationalité anglaise et ne fournissent aucune pièce probante à l'appui de leur prétendu droit de revendication contre les capteurs du Joan;

Considérant enfin qu'à l'exception des marchandises consignées à Schroder et Bœminger par le connaissement coté 18, la propriété neutre de la cargaison du Joan, telle qu'elle est spécifiée sur les connaissements cotés 1 à 14 inclusivement, 16 et 19, se trouve dûment justifiée, et doit être restituée aux ayant droit, conformément à la déclaration du 16 avril 1856, etc. »

§ 2891. Dans l'affaire du brick prussien Paul Auguste, capturé par l'aviso à vapeur français le Souffleur, et déclaré de bonne prise comme propriété ennemie, le conseil,

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