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En ce qui concerne la cargaison,

Considérant que des trois connaissements trouvés à bord et de l'interrogatoire du capitaine, ainsi que du manifeste de la douane de sortie, résulte la preuve manifeste que la cargaison du Paul Auguste a été embarquée le 17 juin à Terra Nova, port neutre, à destination de Rotterdam, port également neutre ;

« Considérant que si le soufre dont se compose cette cargaison constitue un article de contrebande de guerre, il n'est cependant saisissable comme tel, quand ses propriétaires sont neutres, que lorsqu'il est destiné à l'ennemi ;

« Considérant que le Paul Auguste a embarqué sa cargaison dans un port neutre pour un autre port neutre, à une époque où, la guerre n'étant ni déclarée ni présumable, le soufre constituait un article de commerce licite;

« Considérant qu'en l'absence de tout indice résultant soit des pièces trouvées à bord, soit des déclarations faites par le capturé, il est impossible de déterminer si Wolf et Cie de Terra Nova, chargeurs du Paul Auguste, sont propriétaires de la cargaison ou ont agi comme simples commissionnaires d'ordre et pour compte d'un tiers;

« Considérant que la même incertitude existe quant à la qualité réelle de Schleusner, Stengel et Cie de Rotterdam, mentionnés sur un des connaissements comme consignataires de 2,500 cantars de soufre;

« Considérant que le surplus de la cargaison du Paul Auguste, soit 1,300 cantars de soufre, étant consigné à ordre, ne peut être revendiqué contre le capteur qu'à charge de justifier d'un droit de propriété neutre qui ne se laisse induire d'aucune des pièces trouvées à bord de la prise;

Considérant que d'après la lettre et l'esprit de la déclaration du congrès de Paris en date du 16 avril 1856, les cargaisons embarquées sous pavillon ennemi ne peuvent être revendiquées par les intéressés qu'à la condition par eux de justifier en due forme de leur droit de propriété et de leur nationalité neutre ;

« Considérant qu'à raison des circonstances, cette double justification n'a pu être faite jusqu'à présent ni par Wolf, Raabe et Cie de Terra Nova, ni par Schleusner, Stengel et Cie de Rotterdam, ni par les ayant droit du connaissement à ordre trouvé à bord du Paul Auguste;

« Décide qu'il est sursis à statuer sur la validité de la capture

Législation anglaise.

Acte 13 Georges II.

de la cargaison de 'soufre trouvée à bord du navire Paul Auguste jusqu'à ce que les propriétaires aient justifié en due forme de leur qualité de citoyens neutres*. »>

$ 2892. Les cours de prises anglaises appliquent en principe le droit international. Pour répéter le langage de Lord Stowell, « la cour d'amirauté jugeant en pareille matière est proprement et véritablement une cour de droit international et n'a pas pour mission d'appliquer les lois particulières de tel ou tel pays. >>

On admet toutefois que le droit international trouve son expression dans les actes ou les lois que le parlement juge à propos de voter; et, à vrai dire, on n'invoque d'une manière directe les principes généraux du droit international que lorsqu'il s'agit de cas non résolus par la loi sur les prises ou par des décisions précédentes.

Depuis 1740 de nombreux actes du parlement ont fixé les règles à suivre dans la procédure en matière de prises.

§ 2893. L'acte 13 Georges II dispose que lorsqu'un certain délai s'est écoulé sans que la prise ait été réclamée, cette prise doit être relâchée ou condamnée, selon les résultats de l'instruction provisoire. Cette disposition paraît toutefois avoir été rarement appliquée. C'est du moins ce qui ressort d'une lettre écrite par Sir William Scott et Sir J. Nicholl à M. Jay, ministre des États-Unis à Londres, lettre dans laquelle ces deux célèbres jurisconsultes adoptent les Rapport principes développés dans le rapport présenté au roi d'Angleterre en 1753, auquel nous empruntons les passages suivants :

au roi, 1753.

Devoirs du capteur.

« Le capteur, aussitôt après avoir amené sa prise dans le port, doit envoyer ou déposer, sous la foi du serment, au greffe de la cour d'amirauté tous les papiers qu'il a trouvés à bord du navire capturé. Au bout de quelques jours les commissaires du port où la prise est amenée procèdent, dans la forme prescrite, à l'interrogatoire sommaire (in præparatorio) du capitaine et de quelquesuns des hommes de l'équipage; dès que cet interrogatoire est terminé, le procès-verbal en est également envoyé au greffe de la cour d'amirauté. Le capteur retire du greffe un avis, qu'il fait afficher à la Bourse royale, et par lequel il porte la capture à la connaissance du public et invite toutes les personnes intéressées à exposer les motifs qu'ils opposent à la condamnation du navire

Conseil des prises, décisions rendues d'octobre 1870 à janvier 1871. Extrait du Bulletin officiel de la marine, Paris, 1871.

et de la cargaison. A l'expiration d'un délai de vingt jours l'avis est renvoyé au greffe avec une copie du certificat de sa publication. S'il survient quelque réclamation, alors on instruit la cause en s'appuyant sur les informations et les preuves fournies par les papiers de bord et l'interrogatoire préparatoire.

<< Voici maintenant quels sont les devoirs à remplir par les neutres. Dès qu'il arrive dans le port, le capitaine doit dresser un protêt en règle, qu'il transmet avec les enquêtes et documents qu'il juge utiles au correspondant de ses armateurs à Londres, ou au consul de sa nation, qu'il charge de revendiquer le navire ou la cargaison. Le plus habituellement le capitaine se transporte luimême à Londres pour aviser personnellement à la défense de ses intérêts. L'ayant droit fait alors rédiger par un avocat une requête qui expose sommairement les faits établissant à qui appartiennent le navire et le chargement et prouvant qu'ils ne constituent pas propriété ennemie. La caution pour la garantie éventuelle des frais auxquels le réclamant pourrait être condamné est de 60 livres sterling. D'un autre côté, si le capteur n'avait pas dès son arrivée au port rempli les obligations qui lui sont imposées, il pourrait y être contraint, à la demande du défendeur. »

S 2894. Quant aux formes de la procédure le document que nous analysons les résume en ces termes :

« La sentence d'absolution ou de condamnation avec ou sans frais repose, en première instance, exclusivement sur les pièces de bord et sur les déclarations sous serment des capitaines et des officiers des deux navires. Si ces documents ne fournissent aucun motif à condamnation, on prononce la relaxation de la prise; dans le cas, au contraire, où ils laisseraient subsister quelque doute, on doit rechercher de nouvelles preuves.

<< La revendication du navire et du chargement doit être poursuivie par une personne qui déclare sous serment qu'elle considère la demande comme fondée. En matière de droit international la bonne foi est de rigueur; les navires doivent donc être munis de papiers complets et authentiques, et le capitaine est tenu de connaître exactement ses devoirs.

« Le droit international exige que lorsque le réclamant a par sa faute éveillé des soupçons, il soit condamné à une quote-part proportionnelle des frais, même quand le navire est relâché. C'est ce qui a lieu notamment en cas d'irrégularité, de falsification ou de jet à la mer des papiers de bord, ou bien encore s'ils ont fait

Devoirs des neutres.

Procédure

Législation

nord

naître des doutes sur leur authenticité, ou si dans le cours de l'instruction il y a eu de la part du capitaine et des officiers soit des dépositions contradictoires, soit impossibilité de se prononcer sur la propriété neutre ou ennemie du navire ou de la cargaison. Toutes les fois que la prise n'est pas déclarée bonne et valable, le capteur est condamné aux frais de procédure et à des dommages et intérêts en faveur du capturé.

« Lorsque le caractère de la prise ne ressort pas clairement des papiers de bord et de l'instruction préparatoire, on accorde parfois au réclamant la faculté d'en fournir la preuve à l'aide de dépositions de témoins spéciaux (affidavits); si ces témoignages lui font défaut ou ne suffisent pas à établir ses droits, on s'arrête à la présomption légale que les biens capturés constituent propriété ennemie. Enfin, toutes les fois que les documents et les personnes trouvés à bord ne fournissent pas de preuves dignes de for, le capteur peut recourir à d'autres moyens, aux frais du défendeur, qui ne peut imputer qu'à lui-même d'avoir fourni des éléments insuffisants d'appréciation*. »

S 2895. Story fait remarquer avec raison que nulle procédure américaine. n'offre des différences aussi nombreuses et aussi frappantes que celles qui existent entre la marche adoptée par les tribunaux ordinaires de justice et les formes consacrées par les cours de prises. « Dans celles-ci, ajoute-t-il, l'instruction, la nature des preuves et les formes de procédure reposent sans doute, en général, sur les règles du droit civil, mais avec toutes les modifications et les transformations exigées tantôt par les belligérants, tantôt par les

neutres. »

D'après la législation nord-américaine la production des preuves puisées dans les pièces de bord et dans l'interrogatoire de l'équipage suit immédiatement l'achèvement de l'instruction préliminaire de la cause, et est admise aussi bien en première instance qu'en appel. Les formes de procédure sont d'ailleurs les mêmes qu'en Angleterre.

Une des obligations les plus essentielles imposées aux capteurs par la législation nord-américaine est celle d'amener sans retard la prise dans un port de l'Union pour y être jugée par le tribunal compétent; l'oubli de cette injonction entraîne pour le capteur

* Phillimore, Com., v. III, § 440; Gessner, pp. 403 et seq.; Wildman, v. II, ch. 10; Wheaton, On captures, app.; Wheaton, Reports, v. I, p. 494.

condamnation à dommages et intérêts envers le neutre dont il a saisi les biens.

Pour arriver à la restitution de la propriété capturée, l'ayant droit est tenu d'accompagner sa demande d'une déclaration par témoins établissant la réalité des faits qui militent en så faveur. Tant que cette déclaration n'a pas été produite, on ne lui permet pas de contrôler le dossier de l'affaire, en raison des graves inconvénients qui en pourraient résulter. Dans quelques occasions cependant le juge autorise la communication de certaines pièces, afin que le défendeur puisse préciser les points principaux de sa réclamation.

Les tribunaux nord-américains, s'écartant sur ce point des usages suivis par les cours anglaises, ne rendent leur jugement sous forme de décision interlocutoire qu'après la solution finale de toutes les questions pendantes. Les sentences prononçant relaxation des prises sont tantôt pures et simples, tantôt accompagnées d'une condamnation au paiement des frais*.

bilité

de l'Etat.

$ 2896. La sentence du tribunal de prises met fin à la respon- Responsasabilité du capteur en même temps qu'elle donne ouverture à celle de l'État. Un semblable jugement est bien définitif à l'égard des sujets du pays; mais il ne saurait avoir le même caractère à l'égard des étrangers, dont les gouvernements peuvent, certaines circonstances étant données, exiger que leurs nationaux soient dédommagés des préjudices qu'ils ont soufferts et, en cas de refus, recourir soit à des actes de représailles, soit à une rupture d'hostilité.

Ce principe est défendu par un grand nombre de publicistes et repose sur des précédents historiques, parmi lesquels on peut citer le différend survenu en 1753 entre l'Angleterre et la Prusse, ainsi que celui que les États-Unis eurent avec le Danemark en 1830 et dont nous avons parlé ailleurs. Quant à nous, il nous est difficile de l'accepter sans réserve et d'admettre que, sauf les cas de déni formel de justice ou de violation manifeste des règles les plus sacrées du droit international, un jugement de cour de prises ne soit pas aussi obligatoire pour les étrangers que pour les nationaux. La souveraineté des États et l'indépendance absolue de leurs tribunaux exigent également que les sentences judiciaires,

Halleck, ch. 31, §§ 20 et seq.; Phillimore, Com., v. III, pp. 560 et seq.; Dana, Elem. by Wheaton, note 186; Wildman, v. II, ch. 10.

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