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indemnités de

de préjudices.

lorsqu'elles sont devenues définitives, soient acceptées et respectées comme telles par tous ceux dont elles affectent les intérêts *. Frais et § 2897. Tout capteur est responsable des prises qu'il fait et des dommages et préjudices que ces actes ont occasionnés à des tiers. Lors donc que la capture n'est pas déclarée bonne et valable par les tribunaux appelés à la juger et que la restitution aux ayant droit en est ordonnée, il peut suivant les circonstances être condamné soit à des dommages et intérêts, soit au paiement des frais de procédure; sous ce rapport les tribunaux sont souverains pour apprécier s'il y a lieu ou non à indemnité.

Cas du navire
Ostee, 1854.

Hautefeuille fait à ce sujet l'observation suivante : « Les traités et l'usage général des nations ont admis que cette réparation serait faite par le paiement à la partie saisie de tous les dommages qu'elle a pu éprouver et des bénéfices dont elle a été privée; mais pour donner ouverture au droit de réclamer des dommages et intérêts il ne suffit pas que la saisie ait été jugée non valable; il est nécessaire que le jugement constate que la saisie était dénuée de fondement au moment même où elle a été opérée. »

Hautefeuille ajoute que le capteur ne peut jamais être tenu à des dommages et intérêts lorsque le relâchement a été amené par des pièces qui ne se trouvaient pas sur le navire au moment de la saisie.

$ 2898. En 1854, pendant la guerre de Crimée, l'Ostee, se rendant, sous pavillon mecklembourgeois de Cronstadt à Elseneur, fut saisi par un vaisseau de guerre anglais et envoyé à Londres pour être jugé comme prise. Après l'examen des papiers de bord et l'interrogatoire ordinaire de l'équipage on constata qu'il n'y avait pas lieu de le condamner. Le navire et son chargement furent rendus aux ayant droit, mais sans frais ni dommages et inté

rêts.

Appel ayant été interjeté devant le conseil privé, les membres de ce conseil, dans le jugement qu'ils rendirent, émirent l'avis que la restitution d'un navire et de son chargement peut entraîner selon les circonstances de l'affaire l'une ou l'autre des consé

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Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 2, § 16; Grotius, Le droit, liv. 3, ch. 2, § 5; Bynkershoek, Quæst., lib. 1, cap. 24; Vattel, Le droit, liv. 2, ch. 18, § 350; Rutherforth, Inst., b. 2, ch. 9, § 19; Martens, Précis, § 257; Manning, pp. 383, 384; Halleck, ch. 31, §§ 16, 17; Bello, pte. 2, cap. 5, § 4; Martens, Essai sur les armateurs, ch1,, § 4; Dalloz, Répertoire, v. Prises marit., sect. 6; Vergé, Précis de Martens, t II. p. 191; Pradier-Fodéré, Vattel, t. II, pp. 330, 331.

quences suivantes: 1° les ayant droit peuvent être enjoints de payer aux capteurs leurs frais et dépens; ou 2o la restitution peut être une restitution pure et simple, sans frais, dépens ou dommages et intérêts à l'une ou à l'autre partie; ou 3° les capteurs peuvent être enjoints de payer des frais ou des dommages et intérêts aux ayant droit. Ces prescriptions répondent aux différentes circonstances dans lesquelles les captures peuvent s'effectuer, mais qui ne fournissent pas en définitive de juste cause de condamnation.

Un navire peut avoir occasionné sa capture par sa propre conduite; or en pareil cas il est raisonnable qu'il doive indemniser les capteurs des dépenses que sa conduite a causées; ou bien il peut, sans qu'il y ait faute de sa part, se trouver dans une situation suspecte de nature à donner le droit ou même à imposer le devoir à un belligérant de le saisir. Il peut y avoir faute de la part du capteur ou de celle du capturé; or dans ces cas il peut exister damnum absque injuriâ (dommage par suite de préjudice) et n'y avoir lieu qu'à restitution pure et simple. Un troisième cas peut se présenter, où non seulement le navire n'est point en faute, mais encore ne fournit, par quelque acte de son fait, volontaire ou involontaire, aucun sujet légitime de soupçon; en pareil cas un belligérant peut à ses risques et périls le saisir en courant la chance de rechercher et de produire quelque fait propre à justifier la capture; mais s'il n'y parvient pas, il paraît raisonnable qu'il paie les frais et les dommages qu'il a occasionnés.

Les membres du conseil privé admirent que l'affaire qui leur était soumise rentrait sous une de ces trois règles, et ils accordèrent aux ayant droit leurs frais dans la juridiction inférieure, mais non en appel. Ils leur allouèrent aussi des dommages, dont le montant devait être fixé par le Registrar et des négociants. Ce montant fut plus tard payé par le gouvernement anglais.

Les frais et les dommages, lorsqu'ils sont décrétés contre les capteurs, ne le sont pas à titre de pénalité, mais de compensation à la partie lésée. Pour exempter les capteurs des frais et des dommages en cas de restitution, il faut qu'au navire ou au chargement se rattachent quelques circonstances donnant de justes raisons de croire que le navire ou le chargement pouvaient se trouver en état de prise légitime. On ne saurait définir ce qui au juste constitue cette cause probable de nature à justifier une capture: elle doit se régler d'après les circonstances particulières à chaque cas. Il n'est pas nécessaire, pour faire condamner les cap

Loi des États-Unis.

teurs à payer des frais et des dommages, de prouver qu'ils ont tenu une conduite vexatoire. Une erreur commise de bonne foi, quoique occasionnée par un acte du gouvernement, n'affranchit pas non plus les capteurs de l'obligation d'indemniser un neutre des dommages que les capteurs lui ont fait éprouver par leur conduite.

Dans le cours de leur jugement les membres du conseil privé déclarèrent en outre que la loi qu'ils allaient poser ne pouvait être limitée à la marine anglaise; la règle doit s'appliquer aux capteurs en général, à quelque nation qu'ils appartiennent. On ne peut permettre à aucun pays d'établir une règle exceptionnelle en sa propre faveur ou en faveur de classes particulières de ses sujets, Les décisions rendues par des tribunaux étrangers sur le droit des gens ont droit à la même portée que celles des autres tribunaux où siége le tribunal qui les a rendues. L'Amérique a emprunté presque tous ses principes de jurisprudence sur les prises aux décisions des tribunaux anglais, et, quel qu'ait pu être le cas autrefois, aujourd'hui il n'est pas d'autorités que les tribunaux anglais ne citent, dans les affaires où elles sont applicables, avec plus de respect que celles des jurisconsultes distingués de France ou d'Amérique, Les raisons qu'on fait valoir pour justifier ou excuser la conduite d'un officier de la marine anglaise doivent être admises par les tribunaux de tous les pays des deux côtés de l'Atlantique pour justifier ou excuser les capteurs de leur nationalité respective.

$ 2898. D'après la loi des États-Unis (acte du 26 juin 1812, section 6) les cours compétentes pour statuer en cette matière sont autorisées à restituer les prises en totalité ou en partie lorsque la capture a été faite sans cause juste; si elle a été faite sans cause probable ou autrement sans raison plausible, elles peuvent adjuger à la partie lésée des dommages et intérêts. Pour baser une sentence de ce genre on se guide en général d'après l'intention et le degré de bonne foi qui ont dû faire agir les capteurs; il est rare qu'un tribunal alloue des indemnités pour la simple erreur qu'il a pu commettre, à moins que les conséquences n'en aient été très-sérieuses pour les intéressés. Lorsque la prise déclarée non valable par les tribunaux s'est perdue par la faute ou la négligence de ceux qui s'en sont emparés, ces derniers sont tenus de payer la valeur du bâtiment et du chargement à ses propriétaires et de leur rembourser les frais qu'ils auront pu faire et

même le montant de la prime d'assurance, si elle a été payée. Les tribunaux de prises ont beaucoup discuté les questions relatives à la responsabilité qui incombe à des propriétaires de navires armés en course, ainsi qu'aux chefs d'escadre, pour les prises faites par leurs subordonnés. Ces chefs ont à répondre de toutes les fautes ou délits que commettent les gens sous leurs ordres, soit en leur présence, soit d'après les instructions qu'ils leur donnent. Quant aux frais et aux indemnités à payer aux parties lésées, on suit à cet égard la règle générale d'après laquelle l'offenseur est seul responsable. Aux États-Unis on fait peser sur les chefs d'escadre et les propriétaires de navires en course. jusqu'à la responsabilité des actes commis par simple autorisation; en Angleterre, au contraire, il est indispensable que les ordres donnés soient positifs et formels. Les armateurs et les capitaines de corsaires sont responsables des captures illégales jusqu'à concurrence de la valeur totale des pertes qu'ils ont réellement occasionnées. Les répondants ne sont responsables que du montant garanti par eux, à moins que leur caution ne soit illimitée *.

§ 2899. On demande si dans le cas où le capteur est dans l'impossibilité de payer les dommages et intérêts l'État auquel il appartient doit le faire à sa place.

Il faut ici distinguer entre les vaisseaux de guerre et les corsaires. Dans tous les pays ces derniers doivent fournir un cautionnement, destiné entre autres choses à assurer aux neutres satisfaction dans le cas où il leur serait porté préjudice. On doit donc rendre responsable le capitaine d'abord, ensuite le propriétaire; dans le cas où le capitaine et le propriétaire ne seraient pas une seule et même personne, leurs ressources privées et le cautionnement doivent être mis à contribution. Ce principe a été reconnu formellement par de nombreux traités.

Hautefeuille fait la remarque parfaitement juste que dans le cas où le cautionnement et la fortune du propriétaire et du capitaine. ne suffiraient pas au paiement de l'indemnité, l'État avec l'auto

Hautefeuille, Des droits, t. III, pp. 360 et seq.; Massé, t. I. § 419; Gessner, pp. 414 et seq.; Bluntschli, § 854; Fiore, t. II, p. 533; Phillimore, Com., v. III, $$ 452 et seq.; Kent, v. I, p. 105; Wildman, v. II, pp. 163 et seq.; Halleck, ch. 30, §§ 29, 30; Bello, pte. 2, cap. 5, § 4; Bynkershoek, Quæst., lib. 1, cap. 19; Valin, Traité, pp. 238, 210; Steck, Essais, p. 113; Gessner, p. 425; Halleck, ch. 31, § 29,

note.

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Réforme

des tribunaux

risation duquel le corsaire a été armé en est responsable envers le neutre.

§ 2900. Comme on a pu en juger par ce qui précède, la juride prises. diction en matière de prises est encore loin d'être complète, établie sur des bases fixes et invariables; elle présente beaucoup d'imperfections, de défectuosités et d'équivoques, qui en compromettent ou en infirment essentiellement l'autorité. Il n'est donc pas surprenant que des publicistes, même parmi les plus autorisés, ne l'admettent qu'avec certaines réserves comme une nécessité éventuelle en vue d'éviter de pires conséquences, et manifestent des tendances à une sérieuse réforme en cette matière.

De son côté, l'Institut de droit international, dans sa session de 1877, tenue à Zurich, au mois de septembre, a pris les résolutions suivantes :

« L'Institut déclare que le système actuel des tribunaux et celui de l'administration de la justice en matière de prises sont défectueux et considère comme urgent de porter remède à cet état de choses par une nouvelle institution internationale.

« Il est d'avis qu'il y a lieu

« 1° De formuler par traité les principes généraux en matière de prises;

« 2o De remplacer les tribunaux jusqu'ici exclusivement composés de juges appartenant à l'État belligérant par des tribunaux internationaux, qui donnent aux particuliers intéressés de l'État neutre ou ennemi de plus amples garanties d'un jugement impartial;

4° De s'entendre sur une procédure commune à adopter en matière de prises.

« Toutefois l'Institut croit devoir déclarer que dès à présent il considèrerait comme un progrès l'institution de tribunaux mixtes, soit de première instance, soit d'appel, sur les bases de projet élaboré par M. Westlake. »

M. Westlake propose l'institution d'un tribunal des prises, propre ou spécial, sur le territoire du belligérant, mais seulement quand un État neutre a préalablement conclu un traité d'organisation du tribunal des prises avec l'un des États belligérants, et, dans l'éventualité d'une guerre, pour le cas de prises faites sur les nationaux du neutre. Dans ce tribunal le belligérant et le neutre nommeraient chacun un juge, puis un troisième; ou même un quatrième juge, s'il le fallait, serait désigné par une ou deux puissances neutres.

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