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Dans le cas où cela ne serait pas admis, le neutre intéressé proposerait au belligérant certains États, parmi lesquels le belligérant en choisirait un ou plusieurs, qui désigneraient le juge ou les deux juges nécessaires*.

SECTION III.

Du partage DES PRISES EN COMMUN.

Captures

faites

§ 2901. On appelle captures en commun celles qui sont opérées soit par deux ou plusieurs navires agissant de conserve ou isolé en commun, ment, soit avec le concours ou sous la protection de troupes de

terre.

Cette sorte de captures soulève des questions fort délicates. Il s'agit en effet de rechercher quels sont les véritables auteurs de la capture, c'est-à-dire ceux qui ont droit de participer à sa valeur. L'usage général est de répartir le produit de la prise entre tous ceux qui ont effectivement et matériellement coopéré à la capture. Toutefois l'application de cette règle aux cas particuliers qui peuvent survenir est plus difficile qu'on ne se l'imagine au premier abord, et exige une étude attentive des circonstances qui s'y rattachent. L'appréciation de la part de coopération néces· saire pour constituer une capture en commun dépend en grande partie du caractère des navires et de leur situation respective au moment où la prise a été faite **.

$ 2902. Dans les prises opérées par des vaisseaux de guerre, tous ceux qui sont présents au moment de la capture ont droit au partage de leur produit net. Cette règle est basée sur l'obligation qui incombe à tous les bâtiments de l'État indistinctement d'attaquer l'ennemi partout où il se trouve, et sur la présomption qui en découle que les vaisseaux de cette classe qui étaient présents sur le lieu de la capture se trouvaient là animo capiendi. On allègue également comme raison justificative de ce mode de procéder la

Bulmerincq, Revue de droit int., t. XI, 1879, p. 186.

Twiss, War, § 184; Halleck, ch. 30, § 6; Phillimore, Com., v. III, §§ 386 et seq.; Wildman, v. II, pp. 327 et seq.; Pistoye et Duverdy, t. II, tit. 9, ch. 2, sect. 4; Dalloz, Répertoire, v. Prises marit., sect. 8, art. 3.

Pratique consacrée au sujet des captures offectuées par des bâtiments de l'Etat.

nécessité de fortifier par tous les moyens possibles l'harmonie si nécessaire dans le service maritime. Mais le bâtiment qui réclame une semblable participation doit avoir été présent à l'acte de la capture ou au moins au commencement de la chasse et du combat, c'est-à-dire que son intervention doit avoir été au moins morale, si elle n'a pu être matérielle, s'il n'y a pas eu concours immédiat, direct et effectif. Quand les circonstances qui ont accompagné la capture n'établissent pas d'une manière satisfaisante la présomption d'animus capiendi, ainsi qu'il arrive, par exemple, lorsque le bâtiment réclamant a dirigé sa route vers un lieu différent de celui où le fait s'est accompli, toute réclamation de sa part aux bénéfices de la prise est mal fondée. Cependant la divergence dans la route suivie n'est pas toujours un motif suffisant pour invalider une demande de partage; car deux vaisseaux peuvent très-bien ne pas parcourir la même ligne pour atteindre le but commun qu'ils ont l'un et l'autre en vue; il y a même des circonstances où ils obtiennent de meilleurs résultats en naviguant séparément ou suivant des directions contraires. Toutefois lorsque le bâtiment réclamant a changé de route avant que la capture ait été opérée et a ainsi prouvé qu'il renonçait à tout dessein de continuer la chasse, sa réclamation ne saurait être admise, pas plus que lorsqu'il s'agit d'une simple reconnaissance sans intention manifeste de s'emparer du navire surveillé. Il est également difficile de supposer l'existence de l'animus capiendi lorsqu'on n'a fait qu'apercevoir la prise du haut des mâts. Dans toutes les espèces de ce genre la preuve doit être fournie par la partie qui réclame une participation aux bénéfices de la prise. Or il ne suffit pas que le bâtiment qui prétend avoir concouru à la capture prouve qu'il était en vue de celui qui l'a définitivement opérée; il faut encore qu'il ait été vu par le navire capturé. Ce double fait se constate d'abord directement par les dépositions des témoins, ensuite implicitement par une déduction corrélative et incontestable. On entend par être en vue le fait d'être aperçu à la fois par le capteur et par le capturé, de sorte que la présence du tiers puisse être considérée comme une cause d'intimidation ou de dé couragement pour le navire poursuivi et d'appui moral pour le poursuivant. Cette dernière condition n'est même pas indispensable, s'il est constaté qu'après que le prétendant au bénéfice de la capture a été aperçu des deux parties en présence, les obscurités de la nuit l'ont seules empêché de conserver la même posi

tion et qu'il a continué de marcher dans la direction qu'il suivait lorsqu'il s'est approché de la prise *.

$2903. Les services rendus antérieurement ou postérieurement.

Services antérieurs et

à l'amarinage d'une prise ne donnent aucun droit aux bénéfices postérieurs à l'amarinage. qui en proviennent.

En 1800 un bâtiment de guerre anglais avait été expédié pour Cas porter des renforts à Lord William Bentinck à Livourne. En pas- pratiques. sant près des côtes d'Italie il entendit le feu d'une attaque combinée des troupes sous le commandement de ce général et de la flotte anglaise contre la ville de Gênes. Au lieu de continuer de marcher vers Livourne, il gouverna dans la direction de la canonnade et arriva en vue de Gênes au moment où la place capitulait; mais comme, d'une part, il ignorait complètement quel était lé but de l'attaque, et comme, d'autre part, les belligérants ne savaient même pas qu'il se trouvât en vue, il ne fut point admis au partage des prises opérées dans le port à la suite de la reddition de la place. On agit de même à l'égard d'un autre vaisseau de guerre, expédié pour renforcer l'escadre anglaise opérant contre Buenos Aires, lequel arriva au lieu de sa destination après la capitulation **.

§ 2904. Les navires convoyeurs peuvent être admis aux bénéfices des prises, pourvu qu'ils soient munis de l'autorisation nécessaire et que la capture n'ait pas lieu à une distance telle qu'elle les empêcherait de remplir le devoir spécial qui leur est imposé, celui de protéger le convoi confié à leur garde. En abandonnant le convoi pour chasser une prise, ils perdent tous les droits attachés à leur caractère militaire ***.

Navires

convoyeurs.

Réunion de bâtiments

entreprise.

$ 2905. Lorsque plusieurs navires sont réunis pour opérer sur un même point ou pour mener à fin la même entreprise, et lors- en une même qu'ils sont sous les ordres d'un seul et même chef, l'usage a prévalu d'accorder à tous un droit égal de participation aux bénéfices des prises, quand bien même ils ne se seraient pas trouvés en vue au moment de la capture. On suppose en effet que, comme ils sont tous placés sous le commandement du même chef supé

.

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Phillimore, Com., v. III, §§ 389 et seq.; Twiss, War, § 184; Halleck, ch. 30, §§ 7, 8; Wildman, v. II, pp. 327, 342 et seq.; Dalloz, Répertoire, v. Prises marit., sect. 8, art. 3, § 2.

Phillimore, Com., v. III, § 392; Wildman, v. II, p. 338; Halleck, ch. 30, § 10; Dodson, Reports, v. I, p. 38; v. II, p. 88.

...

Wildman, v. II, pp. 344, 345; Phillimore, Com., v. III, § 395; Halleck, ch. 30,

Cas survenu

pendant

Texel.

rieur, ils ne forment qu'un seul corps, et que partant ils ont tous droit de profiter de ce que l'un ou plusieurs d'entre eux ont pu capturer. Dans ces circonstances l'unique point à résoudre est de savoir si effectivement tous les bâtiments en question faisaient partie de l'escadre au moment de la prise. Par exemple, pour les navires employés au blocus de ports ou de côtes le service de croisière est considéré comme collectif et solidaire, et tous les bâtiments qui font partie de l'escadre ont droit au partage de toutes les prises faites, bien que quelques-uns d'entre eux n'y aient pas coopéré.

Ainsi lors du blocus du Texel en 1790 plusieurs des navires le blocus du de l'escadre chargée de cette opération firent isolément une capture sans que les autres navires fussent en vue. La cour d'amirauté décida néanmoins que l'escadre tout entière devait participer au produit de la prise. Cette participation est du reste admise même dans le cas où une partie de l'escadre aurait été matériellement empêchée de prêter son concours.

Capture du
Guillaume
Tell.

Circonstances qui déter

participation

Pendant qu'une escadre anglaise bloquait le port de la Valette dans l'île de Malte, un navire français, le Guillaume Tell, chercha vainement à s'échapper et tomba au pouvoir de la partie de l'escadre chargée de lui donner la chasse. Les juges décidèrent également dans cette circonstance que le produit de la prise devait être partagé entre tous les navires employés au blocus, quoique plusieurs eussent été mis par les vents contraires dans l'impossibilité physique d'appuyer la poursuite *.

§ 2906. Il ne faut pas croire cependant que le fait de la réuminent la non nion suffise pour conférer un droit absolu de partage à tous les aux bénéfices. navires qui composent le groupe; il est encore nécessaire que ces navires soient revêtus d'un caractère militaire et en état de rendre des services de guerre. Par exemple, si un navire faisant partie d'une escadre chargée de maintenir un blocus se trouve désemparé ou avarié au point d'être hors d'état de rendre aucun service au moment de la capture, il est considéré comme exclu du partage, au même titre que le serait tout autre bâtiment resté étranger au fait de la capture. La même règle est appliquée aux bâtiments de transport, qui en raison de leur destina

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Wildman, v. II, p. 329 et seq.; Phillimore, Com., v. III, § 398; Halleck, ch. 30, § 11; Dalloz, Répertoire, v. Prises marit., sect. 8, art. 3, § 2, no 336; Robinson, Adm. reports, v. III, § 311; Edwards, Reports, pp. 6, 124.

tion particulière ne peuvent intervenir dans des actes de cette nature *.

$2907. Si au moment d'une capture opérée par une escadre un ou plusieurs des bâtiments qui en font partie viennent à se séparer des autres de manière à ne pouvoir concourir à l'opération commune, on considère ces bâtiments comme ayant cessé de faire partie de l'escadre et ne devant plus par suite jouir des avantages qui échoient aux autres. Par contre, le gros de l'escadre ne peut réclamer le partage des prises faites par ces bâtiments qui s'en sont détachés. Il en est de même de deux navires faisant route de conserve et qui viennent à se séparer soit pour cause de mauvais temps, soit afin de continuer chacun de son côté la chasse d'un ennemi les prises faites par chacun d'eux restent intégralement acquises à celui qui les a opérées et ne sont point partagées avec le gros de la flotte ou de l'escadre dont il fait partie, à moins que celle-ci n'y ait apporté un concours direct. La même chose arrive lorsqu'un navire, temporairement détaché d'une armée navale, rejoint le corps de bataille avant qu'un résultat définitif ait été obtenu. Enfin, lorsque deux navires poursuivent ensemble un navire ennemi et que l'un d'eux reçoit l'ordre de donner la chasse à un autre adversaire, tous les deux sont considérés comme ayant participé à la capture des navires poursuivis, quel que soit celui qui ait amariné la prise **.

$ 2908. Certaines opérations militaires faites en commun par des forces navales et des forces de terre conduisent parfois à la capture de navires ou de marchandises ennemis; lorsque les réglements sur les armées en campagne n'établissent pas à ce sujet des prescriptions différentes, on applique dans ce cas les principes généraux que nous venons de résumer. Seulement, pour qu'il y ait lieu à partage égal du produit des prises, il ne suffit pas, comme pour la marine, que les deux forces soient employées d'une manière générale à la poursuite du même but hostile; il faut encore que les troupes de terre aient directement et effectivement concouru à l'acte même de la capture; leur présence passive sur le lieu de l'engagement ou dans le voisinage de l'action ne leur ouvre aucun droit au butin.

Phillimore, Com., v. III, § 398; Twiss, War, § 184; Halleck, ch. 30, § 12; Wildman, v. II, pp. 335 et seq.

Wildman, v. II, pp. 332 et seq.; Halleck, ch. 30, § 14; Phillimore, Com., v. III, § 398.

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