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Précédents historiques.

$ 2909. Le conseil d'État de France, dans un avis motivé du 4 août 1809, a tracé le mode de procéder relativement aux prises de France du faites en commun par des forces de terre et de mer. Voici dans

Avis du

conseil d'État

4 août 1809.

quels termes il s'exprime :

« Considérant que bien qu'une batterie de terre qui tire sur un bâtiment ennemi ne remplisse à la rigueur que son devoir, cette réflexion n'a point été appliquée aux navires de l'État et qu'il y a de suffisants motifs pour assimiler les uns aux autres et pour accorder aux militaires qui desservent les batteries une prise qui n'eût point eu lieu sans leur fait; qu'en cas de concurrence avec des vaisseaux de l'État ou des bâtiments armés en course, le même principe doit conduire à établir le partage entre les uns et les autres eu égard au nombre des canons et des hommes et dans les les proportions de leurs grades, de la manière qui est observée entre plusieurs vaisseaux capteurs;

« Le conseil est d'avis que les garnisons des forts et des batteries de la côte, qui par l'effet seul de leur artillerie font échouer un bâtiment ennemi ou l'obligent à amener son pavillon, ont droit à la prise, de la même manière qu'un bâtiment de l'État qui eût opéré la dite prise, et sous la même déduction envers la caisse des invalides de la marine;

«Que lorsque les batteries auront contribué à la prise de vaisseaux ennemis concurremment avec un ou plusieurs vaisseaux de la marine impériale ou des bâtiments armés en course, les garnisons au service des dites batteries doivent concourir au partage de la prise avec les vaisseaux ou bâtiments co-capteurs en raison du nombre respectif des canons et des hommes et en proportion des grades, de la manière qui est prescrite par les lois et les réglements généraux pour les prises qui auraient été faites concurremment par plusieurs bâtiments de l'État ou armés en course, et toujours sous la déduction du droit envers la caisse des invalides de la marine;

«Que lorsque le fait de la coopération contestée par quelquesunes des parties intéressées, notamment lorsqu'il s'agit de savoir si un détachement ou partie d'un détachement de troupes de terre a contribué à la prise, c'est au conseil des prises à y statuer, d'après la nature des armes employées par le détachément, la distance à laquelle il se trouvait de l'ennemi, et d'après toutes les autres circonstances de la capture, et à régler quels sont ceux qui ont droit à la prise ;

«

Que les mêmes dispositions dans les mêmes circonstances. s'appliquent aux préposés des douanes qui ont fait une prise ou y

ont concouru. »

Quant à ces derniers, il est bon de faire remarquer qu'antérieurement à la décision que nous venons de transcrire, on considé rait qu'ils n'avaient pas qualité pour faire des prises sur l'ennemi, et que les prises par eux faites devaient être adjugées à l'État comme les prises faites par des citoyens non porteurs de lettres de marque.

Navarrais.

$ 2910. Le nommé Lebrasse, maître canonnier de la frégate la Capture du Gazelle, en station aux Antilles, fut chargé avec quatre hommes de l'équipage de faire à terre le service d'une batterie de côte. Le négrier le Navarrais, qui faisait la traite, fut capturé par cette batterie. Le ministre de la marine ordonna que le produit de la prise fût partagé entre tout l'équipage de la Gazelle. Sa décision était fondée sur l'art. 16 de l'arrêt du conseil du 30 août 1784, qui dit A l'égard des navires qui ont été pris en fraude par les vaisseaux et bâtiments garde- côtes, la totalité du dit produit (des confiscatious) appartiendra aux commandants, aux états-majors et aux équipages preneurs, à la seule déduction des frais de justice, du dixième de l'amiral et de six deniers par livre au profit des invalides de la marine. »

Lebrasse attaqua cette décision; il soutenait que la prise devait être distribuée seulement aux cinq hommes de la batterie qui formaient un poste à part, qu'il commandait ce poste et qu'il n'avait pas de supérieurs alors; qu'il ne pouvait être considéré au moment de la prise comme faisant partie de l'équipage de la Gazelle. Mais cette réclamation fut repoussée le 23 octobre 1855 par le conseil d'État, qui décida que le sieur Lebrasse, en s'emparant du bâtiment négrier à l'aide d'un détachement de cinq hommes dont le commandement lui avait été confié, n'avait agi ni pu agir en son nom privé et pour son propre compte; que le service et la garde d'une batterie de garde ne le rendaient pas indépendant du navire d'où il avait été détaché; que dès lors la prise devait être partagée entre tous les hommes de l'équipage de la Gazelle et non pas seulement entre ceux qui faisaient le service de la batterie*. »

Pistoye et Duverdy, t. II, pp. 432 et seq.; Phillimore, Com., v. III, § 399; Wildman, v. II, pp. 338, 339; Halleck, ch. 30, § 15; Dalloz, Répertoire, v. Prises marit., sect. 8, art. 3, § 2.

Garde- côtes
munis
de lettres

de marque.

Prises faites en commun

barcations.

$2911. On accorde quelquefois des lettres de marque aux bâtiments légers chargés de garder les côtes dans l'intérêt de la pêche ou du service des douanes, afin qu'ils puissent croiser en de hors des limites ordinaires de leur circonscription et courir sus aux navires marchands ennemis. Ces bâtiments battent flamme et sont bien la propriété de l'État; mais ce ne sont pas à proprement parler des navires faisant partie de la flotte militaire; partant ils ne sont pas comme ceux-ci obligés de chasser partout les navires ennemis. Par la même raison ils ne sont pas admis non plus au bénéfice de la présomption de l'animus capiendi. D'après ces diverses considérations les cours d'amirauté anglaises leur appliquent relativement aux captures faites en commun la jurisprudence consacrée pour les corsaires*.

S 2912. Les prises opérées conjointement par des embarcations avec des em- armées se partagent avec les navires dont les embarcations sont détachées, celles-ci constituant une partie intégrante des bâtiments qui les ont équipées. Mais lorsqu'une de ces embarcations a agi séparément du navire auquel elle appartient pour se mettre à la disposition d'un autre bâtiment, ce dernier entre en partage des droits résultant de prises que l'embarcation peut avoir faites*. S 2913. Les prises faites par des transports sont soumises aux des navires de mêmes règles. L'escadre à laquelle ces navires de transport appartiennent participe au produit de leurs prises, quelle que soit la distance à laquelle se trouve la flotte au moment où la capture a eu lieu; mais il faut pour cela que le caractère des navires et leur situation respective soient établis par des preuves suffisamment précises ***.

Prises effectuées par

transport.

Droits des

alliés dans

S 2914. Les navires alliés ont droit au partage des prises. Sous cette matière. ce rapport on ne distingue point si le produit des prises faites en commun est adjugé aux gouvernements ou attribué aux officiers et aux équipages des navires capteurs.

Lorsque le gouvernement d'un des capteurs alliés décide qu'il y a lieu de restituer la prise et que le gouvernement de l'autre est d'un avis contraire, les juges se bornent à fixer la part qui

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Halleck, ch. 30, § 18; Twiss, War,'§ 184; Wildman, v. II, p. 351; Phillimore, Com., v. III, § 395.

Phillimore, Com., v. III, § 396; Twiss, War, § 184; Halleck, ch. 30, § 19; Wildman, v. II, p. 349.

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Phillimore, Com., v. III, § 396; Wildman, v. II, pp. 334, 335; Twiss, War, § 184; Halleck, ch. 30, § 20.

revient aux deux groupes de capteurs, en laissant chacun libre de disposer de son lot. Une capture faite en commun par plusieurs alliés soulève naturellement la question de savoir quel est le tribunal compétent pour prononcer sur la validité des prises. C'est pour aller au devant de toute difficulté à cet égard que lors de la guerre d'Orient, par convention spéciale du 20 mai 1854, la dant la guerre France et l'Angleterre établirent les règles suivantes :

«1° Si la capture a été faite par des bâtiments des deux nations agissant en commun, le produit net de la prise, déduction faite des dépenses nécessaires, sera divisé en autant de parts qu'il y aura d'hommes embarqués sur les bâtiments capteurs, sans tenir compte des grades; les parts revenant aux hommes embarqués sur les bâtiments de la nation alliée seront payées et délivrées à la personne dûment autorisée par le gouvernement allié à les recevoir; la répartition des sommes revenant aux navires respectifs sera faite par les soins de chaque gouvernement, suivant les lois et les réglements du pays.

«2° Si la prise a été faite par des croiseurs de l'une des deux nations alliées en présence et en vue d'un croiseur de l'autre, le partage, le paiement et la répartition du produit net de la prise, déduction faite des dépenses nécessaires, auront lieu également de la manière indiquée ci-dessus.

<< 5° Si la prise faite par un croiseur de l'un des deux pays a été jugée par les tribunaux de l'autre, le produit net de la prise, déduction faite des dépenses nécessaires, sera remis de la même manière au gouvernement du capteur pour être distribué conformément à ses lois et réglements*. »

$2915. Les corsaires, n'étant pas obligés, comme les bâtiments de guerre, d'attaquer l'ennemi partout où ils le rencontrent, ne jouissent pas de l'ensemble des droits et des avantages acquis aux navires de la marine militaire, c'est-à-dire qu'on ne leur applique pas la présomption de l'animus capiendi: leur intention de procéder ou de coopérer à une capture doit être démontrée par des actes précis, ou établie par des preuves non équivoques. C'est généralement en vue d'avantages personnels qu'ils se munissent de lettres de marque; on ne saurait donc équitablement les mettre

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· Pistoye et Duverdy, t. II, p. 447; Phillimore, Com., v. III, §§ 400, 401; Twiss, War, § 185; Halleck, ch. 30, § 16; Merlin, Répertoire, v. Prises marit.; Dalloz, Répertoire, v. Prises marit., sect. 8, art. 3, § 2, no 341; Ortolan, Régles. t. II, app., pec; Dana, Elem. by Wheaton, note 185.

Pratique adoptée pen

d'Orient.

Situation spéciale des corsaires.

Prises faites en commun

saires et des

sur le même pied que ceux qui agissent en vertu de l'engagement solennel que leur mandat leur impose; aussi refuse-t-on aux corsaires toute participation aux prises pour le fait seul de s'être trouvés en vue lorsque les captures ont été opérées. On comprend en effet que procéder différemment donnerait lieu à de nombreux abus, un corsaire pouvant, par exemple, être tenté de suivre à distance une escadre ou une division navale pour profiter sans danger et sans peine du butin fait sur l'ennemi*.

§ 2916. Dans le cas de prises opérées par un corsaire conjoinpar des cor- tement avec un bâtiment de guerre, les droits de ce dernier ne bâtiments de priment pas ceux qui appartiennent en propre au corsaire, et il y a lieu à concert entre eux pour la surveillance des intérêts respectifs et la sauvegarde des droits des tiers.

guerre.

Législation française.

Réglement du 27 janvier 1706.

Quand, la poursuite ayant eu lieu en commun, le corsaire se trouve le premier à portée de canon et ouvre son feu, tandis que le navire de guerre s'empare réellement de la prise, on les considère tous deux comme l'ayant faite en commun, et le bénéfice en est partagé entre eux par portions égales. Dans le cas où un des capteurs a eu à supporter des dépenses pour la conservation des intérêts communs, le remboursement s'en effectue sur la totalité de la prise, et le restant net donne seul lieu à la répartition réglementaire **.

$ 2917. Le réglement du 27 janvier 1706 et le décret du 9 septembre 1806 sont les dispositions qui régissent en France le partage ou la répartition des prises faites par les corsaires, soit en commun, soit avec les bâtiments de l'État, soit avec le concours d'un ou de plusieurs navires étrangers ou appartenant à une nation alliée.

Le réglement de 1706 porte:

« ART. 1. Aucun ne pourra être admis au partage d'un vaisseau pris sur l'ennemi, s'il n'a contribué à l'arrêter ou contracté société avec celui qui s'en est rendu maître.

« ART. 2. Celui qui prétend partager un vaisseau ne sera point censé avoir contribué à l'arrêter, s'il n'a combattu, ou s'il n'a fait tel effort qu'en intimidant l'ennemi par sa présence et en lui coupant le chemin et l'empêchant de s'échapper il l'ait obligé à se

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Phillimore, Com., v. III, §§ 387, 388; Wildman, v. II, pp. 341, 342; Twiss, War, § 184; Halleck, ch. 30, § 17; Bynkershoek, Quæst., lib. 1, cap. 18.

** Pistoye et Duverdy, t. II, tit. 9, ch. 2; Dalloz, Répertoire, v. Prises marit., sect. 8, art. 3, § 2, no 310; Wildman, v. II, p. 345; Halleck, ch. 30, § 23.

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