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335 rendre, sans qu'il lui suffise d'avoir été en vue et d'avoir donné la chasse, lorsqu'il sera prouvé que cette chasse aura été inutile.

ART. 3. Les armateurs qui établiront leur demande en partage sur une convention de partager les prises faites tant en présence qu'en absence, ne pourront justifier cette convention que par acte qui en contiendra les conditions et signé des capitaines ou de leurs écrivains en leur présence, s'ils ne savent signer, ce dont il sera fait mention dans l'acte; défendant Sa Majesté d'avoir aucun égard aux sociétés verbales, qu'elle déclare nulles et de nul effet.

« ART. 4. Les armateurs qui donneront la chasse à un vaisseau ennemi et qui en apercevront plusieurs autres pourront néanmoins, en se séparant pour les poursuivre, convenir par des signaux de s'admettre réciproquement au partage des différentes prises qu'ils feront.

« ART. 5. Lorsque plusieurs corsaires, sans être unis par aucune société, auront donné en même temps dans une flotte, ils partageront entre eux, à proportion du calibre de leurs canons et de la force de leur équipage, le produit de tous les bâtiments qui en auront été pris, de même que s'ils avaient fait société, ayant tous également contribué à la prise.

« ART. 6. Les prisonniers trouvés sur les vaisseaux ennemis şeront exactement interrogés par les officiers des amirautés, tant sur le nombre des vaisseaux qui leur ont donné la chasse et qui' ont contribué à les arrêter que sur les signaux qu'ils auront aperçus. « ART. 7. Ces mêmes officiers interrogeront aussi les équipages des armateurs, s'ils en sont requis, sur la vérité des signaux. » § 2918. Comme complément de ce réglement l'empereur Napo- Décret du léon Ier promulgua le 9 septembre 1806 un décret, qui fixe la valeur relative des armes et détermine par rapport aux hommes d'équipage la part revenant à chaque corsaire dans les captures opérées en commun. En voici les principales dispositions :

« ART. 1. Lorsque deux ou plusieurs corsaires, sans être unis par aucune société, auront fait concurremment une prise, son produit sera partagé en proportion du calibre des canons, caronades et obus montés sur affûts, en batterie et prêts à tirer, dont chaque corsaire sera armé, et du nombre d'hommes composant l'équipage de chacun d'eux.

« ART. 2. Les caronades dont chaque corsaire se trouvera armé seront évaluées ainsi qu'il suit : une caronade de 12 livres de

9 septembre

1806.

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balles sera considérée comme un canon de 6; une caronade de 24 comme un canon de 12, et ainsi de suite.

« ART. 3. Trois pierriers d'une livre de balles chacun seront évalués comme un canon de 3.

« ART. 4. Le surplus du réglement du 27 janvier 1706 continuera à avoir sa pleine et entière exécution. »><

S 2919. Nous allons maintenant examiner comment le conseil des prises et le conseil d'État ont interprété les prescriptions qui précèdent dans quelques-uns des cas déférés à leur juridiction.

Le navire la Brillante, qui naviguait sous pavillon autrichien, avait été capturé par plusieurs corsaires; un d'entre eux, l'Adolphe, prétendit avoir concouru à la prise. Cette allégation fut contredite par les dépositions de l'équipage capturé, qui établissaient que l'Adolphe, quoique en vue, se trouvait tellement éloigné du lieu du combat qu'aucun de ses boulets n'aurait pu porter. A ce témoignage l'Adolphe opposait les déclarations des vigies de la côte espagnole, en face de laquelle le combat s'était livré.

Voici quelles furent les conclusions des commissaires du gou

vernement :

« Le corsaire l'Adolphe réclame dans le partage de la prise de la Brillante, navire impérial et par conséquent ennemi. Les corsaires français la Marguerite, l'Espérance et le Furet lui contestent cette part. Le réglement du 27 janvier 1706 concernant le partage des prises est la seule loi à consulter dans cette affaire. Le rapporteur a mis sous vos yeux les déclarations des capturés, les certificats de vigie, qui se trouvaient à la suite de l'information prise à Algesiras, enfin tous les moyens que les parties ont fait valoir pour l'intérêt de leur cause. Vous y avez puisé les faits qui doivent servir de base à la décision que vous allez rendre. Je ne me permettrai que de courtes observations.

« Je ferai remarquer d'abord que les déclarations ne doivent ni ne peuvent prévaloir sur le témoignage assermenté de l'équipage capturé, alors surtout que l'on considère l'énorme distance du lieu de la capture à celui où étaient placées les vigies. Le témoignage des vigies est non seulement incertain, mais discordant; car la première affirme que les quatre alliés et le François-Xavier firent route ensemble pour la première relâche, tandis que la deuxième vigie déclare qu'après quelques coups de canon le corsaire espagnol prit route à l'inverse du navire capturé. Le témoignage de

l'équipage est au contraire uniforme; celui du capitaine capturé, le plus favorable à l'Adolphe, puisqu'il dit que ce navire fut le premier à faire feu, déclare que ses boulets ne l'atteignaient pas, et qu'il s'est rendu uniquement aux trois corsaires, puisque les autres ne pouvaient en aucune manière l'avoir pris et que, quoique l'Adolphe voulût aller à bord, il ne le put malgré toute la diligence qu'il faisait pour cela, et son équipage riait de voir ce qu'il faisait et de la poudre qu'il employait en vain pendant le temps que dura le combat.

« L'Adolphe s'était principalement basé sur cette déposition pour fonder son droit au partage; il allègue de plus des conventions verbales entre les corsaires du détroit. Il est certain, malgré les dispositions du réglement, que si ce traité verbal existait, les trois corsaires manqueraient à la bonne foi en cherchant à s'y soustraire; mais, outre que ces traités sont prohibés par le réglement, ils ne sont point convenus par les trois corsaires, et dès lors l'application de la loi doit se faire naturellement aux faits connus. Or il est de fait qu'il n'y avait point de traités par signaux. Rien ne prouve qu'il y en a eu de verbaux un seul témoin dit que l'Adolphe a fait feu le premier sur la Brillante; mais tous s'accordent à dire que son boulet n'arrivait qu'à moitié, qu'il ne pouvait pas même donner la chasse par suite du calme qui régnait. Ses efforts ont donc été impuissants, puisqu'ils ont été inutiles à la capture, suivant l'expression de la loi.

« On ne peut donc pas dire qu'il ait combattu, parce que le combat est une action réciproque; ni qu'il ait contribué à arrêter la Brillante, puisque le calme ne lui permettait pas seulement de lui donner la chasse. L'Adolphe ne peut conséquemment point prétendre au partage du navire, d'après les propres termes de la loi.

<< Par ces considérations, je conclus à ce que le navire la Brillante, déclaré constamment ennemi, soit adjugé aux trois corsaires la Marguerite, le Furet et l'Espérance, et à ce que les fins de l'Adolphe tendantes à partage soient rejetées. »>

C'est dans ce sens que le tribunal prononça son jugement, duquel il résulte subsidiairement que « le corsaire qui, quoique présent sur le lieu du combat, n'y a pas pris part utilement, parce que ses boulets ne portaient pas, ne peut prétendre au partage de la prise.» Cette opinion est corroborée par un arrêt du conseil d'État du 20 mars 1810, qui a décidé que lorsque plusieurs corsaires réclament une prise, elle ne doit être adjugée qu'à ceux

L'Aurora.

qui ont pris part au combat, ou qui par leurs manœuvres ont déterminé la prise à amener son pavillon.

$ 2920. Le navire suédois l'Aurora fut chassé et capturé le 8 décembre 1808; la prise, amarinée vers midi et demi, fut conduite vers trois heures et demie dans le port de Boulogne par les trois corsaires le Genie, la Fortune et la Princesse de Bologne. Les trois capitaines firent respectivement leurs rapports, et demandèrent, dans des proportions bien différentes, le partage du navire capturé. Le Génie prétendait que la totalité de la prise devait lui appartenir, parce qu'il s'en était emparé seul. La Fortune demandait moitié de la prise, parce qu'elle avait coopéré à la capture du navire. Enfin la Princesse de Bologne demandait que la capture fût partagée en trois portions égales, parce qu'elle avait aussi chassé le navire suédois, et que par sa présence et ses manoeuvres elle avait intimidé le capitaine capturé et par suite coopéré à la prise.

Voici le jugement qui fut rendu sur cette affaire par le conseil des prises le 2 mai 1809:

« Au moyen de ce qu'il résulte qu'il n'existait aucune espèce de société entre les corsaires le Génie, la Fortune et la Princesse de Bologne lorsqu'il fut donné chasse au navire ennemi l'Aurora, que même le corsaire le Génie, l'ayant le premier semoncé, l'a seul amariné au moins une demi-heure avant que le corsaire la Fortune l'eût abordé; que, d'autre part, il est établi par les témoignages des vigies et l'instruction que le corsaire la Fortune était à une très-petite distance du corsaire le Génie quand le navire capturé a amené son pavillon d'où l'on peut conclure que c'est la présence de l'un et de l'autre corsaire qui a empêché le capitaine de songer à s'enfuir ou à se défendre, quoiqu'il fût armé et eût un équipage nombreux; que le capitaine du corsaire le Génie, premier capteur, pour favoriser son système d'exclusion, se trouve en contradiction flagrante avec les vigies et les rapports de ses deux concurrents et les déclarations mêmes des capturés sur l'heure où la chasse avait commencé, sur le moment de l'amarinage et sur l'intervalle qui s'était écoulé entre ce moment et celui auquel le corsaire la Fortune avait mis du monde à bord de la prise; qu'on ne peut se défendre d'un violent soupçon d'intelligence entre le capitaine du corsaire le Génie et le capitaine de l'Aurora, lorsqu'on voit que celui-ci, sur la demande s'il y avait plusieurs corsaires en vue au moment de la prise, a répondu évasivement

qu'il n'en existait pas à sa connaissance, et que d'ailleurs le feu du corsaire le Génie l'empêchait d'y faire attention, tandis que c'était en plein jour qu'il avait été chassé par les trois corsaires, et qu'il demeurait avéré qu'il n'était pas éloigné de plus d'une demi-lieue, et que ce soupçon était confirmé par le contenu d'une lettre du capitaine de l'Aurora au capitaine ou armateur du corsaire le Génie, de laquelle il résultait assez clairement qu'il avait été fait des promesses pécuniaires au capitaine suédois avant son interrogatoire, sans doute pour qu'il se déclarat, comme il l'avait fait, en faveur du corsaire le Génie, et que si ces promesses ne se réalisaient pas, il pourrait changer de langage; qu'il faut conclure de cette lettre que s'il fût resté étranger à toute espèce de suggestion, le capitaine capturé et son équipage seraient convenus tous à la fois de la présence du corsaire la Fortune et de la part qu'a eue ce corsaire dans sa reddition, et qu'au surplus, dans le doute sur le véritable motif qui avait engagé le capturé à dissimuler la vérité, l'interprétation devait tourner contre le corsaire le Génie, qui avait eu recours à des moyens illicites, à des suppositions intéressées pour tâcher de s'approprier à lui seul la prise; que quoique la Princesse de Bologne fût en vue et que ce corsaire eût chassé aussi bien que les autres deux corsaires, la grande distance à laquelle il était de la prise, l'espace de temps qu'il a mis à l'aborder ne permettent pas de croire qu'il ait pu contribuer en rien à déterminer le capitaine suédois à se rendre, lorsqu'il était poursuivi de plus près par deux autres corsaires. Par ces motifs, sans s'arrêter à la demande en partage de l'armateur du corsaire la Princesse de Bologne, le conseil adjuge le navire suédois l'Aurora au profit des armateurs et des équipages des corsaires le Génie et la Fortune, pour le produit net de la dite prise être réparti entre les armateurs et les équipages des dits corsaires dans la proportion fixée par les réglements. >>

Les uns et les autres ayant refusé de se conformer à ce jugement, on en appela au conseil d'État, qui confirma la décision du conseil des prises.

$2921. Dans un autre appel interjeté sur une décision du conseil des prises à l'occasion de la capture du navire anglais le Chard, le conseil d'État rendit l'arrêt suivant (1er mai 1816):

« Vu la requête à nous présentée au nom des armateurs et des équipages des corsaires le Marsouin, la Dorade, la Félicité, les Deux Fanny et l'Actif, tendant à l'annulation d'une décision du

Le Chard.

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