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conseil des prises du 14 septembre 1814, en conséquence à ce qu'il soit ordonné que la prise anglaise le Chard sera partagée entre eux et les corsaires le Théophile et le Lucifer; vu la décision susdite du conseil des prises du 14 septembre 1814, laquelle, entre autres dispositions, déclare bonne et valable la prise faite le 30 janvier 1814 par les corsaires français le Théophile et le Lucifer du navire anglais le Chard, et qui, sans avoir égard aux réclamations à fin de partage élevées par les corsaires la Dorade, l'Actif, le Marsouin, les Deux Fanny et la péniche la Félicité, dont ils sont déboutés, adjuge aux seuls corsaires le Théophile et le Lucifer le produit de la vente du dit navire le Chard et de sa cargaison, sauf prélèvement, en faveur des armateurs et de l'équipage du corsaire le Marsouin, de l'indemnité due au dit corsaire pour la remorque qu'il a donnée à la prise;

« Considérant, sur la compétence, que le droit de juger de la validité des prises comprend celui de déterminer quel est le capteur;

« Considérant, sur le fond, qu'attendu l'état de détresse où se trouvait le navire le Chard et l'impossibilité où il était d'opposer aucune résistance, la capture ne pouvait consister que dans la simple occupation de cette prise et dans sa conduite dans les ports de France;

« Que les corsaires le Théophile et le Lucifer, qui sont d'accord sur le partage de la dite prise, l'ont seuls amarinée et amenée à Dinan; que le corsaire la Dorade, qui s'est approché de la prise même avant le Lucifer, mais qui ne l'a pas occupée, n'a pas influé utilement par sa seule présence sur la capture du bâtiment, qui ne voulait ni ne pouvait résister; que les corsaires l'Actif, le Marsouin, les Deux Fanny et la péniche la Félicité, qui étaient plus éloignés que la Dorade, sont encore moins fondés à prétendre qu'ils ont coopéré utilement à la capture; qu'aux termes du réglement du 27 janvier 1706, aucun ne peut être admis au partage des prises, s'il n'a contribué à les arrêter;

« La requête des armateurs, des capitaines et des équipages des corsaires le Marsouin, la Dorade, les Deux Fanny et la Félicité, et celle de l'armateur du corsaire l'Actif sont rejetées.

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De cet arrêt i ressort que « lorsqu'un navire qui ne pouvait offrir aucune résistance est amariné par un croiseur en présence de plusieurs autres croiseurs, la prise doit être adjugée à celui qui l'a le premier occupée.

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La décision du conseil des prises (29 messidor an ix) règle le partage de la prise dans le cas où elle a été faite concurremment par deux corsaires dont l'un est étranger, et alors même que celuici ne réclame pas le partage ou est resté inconnu.

§ 2922. Le navire anglais la Vertu fut capturé le 7 floréal an ix sur les côtes d'Afrique, non loin du cap des Moulins. Cette capture donna lieu à un litige devant la cour des prises. Le commissaire du gouvernement présenta ses conclusions:

« Il résulte du procès-verbal dressé par le corsaire français le Brutus, ainsi que de l'interrogatoire subi par le capitaine anglais, qu'un chebeck espagnol, dont le nom est d'ailleurs ignoré, contribua par ses manoeuvres et par le feu de ses canons à la reddition de la Vertu, avec tant d'évidence que la prise fut amarinée sous le commandement commun d'un officier français et d'un officier espagnol. A la vérité le capteur espagnol ne paraît avoir cherché par aucune démarche postérieure à faire valoir ses droits au partage de la prise; mais, d'un autre côté, le capteur français ne les conteste point, et le silence de ces deux corsaires est comme un hommage rendu à la justice du conseil, sur lequel ils se reposent entièrement;

« Le chebeck espagnol a combattu, et l'on ne peut douter que ses efforts et sa présence n'aient intimidé l'ennemi, surtout lorsqu'on considère que le premier il avait osé diriger sa marche contre le brick capturé, manoeuvre qui suppose du moins en lui le sentiment de la supériorité de ses forces;

<< Par ces considérations je conclus à ce que le conseil, en prononçant la validité de la prise, ordonne que le produit en sera partagé entre le corsaire français et le chebeck'espagnol. »

Le conseil se prononça dans le sens des conclusions du commissaire du gouvernement.

Mais quand deux corsaires, sans avoir formé de société, donnent la chasse à plusieurs bâtiments, l'un d'eux qui a fait une prise ne doit pas être obligé de la partager avec l'autre, si ce dernier n'a pas contribué à cette prise c'est ainsi qu'a jugé le conseil des prises le 23 germinal an Ix.

§ 2923. Le navire espagnol armé en course l'Espérance et le corsaire français la Jeune Abeille rencontrèrent en même temps quatre navires, dont trois étaient anglais et un américain. Les corsaires qui n'avaient fait aucune société entre eux poursuivirent ces navires en se dirigeant principalement contre l'Aigle et l'Anne.

La Vertu.

Le navire l'Anne.

Le Vaillant.

L Entreprise

Ce dernier navire anglais fut enfin capturé par le corsaire français sans le concours de l'espagnol. Par décision du 23 prairial an ix le conseil des prises adjugea la prise à la Jeune Abeille. Le corsaire espagnol, qui n'avait pas été partie à cette décision, saisit le conseil de la question de savoir s'il ne devait pas être admis au partage de la prise de l'Anne; il s'appuyait sur l'art. 5 du réglement du 27 janvier 1700, qui porte que lorsque plusieurs corsaires, sans être unis par aucune société, auront donné en même temps dans une flotte ennemie, ils partageront le produit de tous les bâtiments qui auront été pris. Le conseil rendit la décision suivante :

« Le conseil, au moyen de ce qu'il résulte principalement des pièces que le corsaire espagnol l'Espérance n'a en aucune manière contribué à la prise de l'Anne'; que l'on ne peut regarder comme une flotte quatre petits navires, marchant à de grandes distances les uns des autres, dont trois étaient anglais et le quatrième américain; qu'ainsi ce n'est point de la part du corsaire l'Espérance avoir donné dans une flotte ennemie que de s'être avancé pour se saisir des papiers du navire l'Aigle, au moment où le corsaire français la Jeune Abeille le fit mettre en travers et envoya son canot pour l'amariner : ce qui ne le forçait pas d'abandonner cette prise pour courir sur le navire l'Anne, déclare les armateurs et l'équipage du corsaire espagnol l'Espérance mal fondés dans leur demande en partage de la prise du navire anglais l'Annë, adjugé aux armateurs et à l'équipage de la Jeune Abeille par décision du 23 prairial an Ix, laquelle continuera d'être exécutée selon sa forme et teneur. »>

§ 2924. Le conseil des prises se prononça dans le même sens (17 ventôse an ix) à propos de la contestation élevée entre les Corsaires la Favorite et les Bouches du Rhône afin de partage du navire anglais le Vaillant, dont le caractère ennemi était constant et dont la prise était par conséquent valide. La prise fut adjugée à la Favorite comme ayant seule opéré la capture.

$ 2925. Une autre décision du même tribunal en date du 13 nivôse an Ix résout une question très-importante. C'est l'assimilation du signal fait, lors de la rencontre de l'ennemi, à un autre corsaire, qui y répond, à la formation avec ce dernier d'un contrat de société impliquant partage de la prise; mais le partage ne doit pas avoir lieu, si le corsaire invité à prendre part au combat sè borne à rester spectateur de la lutte. Les corsaires français l'Es

pérance et l'Adolphe et le corsaire espagnol Saint FrançoisXavier avaient rencontré le navire anglais l'Entreprise, qui fut capturé en définitive par l'Espérance; l'Adolphe n'en réclama pas moins sa part de prise. Le conseil des prises repoussa cette réclamation pour ces motifs : « Vu les pièces, desquelles il résulte principalement d'abord que la validité de la capture du navire l'Entreprise par le corsaire français l'Espérance n'offre pas le moindre doute, puisqu'elle a été faite sous pavillon anglais et que le capitaine et les hommes de l'équipage, tous Anglais ou Portugais, ne s'étant rendus qu'après combat, ont déclaré le navire et le chargement propriété anglaise. Ensuite, sur la question de savoir si la dite prise anglaise appartiendra en entier au corsaire français l'Espérance et s'il doit la partager avec l'autre corsaire français l'Adolphe et le corsaire espagnol Saint François-Xavier; qu'à l'égard du corsaire français l'Adolphe il y eut primitivement une espèce de convention formée par le signal que donna l'Espérance à l'Adolphe, qui en y répondant à la distance d'une demi-lieue contractait l'obligation de concourir de tous ses moyens à l'attaque et à la défaite de l'ennemi commun; mais que, loin d'avoir rempli cette obligation, il est démontré, tant par le procès-verbal de capture des parties que par leurs aveux mutuels, et indépendamment des dépositions divergentes et contradictoires des témoins:

« 1° Que le corsaire l'Adolphe n'appareilla et ne mit à la voile. que quelque temps après le signal qui lui fut donné par l'Espé

rance;

«2° Que sa marche fut lente et tardive, et qu'arrivé au fort du combat qui s'était engagé vivement entre l'Anglais et l'Espérance, au lieu de faire usage de sa grosse artillerie, il ne tira pas alors un seul coup de canon et laissa froidement le corsaire l'Espérance exposé aux forces supérieures de l'ennemi, qui l'avait déjà désemparé et serait parvenu à le couler bas, si le capitaine français et son intrépide équipage n'eussent trouvé tout à la fois leur salut et la victoire en abordant seuls, le sabre à la main, le navire anglais, qui se rendit aussitôt ;

3° Que le prétexte allégué que l'Espérance étant placée entre le navire ennemi et l'Adolphe, celui-ci ne pouvait se servir de ses canons sans s'exposer à tirer sur le propre équipage de l'Espérance, est réellement dérisoire et ne saurait en imposer un moment aux marins les moins exercés, puisqu'en admettant que telle fût la position des trois navires, une simple manœuvre, en

faisant convenablement usage de son gouvernail et de ses voiles, donnait à l'Adolphe la facilité de pointer toute son artillerie contre l'Anglais, et que s'il ne l'a fait, c'est qu'apparemment il a craint d'essuyer toute la bordée de l'ennemi et qu'il a voulu seulement prendre part à la prise, s'il y avait lieu, sans courir personnellement aucun danger;

« 4° Que l'Adolphe paraît ne s'être décidé à tirer un coup de canon qu'au moment où le navire anglais s'est rendu après avoir été abordé par l'Espérance, et que ce n'est pas ce coup de canon qui détermina la reddition, puisqu'il est incertain que le navire en ait été atteint, et que le capitaine, le pilote et plusieurs hommes de l'équipage capturé ont déclaré de la manière la plus précise n'avoir amené leur pavillon qu'au seul corsaire l'Espérance, sans avoir égard à aucun autre;

«< 5° Que les vigies des tours et les particuliers se trouvant à terre qui ont déposé dans le sens le plus favorable à l'Adolphe, outre que la grande distance où ils étaient du champ de bataille ne leur permettait pas de bien juger toutes les circonstances, n'ont pourtant point attesté que le corsaire Adolphe eût secondé le corsaire l'Espérance lors de l'attaque ni pendant la durée du combat, que l'Espérance soutint seul contre l'Entreprise;

<< 6° Qu'en se conduisant de cette manière le corsaire Adolphe a méconnu ses devoirs et abandonné ses compatriotes aux hasards d'une lutte dans laquelle, quoique inégaux en nombre et en forces, ils ont triomphé uniquement par leur courage et l'intelligence de leurs manœuvres; qu'ainsi l'Adolphe a volontairement renoncé à la gloire qu'il avait été appelé à recueillir par le premier signal du corsaire l'Espérance; que quant au navire espagnol le Saint François-Xavier, il n'a fait ni reçu aucun signal, s'est contenté de demeurer spectateur tranquille du combat à une distance bien hors de portée, n'a pas tiré un seul coup de canon, quoiqu'il en eût deux de 24, et que, n'ayant pris aucune part active à la capture ni ne l'ayant déterminée, il ne peut raisonnablement prétendre à la partager; que d'après ces diverses considérations on ne peut refuser au capitaine du corsaire l'Espérance et à son brave équipage un juste tribut d'éloges pour le courage qu'ils ont eu, avec un frêle bâtiment armé seulement de six canons de 12 et de 6, d'aller droit à un navire ennemi fort de seize canons de 8 et de trente-cinq hommes d'équipage, de l'attaquer sans hésiter, de le combattre corps à corps, de l'aborder et de s'en emparer sans

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