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l'assistance du corsaire qu'ils avaient d'abord appelé à eux; qu'en accordant la moindre part du butin à ceux qui se sont montrés étrangers au combat, ce serait arracher au vainqueur, honoré du suffrage unanime des vaincus, le prix de son intrépidité, et qu'une telle action d'éclat qui rappelle les hauts faits de nos plus célèbres marins, l'honneur du nom français, et rivalise avec l'héroïsme journalier des républicains sur le continent, est bien propre à exciter autant la reconnaissance de la patrie que la sollicitude du gouvernement :

« Rejette la demande en partage du corsaire l'Adolphe.

S 2926. L'exemple suivant peut servir de règle quant au partage d'une prise faite par un corsaire avec le concours de bâtiments de l'État.

Pendant les guerres du premier Empire, un bâtiment anglais se trouvant en vue du Hâvre, le corsaire le Duc de Dantzick, qui n'avait pas encore rempli toutes les formalités réglementaires exigées pour commencer une croisière, demanda au commissaire de marine l'autorisation de sortir du port pour courir sus à l'ennemi. La demande fut accueillie, mais à charge d'opérer de concert avec trois navires de l'État mouillés dans les bassins. Le corsaire, ayant mis à la voile le premier, parvint à capturer le navire dont il s'agit et à l'amariner avant d'avoir été rejoint par les équipages de la marine militaire. Comme il prétendait avoir seul droit à la prise et se refusait à tout partage, l'affaire fut portée devant le conseil des prises, qui le 2 novembre 1808 rendit la décision suivante :

<< Considérant qu'il résulte de l'instruction que le navire anglais William Henry, aperçu le matin du 15 février à deux lieues du Havre, presque entièrement démâté et n'ayant d'autre perspective que le naufrage, fut d'abord atteint et amariné à une lieue de terre, vers une heure après midi, par le corsaire le Duc de Dantzick seul, sorti pour s'en emparer; que tout au plus trois quarts d'heure après le capitaine de prises, quoiqu'il n'en ait rien dit dans sa présente déclaration, laissa, en présence du corsaire, sans aucune opposition ou protestation quelconque, le lougre le Chasseur, un des trois bâtiments sortis dans la même vue que le Duc de Dantzick, mettre sur la prise une partie de son équipage; que bientôt le cutter le Mars en envoya sur son canot, toujours sans réclamation, pour aider la manoeuvre; qu'enfin l'aviso l'Estelle escorta la prise, qui fut remorquée et introduite dans le port à

Capture du William Henry.

onze heures du soir par les trois bâtiments de l'État à l'aide d'autres embarcations; que, suivant le rapport du 16 février, dont l'authenticité est attestée par le commissaire principal de marine, le chef militaire et des mouvements du port s'étant avec raison refusé à la sortie du corsaire parce qu'il n'avait pas rempli les formalités nécessaires, lui et les consignataires du corsaire allèrent trouver le commissaire principal de marine faisant fonetions de préfet, qui permit au Duc de Dantzick de se mettre en mer sous la condition expresse que les secours à porter au bâtiment désemparé (le William Henry) le seraient concurremment avec les bâtiments de l'État, et que si le bâtiment était ennemi, la même concurrence aurait lieu pour la capture; que cette condition, à laquelle les consignataires avaient bien voulu souscrire, n'était autre chose que la réquisition de concours indiqué par l'article 23 de l'arrêté du 9 ventôse an ix, laquelle, aux termes de l'article 7 du réglement du 7 fructidor an vin, est dans les attributions des préfets maritimes, et qu'à raison de l'urgence et de la précipitation avec laquelle il fallait agir on a pu se dispenser de rédiger par écrit ; mais que l'armateur du dit corsaire et ses consignataires au Havre, le capitaine et l'équipage ont constamment et formellement articulé, tant dans la défense que dans les déclarations réitérées, que la permission de sortie avait été accordée sans aucune espèce de condition, et que, suivant eux, on n'aurait pas eu le droit d'en accorder; qu'au milieu de l'incertitude que peuvent produire des faits si diamétralement opposés, foi est due aux témoignages des deux fonctionnaires publics investis de la confiance du souverain, dont l'intervention avait été nécessaire pour l'objet qu'il s'agit d'éclaircir, et l'un desquels (le commissaire principal de marine), interpellé au nom de S. E. le ministre de la marine et des colonies, a de nouveau certifié sur son honneur l'existence de la condition, en ajoutant qu'elle avait été accceptée avec reconnaissance par les représentants du corsaire : Ordonne que le produit net de la prise du navire anglais le William Henry et de sa cargaison sera partagé entre les armateurs et l'équipage du corsaire le Duc de Dantzick et les bâtiments de l'État le Chasseur, le Mars et l'Estelle dans la proportion fixée par les réglements *. »

Pistoye et Duverdy, t. II, tit. 9, ch. 2, sect. 4; Dalloz, Répertoire, v. Prises marit., sect. 8, art. 3.

§ 2927. En l'absence de réglements fixant le mode de partage des prises opérées en commun, la répartition se fait par les voies judiciaires. La règle habituelle des tribunaux est dans ce cas de prendre pour base la force relative des navires capteurs, déterminée d'après le chiffre de l'équipage du bâtiment qui a amariné la prise et le nombre des hommes placés à bord des navires qui ont coopéré à la capture. Cette même règle s'applique aux prises faites en commun par un bâtiment de l'État et un navire privé, national ou allié, qu'il soit ou non muni de lettres de marque *.

Phillimore, Com., v. III, § 402; Twiss, War, § 185; Halleck, ch. 30, § 25; Bynkershoek, Quæst., lib. 1, cap. 18; Pistoye et Duverdy, t. II, p. 447; Dalloz, Répertoire, v. Prises marit., sect. 8, art. 3; Gallison, Reports, v. II, p. 2.

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QUATRIÈME PARTIE

FIN DE LA GUERRE

LIVRE PREMIER

DES TRAITES DE PAIX

§ 2928. Le but suprême de la guerre est la paix, c'est-à-dire le rétablissement du calme et de la tranquillité, en d'autres termes, des rapports d'amitié et de bonne harmonie entre les nations que les hostilités avaient désunies.

Il y a trois moyens principaux de réaliser la paix: 1o la cessation de fait des hostilités de la part des belligérants et la reprise entre eux des relations qui existaient avant la guerre; 2° la soumission absolue de l'un des États belligérants à l'autre par suite de conquête et d'absorption; 3° la conclusion d'un traité général et formel de paix*.

Moyens d'obtenir la paix.

hostilités.

$ 2929. L'usage consacré veut que les belligérants, quand ils Cessation des entendent mettre fin à la guerre, fassent une déclaration expresse pour constater la cessation des hostilités ou stipulent à cet effet des arrangements ad hoc. Toutefois, comme il n'existe à cet égard aucune obligation impérative, ils peuvent par une espèce de con

* Grotius, Le droit, liv. 3, ch. 25, § 2; Vattel, Le droit, liv. 3, § 38; liv. 4, §§ 6 et seq.; Wolf, Jus gent., cap. 8; Rayneval, Inst., liv. 3, ch. 21, § 1; Heffter, § 176; Phillimore, Com., v. III, §§ 509, 510; Bluntschli, §§ 700 et seq.; Kent, Com., v. 1, p. 168; Morin, Les lois, t. II, pp. 536 et seq.; Halleck, ch. 34, § 1; Martens, Précis, § 270; Riquelme, lib. 1, tit. 1, cap. 13; Hall, Inst. law, pte III, ch. 9, § 197.

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