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la guerre ou étrangers à la cause de la guerre. Dans tous les cas les peines prononcées par les conseils de guerre ne sont pas supprimées par la conclusion de la paix.

Comme nous l'avons déjà dit, la clause d'amnistie est sousentendue dans certains traités, et formulée en termes exprès dans d'autres.

Ainsi l'acte final du congrès de Vienne en date du 9 juin 1815 (1), après avoir partagé le duché de Varsovie entre la Russie et la Prusse et livré à cette dernière une partie des possessions du roi de Saxe, stipule par rapport aux Polonais, article XI: « Il y aura amnistie pleine, générale et particulière en faveur de tous les individus de quelque rang, sexe ou condition qu'ils puissent être. »>< Article XII: « Par suite de l'article précédent, personne ne pourra à l'avenir être recherché ou inquiété en aucune manière pour cause quelconque de participation directe ou indirecte, à quelque époque que ce soit, aux événements politiques, civils ou militaires en Pologne. Tous les procès, poursuites ou recherches seront regardés comme non avenus; les séquestres ou les confiscations provisoires seront levés, et il ne sera donné suite à aucun acte provenant d'une cause semblable. » Article XIII: « Sont exceptés de ces dispositions générales à l'égard des confiscations tous les cas où les édits et les sentences prononcés en dernier ressort auraient déjà reçu leur entière exécution et n'auraient pas été annulés par des événements subséquents. » En ce qui concerne les Saxons l'article XXII porte: « Aucun individu domicilié dans les provinces. qui se trouvent sous la domination de S. M. le roi de Saxe ne pourra, non plus qu'aucun individu domicilié dans celles qui passent par le présent traité sous la domination de S. M. le roi de Prusse, être frappé dans sa personne, dans ses biens, rentes, pensions et revenus de tout genre, dans son rang et ses dignités, ni poursuivi ni recherché en aucune façon quelconque, pour aucune part qu'il ait pu, politiquement ou militairement, prendre aux événements qui ont eu lieu depuis le commencement de la guerre terminée par la paix conclue à Paris le 50 mai 1814 (2). Cet article s'étend également à ceux qui, sans être domiciliés dans

(1) De Clercq, t. II, p. 567; Russie, t. I, p. 165; Martens, Nouv. recueil, t. II, p. 379.

(2) De Clercq, t II, p. 414; Neuman, t. II, p. 462; Savoie, t. IV, p. 1; Russie, t. I, p. 3; Martens, Nour, recueil, t. II, p 1; State papers, v. I, p. 151; Bulletin des lois, 1814, no 16; Angeberg, Congrès, p. 161.

Mise

en liberté des

prisonniers.

l'une ou dans l'autre partie de la Saxe, y auraient des biensfonds, rentes, pensions ou revenus de quelque nature qu'ils

soient. »

Nous trouvons une disposition analogue dans le traité de Prague intervenu entre la Prusse et l'Autriche le 25 août 1866 (1), par lequel la première de ces puissances s'incorpore définitivement les duchés détachés du Danemark à la suite de la guerre de 1864; l'article X porte: « Aucun habitant des duchés de Holstein et de Sleswig et aucun sujet de Leurs Majestés l'empereur d'Autriche et le roi de Prusse ne seront poursuivis, inquiétés ou repris dans leur personne et leurs biens pour leur conduite politique pendant les derniers événements et pendant la guerre. »

Enfin, dans le traité signé à Francfort sur le Mein le 10 mai 1871 (2), qui enlève l'Alsace et la Lorraine à la France, il est dit à l'article II: « Aucun habitant des territoires cédés ne pourra être poursuivi, inquiété ou recherché dans sa personne ou dans ses biens à raison de ses actes politiques ou militaires pendant la guerre » *.

$ 2956. Une des conséquences nécessaires et logiques de l'amnistie, c'est que dès que la paix est signée les prisonniers doivent être remis en liberté (3). Cette libération est de droit; seulement, comme il pourrait y avoir des inconvénients et même des dangers à relâcher les prisonniers, surtout lorsqu'ils sont en grand nombre, sans les astreindre à une certaine discipline, il est d'usage de les reconduire dans leur pays sous la surveillance des autorités militaires. Quant au remboursement des frais occasionnés par l'entretien des prisonniers durant leur captivité et par leur transport jusqu'à la frontière, il peut faire l'objet d'arrangements particuliers entre les États contractants; mais, que ce remboursement soit exigé ou non, la discussion de cette question ne saurait entraver le rapatriement des prisonniers.

(1) Archives dipl., 1866, t. III, p. 197; Moniteur, 1866, p 1084.

(2) De Clercq, t. X.

Vattel, Le droit, liv. 4, §§ 20 et seq.; Grotius, Le droit, liv. 3, ch 20, § 15; Wheaton, Élėm., pte. 4, ch. 4, § 3; Kent, Com., v I, p. 171; Heffter, § 180, Bluntschl., §§ 710 et seq.; Martens, Précis, § 333; Klüber, Droit, § 324; Halleck, ch. 34, § 9; Pando, p. 582; Bello, pte. 2, cap. 9, § 6; Riquelme, lib. 1, tit. 1, cap. 13; Oipteda, Lit., § 327; Kamptz, Neue lit., § 329; Moser, Versuch, t. X, pte 2, ch. 2, p. 522; Steck, De amnestia, n° 13; Pinheiro Ferreira, Vatte, note sur le § 20; Funck Brentano et Sorel, p. 316.

(3) Voir § 1857.

§ 2957. Dans sa dernière guerre avec la France la Prusse a mis certaine restriction à la libération des prisonniers : elle a retenu en captivité, malgré la signature de la paix, ceux qui pour infraction à la discipline que leur imposait l'autorité du lieu où ils étaient prisonniers avaient été condamnés à l'emprisonnement par la juridiction militaire locale. L'Allemagne, à ce qu'il parait, considère ces infractions comme équivalentes à des délits communs, et tous les prisonniers français condamnés ont été retenus jusqu'à ce que l'empereur d'Allemagne ait daigné leur faire grâce; encore ne l'a-t-il fait qu'à condition que la plupart achèveraient le terme de leur détention dans les prisons de leur pays. La France n'a pas, que nous sachions, usé de réciprocité sur ce point; aucune réserve n'a été mise au rapatriement des prisonniers allemands. Quant à nous, les hostilités ayant cessé et les prisonniers devant être par conséquent réintégrés dans leur état d'avant la guerre, il nous semble juste et logique que les infractions disciplinaires soient réputées non avenues, quand même il y aurait déjà condamnation; car ces infractions sont en quelque sorte le résultat de l'état de captivité, et les conséquences doivent n'en plus subsister du moment que cesse cet état.

Guerre franco

allemande en 1870-1871.

Dans le traité de paix du 31 mai 1871 (1) la rentrée des prisonniers en France est entourée de garanties exceptionnelles ; l'article 10 dit en effet : « Le gouvernement allemand continuera à faire rentrer les prisonniers de guerre, en s'entendant avec le gouvernement français. Le gouvernement français renverra dans leurs foyers ceux de ses prisonniers qui sont libérables. Quant à ceux qui n'ont point achevé leur temps de service, ils se retireront derrière la Loire... Vingt mille prisonniers seront dirigés sans délai sur Lyon, à condition qu'ils seront expédiés immédiatement en Algérie, après leur organisation, pour être employés dans cette colonie »*. $ 2958. Le traité de paix n'invalide pas les engagements con- Portée du tractés antérieurement à l'état de guerre, notamment ceux qui aux concernent les territoires occupés par chacun des bélligérants ou gations; à eux restitués, pourvu que ces engagements aient établi des rapports permanents et réels inhérents à ces territoires, les choses restituées à chacune des parties étant censées reprendre leur ancien caractère légal.

(1) De Clercq, t. X.

Heffter, § 181; Bluntschli, § 716; Morin, Les lois, t. II, pp. 549, 550.

traité quant

contrats

et aux obli

Quant aux territoires et

cupés.

Il n'altère pas non plus les créances définitives ayant pour objet des prestations déterminées, constatées par des titres non contestés et exigibles déjà avant l'ouverture des hostilités; car la guerre n'est pas une cause destructive des dettes.

Les droits privés des sujets et des souverains belligérants, ainsi que ceux de leurs familles, ne subissent aucun changement, à moins de dispositions particulières.

§ 2959. En résumé on peut établir que la paix, quand le traité aux lieux oc- ne contient pas de stipulation contraire, ou bien ne change pas la situation dans laquelle les choses se trouvent au moment de la conclusion, ou les rétablit dans l'état d'avant la guerre. Dans le premier cas, s'il n'en est pas fait mention, les pays et les places occupés ou conquis restent au pouvoir de la partie qui les occupe, par l'application de la règle uti possidetis ou ut res maneant quo sunt loco, c'est-à-dire que les choses doivent rester dans l'état où elles sont au moment de la paix; alors chacun conserve la souveraineté du territoire qu'i occupe. Mais en règle générale, à moins de dispositions expresses, les choses doivent être rétablies telles qu'elles existaient au moment où elles sont tombées aux mains de l'ennemi.

Selon Bello, « la clause qui replace les choses dans l'état antérieur à la guerre, in statu quo ante bellum, a rapport uniquement aux propriétés territoriales et se borne aux changements que la guerre a produits dans leur possession naturelle; la base de la possession actuelle, uti possidetis, se rapporte, au contraire, à l'époque indiquée dans le traité de paix ou, à défaut, à la date même du traité. »

Lorsque le traité de paix stipule la restitution du territoire. occupé pendant la guerre, le territoire doit être rendu dans l'état où il se trouvait lors de la conclusion de la paix. Toutefois les changements causés par la guerre ne peuvent faire l'objet de réclamations; mais toute détérioration ultérieure est interdite. L'occupant n'est pas tenu non plus à la restitution des fruits qu'il a perçus; il a en outre la faculté d'enlever les choses à lui appartenant, de détruire ou d'emporter les ouvrages qu'il a construits à ses frais pendant l'occupation, et de rétablir les lieux comme ils étaient avant le commencement des travaux. Le traité peut cependant stipuler des arrangements particuliers à cet égard.

Les publicistes ont à ce sujet adopté l'opinion de Vattel, qui dit que « en restituant une chose on doit rendre en même

temps tous les droits qui y étaient attachés lorsqu'elle a été prise; mais il ne faut pas comprendre sous cette règle les changements qui peuvent avoir été une suite naturelle, un effet de la guerre même et de ses opérations*.

$ 2960. En ce qui concerne les prises maritimes, on conçoit que les navires, avec leurs chargements, dont la capture a été jugée légitime par les tribunaux compétents des pays belligérants avant la paix, ne soient pas rendus ou ne donnent lieu à aucune indemnité; mais il est d'usage de restituer ceux dont la condamnation n'a pas encore été prononcée au moment de la conclusion de la paix, ou d'en payer la valeur.

Nous trouvons une disposition en ce sens dans le traité de Francfort du 10 mai 1871 (1), dont l'article XIII est ainsi conçu : <«<Les bâtiments allemands qui étaient condamnés par les conseils de prises avant le 2 mars 1871 seront considérés comme condamnés définitivement. Ceux qui n'auraient pas été condamnés à la date sus-indiquée seront rendus avec la cargaison en tant qu'elle existe encore. Si la restitution des bâtiments et de la cargaison n'est plus possible, leur valeur, fixée d'après le prix de la vente, sera rendue à leurs propriétaires **. »

§ 2961. Les conventions dont la mise en pratique avait été suspendue pendant la guerre rentrent en vigueur de plein droit à la conclusion de la paix, à moins qu'elles n'aient été modifiées par le traité de paix ou qu'elles ne se rapportent à des choses que la guerre a anéanties ou matériellement modifiées.

Si le traité de paix modifie les traités antérieurs ou en consacre expressément le renouvellement, ce sont les dispositions du traité de paix qui doivent faire loi dorénavant; mais s'il n'est fait aucune mention particulière à cet égard, les traités antérieurs doivent nécessairement continuer de sortir leur plein et entier effet. Pour qu'ils fussent abrogés définitivement il faudrait qu'ils n'eussent pas été seulement suspendus, mais invalidés, annulés de fait par

'Vattel, Le droit, liv. 4, §§ 30, 31; Grotius, Le droit, liv. 3, ch. 20, §§ 16, 18; Kent, Com., v. I, pp. 171, 172; Heffter, §§ 180, 181; Bello, pte. 2, cap. 9, § 6; Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 4, §§ 3, 4, 6; Halleck, ch. 34, §§ 12, 19; Bluntschli, § 719; Pando, p. 582.

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(1) De Clercq, t. X.

Bluntschli, §§ 709, 861, 862; Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 4, § 4; Phillimore, Com., v. III, §§ 518, 519; Kent, Com., v. I, p. 171; Massé, t. I, §§ 370 et seq.; Pando, pp. 582 et seq; Bello, pte. 2, cap. 5, § 3; cap. 9, § 3; Riquelme, lib. 1, tit. 1, cap. 13; Villefort, Traités, t. I, p. 71.

Prises

maritimes.

Remise en vigueur des

traités antéguerre.

rieurs à la

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