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l'existence de la paix; car « les délais ne sont convenus par les puissances contractantes que pour fixer un terme après lequel aucune prise ne saurait être faite et déclarée valable et pour prévenir de cette sorte les plaintes et les réclamations, mais nullement. pour décider à l'avance la légalité des prises faites injustement et en connaissance parfaite de l'état de paix avant l'expiration des délais fixés. »

Voici en effet quelle était la position respective du bâtiment. capteur et du bâtiment capturé par rapport à la connaissance de la signature des préliminaires de paix entre la France et l'Angleterre le 1 octobre 1801:

La Petite Renommée, chaloupe armée de deux pierriers, partie le 25 novembre 1801 du port de la Liberté de la Guadeloupe pour se rendre à la Terre Ferme, s'était emparée dans la nuit du 30 du même mois du navire anglais la Nymphe, parti de Corté en Irlande le 17 octobre, sept jours après la publication officielle de l'échange fait le 10 du même mois des ratifications du traité de paix, et mouillé à la Basse Terre de Saint Christophe, où il devait se croire à l'abri de toute hostilité, puisque la nouvelle officielle de la paix avait été publiée depuis longtemps à Saint Christophe et dans toutes les Antilles.

De son côté la Petite Renommée avait quitté le port de la Liberté près de deux mois après la conclusion de la paix, qu'il était censé d'autant moins ignorer alors que plusieurs jours avant son départ la nouvelle en avait été apportée à la Guadeloupe par une frégate anglaise et par un parlementaire du gouverneur de la Dominique, auquel le gouverneur militaire de la Guadeloupe avait répondu le 15 novembre que « par ce double message les deux villes principales de la colonie avaient été instruites à la même. heure d'une nouvelle si importante. » Malgré l'existence de cette lettre, le 20 novembre, c'est-à-dire cinq jours après la date, une commission en course avait été délivrée à la Petite Renommée, qui avait quitté le port de la Liberté huit jours après l'aveu fait par l'autorité dominant à la Guadeloupe de la connaissance de la paix.

Devant le tribunal appelé à prononcer sur la légalité de la prise, le capteur prétendit qu'on ne pouvait reconnaitre pour information officielle de la paix conclue que celle donnée par le gouvernement même du pays, qu'autrement on serait exposé à devenir victime de la confiance qu'on aurait eue dans une fausse nouvelle venue

Etendue

de la force obligatoire des traités de paix.

de l'ennemi; or dans l'espèce la nouvelle émanait uniquement d'autorités anglaises. Le tribunal n'admit pas cette défense, considérant qu'une fausse nouvelle de paix donnée officiellement par des commandants militaires d'une nation avec laquelle on se trouvait en guerre serait sans doute un acte de perfidie sans précédent et qu'il n'y avait pas lieu d'invoquer dans le cas dont il s'agissait. La prise fut donc déclarée nulle, illégale et contraire au droit des gens.

§ 2968. Les traités de paix sont également valables, qu'ils se concluent avec les autorités qui ont déclaré la guerre ou avec un autre gouvernement de facto nouvellement établi. Il est de principe en effet que les nations n'ont ni à s'immiscer dans les affaires intérieures d'aucune autre, ni à se préoccuper des titres du parti qui possède l'autorité souveraine. Elles ne doivent tenir compte que du fait de la possession de cette autorité et des pouvoirs dont ceux qui la possèdent sont investis par la forme de gouvernement existant ou par les lois fondamentales en vigueur au moment de la négociation du traité. Lors donc qu'un traité de paix a été régulièrement conclu par les personnes compétentes, il est obligatoire pour la nation entière, et partant pour tous les gouvernements qui se succèdent au pouvoir; en d'autres termes les puissances contractantes et leurs sujets sont tenus d'en exécuter fidèlement les stipulations.

Il va sans dire que quand ces traités renferment des clauses, telles que des engagements financiers ou des cessions de territoire, qui pour être réalisées ont besoin de la sanction préalable du pouvoir législatif, ces clauses sont assimilées à une obligation conditionnelle et ne sont pas exécutoires de plein droit; néanmoins, la foi publique se trouvant engagée, on peut affirmer qu'à moins de considérations d'un ordre majeur le refus de sanction de la part de la législature équivaut à un outrage international.

Quelquefois encore certaines clauses des traités de paix rendent nécessaires des arrangements ultérieurs ou complémentaires; les parties s'entendent à cet effet par des conventions additionnelles.

Vattel, Le droit, liv. 4, § 24; Grotius, Le droit, liv. 3, ch. 20, § 20; Heffter, § 183; Phillimore, Com., v. III, §§ 518-521; Wheaton, Élém., pte. 4, ch. 4, § 5; Kent, Com., v. I, pp. 172, 173; Bluntschli, § 709; Wildman, v. I, pp. 158 et seq.; Halleck, ch. 34, §§ 15, 16; Bello, pte. 2, cap. 9, § 6; Pando, p. 583; Riquelme, lib. 1, tit 1, cap. 13; Pistoye et Duverdy, t. I, p. 141; Azuni, Système, t. II, p. 227; Robinson, Adm. reports, v. I, p. 121; de Cussy, liv. II, ch. 19, §§ 2, 3.

spéciales, ou bien elles nomment des commissions chargées d'aviser et de veiller au mode d'exécution. Ainsi le traité principal intervenu entre l'Allemagne et la France le 10 mai 1871 (1) a été suivi de plusieurs conventions de ce genre, au nombre desquelles nous citerons celle qui a été signée à Francfort le 11 décembre 1871 (2) et qui a trait notamment à la compétence judiciaire, aux mines, aux routes, aux canaux, aux forêts, aux propriétés domaniales, départementales et communales, aux chemins de fer dans les territoires cédés *.

$ 2969. Quand il existe des alliances entre un des belligérants et d'autres nations, il est évident que ces dernières doivent être comprises dans le traité de paix conclu par le premier c'est ce qui a eu lieu à Nimègue en 1678 et en 1679 (5), à Ryswick en 1697 (4), à Utrecht en 1713 (5), à Paris en 1814 (6) et en 1856 (7).

Vattel dit que si un des alliés insiste pour contituer la guerre après que le but de l'alliance a été atteint, les autres alliés ont le droit de traiter seuls et par eux-mêmes. Il est toutefois assez difficile de préciser les circonstances dans lesquelles une semblable éventualité peut se présenter; car on doit avant tout s'en tenir à l'esprit et à la lettre des stipulations convenues (8) **.

$ 2970. Pour que les pactes dont nous nous occupons ici soient valides il faut le concours des trois conditions suivantes :

(1) De Clercq, t. X.

(2) De Clercq, t. X.

Vattel, Le droit, liv. 4, §§ 35, 36; Kent, Com., v. I, pp. 168, 169; Heffter, § 184; Morin, Les lois, t. II, pp. 156 et seq.; Bello, pte. 2, cap. 9, § 6; Pando, p. 582; Riquelme, lib. 1, tit. 1, cap. 13; Halleck, new ed. Baker, ch. 9, § 13.

(3) Dumont, t. VII, pte. 1, pp. 350, 357, 365, 376, 389, 399, 432, 437; Léonard, t. III, IV, V.

(4) Dumont, t. VII, pte. 2. pp. 381, 399, 408, 422.

(5) De Clercq, t. I, p. 1; Calvo, t. II, pp. 109, 115; Savoie, t. II, pp. 281, 325; Castro, t. II, p. 243; Cantillo, p. 87; Dumont, t. VIII, pte. 1, pp. 336, 339, 353, 356, 362, 393, 401; State papers, v. XXXV, p. 815.

(6) De Clercq, t. II, p. 414; Neuman, t. II, p 462; Savoie, t. IV, p. 1; Russie, t. I, p. 3; Martens, Nouv. recueil, t. II, p. 1; State papers, v. I, p. 151; Bulletin des lois, 1814, no 16; Angeberg, Congrès, p. 161.

(7) De Clercq, t. VII, p. 59; Neumann, t. VI. p. 274; Savoie, t. VIII, p. 380; Martens Samwer, t. II, p. 770; Bulletin des lois, 1856, no 381; Ann. des Deux Mondes, 1855-1856, p. 901; Lesur, 1856, app., p. 7.

(8) Voir Alliances, pte. 2, liv. 3.

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Vattel, Le droit, liv. 4, §§ 15, 16; Kent, Com., v. I, pp. 170, 171 ; Wildman, v. I, Ip. 168; Halleck, ch. 34, § 7; Bello, pte. 2, cap. 9, § 6; Pando, p. 581; Riquelme, ib. 1, tit. 1, cap. 13: Schmalz, Europ. Volkerrechts, § 277.

En cas d'alliance.

Vattel.

Conditions

nécessaires pour la validité des traités de paix.

Emploi de la contrainte.

Vattel.

Bluntschli.

Heffter.

Wheaton.

1° Que les parties contractantes soient dûment autorisées à les conclure;

2o Qu'elles y donnent leur plein assentiment;

Et 3° que ce consentement soit libre et spontané.

A ces trois conditions on peut en ajouter deux autres, savoir: que l'entente et l'adhésion aux stipulations soient réciproques, et que l'exécution en soit praticable et facile.

S 2971. L'emploi de la violence ou de l'intimidation dans la conclusion de la paix n'est pas une raison suffisante pour rendre le traité nul. « On ne peut, dit Vattel, se dégager d'un traité de paix en alléguant qu'il a été extorqué par la crainte ou arraché par la force. »

Cependant il est des circonstances exceptionnelles dans lesquelles ce principe est écarté. Ainsi, par exemple, l'auteur que nous venons de citer admet que l'exception de la contrainte puisse être alléguée « contre un pacte qui ne mérite pas le nom de traité de paix, contre une soumission forcée à des conditions qui blessent également la justice et tous les devoirs de l'humanité. »

Bluntschli mentionne en outre le cas où il aurait été fait usage de contrainte ou de violence envers le plénipotentiaire chargé par une des parties belligérantes de négocier la paix; et il conclut que cette coercition entraine la nullité des engagements contractés.

C'est ce qu'admet également Heffter, lorsqu'il dit : « Le traité de paix conclu entre les plénipotentiaires des États belligérants est obligatoire dans toutes les circonstances, quand même il serait imposé par la prépondérance de l'une des deux parties qui contractent et impliquerait une renonciation à des droits incontestables. Il suffit à cet égard qu'il ne soit pas le résultat de violences personnelles pratiquées envers le souverain étranger ou ses repré

sentants. >>>

Wheaton établit une distinction entre le droit civil et le droit conventionnel : « La conservation de la société, dit-il, veut que les engagements contractés par une nation sous l'empire de la force qu'impliquent la destruction de ses forces militaires, la détresse de son peuple et l'occupation de son territoire par l'ennemi, soient tenus pour obligatoires. En effet, s'il n'en était pas ainsi, les guerres ne pourraient se terminer que par la soumission et la ruine totale du parti le plus faible; et l'imperfection des considérations ou l'inégalité des conditions d'un traité entre nations, qui suffiraient pour faire rompre un contrat entre particuliers sous

prétexte d'une grossière illégalité ou d'une lésion énorme, n'entraînent pas une raison suffisante pour refuser l'exécution d'un traité.

Fiore attribue à la nécessité de légitimer les faits accomplis pour terminer la guerre les opinions que nous venons d'exposer et qu'il qualifie d'erreurs, et il ajoute : « Ne voyant aucune limite au droit de la force, les publicistes ont conclu que chaque partie pouvant renoncer à ses droits, lorsqu'elle y a effectivement renoncé et que sa renonciation est acceptée, le traité stipulé oblige aussi la partie qui a sacrifié ses droits incontestables, même quant aux dispositions imposées par la force. Mais ces contradictions. doivent disparaître du droit des gens, et nous espérons que le règne de la force finira par être renversé par l'opinion publique, qui, éclairée par la science, obligera la diplomatie à marcher dans la voie de la rectitude et à ne plus fouler aux pieds les principes de la justice *. »

Fiore.

$ 2972. La non-exécution ou la violation d'une ou de plusieurs Infractions. dispositions du traité constitue une infraction de nature à occasionner de nouvelles complications, à entrainer même la nullité du traité; elle affranchit en tout cas la partie adverse de l'obligation de l'accomplir de son côté, ou lui donne le droit de demander un dédommagement, une réparation et des garanties pour l'avenir. Ainsi en 1798 le congrès des États-Unis décréta la rupture des traités conclus avec la France, en s'appuyant sur ce que cette puissance les avait souvent violés ou rompus et avait refusé de satisfaire à certaines réclamations auxquelles ils servaient de base. « L'infraction au traité de paix, dit Bello, donne à l'offense un caractère de perfidie qui l'aggrave. » Mais il n'y a pas à proprement parler rupture de la paix lorsque les dispositions du traité ne sont pas exécutées et que la guerre ne recommence pas. On peut dire que le traité de paix de Zurich, conclu en 1857 entre la France, l'Autriche et l'Italie, n'a jamais été mis entièrement à exécution; cela n'a pas empêché que les deux premières de ces puissances n'aient cessé depuis d'entretenir les relations les plus

Martens, Précis, §§ 48-52; Vattel, Le droit, liv. 2, § 157; liv. 4, § 37; Bluntschli, §§ 408, 701; Heffter, § 180; Wheaton, Élém., pte. 3, ch. 2, §§ 7, 8; Fiore, t. II, pp. 9, 10; Morin, Les lois, t. II, pp. 556 et seq.; Klüber, Droit, §§ 142, 143, 325; Burlamaqui, pte 3, ch 10, §5; ch. 12, § 2; Wildman. v. I, p. 140; Halleck, ch. 34, § 21; ch. 36, § 3; Dina, Elem. by Wheaton, note 258; Riqueline, lib. 1, tit. 1, cap. 15; Vergé, Précis de Martens, t. I. p. 157; Pinheiro Ferreira, Vattel, notes sur les $$ 37-44; Pradier-Fodéré, Vattel, t. II, pp. 146 et seq.

Bello.

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